23 décembre 2011

Barberousse – Akira Kurosawa

Le pendu et Cecci ont vu Barberousse, d'Akira Kurosawa



Malgré le titre et la présence de Toshiro Mifune, ce film n'est pas un film de samouraï (j'avais cru, en regardant vite-fait l'affiche). Il y est question de Fusamoto, un jeune médecin ambitieux, à Tokyo au début du 19ème siècle, qui se retrouve affecté dans un hospice pour très pauvres sous les ordres de l'irascible Barberousse. Film très long, aux nombreux personnages, Barberousse est aussi une oeuvre exceptionnelle. Par la construction tramée de son récit, qui mêle à un thème principal (un égoïste élargit sa vision du monde) de nombreuses histoires secondaires, comme dans un roman à tiroirs, histoires de pauvres gens, de suicides tragiques, d'amour et d'apprivoisement.
On ne s'attendra pas à des twists compliqués, la force du film réside dans la simplicité des récits, portés par une mise en scène à la fois claire et puissante, passant du réalisme à une forme d'onirisme poétique (les jeux d'ombres, notamment). La beauté plastique et formelle du film est sidérante, les lumières, les cadres sont splendides. J'ai été très ému par la manière de Kurosawa de filmer Otoyo, l'enfant maltraitée, en caressant son visage d'ombres et de lumières.


Le grand thème du film est la guérison, qui, pour le héros, est tout autant physique, que morale et spirituelle, et cela malgré le malheur et la pauvreté, malgré le flot du mal et de la souffrance.


Toshiro Mifume donne au personnage de Barberousse une énergie ombrageuse, qui porte l'ensemble de l'histoire. Barberousse fait partie de ces films qui sont beaux tout le temps. On le recommande chaudement !

05 décembre 2011

Le suicidé - à Vidy

L'idée du suicide embellissait ma vie...

Après une bonne pièce de Thomas Bernhard, le naufragé, qui traitait du même sujet, Cecci et moi avons continué notre saison "la vie est belle" à Vidy, en allant voir le suicidé, de Nikolaï Erdman.


Le pitch de la pièce est génial : Semione se réveille en pleine nuit, il est au chômage, il se dispute avec sa femme et lance que, quitte à mener une vie comme ça, autant mourir. Puis il sort. A partir de ce moment, elle est persuadée qu'il veut se tuer et va rameuter tout le monde pour l'en empêcher. L'idée, qui n'était pas présente dans la tête de Semia, fait son chemin, d'autant que le futur suicidé devient très courtisé pour toutes sortes de bonnes et mauvaises raisons... L'histoire se déroule dans la Russie post-révolutionnaire des années 20, pleine de paumés, de chômeurs, d'intellectuels réprimés. Derrière une comédie énorme, des gags en rafale, l'escalade de l'absurde, on voit s'agiter tout un peuple effrayé, replié sur lui-même. Et partout, tout le temps, au-dessus de tous ces gens plane l'ombre de la mort.


Malgré la célébrité d'Erdman, malgré les plus hautes recommandations, la pièce datant de 1928 n'a jamais pu être montée avant 1990 en Russie. Tout dictateur bien éduqué aurait immédiatement envoyé en exil en Sibérie un satiriste pareil. Staline ne s'en est pas privé.

La mise en scène de Patrick Pineau est énergique et dynamique gardant bien présents les différents tons de la pièce de la grosse rigolade à la peur grinçante. C'est un théâtre du corps et des postures, à la façon de la Comédie Française, comme j'adore. Les différents acteurs se donnent à fond, notamment Patrick Pineau lui-même dans le rôle de Semione Semionovich Podsékalnikov, mais aussi Anne Alvaro dans le rôle de la belle-mère, Sylvie Orcier dans celui de Maria et l'extraordinaire coursier Iégorouchka, interprété par Manuel Le Lièvre.

Sous le socialisme,
il n'y aura plus de femmes (oooh),
plus d'hommes (oooh),
seulement...
des masses.
 


Photos : (c) Théâtre de Vidy / Philippe Delacroix

01 décembre 2011

Vanitas - Tale of Tales

Une étrange production du studio Tale of Tales. Une application pour votre téléphone ? Un jeu ? Une nature morte a la façon des Hollandais du 17eme siècle ? Une production en tous cas aussi bizarre que le Salomé dont j'avais déjà parlé.

