16 janvier 2012

Siegfried -- Alex Alice

Pour ce billet, j'éviterai difficilement le copinage. Alex Alice est un ami et j'aime son Siegfried.





L'histoire est d'une très grande simplicité. Un jeune fils des hommes est élevé dans la forêt, loin de tout, par une créature magique, le Niebelung Mime. Mime agit peut-être par compassion (il a recueilli l'enfant auprès de sa mère mourante), mais aussi par intérêt : il veut forger un tueur de Dragon, pour se débarrasser de Fafnir, et s'emparer de l'Or... Mais Odin lui-même, dieu des dieux, a ses propres idées sur l'enfant. Et Siegfried, ignorant des forces qui l'entourent, va grandir dans la sombre forêt et, lors du voyage vers les cavernes de glace, redécouvrir qui il est, enfant des hommes au milieu des Niebelung et des dieux...

Dans le Siegfried d'Alex Alice...

On ne trouvera pas :

  • De l'heroic fantasy. Le Siegfried d'Alice ne se rattache pas à ce genre, parce que comme toutes les grandes oeuvres d'imaginaire, il se ressource au mythe plutôt qu'aux codes du genre. On n'est pas dans un univers imaginaire mais dans le nôtre, sur son versant mythique.
  • Un récit qui donne envie d'envahir la Pologne (merci Woody Allen) : Alex Alice retrouve toute l'intelligence du travail de dramaturgie fait par Wagner sur le mythe et tire le récit vers l'universel.
  • Une oeuvre trop sérieuse. Le récit mêle habilement le solennel et le bouffon, l'humour et le grandiose. Certains le lui reprocheront, je trouve quant à moi que c'est une des grandes idées du traitement de l'histoire, qui lui donne à la fois légèreté et profondeur.
  • Un scénario formaté : Alex Alice est un très bon dessinateur. Il révèle pleinement ici qu'il est aussi un très bon scénariste. L'écriture de l'histoire, la narration, la construction sont remarquables.
  • Un travail formaté. Non. Grand public, oui, mais dans ce que ce terme a de meilleur.


Mais par contre, on trouvera :

  • Un héros, un cheval, une épée. La fin d'un monde. Un dieu qui fait se lever le soleil. Un dragon (mais alors THE dragon, tellement grand...), une enclume, une petite maison confortable dans la grande forêt noire où abondent les bons champignons. Un loup noir, un homme qui se tourne seul face à la grande poursuite divine, une lame qui se brise, une lance qui régit l'univers, une prophétesse caustique, un Niebelung pleurnichard, une autre enclume, un jeu de devinettes à l'enjeu assez lourd (ta tête, Niebelung !), une Walkyrie à la beauté d'acier, des créatures divines de pure abstraction, des géants qui dessinent des montagnes, une forêt primordiale, des allers-retours dans le temps, un enfant qui rêve, tout seul dans son lit.
  • Et un dessin, et un encrage de toute beauté. Et une mise en couleur symphonique.

J'invite aussi les lecteurs attentifs, de la série et des interviews qui l'expliquent, à lire l'oeuvre avec attention, à voir ce qu'elle dit des femmes et de l'enfance. On verra, à travers des lignes souterraines, combien ce livre/ces livres sont profondément personnels.

 Alex Alice m'a parlé de son projet pour la première fois il y a plus de dix ans. J'ai eu la chance de pouvoir faire les interviews qui accompagnent l'édition spéciale et tenter de retracer avec lui les éléments et les étapes de son travail, aussi bien sur le film que sur les albums. Et malgré ma familiarité avec le sujet, j'ai ressenti un émerveillement et une joie intacts en découvrant les livres. Ne passez pas à côté !





2 commentaires:

  1. Je me suis fait offrir le tome 3 à Noël, et je ne peux qu'abonder dans ton sens !

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  2. Les trois volumes de la série sont magnifiques.
    Et je souhaite que le film finisse par vraiment se faire.

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