Ces vacances ont été l'occasion de bien avancer dans nos aventures antarctiques. La cité a été explorée, on croisé quelques anciens et quelques shoggoths... et l'aventure s'est acheminée vers une issue tragique. Comme dans les billets précédents, voici quelques impressions et conseils de jeu.
Attention, plus que jamais ce billet est truffé de spoilers concernant cette campagne. Si vous avez l'intention de la jouer un jour, ne lisez pas plus loin. Ou, comme dit l'Ordinateur (notre ami), "veuillez fermer les yeux en lisant ce passage".
L'arrivée à la cité est un grand moment. Le décor vide, immense et mystérieux suscite immédiatement des envies d'explorations. L'ambiance a été à l'enthousiasme scientifique, pendant environ deux jours, avant qu'un des membres de l'expédition disparaisse et que les nuages et le vent empêchent le passage du col dans l'autre sens.
Ce point permet de réguler les allées et venues des PJs à travers les montagnes. Mon idée était la suivante : même par vent fort, le passage en avion est possible. Les pilotes casse-cou le tenteront... mais avoueront qu'il y a des risques. Ca permet de faire des scènes avec des PJs ballotés dans le ventre d'un avion, des jets de pilotage stressés, pour finalement dire "on renonce... Pourvu qu'on ait assez de carburant pour les prochaines tentatives..."
Je n'ai pas utilisé le plan de la cité, j'ai plutôt disposé et inventé des lieux comme bon me paraissait en m'inspirant de ceux décrits dans le livre.
- faire se poser plus loin l'avion de Lexington force immédiatement certains membres de l'expédition à tenter de le retrouver...
- les brumes du soir on contraint les joueurs à se réfugier au camp tous les soirs... Et à trouver des gens volontaires pour passer la nuit dans les avions (pas fous, quand même!)
- à chaque "traversée" de la cité, un jet de chance. Si échec grave, quelque chose s'effondre, on se retrouve plus bas, on risque de croiser quelque chose qui siffle et qui pue.
- Rien de plus flippant qu'un coup de feu dans le lointain. Qui a tiré ? Pourquoi ? Sachant que les radios ne marchent pas dans la cité...
Là dessus j'ai l'impression que le scénario prenait plutôt les joueurs pour des c***. Il y a eu des sabotages tout le temps pendant le voyage, l'avion de Lexington disparait... Une fois à la cité c'est évident qu'iils deviennent complètement paranos ! (même sans faire jouer leur "sens du scénario...") Le saboteur a donc permis une scène de guet-apens nocturne (ils se sont doutés qu'il arriverait à la brume) très très stressante. L'intérêt c'est que après l'avoir descendu ils ont cru que tout serait plus facile... Alors que les difficultés commençaient.
Ils ont lu le récit de Dyer. Ils savent que les choses sont dans la cité et les Shoggoths en dessous. Ils ne sont pas allés en dessous, pas fous !!! Quant aux choses...
Un des PJs a fait le guet depuis le haut d'une tour. Il a fini par les voir passer dans le ciel et repérer leur planque. Il y a eu une scène fantastique de visite de la pouponnière (grande émotion) en l'absence des monstres.
Puis un enlèvement (un PNJ qui avait eu le tort d'aller faire une balade avec 1 seul copain...) et là, j'ai tourné le dos à une des idées du scénario.
Un des joueurs a voulu discuter avec les choses, ce qui a marché car l'une de celles ci avait comme idée de convaincre les humains de leur fournir régulièrement des cerveaux en échange en échange de transferts technologiques. Les scènes d'approches ont été géniales, les choses sont des monstres terrifiants. Il y a eu des échanges d'objets posés sur la glace, puis des rencontres et des contacts. J'ai considéré que les choses étaient froides et rationnelles: elles ne sont que quatre. Les "singes chauds" ont des artefacts et une société. Ils peuvent donc nous fournir en échange de meilleurs artefacts.
Le contact a été très très très dérangeant pour le PJ qui a souhaité devenir interprète. Il a appris les techniques de tissage des choses, qui lui ont permis, à force d'échanger des concepts plus que des phrases...
