31 octobre 2024

Conquest - Nina Allan

Frank Landau est un jeune anglais gentil, attachant et bizarre, obsédé par la musique de Bach, par le code informatique et par des complots bizarres. Autiste, certainement, même si le mot n'est jamais prononcé.

Il disparaît lors de son premier voyage hors du Royaume-Uni, à Paris.
La Tour est une novella de SF parue dans les années 50, d'un auteur très mineur, mais dont le récit éclaire bizarrement notre présent..
Robin est détective privée, ancienne flique. Elle aime Bach aussi. Elle recherche Frank Landau.
LAvventura est un forum d'ufologue.
Edmund de Groote est à moitié universitaire, à moitié gangster. Il se débrouille bien au piano.

Conquest, de Nina Allan, est un roman étrange, dérangeant et brillant, qui rassemble tous ces faits et ces gens. On y parle du destin de l'humanité, d'amour et surtout de la manière dont nous voyons nos croyances changer sur le monde. Il y a dedans beaucoup de questions et quelques réponses.
Et l'Ecosse, comme toile de fond à tout cela.







Voici sa playlist, pour coller dans votre app de musique favorite et, peut-être, vous donner envie.

  • Variations Goldberg - Bach - Serkin
  • Tracks of my tears - Ronstadt
  • Cygnet Comittee - David Bowie
  • BWV 1004 - Bach - Milstein
  • Variations Goldberg - Bach - Schiff
  • But Who May Abibe - Haendel - Emma Kirby
  • Chaconne - Bach - Menuhin
  • Herz und Mund und Tat und Leben BWV 147- Bach - Koopman
  • Nocturnes et arias - Hans Werner Henze
  • La passacaille de Biber
  • BWV 528
  • In tempus praesens - Goubaidoulina - Mutter

28 octobre 2024

Immergés - par les adonymes, à la Tournelle


Nous sommes dans une station sous-marine établie voici une génération par un groupe de survivants que les autres appellent les Fondateurs. Une petite communauté de survivants y mène une vie monotone et sourdement angoissée. Parce que, oui, on est après. Après quelque chose qui a englouti les villes et chassé les gens de la surface.

Parmi les gens qu'on apercevra à la cantine ou dans les tréfonds de câbles et de tuyaux de la station, on rencontrera Rodrigue, le jeune cuisinier/barman toujours de bonne humeur, Perséphone, sage et d'humeur égale, qui est membre du Conseil dirigeant la petite communauté (et qui nourrit pour les souvenirs du passé une curiosité avide et secrète), Alain, le vieux, celui qui raconte les histoires d'avant, celle des roses, des balançoires, des arbres..., Espoir, la petite fille, toujours énergique et joyeuse, et Marcus, le tech, qui peste et a peur parce qu'il sait dans quel état, vraiment, est la station.



On va les voir vivre, s'aimer et s'affronter, alors que la menace existentielle se fait de plus en plus lourde, dans cette pièce d'une heure, écrite, dessinée et créée par ses jeunes acteurs. L'hisoire est poignante et oppressante et tient son récit serré.


Les lecteurs de ce blog le savent, j'aime le théâtre et j'aime la SF et j'aime aussi le théâtre de SF, une espèce assez rare. Je me rappelle encore très bien M.O.I, avec Sophie Pasquet Racine et Pierric Tenthorey, https://lependu.blogspot.com/2017/05/moi-lechandole.html, ou encore le plus récent Wasted Land, à Vidy, aux images puissantes, mais au dispositif un peu foutraque parce qu'il se moque bien de créer une narration.

Avec Immergés, on a du théâtre d'amateurs, au sens le plus noble. Du théâtre de gens qui aiment le théâtre, qui ont la jeunesse de ne pas tout connaître et donc de n'avoir peur de rien et d'oser tout ce qu'ils et elles veulent (comme la très belle scène d'exploration de la station, ou bien le voyage d'Alain en sous-marin). La pièce est d'une intensité brûlante et violente, certaines scènes m'ont tordu le cœur et fait pleurer. La mise en scène est pleine d'idées, exploitant pleinement l'espace étroit et profond de la Tournelle, pour créer un décor en couches successives. L'affrontement, autour duquel pivote l'histoire, entre Marcus et Rodrigue est déchirant, parce qu'on ne peut s'empêcher d'aimer chacun de ces protagonistes écrasé par des forces plus grandes que toute leur communauté.

Et la pièce, comme toute bonne nouvelle de SF, propose un retournement final et une chute, remarquablement bien amenés, par une belle trouvaille narrative autour d'un walkman du monde d'avant. Le pas de côté et l'élargissement final utilise toutes les ressources de l'image et d'une belle langue inventée pour nous faire reconsidérer et repenser à tout ce que nous avons vu. On termine essoufflé et ému par ce voyage subaquatique.




