15 juin 2017

Allmen et le diamant rose - Martin Suter

De Martin Suter, j'avais lu il y a quelques années le très bon Small world, roman-thriller sur la maladie d'Alzheimer. Je découvre que Suter s'est créé un héros récurrent, Allmen ("All men" ?), dandy très Vieille Europe installé à Zürich, menant des enquêtes dans le beau monde pour retrouver des objets précieux disparus. Dans cette histoire, notre héros part à la recherche d'un informaticien russe supposé avoir volé un fameux "diamant rose". L'enquête se fera dans la région de Zürich, à Londres ou dans un hôtel de luxe au bord de la Baltique. L'histoire est amusante, courte avec quelques rebondissements amusants, mais elle vaut surtout pour ses personnages: Johann Friedrich von Allmen, sorte de Lord Peter tombé dans la dèche mais refusant de renoncer à son style de vie, Carlos sont valet guatémaltèque immigré clandestin, plus les différents espions, amis, relations de ceux-ci.
Ce roman-ci est moins ambitieux que Small world, mais comme dans ce dernier la peinture de la Suisse moderne est plutôt bien vue. Si je tombe sur un autre volume de la série, je le lirai avec plaisir. Ce Martin Suter est un malin.

13 juin 2017

Compte-rendu du "Rejeton d'Azathoth" – Partie 1

Thro’ the ghoul-guarded gateways of slumber, 
Past the wan-moon’d abysses of night,
I have liv’d o’er my lives without number,
I have sounded all things with my sight;
And I struggle and shriek ere the daybreak, being driven to madness with fright.
(Nemesis, H.P. Lovecraft)

Suite à mon billet du mois de mars sur « comment faire jouer le rejeton d'Azathoth », voici un petit compte-rendu de partie. Si les vieilles histoires de rôlistes racontant leurs aventures au coin du feu ne vous intéressent pas, vous pouvez passer ce billet et aller lire une nouvelle fois des articles sur les résultats des législatives. Ah oui, et il y aura des spoilers : si vous avez l’intention de jouer cette campagne, retournez sur lefigaro.fr, vous y serez moins exposés aux radiations.

Il fallait donc lier les personnages au professeur Baxter. Laissez-moi vous présenter mademoiselle Olga Filipovna Passelova Baxter, jeune héritière de moins de vingt-cinq ans, engagée politiquement (sympathisante socialiste), ayant quitté la Sainte Russie pour rejoindre son père car la police tsariste s’intéresse un peu trop à elle et à ses amis. Et, avec elle, Mr Abraham J. Munroe, PhD en archéologie (Arkham University, folklore et géographie), qui se prépare une carrière à la Brown University et qui est parrainé pour cela pour le professeur Baxter, un homme respectable, certes, mais dont les travaux un peu datés attirent les moqueries de certains collègues.
Avec eux, on trouvera aussi mademoiselle Adèle Bergier, dame de compagnie anglo-suisse, originaire du canton de Neuchâtel, et Volodia, serviteur fidèle doté d’une longue barbe, d’une tunique de moujik et d’un fusil.

Avant propos : New York
Le Pr. Baxter aimerait que sa fille juge des qualités du jeune Monroe pour bénéficier d’une bourse du fond Passelov-Baxter. Monroe est donc chargé d’aller accueillir Olga à l’arrivée du paquebot venant de France. Olga pourra ainsi assister à une conférence de Monroe. Une nuit, Olga est réveillée en sursaut par la visite d’un spectre… Son propre père. Un coup de téléphone à Providence depuis le lobby de l’hôtel de luxe où elle est descendue lui apprend que son père (qu’elle n’avait pas encore retrouvé) est décédé.

Providence
La mort d’un professeur d’université est bien sûr une affaire un peu solennelle. Mais enfin, il s’agit simplement d’un accident cardiaque, pas de quoi en faire un plat… Jusqu’à l’arrivée de l’héritière russe, et riche, du défunt. Qui, après avoir sympathisé avec la vieille Angela, décide de donner des funérailles dignes à son père. Le corps est rapatrié depuis l’établissement de pompes funèbres et établi dans une chapelle ardente orthodoxe dans la maison. Une journée de mémoire en l’honneur des travaux du défunt est organisée à l’université, et Monroe se retrouve à devoir babysitter et canaliser l’éruptive héritière. 
A l’époque, personne ne soupçonne rien quant à la cause du décès, le corps n’est pas réellement examiné, il est juste embaumé avec soin et disposé dans une chambre de la maison. L’enterrement a lieu,  en présence unique d’Emmett Baxter dont la femme déteste la Russe folle qui vient tout bouleverser. Monroe et Olga commencent à parcourir le fouillis de papiers du professeur, mais sans guide il est difficile de s’y retrouver… Et où sont Cynthia et Colin ? Et pourquoi Dmitri Passelov ne revient-il pas du Montana ?
Le jour de l’enterrement, Angela ne se réveille pas. Volodia grogne qu’il y a vraiment trop d’araignées dans cette maison… L’enquête menée avec l’aide de spécialistes finit par identifier une morsure d’araignée ! Volodia plâtre les fissures dans les boiseries de la vieille maison et explore et fouille. Un combat épique dans le grenier, et on vient à bout du monstre qui s’y cachait, dont on comprend bien vite qu’il a été envoyé depuis les îles Andaman…La bête ayant été capturée vivante (un spécimen anormal de mygale géante indienne) est envoyée au vivarium de l'université.


