L’Archipel du rêve : des milliers d’îles dans éparpillées
dans l’océan d’un monde voisin du nôtre. La technologie est celle du XXIème
siècle, les préoccupations des hommes sont les mêmes. Un certain nombre de
curiosités physiques (vortex, distorsions temporelles…) rendent les îles
indénombrables, in-cartographiables. L’Archipel est un espace neutre dans la
guerre qui déchire les continents voisins. On y croise déserteurs, prostituées,
scientifiques, et surtout des populations d’îliens toutes refermées sur leurs
petits mondes clos. Les lecteurs de Christopher Priest auront reconnu le cadre
de son roman la Fontaine pétrifiante,
ou de son recueil éponyme : l’Archipel
du rêve.
The Islanders est
une bizarrerie littéraire : un guide de voyage, référençant une petite
sélection d’îles, mentionnées par ordre alphabétique. Il est conseillé de le
lire dans l’ordre, le lecteur familier de suppléments de jeu de rôle ne sera
pas désorienté, on fait face d’abord à une énumération à la fois amusante et ennuyeuse de lieux ayant peu à voir les uns avec les autres, puisque dispersés
sur la surface du monde… Dans ce registre, le roman rappelle les notules d’Italo Calvino dans les Villes
invisibles, par exemple. Puis, de lieu en lieu, certains personnages
reviennent, Dryd Bathurst, le peintre génial, admiré de tous, qui n’a cessé de
fuir les îles après avoir offensé d’innombrables maris jaloux. Chester
Kammeston, le Grand Ecrivain, Caurer, la réformiste sociale, Jordenn Yo, l'artiste
extrême capable de détruire complètement les lieux où elle exerce. On y
retrouve aussi les éléments éparpillés d’une affaire criminelle, témoignages,
aveux menteurs, intoxications, qui ne surprendront pas ceux qui savent que, pour
Christopher Priest, le réel a de nombreuses facettes, souvent incompatibles les
unes avec les autres. Et au milieu du guide viennent s’insérer d’autres
éléments : rapports de police, témoignages, lettres d’admirateurs, récits
indépendants...
The Islanders est
peut-être le roman priestien ultime, la forme s’accordant parfaitement au
fond : factuel, ironique, détaché (insulaire ? anglais ?) et en
toutes choses menteur, trompeur, labyrinthique, éparpillé. Aucune vérité ne
s’en dégage, aucune révélation, juste le sentiment que les hommes, comme les
îles, offrent des visages toujours différents selon le cap depuis lequel on les
approche. Le plus grand mensonge est peut-être celui du temps et de la
chronologie, qui suit dans ce livre des courants aussi étranges que ceux qui
passent d’une île à l’autre.
On a ici un objet dont la forme fait totalement
écho au fond, une œuvre d’art bizarre, pleine de recoins et de mystères,
parfaitement accomplie. J’ai été dérouté, perdu, j’ai relu la Fontaine Pétrifiante, l’Archipel
du rêve, trouvé des liens, quelques réponses, et me suis posé encore plus
de questions.
Le roman paraîtra en français cette année aux éditions
Denoël, sous le titre les Insulaires.
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