Un des aspects intéressant à développer dans le scénario (présent dans la nouvelle) est l'empathie des humains pour ces êtres développés, qui ont des "enfants", une civilisation, une culture artistique puissante...
Le passage dans le "cinéma" a été un très grand moment. D'abord parce que 4 personnes sur les six présentes ce jour se sont retrouvées catapultées dans le passé, laissant les autres gérer les corps (avec le froid qu'il fait, des gens en catatonie ne sont pas évidents à superviser...). J'ai fait jouer l'aspect "extérieur" d'abord dans dire ce qui arrivait aux inconscients.
Les inconscients se sont retrouvés chacun à un moment différent (ça m'a permis de traumatiser les Allemands). Un PJ a plongé dans le scénario décrit mais avec toute liberté de jouer son hominidé et c'était très bien. Il a vu une chose noire (ce qui lui servira plus tard, face aux graines) et ensuite une chose du passé l'a repéré et a essayé de communiquer aussi. On jouera j'espère ce moment, un an plus tard, où la chose va réussir à échanger son corps avec celui du PJ. Ca permettra de faire jouer dans l'Abîme du temps après les Montagnes Hallucinées...
J'aime beaucoup l'idée finale du scénario, mais pas tellement sa mise en oeuvre. J'ai enlevé la scène de poursuite en avion et l'enlèvement de Starckweather. Après avoir fouillé l'antre et observé les allées et venues des choses, les PJs ont compris assez vite que leurs deux disparus n'étaient pas là. Ils ont localisé la tour grâce à l'angle mort de la cité (de nombreux batiments ont un angle aveugle, tourné vers la tour) et en observant les phénomènes météorologiques. Il y a eu une expédition en avion dans le cyclone, une incroyable exploration de la tour, le mécanisme cristallin qui, par ses seules vibrations, a fait perdre l'esprit à quelques personnages, des PJs qui comprenaient peu à peu le fonctionnement du système. Puis la découverte des têtes encastrées dans le mécanisme. Là, l'horreur était à son comble, pas besoin de les pousser pour qu'ils arrachent les têtes... et cassent le mécanisme.
Toutefois, voici quelques points sur lesquels je me suis fortement distancié du scénario d'origine :
- le dieu noir. Présenter la force retenue sous la cité comme un "Dieu" m'a ennuyé parce qu'on tournait l'histoire vers une forme de fantasy alors qu'elle relève carrément de la SF. Je suis resté extrêmement flou sur cette force (qu'est-ce que les PJs peuvent comprendre d'un truc aussi énorme et aussi ancien ?). La comparaison venue à l'esprit des mes PJs a été que le système était comme une centrale nucléaire sous pression... Forme d'énergie, divinité destructrice, autre chose... Qu'importe, en fait, si on comprend que c'est très dangereux.
- quand le mécanisme se détériore, j'ai envoyé les tremblements de terre, mais... je n'ai pas fait de final hollywoodien du type "trouver une solution dans l'heure sinon le monde explose". L'esprit n'y était pas. Après tout, ce mécanisme a traversé bon an mal an quelques millions d'années, ce ne sont pas quelques pauvres explorateurs qui vont le foutre en l'air dans l'instant... La menace s'est accentuée, mais il allait falloir trouver une solution dans les mois à venir, pas tout de suite. Ils ont commencé par fuir, comme des dingues, puis par comprendre qu'il allait falloir envoyer quelqu'un. C'est là que les négociations ont vraiment commencé avec les choses. D'abord un des scientifiques s'est sacrifié après un atroce jeu psychologique (où dans un groupe de trois, on sait qu'un doit rester...), un autre a été condamné à rester pour causer avec les choses. Et le reste des scientifiques a accepté le marché : envoyer des hommes régulièrement (eux-mêmes, en fait), en échange de connaissances spéciales, pour la sauvegarde des Etats-Unis et de l'Allemagne. Quand les choses ont commencé à tourner comme ça, j'ai vu naître les prémices d'une campagne Delta Green...
Je raconterai la toute fin (les graines noires) et mes conclusions générales sur la campagne dans un dernier billet. Tout retour sur ce compte-rendu sera bien évidemment apprécié.