30 octobre 2019

Terminus – Tom Sweterlitsch

Ce roman de SF mêle de manière intéressante un récit situé dans une région assez plouque de Virginie occidentale (avec ses pick-ups, ses bars glauques, ses filles enceintes à seize ans et la nature, profonde et inquiétante), avec des éléments de voyage spatial et voyage dans le temps. C’est la juxtaposition de ces objets romanesques qui donne les meilleure scènes : la fille visitant sa mère en maison de retraite dans le futur, les scènes se faisant écho entre les époques… Ces impressions étranges, ainsi que les visions du Terminus, cette apocalypse qui donne son titre à la VF du roman, forment les meilleures parties du livre.
Le reste est « bien fait », prêt à être adapté en série télé ou en film, façon True Detective avec de la SF. J’avais le sentiment pour ces parts de rester dans un univers imaginaire assez formaté.

29 octobre 2019

Parasite – Bong Joon Ho


Dans ce film, une famille pauvre plutôt sympathique : un père nonchalant, une mère colérique, le fils timide mais malin et la grande soeur « artiste » et mauvaise tête, vivent dans un entresol d’une grande ville. Parce qu’un de ses bons potes servait de prof d’anglais à la fille d’une famille riche et part à l'étranger, le jeune homme entre dans le quotidien d’une famille de bourgeois installés dans une magnifique maison d’architecte.
Dans cette famille, il y a la maman belle et naïve, le papa riche, influent et cynique, la grande soeur un peu timide, le petit frère « traumatisé » et foufou, et le chauffeur, et la gouvernante livrée avec la maison.

Le film raconte comment les deux familles vont interagir et notamment comment les pauvres vont tenter de faire leur trou dans la grande maison des riches. Ce sujet très lutte des classes est traité d’abord comme une comédie grinçante, qui vire dans le weird et le côté un peu horrifique.
C’est très bien filmé, avec une certaine lenteur, et un sens très fort de l’architecture et de l’espace. Les acteurs rendent chacun leur personnage touchant et intéressant. 

J’ai particulièrement aimé la scène diluvienne, lors de l’apex du récit (au milieu), autour des pluies et de l’inondation. La manière dont les émotions, les relations sociales, la ville et la météo se font écho donne un moment de cinéma très puissant.






24 octobre 2019

Les Indes fourbes -- Ayroles, Guarnido

Ce livre est une des grosses sorties BD de l'année : un roman de plus de cent pages, scénarisé par Alain Ayroles (de cape et de crocs, une des meilleures bandes dessinées du monde) et dessinée par Juan Guarnido (Blacksad, plutôt pas mal également), les deux écrivant la suite d'un classique du roman picaresque du siècle d'or espagnol.


J'ai lu les premières pages en trouvant l'ensemble beau et bon, dessin classieux et narration efficace, mais en me demandant si le tout n'était pas un peu surestimé. Aventures maritimes et terrestres d'un filou dans les Amériques du roi d'Espagne, c'était fort bien mené, bien sûr, mais... et puis au bout de trente ou quarante pages, l'histoire prend sa véritable mesure et j'ai été ébloui, l'ensemble est magnifique, éblouissant. Une réussite de grande classe dont je ne veux rien révéler pour vous laisser tout le plaisir.
Je le relirai d'ici quelques années, curieux de voir si le livre tient la distance !







21 octobre 2019

Campana – Cirque Trottola à Vidy



On ne va plus tellement à Vidy pour plein de raisons, entre leur programmation bofbof (nos deux dernières sorties y étaient très moyennes, l'une d'elles chroniquée ici fut un franc désastre) et notre rythme de vie.
Campana, c'est un spectacle de cirque, avec deux artistes sur scène pendant deux heures. C'est du nouveau cirque, narratif, qui casse un peu les oreilles et griffe parfois les yeux. J'ai eu un peu de mal au début quand la musique déglingue a commencé et que les personnages sont arrivés en braillant, puis, peu à peu on accroche, on se prend aux jeux multiples montés par ces deux artistes, le grand Bonaventure et la petite Titoune. Jeux de lancers, jeux de portés, acrobaties sur une échelle, trapèze volant juste au-dessus des spectateurs en costume de chat... Jeux de clowns cruels, jusqu'à la compréhension progressive de ce qui se joue dans le spectacle, de l'endroit d'où sortent les personnages, de ce qu'ils fabriquent...
Contrairement à Knie, on verra un éléphant, un géant barbu poursuivant le temps, un clodo qui s'en prend à un plus petit que lui (tout petit Rififi)... 
Ce Campana est tout le contraire de ce que je disais dans mon billet sur Knie il y a quelques semaines. Pas de corps scintillants, pas de voyeurisme, pas non plus le frisson et la peur du danger (même si les exploits sont là). Campana montre un cirque plus prolétaire, dont les personnages travaillent, manient le balais, les outils et même les grandes forges.
Les images produites sont magnifiques, encore amplifiées par le petit chapiteau. Je n'en ai pas trouvées beaucoup sur le réseau, car une partie de la grâce du spectacle repose sur la surprise et l'émerveillement.
Si ce très beau spectacle passe par chez vous, foncez le voir !
(leur tournée, ici)



