Bon, on le saura, j'aime faire jouer des histoires de jeu de rôle situées dans des contextes historiques et mettant en scène le fantastique lovecraftien. Appelons ce type de jeu de rôle "l'Appel de Cthulhu", AdC. Mon penchant est plus "horreur existentielle" que "aventures pulp". Et comme je ne suis pas le seul à aimer ça, je vois passer des offres de financement participatives pour des campagnes comme les cinq supplices ou bien le très mauvais Cthulhu Tenebris. Et j'ai donc financé cette campagne autour de la Section 13, une autre production française. Suspense : alors, c'est bien ou ce n'est pas bien ?
Parlons déjà présentation matérielle : c'est très joliment fait et plutôt dépourvu de coquilles. Photos d'époque, illustrations, texte bien mis en page, c'est tout à fait lisible et impeccable. Je n'ai pas regardé ce que valaient les PDFs (en gros, sont-ils lisibiles sur une lieuse à e-ink? Si oui, OK. Sinon, c'est du foutage de g., comme la plupart des PDFs publiés par les boites américaines, par ex., qui ne sont que des tueurs d'imprimantes).
Ensuite, contenu : le livret contient essentiellement un scénario, c'est à dire de quoi faire jouer. Pas de bavardage, peu de fluff, des aides de jeu assez basiques, mais bien faites.
La proposition de jeu est la suivante (je préviendrai quand les spoilers arriveront). Vous êtes des agents du Mi-13, la petite section des services secrets britanniques chargée de lutter contre le mythe. Une petite agence d'élite, dirigée par une femme de haute condition, qu'on envoie ici ou là quand ça déconne sec avec l'au-delà. L'équivalent britiche du bureau S créé par Tristan Lhomme.
La campagne (plutôt un gros scénario) a une articulation très classique. On n'est pas dans le Cthulhu très original - quête, artefact, cultistes, exotisme, manoirs, sorciers, rituel. C'est honnêtement écrit, les PNJs sont fournis en quantité, pas de fluff, comme j'ai dit, contrairement à une autre publication récente dont j'ai parlé dans ces lignes.
Ce qui manque : dix pages sur : qu'est-ce que c'est que l'Angleterre dans les années 20 ? Comment on entre dans les services secrets ? Qu'est-ce qu'il y a dans les journaux ? Et les souvenirs de la guerre ? Les relations avec les colonies ? Et la politique ? On en est où ? Qui en pense quoi ? Qu'est-ce qu'on défend ? Comment les personnages se positionnent socialement ? Quand Tristan Lhomme écrit "sous un ciel de sang", on a pour chaque scénario quelques petits paragraphes de contexte historico-social qui permettent de jouer autre chose qu'une partie de jeu de plateaux "je lutte contre les tentatcules en récoltant des indices". Ca m'ennuie de devoir faire ce boulot moi-même. Si je dépense des sous en JdR, c'est pour que les auteurices le fassent pour moi - tiens, d'ailleurs, quand on regarde les backers et les auteurs de ce genre de texte, on est clairement entre (vieux) mecs.
Le livre contient quelques petites bonnes idées, pas du tout exploitées (attention, spoilers) : le fait que le Mi-13 soit dirigé de mère en fille par la même putain de familles d'aristocrates. Leurs relations originelles avec l'église anglicane. Le fait que le méchant soit aussi lié à une vieille famille d'aristos. Ca donne envie de creuser.
Bref, ce Section 13 n'est pas une publication honteuse, mais elle manque clairement de contexte et de travail de fond. Est-ce que je vais la faire jouer ? Peut-être, mais il va me falloir inventer des trucs qui manquent et me débarrasser des conneries fantastiquantes les plus kitsch, comme le putain de rituel (mais non, les gars, vous êtes sûrs que vous ne pouvez pas faire mieux ?) et "les métaux inconnus et mystérieux que la science ne connaît pas, bli bla bla". On a le droit et les moyens de faire plus original.
Bonne lecture !
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