29 janvier 2018

Les disparus de Saint-Agil – Pierre Very

Dans le pensionnat de Saint-Agil, à Meaux, au début du siècle (l'autre, le XXème) : trois jeunes garçons rêvent ensemble d'Amérique. Ils ont fondé une société secrète, les Chiche-Capon. Nuitamment, ils se rendent dans la salle de sciences naturelles, mettent une bougie dans le crâne du squelette Martin et partagent sur un cahier leurs pensées, leurs projets... Mais une nuit, lors d'une de ces expéditions pleine de suspense hors du du dortoir (il faut éviter le terrible M. Planet qui marche en silence dans les couloirs et ne dort jamais), Matthieu Sorgue voit quelque chose qui le remplit d'angoisse. Et le lendemain, après s'être fait virer de la salle d'étude pour cause de distraction, il disparaît. Envolé. Plus tard, quelqu'un dira l'avoir vu dans un train pour Paris... Mais pourquoi Sorgue, élève doux et rêveur, par ailleurs romancier amateur, aurait-il quitté la pension ? Et pourquoi d'autres enfants disparaissent-ils à leur tour ?
Les disparus de Saint-Agil fait partie des lectures marquantes de mon enfance. Il m'avait marqué si fort que, quelques temps après l'avoir lu, j'avais fondé une société secrète avec mon meilleur ami et j'avais commencé à rédiger un roman (mon premier !) la mettant en scène, tout comme Sorgue agit avec les Chiche-Capon. Puis avec le temps j'ai oublié ce récit, ne me souvenant que du pensionnant, la nuit, et de Martin le squelette, une bougie installée dans son crâne.
La relecture de ce texte nous a soufflés. D'une, il est très bien écrit, beau style français sans être ampoulé, voix multiples, jeux littéraires discrets,  récit épousant le rythme à la fois monotone et doux de la vie scolaire. Derrière le récit à mystère, finement mené, on trouve une belle et émouvante chronique d'enfance, un travail sur le souvenir, une plongée dans les années de l'adolescence dont on ne distingue pas quand elles s'écoulent combien elles peuvent être importantes pour la vie à venir. Le roman multiplie les mises en abyme, les jeux de miroirs, joue sur les rêves et la littérature, et tout prend vie pour le lecteur, la crécelle, les promenades d'été au bord du canal, les devoirs qu'on buche à l'étude, les bavardages de collégiens et lycéens rêvant de cousines ou de filles de cabaret, le catalogue des Armes et Cycles de Saint-Etienne, les surveillants un peu cinglés et ceux à la patience douce et bienveillante, les conversations des profs au café au sujet de la guerre qui vient...
Les disparus n'est pas seulement un bon roman pour enfants, c'est un merveilleux roman tout court et, cela m'a beaucoup ému de m'en rendre compte à la relecture, un des romans les plus importants de ma vie.
(lecture commencée en 2017)

2 commentaires:

  1. Je suis heureuse d'apprendre que je ne suis pas la seule à avoir été marquée par ce livre. J'ai toujours mon exemplaire, dans un état pitoyable à force de relectures, d'autant qu'il a appartenu à mon frère avant moi. C'est l'édition des années 90, celle où on pouvait retourner le livre pour faire des jeux après la lecture, pour laquelle j'ai beaucoup de nostalgie.
    Je le relirai un jour avec plaisir, d'autant que j'ai complètement oublié le dénouement final de l'histoire, même si certains passages sont encore très présents dans mon esprit (le squelette, la carte postale de Chicago, y a un truc avec un piano aussi, non?). Et visiblement c'est le genre de texte auquel on peut trouver d'immenses qualités même en le lisant adulte.
    Merci pour ce retour en enfance.

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  2. C'est un TRES BON livre, à relire les yeux fermés (enfin, façon de parler). J'en chronique un autre, lu à la même époque et chez le même éditeur, mais beaucoup moins bon.

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