Photos Cirque Trottola Campana 2018 (c) Philippe Laurençon

14 octobre 2019

Le fabuleux destin d'Amélie Poulain - Jean-Pierre Jeunet

On a regardé avec les enfants ce film-bonbon, pas revu depuis sa sortie. Elles l'ont suivi avec plaisir, ont trouvé l'histoire intéressante et amusante et ont même eu peur qu'il arrive malheur au nain de jardin. 
J'avais oublié la variété du casting et la qualité des seconds rôles (un des charmes du cinéma français traditionnel). L'univers graphique est vraiment très beau, avec sa construction d'une ville de Paris fantasmée. On a du expliquer les photomatons, les pièces de cinq francs et les cabines téléphoniques.



08 octobre 2019

Knie 2019 - Le centenaire

Le "cirque national suisse" Knie (mais au fait, qui lui a décerné ce titre ?) fête ses cent ans en fanfare avec un très beau spectacle que nous sommes allés voir dans un chapiteau plein.
Commençons par évacuer ce qui ne nous a pas plu : les laborieux sketches de Kucholl et Veillon, humoristes de l'étape pour la partie romande de la tournée. Si le tout premier sketch n'était pas mal (les deux Suisses-Allemands apprenant au public à être "de qualité"), les suivants (le policier, puis l'assisté social) servaient la soupe aux bourgeois (majoritaires dans le public, vu le prix des places) et participaient surtout à construire ce déplaisant sentiment identitaire "on est bien entre nous" des Romands, et ce malgré quelques idées qui auraient mérité mieux.

J'ai pour ma part plutôt aimé les numéros de clowns, notamment celui du "dressage d'enfants" de Davis Vassalo et Francesco Fratellini, dont j'ai aimé le côté (gentiment) méchant. Cecci y a vu une pique contre les défenseurs des animaux et la réduction des numéros de dressage, c'est peut-être vrai et nos enfants ne l'ont pas aimé.

Pour le reste, cent ans oblige, ça dégoulinait d'hommage à la famille, photos en noir et blanc, tradition nationale, "on n'a plus le droit de montrer nos éléphants", "nous sommes votre cirque", costumes en rouge et blanc (et je ne pense pas que c'étaient les couleurs de la Pologne). Mais là où, dans le même registre, j'avais trouvé Gruss carrément rance, ça passait ici quand même, grâce à une mise en scène magnifique et des numéros de très haut niveau.

Le chapiteau sans piliers (il est suspendu à deux arches immenses) et les jeux de lumières étaient splendides, d'un niveau que je n'avais jamais vu.


La troupe de danseurs acrobates Bingo, qui fait l'ouverture du spectacle depuis des années, avec toujours la même efficacité énerigue.

Passons en revue les numéros (dans le désordre), en commençant par ceux de la famille Knie/Errani. Comme toujours, ils se sont chargés des numéros d'animaux : tout d'abord un beau numéro d'oiseaux (des perroquets) jouant sur les couleurs.Puis, et surtout, les numéros de chevaux. Celui de la toute jeune Chanel Knie, avec des poneys montés par des poupées, m'a procuré une impression de weird intéressante et sans doute pas voulue - les filles ne l'ont pas aimé, je les comprends, on aurait dit un essai de magie dans l'univers d'Unknown Armies.




La double poste hongroise d'Ivan Knie et Wioris Errani était splendide (superbes chevaux et beaux écuyers) mais le clou était le numéro de carousel de la première partie, avec trente chevaux sur la piste, qui m'a bouleversé comme rarement, un de mes plus beaux moments de cirque. C'est pour ces quelques secondes grâce, où les chevaux, l'écuyer, les lumières produisent des images merveilleuses que j'aime aller au cirque.




Toujours dans le registre "familial" Knie, nous avons eu droit en premier numéro aux fratelli Errani, qui ont présenté un beau numéro, d'icarisme. Une valeur sûre de Knie, par des artistes dont les numéros dégagent toujours une vraie joie.

Cette année, le spectacle était accompagnée d'une chanteuse (dont je ne connais pas le nom) façon diva pop qui assurait le numéro d'entrée, accompagnée par la troupe Bingo, donnant un ton romantique et classe à la représentation.

Les artistes invités étaient, plus encore que d'habitude, d'excellent niveau.


Anastasia Makeeva a donné un numéro d'acrobaties aériennes parfois effrayant, le seul qui m'ait fait vraiment peur, avec une suspension en grand écart entre deux rubans, à plus de sept mètres du sol. Brrr !

