05 mai 2017

M.O.I. – à l'Echandole

Je savais que des pièces de théâtre de science-fiction existaient, mais je n’en avais jamais vues. M.O.I., monté par la compagnie Freckles, est une pièce de Sophie Pasquet Racine, auteure dramatique et actrice. 

 
Dans une cave, un abri anti-atomique (?), débarque une femme un peu perdue, qui tombe sur un homme intimidant et menaçant. On est un dans un futur post-cataclysmique, beaucoup sont morts, les eaux montent, le M.O.I a été mis en place pour réguler la vie des survivants.
La pièce prend la forme d’un interrogatoire, celui de la femme qui ne peut se résoudre à repartir, par l’homme qui veut connaître son secret. 
M.O.I. est une pièce à mystères, dont certaines clefs seront livrées. Il y sera question de doubles, d’identité, de sociétés oppressantes, de menaces, d’images, d’écritures. Elle n’est jamais théorique,  jamais allégorique, toujours incarnée. Ce n’est pas de la S.F. pour profs de français « qui veut dire que… » et « qui représente… ». Si on trouvera dans les motifs poétiques de la pièce des échos de situations contemporaines (oppressions policières, migrants noyés, relation aux choses, amours perdues…), les personnages ne représentent avant tout qu’eux-mêmes. 
 
 
 
M.O.I. ressort clairement de la science-fiction, dans le sens où c’est un récit qui ne pourrait pas fonctionner sans son élément science-fictif. De la S.F., elle reprend les principes de déstabilisation, de quête du sens, d’interrogation. Où sommes-nous ? Que s’est-il passé ? Qui sont ces gens ? Nous ne saurons pas tout, mais nous en saurons assez pour les comprendre, et peut-être pour les aimer. Le décalage et le mystère reposent avant tout sur la langue, l’expression des personnages, cette étrange infusion de vocabulaire venu de la danse (du tango) pour dire le destin des hommes. Pourquoi dit-on « danser » pour dire « mourir »? Pourquoi le cataclysme s’appelle-t-il « le Grand Amour »? Pourquoi la femme ne dit-elle jamais « je »?  
 
Les acteurs (Sophie Pasquet Racine et Pierric Tenthorey, tous les deux remarquables), sont soutenus par une mise en scène de plus en plus inventive comme la pièce avance, jouant sur les lumières et les ombres, les transparences et les opacités. Quelques projections très habiles, une séquence complètement folle utilisant du film d’animation, une inclusion de plus en plus forte de la musique construisent l’univers de cette histoire, jusqu’à une scène finale qui m’a bouleversé.
 
J’ai beaucoup aimé. On se place dans la suite d’une science-fiction politique, poétique et créative, dans la lignée d’Antoine Volodine, ou des oeuvres de Léo Henry et Jacques Mucchielli. Je n’aurais pas été surpris d’entendre parler de Yirminadingrad.

La pièce peut être vue à la date de publication de ce billet à Yverdon, puis en mai à Lausanne au théâtre 2.21. Allez-y !
Photos (c) Carole Parodi / Freckles
 
 

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