Une dernière chose : cette pièce n'est pas l'oeuvre d'un ou d'une seule, mais une création collective, à partir d'un ensemble d'improvisations de la troupe, cristallisées en un récit commun, sous la supervision jamais envahissante d'Olivier Mäusli. C'est une histoire sans héros ni héroïnes, une histoire de groupes et de communautés, de destin commun, née d'une énergie collective. Le procédé et le propos se répondent, c'est logique et c'est beau.




Note de conflit d'intérêt : j'ai chroniqué ici une pièce où joue Marguerite. On ne peut bien sûr pas être indifférent à une oeuvre à laquelle participe une de nos enfants. Mais, au-delà de l'émotion personnelle, je crois profondément à l'inérêt et à la beauté de ce travail que je me suis efforcé de traiter avec honnêteté.

24 octobre 2024

Le malade imaginaire - à la comédie française



Je pense régulièrement que Molière est sur-côté, notamment à côté de Shakespeare.
Puis, des fois, on voit un truc comme ce malade imaginaire, et en fait, non. Molière, quand même.

Donc Argan est malade, au début il est assis sur une drôle de chaise d'hôpital XVIIème qui est aussi son chiotte, il compte son fric, il en a, celui qu'il va donner à ses pharmaciens fournisseurs, et c'est marrant. 

Après il va ignorer le soupirant de sa fille (Cléante), tenter de refiler la gamine à Thomas Diafoirus qui est un débile profond mais tout à fait bien membré et capable d'engendrer des fils (c'est le texte qui le dit), se faire manipuler par sa seconde épouse qui lui donne du "mon fils", équivalent 17ème de "mon gros bébé", se faire faire la leçon par son frère, hurler en méta contre Molière et ses comédiens et lui souhaiter la mort et à la fin, se faire ordonner médecin dans un grand nonsense de danses et de litanies en latin de cuisine, énorme WTF en ballet d'arlequins pour former l'image finale.

Ce qui est beau, dans cette mise en scène de Claude Stratz (vieille de 20 ans, et fun fact, le Claude fut suisse et bossa comme assistant en psycho à Piaget avant de se lancer dans le théâtre, fin de parenthèse), ce qui est beau, donc, c'est qu'on entre dans l'esprit de cet homme. Ca devrait être un con, on devrait le détester, ce sale bourgeois trop bouché, mais en fait on entre dans sa folie et ce, qui est le plus terrible, on la comprend. Parce que la mort rode, tout le temps, dans cette grande maison vide que la scène dessine. Il y a des courants d'air, des rideaux qui se soulèvent, les chiens aboient dans le lointain. Et oui, les jeunes Cléante et Angélique sont bien mignons, et Toinette se démène, et ceux-là vont vivre et s'amuser encore, mais dès qu'il se taise le silence et le froid envahissent tout et moi, dans le silence entre les mots, entre les cris et entre deux passages sur le trône, je comprends l'inquiétude d'Argan.
Il a peur. Il a peur de la mort.
Et c'est pour ça qu'on rit et que la pièce est bien et que Molière, quand même, oui.




Ha oui, en voyant la première scène je me suis rendu compte qu'en fait... on l'avait déjà vue. Il y a plus de vingt ans, lors des premières fois de cette belle mise en scène, avec d'autres acteurs (ou bien les mêmes pour certaisn rôles), avant que ce blog n'existe.











 

23 octobre 2024

Faust, de Gounod -- à l'opéra Bastille

C'est l'histoire du docteur Faust qui en appelle au diable. Il ne le fait pas pour la connaissance, pas pour l'immortablité, mais surtout pour pouvoir séduire des jeunettes (le livret est français, coïncidence ? Je ne sais pas). Le diable propose un deal, lui fait signer un truc concernant son "âme" et le rajeunit. Puis il aide l'ex-vieux à séduire une jeune femme, Marguerite, qui se refuse. Alors il force un peu. Siebel l'étudiant  gentil drague Marguerite et lui offre des fleurs, Faust monte en gamme et offre des bijoux et elle les met, fascinée, et elle rit de se voir si belle en ce miroir. (oui, c'est cet air-là, #TeamCastafiore). OK, elle tombe amoureuse, elle couche avec lui. Et maintenant elle est enceinte.

Valentin, son frère à elle, revient de la guerre et la trouve "déshonorée" (coucher avec un mec, être enceinte = être déshonorée, c'est la vibe de l'époque, mais la mise en scène défend l'idée que chez certaines classes populaires portant des casquettes, c'est toujours le cas). Il défie le doc en duel, Méphistophélès triche, Valentin meurt, Marguerite a le seum. Faust se rend à un sabbat la nuit de Walpurgis avec Mephis. Là, il a une vision de Marguerite qui tue son nouveau-né. La jeune mère infanticide est collée en prison. Mephis emmène Faust dans la prison et propose de les faire sortir, lui et Marguerite. Elle refuse, elle est condamnée, elle est sauvée par l'intervention des anges du Seigneur qui chassent le diable.

