16 décembre 2009

A game of thrones, de George R. R. Martin

J'ai joué au fantasy bingo. Oui, bon, j'avoue, j'ai une curiosité mal placée, je voulais savoir comment on fait de la fantasy qui marche, de la fantasy best-seller. J'ai lu a game of thrones (pour l'essentiel) et...
Bob – hopopop, là je t'arrête, tu vas dire des conneries. Je déteste qu'on dise du mal d'un grand auteur.
Moi – Je n'ai encore rien dit.
Bob – Alors tais-toi et écoute. Martin, c'est un tueur. Un grand. Un dieu. 800 pages écrit petit. Une demi-douzaine de PoV Characters : ça veut dire : un récit choral. Plein d'intrigues en parallèle qui avancent super lentement... de quoi tenir sur la longueur ! Un monde complet, avec des royaumes pseudo-anglais, des marchands pseudo-levantins, des hordes pseudo-mongoles (mais rien de réaliste ou de crédible, oh là non, c'est de la fan-ta-zi, coco), des assassinats, du sexe, des intrigues politiques, des contre-intrigues, des contre-contre-intrigues... C'est tellement compliqué qu'il a engagé un assistant pour prendre des notes et surveiller les coups fourrés de ses propres personnages. Et quel créateur ! Quelle invention ! Un quasi moyen-âge complètement calibré, aussi crédible qu'un film arthurien avec Richard Gere (pas comme ton Jaworsky qui inonde ses récits de ses connaissances historiques au point qu'on a l'impression d'assister à un cours...). Du gritty, du sang, du gore, des seigneurs vraiment méchants, du peuple vraiment opprimé. Une religion pas du tout envahissante parce que personne n'y accorde d'importance. Des tournois, des armures, et même des enfants qui meurent (enfin, presque). Il ose tout, Martin.
Moi – Attends, je...
Bob – Ça en impose. Ça attire l'attention. C'est puissant, c'est distrayant, c'est marrant. Tu es fatigué, tu tournes les pages, tu veux en savoir plus. Les héros sont droits et cons, ils se jettent dans les ennuis plus vite les uns que les autres. Tous les autres personnages sont méchants. Et il y a même une mystérieuse menace surnaturelle...
Moi – Moi, je trouvais que l'idée de ce monde où les saisons durent une dizaine d'année est très intéressante...
Bob – Tu vois, c'est un grand, George !
Moi – ... dommage qu'aucun personnage de cet univers ne paraisse s'être interrogé dessus. Et les personnages de la princesse dragon et son frère sont cools...
Bob – C'est le king, Martin !
Moi – mais ce sont bien les seuls...
Bob – Il faut lire Martin. Vous ne savez rien de la fantasy si vous ne l'avez pas lu. Vous ne savez rien de la Big Commercial Fantasy si vous ne l'avez pas lu. Vous ne savez rien de la Big-big-big commercial fantasy si...
(l'auteur, lassé, laisse les commandes de ce post à Bob. Rideau).

P.S : merci à Audrey, qui m'a offert ce livre que je voulais lire depuis longtemps.

02 décembre 2009

Philoctète - Heiner Müller - à Vidy

Voici l'accroche : Philoctète vit à Lemnos, si on peut appeler ça vivre... Abandonné sur l'île par ses compères grecs, Ulysse en tête, avec une blessure au pied purulente et son arc magique. Dix ans passent, la guerre de Troie s'éternise. Pour vaincre, il faut convaincre le vieux Philoctète (et son arc), toujours vivant et puant, de revenir. Ulysse s'y colle, encore lui, accompagné du jeune Néoptolème, fils d'Achille et homme plein de principes. Inutile de dire que le vieux ne va pas être ravi de revoir Ulysse... Ce dernier demande donc au vertueux Néoptolème de ramener Philoctète, par le mensonge, pour que la guerre ne vire pas au désastre...
Reprise par un auteur du XXème siècle d'un mythe antique (et de la pièce de Sophocle, que je ne connais pas), Philoctète commence par une situation impossible (un vertueux contraint de mentir pour sa cause), et enchaîne sur d'autres situations insupportables mettant en scène le trio Ulysse/Néoptolème/Philoctète.


Philoctète, sortant de son trou.

Malgré une mise en scène austèrissime, des costumes moches, et des décors mini-minimaux (tuant presque l'évocation, même pour moi qui aime le simplicité au théâtre), les acteurs, tous trois excellents, portent cette pièce âpre, tendue (et drôle) d'Heiner Müller.
J'ai aussi repensé à Homère, Iliade d'Alessandro Barrico, qui m'avait fait comprendre combien l'Iliade était pleine de situations dramatiques extraordinaires, pouvant elles-mêmes être sources de nombreuses autres histoires... Je me suis aussi demandé pourquoi un salaud, embobineur et menteur comme Ulysse forçait malgré tout mon admiration. Serez-vous aussi séduits par ce curieux bonhomme à tête de hibou ?
Un très bon spectacle, donc, à voir au théâtre de Vidy, à Lausanne, et sans doute ailleurs plus tard, je l'espère.