11 août 2011

L'Affaire de l'esclave Furcy - Mohammed Aïssaoui

Je me suis fait offrir ce livre, lu avec une grande curiosité. Il y est question de Furcy, esclave d'origine Indienne à l'Ile Bourbon (la Réunion) au début du XIXème siècle. L'homme (qui n'a pas de nom de famille, comme tout bon esclave) découvre que son esclavage est indu : sa mère était libre, il est donc né libre. Il intente donc un procès à son propriétaire pour se voir reconnaître officiellement libre. 
Furcy
Mohammed Aïssaoui raconte ce procès, de 1817 à 1843, les pressions des esclavagistes, la volonté opiniâtre d'un homme qui ne veut pas renverser l'esclavage mais juste voir reconnaître ses droits.
Deux choses fascinantes dans ce récit : les extraits de textes d'époque, notamment les petites annonces de ventes d'esclaves ou les documents d'héritage. Liste de meubles, argenterie, esclaves. J'aurais dû le savoir, ça fait mal de le lire... L'autre chose, l'idée la plus importante : il n'y a pas presque d'archives sur Furcy. S'il n'avait pas intenté ce procès, si personne ne s'était penché sur son cas, personne n'aurait jamais rien su de son existence. Il n'y a pas de documents, juste le silence... Le livre contient un très beau passage sur l'importance des papiers pour les personnes illettrées. C'est grâce aux papiers conservés par sa mère que Furcy mènera son combat.
Pour le reste, l'auteur n'est pas historien mais romancier. Comme il l'explique par de fastidieuses digressions, il a voulu combler par la fiction les trous des archives... Mais autant les textes d'époques sont frappants, autant les passages de fiction sont faiblards, écrits sans grande inspiration et surtout sans audace. Comme si le romancier, pour dire la vérité des êtres et des choses, devait coller à ce que nous savons des faits...
En bref, un bon sujet, de bonnes intentions, mais pas un bon livre.

09 août 2011

Rouge gueule de bois - Léo Henry

Je créditais Noir Désir d'un talent unique : savoir rencontrer dans leur musique les époques que je vivais. Un accord avec l'air du temps, avec la peur, l'ironie, la violence des jours.
Rouge gueule de bois (RGdB) m'a fait la même impression. Si notre époque part en vrille, si l'amitié veut dire quelque chose, s'il faut vivre aujourd'hui parce que tout part à la mort, alors ce livre est vrai. RGdB a raconté mes joies et mes inquiétudes, sur un rythme festif qui ne tient qu'à lui. Je n'ai de jouissance ni des voitures ni de la vitesse, mais j'ai foncé avec Brown dans la Ferrari de Roger Vadim sur les routes de l'Ouest américain, celles d'un monde précipité en hurlant vers le néant.

Couverture Rouge gueule de bois

OK, de quoi est-il question là-dedans ? Fredric Brown, écrivain fantaisiste et alcoolique, se retrouve à errer sur les routes américaines avec le dit Vadim, celui qui découvrit Big Initials B.B.. Je craignais le roman pour initiés du genre (SF), je ne prenais Vadim pour un cinéaste très mineur, surtout préoccupé de dénuder sagement des jolies filles en surfant sur le scandale. Je n'ai pas revu mes préjugés mais j'ai rencontré deux beaux personnages romanesques, qui doivent sans doute une partie de leur mojo à avoir été inspirés de personnes réelles, et qui portent leur propre impulsion littéraire. Le roman, genre road-movie, enchaîne les scènes de beuverie et de fusillades, dans un onirisme très sixties avec quelques références imbibées de LSD. Ça pourrait être n'importe quoi. Ça pourrait être inconséquent.
Et non.
Le livre tient la route, par la force de l'écriture, par le souci de vérité de cette dernière. Elle swingue, elle tranche, elle jouit et tient ensemble les deux-cent cinquante pages de ce petit roman (le reste du volume étant occupé par un index hilarant, dispensable et essentiel à l'amateur de cocktails - et par quelques notes floues de l'auteur).
Ai-je dit que c'était très bon ? Pas assez clairement ? Alors oui, voilà : rouge gueule de bois est un très bon livre. Léo Henry est très fort.
Je ne sais pas si je vous le laisse lire, finalement. C'est mon livre.

01 août 2011

Le lièvre de Patagonie – Claude Lanzmann

Un peu à cause de Fabrice Colin, je me suis retrouvé à lire le lièvre de Patagonie, livre de souvenirs de Claude Lanzmann.
De lui, je ne connaissais que le nom, associé à Shoah que je n'ai pas vu par ailleurs. Lanzmann a grandi pendant la guerre (celle où on trouvait Hitler, Pétain, De Gaulle et tous ces gens là), a été résistant, a été journaliste et proche de Sartre et de Beauvoir, a beaucoup voyagé, est un Juif athée fin connaisseur d'Israël... A le lire, on a l'impression qu'il a tout vu du siècle où il a vécu, qu'il a été au bon endroit au bon moment, qui a rencontré tout le monde. C'est sans doute vrai et c'est ce qui rend ce livre étrangement passionnant, pour citer le même Fabrice.
Une partie des récits qu'il fait son proprement étonnants : ses récits de guerre, sa visite en Corée du Nord, l'odyssée de sa famille, certains de ses souvenirs de tournage de Shoah, mensonges et manipulations included. Pour le reste, j'ai eu l'impression d'entendre les souvenirs narcissiques d'un sympathique vieux monsieur, qui se complait pas mal dans le name-droping et les anecdotes sans intérêt sinon pour les proches des personnes concernées (je pense à ses récits d'excursion à Zermatt avec Beauvoir. Bon.). Le vieux monsieur raconte bien, certaines histoires sont très bonnes, mais on aura parfois le droit de se sentir agacé. J'imagine même qu'il serait d'accord.
Le quatrième de couv cite un journaliste qui parle d'un "immense écrivain". Peut-être, mais pas grâce à ce livre.