22 juin 2009

Notre dame aux écailles - Mélanie Fazi

Voici un petit livre, douze nouvelles courtes, douze histoires de musique, de rites, de mort. Mélanie Fazi a une écriture délicate, très fine, apte à donner au lecteur une vision du monde un peu décalée, celle des paumés et paumées qui peuplent et vivent ses textes. C'est agréable de lire un auteur chez qui chaque phrase, chaque mot à se place, qui ne cherche pas à dire ce que chacun sait mais à faire surgir du monde ce que nous n'en voyons pas.
Parmi ces textes, pour donner envie au lecteur de ce blog, je dirai qu'on trouve une visite bien malsaine de Venise, une chanson rock qui tourne en boucle, un train de nuit transportant ceux qui veulent fuir la vie sans aller jusqu'à la mort, des vacances en Espagne dont on ne revient pas, des statues dans un jardin gothique, une curieuse poupée vaudou, une villa où les habitants se fondent dans les murs, une fin de grossesse difficile dans le vieux Sud des Etats-Unis, une femme qui tente d'arracher son homme à la mer et qui vit d'étranges surprises.
Malgré les différents thèmes abordé, le recueil a sa cohérence, les textes sont les chansons d'un disque que Mélanie fredonne sans doute à l'orée du sommeil. Ce ne sont pas des histoires d'horreur, cherchant l'épate et le choc. Si on y trouve du fantastique, c'est parce que les déviances de la réalité sont sans doute le seul moyen d'aborder certains sentiments. Les héroïnes de ces textes sont des créatures mal sorties de l'enfance, qui traînent leurs blessures et leur incapacité d'y faire fasse. Beaucoup de ces personnages sont lâches, préférant pleurer et fuir que d'affronter leurs monstres – mais les monstres les rattrapent le plus souvent (le train de nuit, la danse au bord du fleuve). Parfois, comme dans la vie, le choc aide à faire face, à réapprendre à faire face au monde ( fantômes d'épingles, le train de nuit, encore). Les images fantastiques sont des clefs permettant de remonter à sa propre nature (cinq soirs du lion, en forme de dragon, notre dame aux écailles), à comprendre celui/celle que l'on est vraiment.
Je parle de « textes » en évoquant les nouvelles de ce recueil : comme dans Serpentine, plusieurs d'entre eux ne sont pas des histoires à proprement parler, mais des introspections, des méditations sur la situation étrange d'un personnage. Des instants suspendus plutôt que des chemins parcourus. Les personnages de Mélanie Fazi sont saisis le plus souvent à un tournant de leur vie, à un moment où l'ont peut penser, méditer, rêver, se perdre avant de mourir – le train de nuit de la nouvelle homonyme en est une belle image (la nouvelle le noeud cajun est aussi la fuite d'un personnage dans un instant suspendu, de leur d'affronter une vérité refusée).
Ce sont pourtant les nouvelles offrant une narration (une histoire) qui sont pour moi les meilleures. La danse au bord du fleuve, noces d'écume, les fantômes d'épingles, la cité travestie. J'aime moins son hommage à la nouvelle Orléans (Mardis Gras), dont le style cadre mal avec le propos. Mais c'est bien là ma seule réserve.
Parmi les nombreux talents de l'auteure, j'ajouterai qu'elle sait parler de musique, donner à entendre chansons et mélodies dans ses textes. Ceux qui suivent son blog ne seront pas surpris, la musique et la passion pour la musique y occupent une grande place. Elle nous donne à entendre, dans le silence des textes, les chansons rock ou les danses espagnoles, sans citer de paroles et dans battre des mains. Parce que, tout autant qu'à la musique, elle s'intéresse à ce que la musique nous fait, à la façon dont une chanson peut nous travailler, nous obséder, nous soutenir dans nos déprimes – ou nous y enfoncer.
Douze nouvelles, douze ambiances, douze parfums, dans un petit livre beau comme un coffret. Ne vous en privez pas !

2 commentaires:

  1. Un texte que j'ai acheté suite à ce blog. Un texte qui m'est tombé des mains d'ennui... J'ai bien du mal à voir ce que l'on peut trouver à cette prose minuscule et monotone... (Cela m'a donné la même impression que Laurence Tardieu: quelque chose de tellement aéré qu'il n'en restait rien. Une "sensibilité" à laquelle je reste complètement froid.).

    Et le recueil de nouvelles - genre dans lequel il faut, 10 fois, stimuler le lecteur comme la première fois - n'arrange rien.

    A offrir à ses beaux-parents.

    Reger

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  2. Et puis... ce fantastique de pacotille. Ces "mystères" bien creux au bout des nouvelles (ex: dans 'le Noeud cajun'), ou pire encore, ces mystères dont le lecteur n'a que faire tellement il s'ennuie ('la danse au bord du fleuve', 'le train de nuit')...

    Reger

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