 


30 novembre 2011

Source code - Duncan Jones

Le pendu et Cecci ont vu Source code, de Duncan Jones








Dans ce film, on trouve : un type qui se réveille amnésique dans un train. Une militaire qui lui parle par écran interposé. Une capsule/prison glacée. Une délicieuse incertitude SF dans les premières minutes. Des grosses idées marrantes avec un petit nombre de lieux (un train, une base militaire, un parking). Quelques twists plus ou moins cohérents à la fin.
On trouve aussi, malheureusement, des personnages écrits à la truelle à clichés, du sens du devoir, des adieux à son papa, des dialogues vraiment faibles. Bref, c'est marrant mais ça ne casse pas trois pattes à un canard.

09 novembre 2011

Le fleuve des dieux - Ian Mc Donald

L'inde, 2047, une partition plus loin. Varanaci, la cité des dieux, au bord du Gange, capitale du Bharat. Voilà trois ans que la mousson n'est pas venue.
M. Nanda est un agent du ministère, chargé de l'excommunication des IA rebelles, celles qui voudraient approcher le niveau 3, l'intelligence divine.
Parvati est sa femme, campagnarde bien élevée installée dans un beau lotissement du gouvernement.
Shiv est un petit bandit des bas-fonds.
Tal est un neutre, ni homme, ni femme, ni les deux, ni aucun des deux, qui travaille pour Town and Country, le Soap opéra dont les acteurs eux-mêmes sont des intelligences artificielles (inconscientes de leurs état, bien sûr).
Vishram Ray est l'héritier d'un empire économique, mais aussi un humoriste de second rang...
Voilà quelques uns des protagonistes de ce roman épais, touffu, compliqué, plein de noeuds et de détours. Visiter à la fois l'Inde et le futur, ça dépayse. Les castes, les nationalismes, les dieux, les IA, Town and Country, le cricket, les combats d'animaux génétiquement modifiés, les neutres... Le lecteur en a pour les yeux, pour l'imagination, ça fuse dans tous les sens tout en restant compréhensible, c'est là tout le talent de l'auteur.
J'ai aimé un certain nombre de scènes fortes, l'attaque du train, l'iceberg dérivant sur l'océan indien, les aventures malheureuses de Shiv, la rencontre avec le mystérieux N.K. Jivanji...
Je n'ai pas tout compris à l'intrigue, trop touffue pour moi, mais ça n'avait au fond pas d'importance, parce qu'il y a dans ce gros roman un lot impressionnant d'idées et de concepts excitants. Une lecture de voyage, tout à fait recommandée !


PS : et bravo au traducteur. Le travail accompli est impressionnant.

08 novembre 2011

Paranoia Agent - Satoshi Kon



Après avoir revu Paprika, nous avons eu envie de replonger dans le travail de Satoshi Kon. Paranoia Agent est une série de 13 épisodes de 26 minutes, d'une grande richesse et complexité thématique. A la base on a une enquête : deux flics poursuivent l'agresseur d'une jeune femme. Rapidement les bizarreries s'accumulent : la jeune femme est créatrice d'une peluche à succès (kawai !!!), l'agresseur s'en prend à d'autres gens, tous aux limites du désespoir. Les premiers épisodes nous placent dans la subjectivité d'une série de personnages, tous en proie à de fortes pressions : une prostituée schizophrène, un journaliste douteux, un premier de la classe, un flic qui fait construire sa maison avec l'argent des yakuza... Puis l'histoire se complexifie, les niveaux de fiction se télescopent.




La série construit tout d'abord de très beaux personnages, touchants et humains, pris dans des ambiances de ville, d'hallucinations, de rêve. On se retrouve sans cesse en train d'interpréter ce qu'on voit : est-ce à travers les yeux de celui-ci ? Dans les fantasmes de celui-là ? Les indices visuels se multiplient, se répondent, s'annulent. Sacs poubelles, sac à main rouge, peluche maromi, la petite vielle SDF ici et le vieillard mourant là... Ont-ils un sens ? Ou seulement celui que nous voulons leur donner ?


Graphiquement la série a aussi la touche Satoshi Kon. C'est naturellement moins beau que ses films, mais les audaces formelles sont nombreuses : insertion de mangas ou d'univers de jeux vidéos, d'animés pour enfants, et même une vertigineuse et hilarante mise en abyme avec un excellent épisode dans le milieu des créateurs de séries de dessins animés... jusqu'aux très beaux décors vraiment 2D (ceux qui ont vu comprendront) des derniers épisodes. La série est servie de plus par une excellente musique, un bon générique et un système de visions prophétiques qui n'aurait pas déplu à la femme à la buche de Twin Peaks.