Pendant ce temps, Julian Baxter, frère du défunt et clergyman angoissé, finit par avouer avoir depuis des années fourni des narcotiques à son frère.
A la lecture du testament, Olga et Emmett se voient remettre le carnet de rêves de leur père et la carte. Le carnet de rêve fait écho avec un souvenir d’enfance d’Olga où elle se souvient avoir joué avec ses frères et soeurs dans le jardin du sphinx, quelque part en Europe ? Emmett s’en souvient vaguement, mais ça devait être ailleurs, vu qu’il n’a jamais quitté les Etats-Unis…
La journée universitaire en mémoire du professeur Baxter voir l’intervention pondérée de quelques personnalités qui restituent l’homme et son travail, mais aussi une belle intervention de Monroe pondue à la hâte (qui montre à Olga combien l’homme – dont elle persiste à considérer la collaboration comme acquise – est un scientifique sérieux). En conclusion, le professeur Wilson livre une conférence étrange sur un thème liant l’astronomie et l’araignée mythique Atlach-Nata et révélant que les étoiles sont animées d’un esprit… Les beaux esprits sourient devant ce quasi-suicide universitaire en direct. Enfin, peut-être que tout cela sera oublié dans quelques semaines quand l'émotion sera retombée.
Heureusement, Angela reprend conscience, mais un soupçon émerge chez Olga : son père était-il vraiment mort quand le docteur Walters a signifié le permis d’inhumer ?
Peu de temps après, Wilson disparaît en voyage vers la Russie, confiant à Monroe, avec une hésitation, la curation des archives Baxter. Le professeur Brandt, de l’université Brown en profite pour charger Monroe de faire tous les caprices de l’héritière afin d’assurer dans le futur le financement de sa chaire par le fond financier russe…
Olga, qui a justement pu inspecter les comptes du fond Baxter Passelov, dont elle est devenue, par héritage, la responsable, constate que des sommes importantes ont été engagées pour construire un observatoire dans le Montana… Ou pour acheter un bateau en Floride !
Il est temps de clarifier ou de comprendre. Passelov a envoyé un mystérieux télégramme depuis le Montana, parlant d’une "découverte fantastique »… Nos héros s’embarquent donc pour un long voyage au cœur du continent américain.

12 juin 2017

Mieux vaut en rire – Roald Dahl

Je suis tombé dans une brocante sur cette collection de nouvelles pour adultes de Roald Dahl (dont la présence chez Gallimard jeunesse me laisse un peu sceptique). Ce sont douze histoires amusantes et grinçantes où s'exprime tout l'humour noir du fameux auteur pour enfants, écrites pour la plupart avant ses plus grand succès. Dans le premier récit (la grande grammatisatrice automatique), un programmeur informatique (on ne disait pas comme ça, à l'époque, mais la description est bien sentie) invente un programme pour écrire des nouvelles à proposer aux magazines – je suppose que le lien avec la situation professionnelle de Dahl à l'époque n'est pas fortuit – et les développements et la chute sont très rigolos. Dans d'autres récits, on rencontrera un faux clergyman collectionneur de meubles anciens, un magnat de la presse amateur d'art contemporain, un voleur de parapluies, deux gars fauchés montant une entreprise de vengeance à domicile et une très inquiétante logeuse (il me semble d'ailleurs avoir déjà entendu parler de ce récit, la logeuse, dont l'écriture toute en concision et sous-entendu est tout à fait remarquable). Ce sont quasiment toutes des nouvelles à chute, écrites avec une concision acérée, un humour cruel et ce sens très particulier de la moralité présent dans les récits pour enfants comme Charlie et la chocolaterie ou Sacrées sorcières. Si ces textes sont tous réussis à leur façon et montrent une autre facette du travail d'un auteur brillant, on me permettra de préférer ses oeuvres pour la jeunesse. Car dans cette dernière se déploient à la fois l'humour noir mais aussi une forme de fantaisie joyeuse et subversive capable de renverser les murs. Willy Wonka rulez !