Ca parle de sexe, c'est bourgeois 19ème avec du catholicisme dégoulinant dedans et du pathos autour de la pauvre fille-mère. Mon bon cœur me dit que Charles Gounod trippait sur toutes ces choses là : le romantisme, le diable, la foi, les pauvres jeunes femmes abandonnées par des sales types, et c'est bien son droit.

Dans la mise en scène de Tobias Kratzer qu'on a vue à Bastille, Faust est d'abord un vieux beau qui se tape des escort girls dans son appart chic du 6ème, Mephis a une petite cape noire, les jeunes font des raves tout en chantant des rondes paysannes, Marguerite est une jeune arabe qui vit en HLM que le vieux beau rajeuni séduit avec les bijoux (elle rit de se voir si belle dans le miroir de la salle de bain). 

L'acte 4 commence chez le gynéco, se poursuit dans le métro où elle rencontre le diable (ma scène favorite), Valentin est un jeune genre macho qui cogne sa sœur et qui meurt d'un coup de couteau sur les marches de l'immeuble. La fin, je n'ai pas trop compris. J'ai l'impression que, en fait, Siebel est une meuf queer et que, comme toute bonne lesbienne, elle meurt à la fin. #DeadLesbianSyndrome

Les chanteurs sont super, j'ai particulièrement aimé Amina Edris en Marguerite (qui joue aussi bien qu'elle chante) et Florian Sempey en Valentin, mention spéciale à Marina Viotti en Siebel ("les mezzos, c'est souvent les potes de l'héroïne", dixit Rosa), les chœurs très bons, l'orchestre qui exécute cette partition et ce compositeur avec énergie. Il y a des tonnes de pognon dans la mise en scène, quelques trucs très réussis avec des jeux de vidéos projetées sur écran semi transparent.

Maintenant, et même si j'aime le chant lyrique (enfin, surtout chez Mozart, et quelques autres) et si j'aime le théâtre, je me demande quand même un peu à quoi bon ce genre de productions avec des décors aussi fous, des billets aussi chers, et un petit groupe d'artistes qui font cet exploit dingue de pousser les notes dans cette salle immense et que ce soit beau (chapeau à eux, ce sont des athlètes de haut niveau qui font l'exploit à chaque fois).
J'aime la musique, j'aime le théâtre, j'aime les acteurs, et j'ai même plutôt aimé voir la flute enchantée en mode Tintin (encore lui) à l'opéra de Lausanne l'an dernier, mais ce genre de superproduction scène+orchestre+son mettant en scène une drame fantastico-bourgeois dégoulinant du 19ème siècle et qui termine sous des tonnerres d'applaudissements des 2700 spectateurs de la grande salle me laisse tiède. Pas froid, non, tiède.









22 octobre 2024

La tempête - au TKM

Donc un vieux roi dépossédé, mais magicien niveau 27, devient le maître d'une île perdue. Il en tue la sorcière locale, soumet son monstre de fils (Caliban), y fait grandir sa fille en grâce et en beauté et là, comme le destin fait bien les choses, une tempête bricolée par lui (d'où le titre) y jette ses vieux ennemis et une brochette de truands pour faire bonne mesure. Aidé par Ariel, l'esprit des airs, il va les faire tourner en bourrique, se dire qu'il va tirer vengeance d'eux et en fait non, il leur pardonne.

Je ne sais pas si je comprends cette pièce. Je pense que l'adaptation d'Omar Porras en coupe beaucoup, ce qui n'aide pas.

Le théâtre Malandro nous livre un spectacle plein de magie. Ariel est une magnifique créature androgyne, Caliban un mix entre Gollum et un esclave exploité par un colonial, Prospero est un Gandalf sylvestre (un Radagast ?), Miranda est très belle et Ferdinand touchant et un peu neuneu.

Sur scène, on a une tempête (évidemment), des brumes, des illusions, des éclairs, des fées, des créatures esprits silencieuses qui nous contemplent en silence... C'est très-beau et très-merveilleux, voyez-le si vous n'avez jamais vu ça.

Après, narrativement, je ne me suis pas senti impliqué. A en croire ce que j'ai vu, le vieux Will ne fait que du méta en permanence et il n'y a pas d'intrigue, on s'en fout. Prospéro est tout le temps en contrôle, on ne voit que des gens qui s'agitent pour rien et le metteur en scène démiurge créature qui, finalement et malgré tous les traits dont il les a chargés, décide d'aimer ses créatures. C'est déjà pas mal.