01 novembre 2019

L'étrange défaite – Marc Bloch

J'avais entendu parler de ce livre depuis longtemps. Il a fallu l'envie d'une campagne de jeu de rôle dans la France de 1940 pour me convaincre de le lire.
En 1940, Marc Bloch a 56 ans. Il est historien, un des grands de son domaine et de son temps. Ancien de 14 où il a eu un comportement militairement irréprochable (décoré, officier), c'est un patriote qui s'engage volontairement comme officier dans l'armée en 39 alors qu'il aurait pu éviter tout ça et passer du temps auprès de sa famille et de ses livres.
Et il assiste, de l'intérieur, à l'incroyable défaite de mai/juin 40, l'effondrement total de l'armée française. 
En septembre, réfugié au calme, bouleversé parce qu'il a vécu, il fait ce que fait tout intellectuel dans ce genre de circonstances : il écrit un livre.
L'étrange défaite est une tentative d'histoire "à chaud", l'histoire de ce qui nous est arrivé. L'auteur part de son propre parcours (officier d'Etat-Major, responsable des carburants pour une des armées du Nord, la première je crois), "le plus vieux capitaine de France", puis il élargit et approfondit le propose, essayant de dépeindre l'armée française, ses officiers, ses mentalités, les ruptures induites par l'âge élevé des cadres, puis interrogeant jusqu'à la mentalité patriotique de la bourgeoisie, de la patrie. Il regarde ces évènements de son point de vue de militaire convaincu, officier engagé pour les siens et sa patrie. Officier républicain, ennemi convaincu du fascisme.
L'étrange défaite est un livre bouleversant. Une partie de ses analyses ont été ensuite invalidées, d'autres sont justes, mais on sent dans sa rédaction l'urgence de décrire, de comprendre, dans un style très classique et français, l'immense malheur vécu par la nation. C'est une plongée dans les mentalités, dans l'esprit du temps. Les anecdotes sont nombreuses mais la pensée est large et claire.
Bloch, Juif, sera écarté de la fonction publique, continuera à écrire, à enseigner, dans la peine et la douleur. Devenu résistant, il sera assassiné par la Gestapo en 1944.

Je repense en écrivant ces mots à une parole de Daniel Cordier, entendu dans cette émission : La France ? Mais elle a disparu en 1940 !

C'est de cette France aux institutions puissantes, à l'Empire immense, dotée de "la meilleure armée du monde" dont Bloch décrit l'agonie et la disparition.



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