19 décembre 2005
Mémoires d'un tricheur
...de Sacha Guitry, avec Francis Huster dans le (mono)rôle éponyme.
Nous avons assisté à la 150ème, dans le classieux théâtre Edouard VII.
Ce n'est pas du grand théâtre. Pas de morale profonde, pas de remise en cause de l'existence. Une petite pièce (un quasi monologue), dite par un bon acteur. Beaucoup de mots d'esprit, un esprit souvent méchant, jamais vulgaire, avec une vraie joie de vivre. Pas de cynisme, juste une moquerie un peu caustique.
La pièce est une aimable plaisanterie, un peu comme une anecdote un peu longue et savoureuse, à déguster au salon avec un verre de whisky (ou de champagne, pour être dans l'esprit du narrateur). Si on n'en attend pas plus, alors on sera bien servi.
16 décembre 2005
L'amour des trois oranges
...à l'opéra Bastille, une des salles de spectacle les plus laides du monde.
C'est un opéra bizarre, très enlevé, joyeux, avec des danseurs, jongleurs, cracheurs de feu... Des parades, des géants, plein de gens sur scène, de belles images féériques (beaucoup plus féériques que la pesante "flûte enchantée" que nous avions vue l'an dernier). Mais à Bastille, le public est bien élevé, il n'applaudit pas trop.
L'histoire est drôle, invraisemblable, avec des personnages de commédia dell'Arte (le livret est inspiré d'une pièce de Carlo Gozzi). Ca bouge bien, on saute, on virevolte, et on oublie pas de chanter (en français, langue de création du spectacle !).
Les personnages s'appellent : le roi de Trèfle, Celio le mage, la Cuisinière Creonte, le princesse Ninette, Smeraldine, Truffaldino, Farfallo, Pantalon, et la Fata Morgana !
La Fata Morgana
La musique de Prokofiev est pleine d'énergie, faisant corps avec l'intrigue. Pas d'airs, pas de mélodie, pas de morceaux de bravoure, juste un rythme, une matière mouvante, puissante, qui est l'essence même de cette histoire onirique enfantine, pleine d'une jolie cohérence interne.
Parmi les très beaux instants, au début du 3ème acte, le mage Celio (une sorte de Mandrake un peu ridicule, avec smoking, gilet rouge, haut-de-forme, grand manteau noir) est seul dans une brume bleue magique, dans un cercle de lumière. La brume se déplace en vagues autour de lui, tombe dans la fosse de l'orchestre. Il appelle "Farfallo! Farfallo!", une sorte de démon... et crac! apparaît auprès de lui un double parodique de lui-même, gilet rouge qui tombe sur les cuisses et haut-de-forme de ramoneur... Un beau morceau de rêve.
12 décembre 2005
Sécession viennoise
Ce samedi, Cecci et moi sommes allés voir l'expo sur la Sécession Viennoise au Grand Palais.
Comme prévu, il y avait un monde fou, une queue interminable, et ça se pressait dans les salles pour pouvoir voir les tableaux.
Contrairement à l'exposition du musée d'Orsay (voir un des billets précédents), celle-ci était assez peu pédagogique. J'ai vite cessé de lire les textes, rasoirs, qui accompagnaient les tableaux.
Les tableaux, venons-y. Je ne connais pas grand chose aux artistes de cette époque, donc mes réflexions paraîtront peut-être ignares...
A part Klimt, les artistes présentés (Schiele, Kokoschka et Moser) ont traité des sujets extrêmement souvent morbides. Les premières salles, une fois passés les ors de Klimt, ne sont pas très réjouissantes.
Les choses s'améliorent dans le salle des paysages, où on voit de belles compositions (toujours très tristes, je trouve) de Schiele. Lignes verticales et horizontales, toits gris des villes, grisaille de la campagne. Je n'avais aucun mal à y associer la morosité d'une vie viennoise avant et pendant la Grande Guerre.
Les oeuvres que j'ai trouvées les plus saisissantes sont venues à la fin, avec les dessins (les dessins de Klimt sont magnifiques) et les portraits (et auto-portraits de Schiele). Les portraits, très tourmentés et violents, paraissent souvent cracher la vérité de leurs sujets.
J'ai beaucoup rêvé sur l'image que Schiele donnait de lui, jeune saltimbanque un peu fou aux cheveux bleus.
Quelques tableaux marquants :
les tableaux de Klimt sont tous très intéressants à voir, à cause de la richesse des matières, des textures... J'aime particulièrement celui-ci, Danaé, parce qu'il a réussi à représenter quelque chose d'impossible à concevoir... Comment Zeus a pu féconder Danaé sous la forme d'une pluie d'or.
Klimt, dans un autre genre. J'ai oublié le titre du tableau, il fait partie d'une série "paysagère".
De Kokoschka, des amants (nus). Cecci est persuadée avec moi qu'il s'agit d'Adam et Eve juste après avoir été chassés du paradis.
Schiele, dans le genre morbide (je n'aime pas trop, mais celui-ci est marquant). On imagine bien ce tableau dans le bureau d'un psychiatre. Un homme et la mort.
Schiele, un paysage touchant, mais bien déprimant. En même temps, on se figure bien l'Europe centrale comme ça.
