Voici un livre pas évident à chroniquer, car il a plein de qualités et de défauts que j'ai du mal à départager. Commençons par les qualités : je l'ai abordé avec un intérêt curieux, j'ai eu un peu de mal à accrocher puis je me suis laissé prendre par l'histoire (alors que je suis un affreux blasé et que la fantasy me fatigue très vite) et j'ai eu du mal à le lâcher car je voulais connaître la fin.
Puis le livre aborde, vraiment, le sujet de la religion et du christianisme dans le cadre d'un univers imaginaire, et c'est un des sujets les plus casse-gueule qui soit - on rappellera que Tolkien, catholique convaincu, avait soigneusement évité de s'y frotter. Non que ce soit un livre à thèse qui mette en scène les dérives du fondamentalisme, comme le prétend abusivement le 4' de couverture. Le livre met surtout en scène son propre univers, pour servir une plutôt bonne histoire, et cette humilité me plaît bien. Je me réjouis surtout de voir éviter pas mal de clichés (le christianisme opposé au monde celtique et aux petites fées - ai-je déjà dit que j'avais horreur des fées?). On y voit une église pleine de corrompus et de psychopathes, mais aussi des personnages soutenus et grandis par leur foi, comme Spérance et Astasie (le détail amusant est que cette dernière fait aussi partie de la première catégorie).
Dans un décor franchement glauque et très gore (on s'y étripe beaucoup, voire même un peu trop pour mon pauvre coeur) Dehors les chiens... montre aussi, et c'est assez rare, des images du merveilleux médiéval chrétien - miracles, tapis de fleurs, armes resplendissantes, croix de lumière se dessinant dans le ciel. Et tous les signes restent des mystères, que chacun interprétera comme il le veut.
Je reconnais volontiers que le mélange héros adolescents-épuration éthnique-miracles chrétiens-membres coupés-inquisition-mutants (et j'en passe) est un peu de mauvais goût, mais l'auteur a du culot, et ça passe. J'aime bien les livres qui osent. Et puis les noms sont bien trouvés, ce qui n'est pas si fréquent. Parmi les autres qualités, les personnages principaux sont attachants, en demie-teinte et leur comportement m'a plusieurs fois agréablement surpris.
A côté de cette audace et de ses bonnes idées, le roman lui-même ne manque pas de défauts, stylistiques notamment. La cohérence des points de vue est franchement bizarre, le traitement de la psychologie des personnages souvent malhabile. Les seconds rôles (le roi, la cour d'Auristelle...) sont taillés au hachoir et ne dévient pas du portrait en deux lignes qui est fait d'eux. La narration flotte par moments (au début, notamment), certains dialogues sont assez bavards, etc...
Reste un livre à la sensibilité originale, bien mené, intéressant. Les Quêteurs sont de beaux personnages que j'ai eu plaisir à suivre, parce qu'ils se posent des questions, se trompent souvent et essaient de changer le monde.
Une vraie découverte !
PS : encore un détail à porter au crédit de ce livre : il est court (300 pages) et c'est un one-shot, pas une série ! (idéal pour les gens comme moi qui n'ont pas le temps...)
PPS : la chronique que Pascal Patoz fait du roman est très bien, elle dit des choses que j'aurais aimé dire. Moi aussi, je me méfie des quêtes.
A te lire, les qualités du livre ont l'air de l'emporter sur les défauts. Ca a l'air en effet d'une jolie découverte, dommage que la trame ne s'étale pas sur 6 tomes de 600 pages ;)
RépondreSupprimerPS moi non plus j'aime pas les fées, même si on a lien vers "Peuple féerique" dans notre blogroll...
Je pense qu'un auteur bien entraîné pourrait parfaitement étaler la confiture sur 2000/3000 pages. Il y a la matière à prequel, pre-prequel, subplots, etc.
RépondreSupprimerL'auteure aurait gagné plus d'argent, comme ça.
Mais paradoxalement, le livre est moins "fini" que ce qu'un auteur professionnel pondant de la fantasy à la tonne aurait pu faire. le style a quelques aspérités, il y a des flottements ici ou là... Mais rien qui n'ôte au plaisir de lecture.
Je ne suis pas aussi enthousiaste que toi, mais c'est tout de même un bon roman de fantasy française. Ceci dit, il y a encore du boulot en France pour atteindre le niveau des Américains dans ce domaine...
RépondreSupprimer@Sandrine : je te suis en cela que le roman a quelques faiblesses de réalisation. L'auteure a moins de "métier" que ce que savent faire les anglo-saxons dans le domaine.
RépondreSupprimerPar contre, je suis preneur de tout titre de bouquin de fantasy one shot (je n'ai pas le temps de lire des X-alogies), anglaise ou française, avec une intrigue aussi riche que celui-là. Tu as des titres à me proposer?