03 mars 2015

Un ennemi du peuple - Ostermeier à Kléber-Méleau

Dans une année à l'emploi du temps un peu agité, avec peu de temps disponible pour les sorties, ça peut paraître drôle d'idée d'aller voir une pièce en allemand sur-titré dans une ancienne zone industrielle de Lausanne.


Nous avions adoré les revenants d'Ibsen, adaptés par le même Thomas Ostermeier, et c'est purement sur son nom que nous sommes allé voir cette pièce. Et alors ? se demande le lecteur impatient. Qu'en est-il ?
Dans une petite ville thermale, le docteur Stockmann découvre que les eaux avec lesquelles on soigne les curistes sont empoisonnées par divers polluants, expliquant les maladies constatées dans l'établissement la saison précédente. Il s'en ouvre au directeur des bains et maire de la ville, son propre frère, ainsi qu'à des amis journalistes, qui se montrent tous très concernés, avant de comprendre qu'une publicité déraisonnable sur cette affaire (ou même la simple conduite des deux ans de travaux d'aménagements nécessaires pour les conduites d'eau...) sera très nuisible à la vie de la ville dont les bains sont la principale source de revenus. Et au fur et à mesure que le récit évolue, Stockmann se retrouve de plus en plus isolé...


L'action de la pièce se déroule à l'origine dans la Norvège conservatrice de la fin du XIXème siècle, mettant en scène un clairvoyant ayant raison au milieu des aveugles qui veulent le faire taire (peut-être la façon même dont l'auteur se voyait ?). Ostermeier l'a transposée dans l'Europe moderne. Stockmann est une sorte de bobo idéaliste, qu'on devine bien marqué à gauche, un type moderne sorti des milieux alternatifs, qui s'occupe de son bébé quand sa femme le lui refile. Le récit et ses enjeux sont tout à fait pertinents, la vérité face à la sécurité économique ou la survie des medias...
La mise en scène n'hésite pas à pousser Stockmann dans ses retranchements, son absolutisme irréductible et son manque de goût pour le compromis (mais peut-il y avoir de compromis dans cette situation ?) lui donnant des airs dictatoriaux... Jusqu'à une scène - un peu gadget à notre goût, même si très bien menée - de réunion publique durant laquelle les spectateurs incarnent la population de la ville.
J'ai été tout d'abord très sceptique face à cette "modernisation" de l'action, avant d'admettre qu'elle fonctionnait très bien et parvenait à tirer de la pièce déjà forte de belles résonances. D'autant que la mise en scène est impeccable, les jeux de décors très astucieux (l'usage malin de l'ambiance squat de l'appartement de Stockman, par exemple), la troupe vraiment très en forme et très intense, tous les acteurs étant excellents (et le fonctionnement parfait des sous-titre associé à mes restes scolaires d'allemand permettant de ne pas perdre le fil). Bref, si nous voyons passer une nouvelle mise en scène du même, ou une autre pièce avec les acteurs de la Schaubühne de Berlin, nous irons la voir !


PS sous forme de politique locale: sans méjuger les qualités de la salle du théâtre Kléber-Meleau, n'est-ce pas un signe de la nouvelle direction du théâtre de Vidy que de ne pas présenter ce spectacle dans la salle Charles Apotheloz ?

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