Dès que je vois un Néo dans une brocante, je le prends. J'ai ainsi lu mon lot de littératures inégales. Harry Dickson (yeah), Robert Howard (ça dépend) et d'autres expériences bizarres. Celui-ci est dans la catégorie bizarre.
Le pitch (comme n'aurait pas dit monsieur Rosny, membre de l'académie Goncourt, rappelons-le) : pendant la grande guerre, les infirmiers, sur le champs de bataille, trouvent un blessé... puis un autre blessé, son double parfait. Chacun pesant 37 kg, mais ayant l'apparence d'un homme bien constitué. Et les deux hommes sont convaincus d'être tous deux Pierre de Givreuse. D'ailleurs, ils portent le même livret militaire...
Ce roman, sans nul doute, a une vraie démarche de science-fiction : phénomène étrange, étudié rationnellement, tiré dans toutes ses conséquences : sociales, amoureuses, scientifiques... Le début, avec le médecin et les infirmières, m'a plus convaincu que la suite, entièrement placée dans une bonne société Belle Epoque élégante et compassée. Les femmes sont toutes belles, ardentes, palpitantes... Et le blessé est trop bien élevé pour ne pas s'effacer devant son double.
Le style en est étrange : chargé, élégiaque, très loin du naturalisme. Tout le monde dans ce récit a le coeur noble et élégant. Les nuits sont fuligineuses, l'air chargé de pluie ou de pollen, les lèvres tremblent, la mélancolie assombrit les coeurs...
Une lecture brève, curieuse et datée. Le roman date de 1917, se passe en 1914/1915, l'ombre de la guerre est partout. C'est sans doute l'aspect le plus frappant de ce récit.
[spoiler] j'avoue avoir été un peu déçu que l'un des deux renonce à la fiancée bien-aimée dans le bon respect de la morale. Un amour à trois, un autoérotisme du double m'auraient bien séduit... Mais jamais Rosny ne prend ces chemins. Dommage.[/spoiler]
"Un amour à trois [...] Mais jamais Rosny ne prend ces chemins. Dommage." Si si, j'ai en tête un conte de J.-H. Rosny dont le thème central est l'amour à trois (un homme et deux femmes dans ce cas précis). Et il en existe certainement d'autres. :)
RépondreSupprimer@F. Mundzik merci pour l'indication ! Il me semblait simplement que le sujet n'était pas spécialement exploré dans ce roman-ci.
RépondreSupprimerC'était plus par rapport au "jamais" ;) J'ai d'ailleurs retrouvé le texte que j'évoquais. Un homme, amoureux de jumelles, s'expatrie, change de nationalité et de religion, afin de pouvoir vivre avec les deux femmes qu'il aime : « Mes adorables compagnes parfument chacune des minutes de mon existence ; elles m'ont donné, le même jour, deux garçons si parfaitement semblables que l’œil le plus perçant ne les saurait différencier : la Nature semble avoir voulu démontrer ainsi péremptoirement qu'ELLES ne sont qu'une seule et même femme. » [J.-H. Rosny « Comment je suis devenu Turc » (1896)]. Et bravo pour vos chroniques !
RépondreSupprimerChouette référence. Amusant ce fantasme chez certains auteurs du XIXème des amours multiples (et simultanées). Ca m'avait marqué dans le Manuscrit trouvé à Saragosse de Jean Potocki.
RépondreSupprimer