Une réflexion en passant : le cirque repose toujours sur l'exhibition et la mise en jeu de corps extraordinaires. Corps des chevaux, des bêtes, des hommes et des femmes. Des monstres, des corps parfois choquants dans leur étrangeté (contorsionnistes ou jongleurs, voir Klee plus bas) ou sexualisés car souvent dénudés, couverts de paillettes ou de lumière. Il y a une ligne délicate entre l'émerveillement et le voyeurisme, rendant certains spectacles de cirque assez sexistes, ce qui n'était plutôt pas le cas du spectacle de Knie cette année.


Nous avions déjà vu la troupe Sokolov il y a quelques années. Elle a repris le même type de numéro (en clôture du show) de bascule acrobatique avec échasses. De la bascule acrobatique avec échasses (vous pouvez souligner tous les mots), c'est une combinaison de malades, à apprécier avec roulements de tambours, pirouettes aériennes folles (avec échasses) et tonnerre d'applaudissements. 


Le jongleur-danseur ukrainien Viktor Kee a créé un personnage extraordinaire, une silhouette extra-terrestre (son costume était différent, meilleur que celui de la photo ci-dessus). La mise en scène lumières de son show était magnifiques, avec une pluie d'étoiles projetées sur son corps et autour de lui, donnant l'impression d'un personnage irréel et transparent. Il a commencé par danser avec une boule lumineuse (ondulations et jeux d'immobilités) avant de recevoir du ciel ses balles de jonglage, de une à cinq. Un numéro de très grande classe.



Golden dreams est un duo italo-espagnol (nous les avions déjà vus aussi, l'an dernier je crois) qui présente le numéro qui pourrait être le plus bad-taste du monde. Un type sculptural façon gladiateur de film des années 70. Une femme musclée genre body building. Les deux sont peints en or et paillettes et font un numéro sur musique du style Hans Zimmer pour Gladiator. Et c'est super bien, notamment parce qu'ils savent jouer du côté statue antique, posée. Ces deux là font du tissu aérien au ralenti, ce qui nécessite une force et une maîtrise particulières. Et c'est très beau.

Ces deux costauds roumains forment le duo Ballance et mon numéro favori du spectacle de cette année. C'est un numéro de portés (j'explique simplement : le costaud 1 - 90 kilos au moins est porté par le costaud 2 - 100 kilos de muscles pendant tout le numéro). N'allez pas regarder la vidéo qu'on trouve sur youtube (le cirque ne rend rien en vidéo, on perd toute la beauté, ne reste que des images crues et froides), croyez-moi simplement : voir ces deux hommes, l'un portant l'autre, bouger avec force et lenteur dans des rayons de lumière bleue, m'a procuré une immense émotion.



Le spectacle de cette année était une grande réussite, dans le registre de cirque de Knie, je le recommande vivement. 

Merci au service média du cirque pour les photos.




07 octobre 2019

La grande illusion -- Jean Renoir

Encore un classique que je n'avais jamais vu. Un classique pour une bonne raison : c'est un film magnifique. Très écrit, monté avec un bel équilibre. Un film de guerre, de prisonniers et d'évasion, qui présente des personnages tentant d'agir humainement dans des situations qui devraient les pousser à se déchirer. L'image est superbe, la musique toujours présente à bon escient, et les acteurs sont formidables. Pierre Fresnay en aristo (que j'avais découvert dans l'assassin habite au 21), Gabin en "français moyen", Von Stroheim en noble allemand torturé (si ce que j'ai lu sur le film est vrai, Renoir l'aurait quand même un peu empêché d'en rajouter sur le dark-gothique du personnage).
L'évolution du récit m'a tout le temps surpris, ce qui est rare. J'ai été très touché par les personnages, le traitement des questions politiques (l'Europe, l'antisémitisme, la fraternité...), dans un récit formellement parfait.











01 octobre 2019

Hidden figures – Theodore Melfi

Ce feel-good movie met en scène Katherine Johnson, Dorothy Vaughan et Mary Jackson, trois femmes afro-américaines, douées pour les mathématiques et les sciences et ayant chacune participé à sa manière aux premières étapes de la conquête spatiale.
Le film porte un discours simple, montre le racisme, les discriminations, mais aussi la joie et l’exaltation de participer à une aventure aussi extraordinaire. Il donne aussi une idée de ce qu’à pu être le calcul du temps d’avant les ordinateurs.

Dans ce thread twitter très détaillé, Florence Porcel (qui apprécie le film) détailles les nombreux écarts entre la fiction et la réalité. C’est intéressant à lire pour enrichir sa connaissance de l’époque (par exemple, Katherine Johnson n’a jamais été vraiment victime de racisme).

On a regardé le film avec Rosa, Marguerite et leurs copines et elles l'ont trouvé intéressant.