24 avril 2008

Epées et mort

Je vais essayer de faire un petit commentaire du cycle, recueil par recueil, nouvelle par nouvelle, autant pour faire marcher ma mémoire que pour l'intérêt, éventuel, du lecteur Leiberophile.
Comme je copie-colle les listes de textes depuis l'excellent site de Bruno Para, le petit bouton vert vous renverra à un résumé des nouvelles et au commentaire de l'ami Bruno.

Et comme je n'ai pas relu le premier recueil, je démarre directement au deuxième, épées et mort.

  • The circle curse / La boucle est bouclée
  • Texte mélancolique, très réussi, où tout est parfaitement résumé. Les héros, Lankhmar, Nehwon, les sorciers Sheelba et Ningauble... L'adaptation de Chaykin et Mignola en est particulièrement belle.

  • The jewels in the forest / Les bijoux dans la forêt
  • pas relu.

  • Thieves' house / La maison des voleurs

  • Une bonne histoire mettant en scène la terrible guilde des voleurs, qui a inspiré tant de rôlistes. On y retrouve toute l'atmosphère de Nehwon, grotesque, macabre, humoristique. (attention, on n'est quand même pas dans la parodie à la Pratchett)

  • The bleak shore / Le rivage désolé

  • Aventure étrange, presque philosophique. A la limite de l'abstrait.

  • The howling tower / La tour qui hurle

  • Partiellement relu, mais j'avais l'adaptation BD très présente à l'esprit...

  • The sunken land / Le pays qui coule
    Fabuleuse aventure onirico-marine, mettant en scène un royaume englouti, une galère silencieuse dans la nuit... Attention aux bijoux trouvés dans le ventre des poissons !

  • Seven black priests / Sept prêtres noirs

  • Encore une curieuse aventure aux limites du rêve, avec ses sept prêtres comme les personnages d'une comptine, le Souricier frigorifié et une ambiance de feu et de glace. Les apparitions des prêtres, un à un, donnent un bon rythme à ce texte.

  • Dark vengeance / Claws from the night / Claws in the night / Des serres dans la nuit

  • Superbe aventure lankhmarienne, toute l'ambiance croulante de la vieille cité s'y retrouve.

  • The price of pain-ease / Le prix de l'oubli

  • Une nouvelle fable, excellente. On notera que toutes les aventures opposant Fafhrd et le Souricier à la Mort jouent sur la dualité entre les deux personnages. Le côté double de ces héros (l'un ne va pas sans l'autre, et pourtant ils forment bien deux personnages distincts) est exploité dans pas mal de textes de Leiber. Ici, leur progression en miroir est tout à fait bien menée.

  • Bazaar of the bizarre / Le bazar du bizarre

  • Une des plus connues des histoires de la série. Pleine de bonnes idées, mais je trouve le discours ironique sur ces démons capitalistes un peu évident et facile. Restent des images fascinantes (le mur de mercure, la fille dans la cage...) qui valent la lecture.

    Un retour à Lankhmar...

    A cause d'un projet de partie de jeu de rôle, et par plaisir aussi, j'ai relu presque tout le cycle des épées, de Fritz Leiber, mettant en scène les inoubliables Fafhrd et le Souricier gris.
    Faut-il relire ce qu'on a aimé adolescent? Les déceptions peuvent être cruelles... Mais ça na pas été le cas avec cette relecture-là, qui m'a procuré une nouvelle fois le même plaisir. Certes, toutes les histoires ne sont pas bonnes. Certes, le style est parfois inégal... Mais le plaisir est là. Plaisir d'une sword & sorcery a visage humain, avec des héros pleins de faiblesses. Plaisir de retrouver un monde onirique, tranquille et brumeux, Nehwon, un de ces endroits où j'aimerais aller faire un tour à l'occasion.
    Je convie les lecteurs ne connaissant pas ces histoires à aller se renseigner ici ou ici.
    Cette relecture, après plusieurs années, m'a permis de me rendre compte d'un certain nombre de détails qui m'avaient échappés les toutes premières fois :
    - les meilleures aventures de F & lSG n'ont souvent aucune logique rationnelle (Quand le roi de la mer est au loin, le quai des étoiles, etc.) mais plutôt une logique onirique. Amis lankhmariens d'adoption, essayez de raconter vos histoires favorites à quelqu'un qui ne les a pas lues, et vous verrez sa tête... Cette logique onirique fonctionne d'ailleurs très bien !
    - Je suis prêt à parier que Fritz Leiber faisait de la voile et de l'escalade. Plusieurs textes (notamment La mer est leur maîtresse) semblent être des vacances imaginaires, l'occasion pour l'auteur d'emmener ses héros et lui-même en voyage. On notera les navires gréés en sloop, par exemples, pas très en phase avec l'univers post-antique de Lankhmar (mais les lampadaires et la police dans les rues sont d'autres échos de modernité dans cette cité étrange)
    - il est très touchant, notamment dans les derniers textes, de se rendre compte que les héros ont vieilli avec l'auteur. J'aime le fait qu'après les avoir fait bourlinguer autour de Lankhmar dans le monde entier, il leur trouve une maison pour leur retraite, l'Ile de Givre. Il leur faut un peu de temps pour s'y adapter, mais eux-mêmes et nous aussi finissons par prendre goût à cet endroit simple et bizarre (une image de l'Islande?)
    Cette relecture a été pour moi un nouveau plaisir, un nouvel émerveillement. Je me suis dit une nouvelle fois que si je voulais écrire de l'heroic fantasy (de nouveau) j'essaierais de faire des textes dans ce genre, textes courts, mélangeant rêve, aventures, épées et jolies femmes, voyages désabusés de héros très humains.
    Merci M. Leiber.

    PS : j'ai relu aussi les excellentes adaptations Chaykin/Mignola. Un peu comme Tardi l'a fait avec Nestor Burma, Mignola a donné à nos héros leurs visages.

    Napoli

    Naples est une cité de rêve. Non pas une de celles où on aimerait forcément habiter, ni une cité d'architecte rêvée par un utopiste, mais une ville dans laquelle j'ai envie de raconter des histoires et d'inventer des personnages.


    Une soeur pour Lankhmar, Ashamoil et l'improble endroit dont j'ai oublié le nom de Jeff Vandermeer. Naples est un peu trop romanesque pour être vraie, avec ses rues toutes serrées, ses gros pavés, ses palazzi aux portes épaisses (rappelons qu'en Italien, palazzo veut simplement dire "immeuble", mais le terme palais n'est pas usurpé pour certaines cour), ses arches, ses monuments antiques, médiévaux, renaissance, 17ème, modernes, incarnés dans le même tissu urbain. Avec la clameur des klaxons, le linge aux fenêtres, les petits métiers, les jolies femmes, les vieux barmen qu'on dirait sortis d'un film de mafia, les saints guérisseurs, les chiens errants, les vierges à chaque coin de rue. Naples est très vieille (fondée par les grecs, plus ou moins...), très belle et très laide à la fois.

    On sent la ville romaine sous les pavés (puisque le tracé de certaines rues est resté inchangé). Des perspectives s'ouvrent vers les collines crénelées du château Saint Elme. On passe des rues populaires des bassi aux quartiers chics du lungomare en quelques pas. Et on peut se perdre dans les couloirs fantastiques du château de l'oeuf, qu'on dirait inventé par Alexandre Dumas : plus dantesque que le château d'if, pour y coincer Monte-Cristo !

    Et puis le Vésuve est là, drapé de nuages, veillant sur la ville pour mieux la détruire quand il le voudra.