De Schiele encore, un personnage fantastique.
Un autoportrait de Schiele, dans la veine du personnage fantastique.
De Schiele, un autre autoportrait. Je trouve celui-ci absolument génial. Par le découpage, les contorsions du corps (qui n'a ni pieds, ni mains !), le jeu de couleurs, la répartition des taches rouges...
Je conclus avec Klimt, la dame au chapeau, beau support de rêveries.
Comme prévu, il y avait un monde fou, une queue interminable, et ça se pressait dans les salles pour pouvoir voir les tableaux.
Contrairement à l'exposition du musée d'Orsay (voir un des billets précédents), celle-ci était assez peu pédagogique. J'ai vite cessé de lire les textes, rasoirs, qui accompagnaient les tableaux.
Les tableaux, venons-y. Je ne connais pas grand chose aux artistes de cette époque, donc mes réflexions paraîtront peut-être ignares...
A part Klimt, les artistes présentés (Schiele, Kokoschka et Moser) ont traité des sujets extrêmement souvent morbides. Les premières salles, une fois passés les ors de Klimt, ne sont pas très réjouissantes.
Les choses s'améliorent dans le salle des paysages, où on voit de belles compositions (toujours très tristes, je trouve) de Schiele. Lignes verticales et horizontales, toits gris des villes, grisaille de la campagne. Je n'avais aucun mal à y associer la morosité d'une vie viennoise avant et pendant la Grande Guerre.
Les oeuvres que j'ai trouvées les plus saisissantes sont venues à la fin, avec les dessins (les dessins de Klimt sont magnifiques) et les portraits (et auto-portraits de Schiele). Les portraits, très tourmentés et violents, paraissent souvent cracher la vérité de leurs sujets.
J'ai beaucoup rêvé sur l'image que Schiele donnait de lui, jeune saltimbanque un peu fou aux cheveux bleus.
Quelques tableaux marquants :
les tableaux de Klimt sont tous très intéressants à voir, à cause de la richesse des matières, des textures... J'aime particulièrement celui-ci, Danaé, parce qu'il a réussi à représenter quelque chose d'impossible à concevoir... Comment Zeus a pu féconder Danaé sous la forme d'une pluie d'or.
Klimt, dans un autre genre. J'ai oublié le titre du tableau, il fait partie d'une série "paysagère".
De Kokoschka, des amants (nus). Cecci est persuadée avec moi qu'il s'agit d'Adam et Eve juste après avoir été chassés du paradis.
Schiele, dans le genre morbide (je n'aime pas trop, mais celui-ci est marquant). On imagine bien ce tableau dans le bureau d'un psychiatre. Un homme et la mort.
Schiele, un paysage touchant, mais bien déprimant. En même temps, on se figure bien l'Europe centrale comme ça.
De Schiele encore, un personnage fantastique.
Un autoportrait de Schiele, dans la veine du personnage fantastique.
De Schiele, un autre autoportrait. Je trouve celui-ci absolument génial. Par le découpage, les contorsions du corps (qui n'a ni pieds, ni mains !), le jeu de couleurs, la répartition des taches rouges...
Je conclus avec Klimt, la dame au chapeau, beau support de rêveries.
01 décembre 2005
La séparation (Christopher Priest)
A fine fable of how the world is haunted by the ghosts of our what-might-have-beens (voir ici)
Je viens de finir de lire la séparation, de Christopher Priest, un auteur de science-fiction anglais très flegmatique et très intéressant. J'avais décidé de lire ses livres après avoir bavardé avec lui à un festival, comme quoi ça vaut toujours le coup pour un auteur de passer un peut de temps avec un lecteur...
La séparation est un roman sur le thème de la seconde guerre mondiale (vue du point de vue anglais) et des histoires alternatives (uchronies). Il me paraît très difficile à résumer. Il y est question de l'offre de paix faite en mai 41 par l'Allemagne au Royaume-Uni, de frères jumeaux homozygotes, d'hommes politiques qui se font remplacer par des sosies pour leurs meetings... et d'Histoire.
Comme chez Dick, le personnage principal est plongé dans des réalités alternatives, rêve, ne sait pas qu'il rêve, se réveille plusieurs fois de suite sans s'être endormi... Contrairement à Dick, le roman garde une certaine retenue, sans plonger lui-même dans la folie (il se contente d'y plonger ses personnages).
Si vous aimez l'histoire, les spéculations historiques, si vous vous interrogez sur le sens des actions, sur ce que votre vie serait devenue si..., alors le roman peut vous intriguer, voire vous fasciner comme il l'a fait pour moi. Je ne suis pas assez fin connaisseur de la période pour apprécier les détails de l'intrigue, mais certaines spéculations sont assez excitantes intellectuellement.
De plus, ce roman est aussi une histoire de pilotes et de bombardements, de missions de nuit, de villes plongées dans les ténèbres et déchirées par les bombes...
C'est un livre prenant, bien écrit, mais qui laisse une étrange impression de rêve dont on se serait mal réveillé. Alors que les jours raccourcissent, ça ne m'a pas beaucoup aidé pour planter les pieds dans la réalité. Comme lu dans une autre critique, un roman somnambule...