Quelques mots sur une grande re-découverte de ces derniers mois : l'oeuvre d'HP Lovecraft.
Comme beaucoup, j'imagine, j'ai entendu parler de HPL à travers l'excellent jeu de rôle l'Appel de Cthulhu. J'avais donc lu à l'époque une partie des textes fondateurs et les avais trouvés un peu surestimés. Rythme lent, curieux phrasé, pas vraiment d'horreur-qui-fait-peur. Un seul d'entre eux m'était resté en mémoire, l'hypnotique poème Nyarlatothep.
Puis, voici quelques mois, j'ai repris la lecture dans l'ordre du T1 de la collection bouquins, aiguillonné par la lecture de Double Styx. Et là j'ai découvert une voix. Les textes de Lovecraft recèlent des trésors (et leur traduction française leur rend bien hommage!). Des accroches de nouvelles extraordinaire (lisez ses premières phrases...), un point de vue distancié pour mieux dire ce qu'on ne saurait dire. Chez Lovecraft, l'horreur n'est pas au coin de la rue. Elle est dans des documents, dans le récit qu'on découvre dans de vieux papiers, dans le témoignage rapporté par le témoin d'un témoin... Les récits sont menés avec un ton glacé, froid, objectif (ou perce parfois un humour pince sans rire). Le rythme des textes est hypnotique, fascinant, et l'étrange rencontre le prosaïque.
Chez lui, rien n'est dit (j'avais coutume de le moquer à cause de son emploi du mot "indicible"), parce que ses créatures, ses cauchemars, relèvent du sacré, de ce qui est séparé, qui ne peut être vu en face sans plonger dans la mort ou la folie.
En lisant son unique roman, l'affaire Charles Dexter Ward, j'ai eu du mal à croire que le texte n'avait pas été publié du vivant de l'auteur. Ce texte m'a paru l'équivalent au vingtième siècle de D. Jeckyll & M. Hyde. Un roman extraordinaire, infusé du goût de HPL pour l'histoire et le passé, pour l'architecture, les vieux meubles, les antiquités. Plein d'images puissantes, de voix étranges qui sonnent dans la nuit, de cauchemars enfouis sous terre. J'ai même cru y rencontrer HPL lui-même, sous la forme à la fois de Charles Ward (le jeune homme amoureux de Providence et du passé) et du Dr Willett, l'aimable gentleman....
J'y ai accompagné en tremblant le Docteur Willett dans son interminable expédition souterraine, dans le froid et l'humidité, aux limites de la folie, à la recherche des cauchemars et des merveilles cachées.
Tout au fond de la nuit, noire, froide et triste, Lovecraft m'a ouvert des portes merveilleuses.
Cette intégrale éditée en Bouquins est superbe. J'y reviens régulièrement, pour des plongées dans le mondre oppressant de HPL. Les analyses et notes de Lacassin qui les parsèment sont aussi très intéressantes. Par contre, la lecture d'affilée de plusieurs nouvelles peut lasser, mais c'est valable pour beaucoup de recueils de nouvelles. Les nouvelles liées à sa vie onirique, dans le T3, sont parmi mes préférées.
RépondreSupprimer