25 janvier 2013

The Islanders - Christopher Priest


L’Archipel du rêve : des milliers d’îles dans éparpillées dans l’océan d’un monde voisin du nôtre. La technologie est celle du XXIème siècle, les préoccupations des hommes sont les mêmes. Un certain nombre de curiosités physiques (vortex, distorsions temporelles…) rendent les îles indénombrables, in-cartographiables. L’Archipel est un espace neutre dans la guerre qui déchire les continents voisins. On y croise déserteurs, prostituées, scientifiques, et surtout des populations d’îliens toutes refermées sur leurs petits mondes clos. Les lecteurs de Christopher Priest auront reconnu le cadre de son roman la Fontaine pétrifiante, ou de son recueil éponyme : l’Archipel du rêve.
The Islanders est une bizarrerie littéraire : un guide de voyage, référençant une petite sélection d’îles, mentionnées par ordre alphabétique. Il est conseillé de le lire dans l’ordre, le lecteur familier de suppléments de jeu de rôle ne sera pas désorienté, on fait face d’abord à une énumération à la fois amusante et ennuyeuse de lieux ayant peu à voir les uns avec les autres, puisque dispersés sur la surface du monde… Dans ce registre, le roman rappelle les notules d’Italo Calvino dans les Villes invisibles, par exemple. Puis, de lieu en lieu, certains personnages reviennent, Dryd Bathurst, le peintre génial, admiré de tous, qui n’a cessé de fuir les îles après avoir offensé d’innombrables maris jaloux. Chester Kammeston, le Grand Ecrivain, Caurer, la réformiste sociale, Jordenn Yo, l'artiste extrême capable de détruire complètement les lieux où elle exerce. On y retrouve aussi les éléments éparpillés d’une affaire criminelle, témoignages, aveux menteurs, intoxications, qui ne surprendront pas ceux qui savent que, pour Christopher Priest, le réel a de nombreuses facettes, souvent incompatibles les unes avec les autres. Et au milieu du guide viennent s’insérer d’autres éléments : rapports de police, témoignages, lettres d’admirateurs, récits indépendants...
The Islanders est peut-être le roman priestien ultime, la forme s’accordant parfaitement au fond : factuel, ironique, détaché (insulaire ? anglais ?) et en toutes choses menteur, trompeur, labyrinthique, éparpillé. Aucune vérité ne s’en dégage, aucune révélation, juste le sentiment que les hommes, comme les îles, offrent des visages toujours différents selon le cap depuis lequel on les approche. Le plus grand mensonge est peut-être celui du temps et de la chronologie, qui suit dans ce livre des courants aussi étranges que ceux qui passent d’une île à l’autre.
On a ici un objet dont la forme fait totalement écho au fond, une œuvre d’art bizarre, pleine de recoins et de mystères, parfaitement accomplie. J’ai été dérouté, perdu, j’ai relu la Fontaine Pétrifiante, l’Archipel du rêve, trouvé des liens, quelques réponses, et me suis posé encore plus de questions.
Le roman paraîtra en français cette année aux éditions Denoël, sous le titre les Insulaires.

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