09 février 2016

Staline T1, la cour du Tsar rouge - Simon Sebag Montefiore

Alors ce serait une sorte de roman de Dark fantasy : une bande d'anciens combattants, cavaliers, pillards en tunique et bottes, doté d'une foi brûlante dans une nouvelle religion qu'ils se sont appropriés (elle porte le nom de marxisme-léninisme) se retrouve à la tête de l'Empire, dans les palais et salons des anciens maîtres.

Au début, ils vivent sobrement, entre eux, de manière familiale. Le soir, ils se retrouvent pour aller au théâtre, boire et chanter. Autodidactes, souvent brillants, ils aiment la culture et n'ont rien des nouveaux riches. Mais le jour, ils travaillent dans les campagnes, menant trains blindés et cavaliers au cœur des provinces pour tuer quelques milliers de koulaks qui résistent à la nouvelle foi.

Ce livre est le portrait au jour le jour de leur maître, celui qu'on surnomme "l'homme d'acier" et de ses amis proches. Lui : un comploteur né, venu d'un peuple de montagnards claniques, amateur de littérature, d'amitiés viriles, entouré d'anciens camarades de guerre, fidèles ou excentriques, bourreaux de travail (on ne leur retirera pas ça), francs ou taiseux, et de leurs épouses, ces dernières plus ou moins communistes, plus ou moins impliquées dans la politique, plus ou moins folles.

Simon Sebag Montefiore ne fait pas un livre d'histoire fourmillant d'analyses, plutôt une série de portraits en action visant à connaître un peu son héros et sa "clique". Ca commence par une belle scène de générique, le suicide de Nadia, seconde épouse, avec qui l'homme d'acier avait une relation tumultueuse, violente mais passionnée. On va ensuite faire un long flash-back dans le passé dans ce révolutionnaire professionnel, souvent exilé, toujours revenu, et de son ascension auprès d'Oulianov, le chef d'orchestre de la Révolution. On verra les enfants, les vacances heureuses, le chef débonnaire qui répond parfois personnellement à ses administrés. Puis ce sera la guerre contre les paysans, et une fois celle-ci terminée (et Nadia décédée), la grande terreur. Avec la perte de son épouse, le maître du Kremlin aurait perdu aussi le peu de sensibilité qui lui restait. On les verra, lui et les siens, faire des listes de milliers de noms de pauvres fusillés, monter des procès, orchestrer coups tordus sur coups tordus. Chaque cauchemar engendre un cauchemar plus grand encore, tout gravite autour de lui, les vieux amis perdent la confiance, les anciens copains d'Oulianov sont éliminés les uns après les autres, des grouillots serviles et (très) dangereux gagnent en puissance. Ejov, le nain alcoolique, tortionnaire et éliminateur, Khrouchtchev, le joyeux compagnon, puis enfin le roi des coups en biais et des tortures, Beria. Le talent de l'auteur (et l'intérêt de ce livre cauchemardesque) est de montrer que ces types ne sont pas des aberrations ni des monstres. Ils ont des familles, des passions, des convictions, et sont entraînés dans des circonstances exceptionnelles qui leur feront franchir (mais pas dans le bon sens) les limites de ce qu'on appelle l'humanité.

Au centre de l'Europe, un ennemi apparaît, un petit homme hystérique avec lequel on croit pouvoir s'entendre. L'homme d'acier, de plus en plus seul, voit des complots partout. Alors que le Reich menace, il fait emprisonner ou éliminer une bonne partie de ses officiers, écoute les dingues qui prétendent qu'il faut revenir aux canons tirés par des chevaux et se débarrasser de ces chars inutiles...

Les troupes s'amassent à la frontière. Seul au sommet, le maître plonge dans une étrange cyclothymie, se fait écraser par le stress, ordonne qu'on fusille les porteurs de mauvaises nouvelles. L'orage gronde, de plus en plus fort, l'armée n'est pas prête... Et le 22 juin 1941, l'ennemi passe la frontière, déclenchant le plus grand conflit armé de tous les temps.
Suite dans le tome 2.



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