18 mai 2022

La main gauche de la nuit -- Ursula Le Guin

https://images.noosfere.org/couv/p/pp5191-1984.jpg 


Il y a quatre ans, j'ai relu les Dépossédés (c'était vachement bien). Cette année, j'ai récolté plein de vieux livres de SF chez un copain qui vidait sa bibliothèque et parmi ceux-là, la main gauche de la nuit, que j'ai donc relu dans la même édition pocket moche que quand je l'avais découvert. Oui, cette couv est vraiment... heu... sans rien à voir avec le contenu ?

 Et le livre, alors ?

J'en avais le souvenir d'un bouquin un peu obscur dans lequel il m'avait fallu du temps pour plonger. On dira que j'ai grandi, et c'est maintenant exactement la SF qu'il me faut. Primo, le roman n'est pas très long. Puis il croit entièrement à son univers, et moi j'y crois aussi. Le récit est totalement, humainement et sociologiquement crédible.

Je rappelle très très vite le pitch : Genly Aï, un Terrien, est envoyé de la société galactique sur la planète Gethen (dite Nivôse par ceux qui l'ont découverte), un monde très très froid peuplé par des humains hermaphrodites. Il va se retrouver coincé dans des intrigues politiques compliquées, devoir voyager à des endroits où il n'avait pas envie d'aller et il va se faire un ami.

Relire mamie Ursula de nos jours, c'est à la mode (et bien tant mieux : elle fait de bons livres). Relire celui-là, en post metoo et féminisme plus visible (ou bien = l'auteur de ces lignes un peu plus informé), c'est intéressant. Comme m'a dit une amie, c'est un roman assez misogyne : la vision que le narrateur a des femmes et de ce qui est "féminin" est carrément dépréciatrice.

Autre surprise, alors que dans la langue des natifs le pronom pour décrire les gens est asexué (comme eux, qui le sont 90% du temps), le texte anglais et français utilise il tout le temps. On se demande ce qu'aurait donné un texte où les getheniens auraient été décrits dans une grammaire prenant en compte leur manière particulière d'être genrée. Pourquoi est-ce que Ursula n'a pas fait ce genre de choix ? Peut-être que ça ne se faisait pas, ou par manque de savoir le faire (les autaires sont parfois très limité.e.s dans leurs capacités, j'en sais quelque chose), ou d'autres raisons qui ne sont qu'à elle. Le livre est comme ça, tant pis, tant mieux, ça nous permet d'en parler.

Sinon, j'ai adoré. J'ai voyagé très loin, j'ai aimé les personnages, j'ai vécu dans des sociétés étranges et humaines, incompréhensibles et toutes proches. La toute fin du roman m'a bouleversé et m'a fait ressentir quelque chose que je ne trouve que dans les meilleurs textes de SF, une nouvelle perception de qui je suis et de ce que nous sommes, nous, êtres humains. 



 

1 commentaire:

  1. Bonjour, c'est mon premier commentaire ici!
    Deux remarques (de fan!) sur La Main Gauche de la Nuit:
    Alexeï Panshin, qui était loin d'être un imbécile, avait publié une critique mitigée sur La Main Gauche de la Nuit à l'époque de sa parution: il s'était dit choqué par les libertés que LeGuin y prenait avec la grammaire, aussi bien en accordant au masculin des substantifs féminins qu'en usant uniformément de pronoms masculins pour les appliquer à des personnages décrits dans des "rôles" féminins; il ne comprenait littéralement pas pourquoi elle avait fait ça. Accorder au masculin des substantifs féminins, il fallait que ce soit formidablement transgressif à l'époque, pour choquer un auteur de SF chevronné et qui se voulait lui-même transgressif!
    Ursula LeGuin est revenue sur Gethen dans une nouvelle du recueil L'Anniversaire du monde: alors que La Main gauche insiste sur les féroces luttes pour le pouvoir au sein de la société géthénienne (et insinue que cette férocité est l'aspect de cette société qui, pour Genly Ai, est le moins "dépaysant"!), cette courte nouvelle décrit le quotidien de cette société de l'intérieur, et met en scène des personnages qui s'y sentent tout à fait à leur aise.

    RépondreSupprimer