09 juin 2017

Les marécages – Joe R. Lansdale

Harry, onze ans, vit avec sa famille dans une petite maison au bord des marécages de la Sabine, East Texas, dans les années 30. A l’époque le coin était infesté de tiques, de serpents, on n’avait pas encore drainé la région et construit des parkings et des zones industrielles. Jacob, le père de Harry, est fermier, coiffeur (pas très doué) et constable. A lui les enquêtes sur les incidents locaux, les faits divers, les meurtres de Noirs, ceux auxquels personne ne s’intéresse. Or, un jour, le jeune garçon découvre le cadavre d’une femme noire, hideusement mutilée…

J’ai lu ce roman en quelques heures sans pouvoir le reposer, ce qui est bon signe. L’enquête de Jacob, avec son fils sur les talons, n’est pas une mince affaire. Le simple fait d’autopsier les cadavres est loin d’être une évidence (quel médecin blanc avouerait avoir découpé le corps d'une Noire, au risque de perdre sa clientèle ?), et surtout on n’a pas trop le temps de s’occuper de ce genre d’affaires, entre les travaux domestiques, ceux de la ferme, le racisme ambiant, le Klan, la méfiance entre les races, etc…
Le roman évoque bien la vie dans les années 30, racontées à travers un Harry devenu vieux qui souligne la différence avec son temps. On sent que Lansdale aime cette région, ses paysages, ses habitants (il me semble que ses romans de Hap & Leonard se passent exactement dans le même coin) et il fait passer son amour du pays. L’intrigue est bien menée, intéressante, l’évocation réussie, bref, c’est un bon roman que je recommande. Les deux premiers chapitres, notamment, démarrent dans une évocation du passé, et partent d'une anecdote pour glisser dans une scène cruelle et une excursion terrifiante dans les marais. La classe.

Maintenant, quelques critiques plus techniques: il est évident que Lansdale s’est documenté, a reconstitué pour son petit théâtre mental la vie au Texas à l’époque… et ça se voit dans l’écriture. Trop de détails sont mentionnés « pour faire vrai », qui participent au décor mais pas à l’histoire. Le narrateur devenu vieux sent l’artifice. Beaucoup de personnages occupent des rôles qui vient à illustrer l’époque (la vieille Noire qui raconte des histoires, le petit commerçant membre du Klan, etc.) L’intrigue en est fait assez facile à démêler pour un lecteur habitué, et le scénario est tellement écrit qu’on dirait une de ces machines filmiques, où chaque détail à sa place et où, évidemment, la scène de fin va faire écho à la scène du début. Jusqu’aux points laissés dans l’ombre, car, le récit étant supposé être vrai, on ne peut avoir d’explications à tout. Le tout est très habilement fait, très sincère, mais j'ai vu les coutures, les traces du travail de l'artisan doué.


08 juin 2017

La souris qui rugissait - Jack Arnold

Le grand duché de Fenwick est un tout petit pays de 15 kilomètres carrés, situé entre la Cordillère des Andes et les Alpes autrichiennes, disposant d'une armée de vingtaine d'archers et produisant un pinot gris assez fameux. La grande duchesse y est jouée par Peter Sellers. Le premier ministre, comte de Mountjoy, est joué par Peter Sellers. Le grand connétable, garde-chasse, chef des armées, etc., Tully Bascombe, est aussi joué par Peter Sellers.


Quant aux raisons pour lesquelles le Fenwick déclare la guerre aux Etats-Unis... Disons  qu'elles reposent sur l'idée que tout pays vaincu par les Etats-Unis finit par bénéficier d'une sorte de Plan Marshall, et que les finances du Grand Duché ne sont pas très en très bon état.


La souris... est une comédie burlesque et absurde de 1959. Le film a une poésie particulière et est habité par son acteur principal (je ne vous redis pas qui). Les péripéties, entre alertes aériennes et bombes atomiques, reposent pas mal sur la situation géopolitique de l'époque, j'ai dû interrompre plusieurs fois le film pour en expliquer les détails aux enfants. C'est particulièrement idiot, bon enfant et rigolo. A noter qu'on y croise la très très belle Jean Seberg, dans un rôle un peu potiche, et que mes filles ont été choquées, à raison, quand elle se fait embrasser de force. 



La scène d'action finale, impliquant une vieille voiture, un général américain débile, une bombe atomique et un renard (notamment) est tout à fait réussie.
Pas un grand film mais un objet bizarre et rigolo que les Rosa et Marguerite ont bien aimé, merci à Gilles pour la découverte !







02 juin 2017

Le fauteuil hanté – Gaston Leroux

Le jour du discours de réception de Maxime d'Aulnay à l'Académie Française ce dernier tombe foudroyé en plein milieu de son éloge du précédent occupant, Mgr d'Abbeville. Mort naturelle ? Probablement. Mais quand on sait que quelques semaines auparavant, le poète Jehan Mortimar, lui aussi élu au fauteuil de Mgr d'Abbeville, est mort dans exactement les mêmes circonstances... La presse s'enflamme ! Qu'en sera-t-il du prochain élu ?
Le fauteuil hanté est un roman à mystère, mais c'est surtout une grosse blague potache, se moquant de l'Académie, de ses rituels, de la presse... L'histoire tient debout par pure force d'inertie, elle multiplie les faux mystères, les bourgeois idiots, les dialogues absurdes, le tout dans une langue assez rigolote.
Mais bon, l'écriture feuilletonne (c'est-à-dire tire à la ligne), les péripéties péripètent, le récit se moque et tout ça et ne m'intéresse pas beaucoup. Quant au pourquoi du comment de cette histoire, je me contenterai de dire qu'il faut toujours préférer le mystère à son explication.