On pourra reprocher certains épisodes plus faibles, moins bien dessinés, à l'utilité narrative moins bonne. Ils sont minoritaires et n'ont de toute façon rien de honteux. A côté de cela, certains épisodes (bouche gourmande, vivre comme un homme, douce Maromi...) sont de petits chefs d'oeuvres narratifs, en 26 minutes... Quant à la chute, je l'ai trouvée très belle.
Un avertissement aussi : c'est une série vraiment adulte, par ses thématiques et sa complexité. Elle demande une participation active du spectateur, le discours est ambigu, toutes les réponses ne sont pas données loin de là. Les amateurs de Lynch et de beaux mystères seront en terrain conquis...
A part Paprika, je n'avais jamais vu de série animée montrant de manière aussi intelligente notre monde urbain contemporain, avec la pression sociale, la technologie, la société de consommation, qu'elle soit matérielle ou culturelle, les différents niveaux de fiction et la manière dont ils nous aident ou nous empêchent de vivre.


31 octobre 2011

Rainbow Mist – Léo Henry et Fred Boot

Par la magie d'un curieux calendrier et d'un disque de jazz, Vincent Vermont se retrouve propulsé barman dans le New York des années 60, au Rainbow Mist. Il ne tarde pas à apprendre les codes de Harlem, gangsters, arrangements et cocktails, dont le mythique Rosy Gimlet. Bien sûr, il a des ennuis, bien sûr il tombe amoureux de Bess ("pas ce qui se fait de plus original, cette saison"), la dernière diva du swing. Il y aura des piques, le Klan, le racisme et les douces soirées la grosse pomme, la ville aux avenues en zig-zag.
Une histoire mélancolique, des a-plats énergiques de Fred Boot, un texte qui swingue... J'ai aimé me laisser porter, même si je n'ai pas tout compris.
Cette BD est lisible gratuitement ici.
Et commandable pas trop cher là.

27 octobre 2011

Urhu - Norn

Plus de deux ans après la première représentation, nous avons revu le dernier (et très bon) spectacle de Norn.
Voici ce que j'en disais alors...




Le revoir m'a permis d'affiner les impressions. Les Norn étaient  très présentes, très belles. Urhu est le plus drôle de leurs spectacles. S'il m'avait semblé un peu difficile d'accès la première fois, ce n'était plus du tout le cas. Nous en avons profiter pour acheter le disque, qui est très bon, autant que les deux précédents.
Quelques extraits en écoute ici...
Pour les amateurs de SFFF francophone, on reconnaîtra pour l'illustration des pochettes le talentueux Eikazia / Marc Lopes.



Montons maintenant jusqu'à la source.
L'eau, la glace, la pierre dure, le cliquetis des aiguilles de bronze d'une immense horloge.
Écoute !
Voici un écho de la vibration primordiale.
Norn chante les échos de la création de monde, si le monde fût jamais créé. 


Archives

26 octobre 2011

Je finis de lire Itinéraires nocturnes, de Tim Powers, et je recherche une manière juste d'en parler quand je tombe soudain sur ce billet.

Voici exactement ce que j'aurais pu dire (merci Philippe !).

[Tim Powers écrit] un fantastique proposant un léger décalage de la réalité, comme celui provoqué par des lunettes mal ajustées. Les fantômes ne sont pas des draps blancs agitant des chaînes ou des zombies suceurs de cerveaux, mais des souvenirs évanescents, un téléphone débranché qui sonne dans une pièce vide... La nostalgie, le regret, les remords, sont leurs motivations : nostalgie du jardin en friche où l'on jouait enfant, regrets des choses jamais dites, remords des fautes et des crimes. C'est d'ailleurs dans la contrition et le pardon que l'on retrouve les racines chrétiennes de l'auteur, très explicitement mises en scène.

Tout comme mes voisins, j'aime beaucoup l'oeuvre de Tim Powers. J'avais d'ailleurs beaucoup apprécié de renouer avec ses romans en lisant A deux pas du néant.

La boussole d'or – Chris Weitz

Le pendu et Cecci ont vu : la boussole d'or




Dans ce film adapté d'une saga de fantasy pour la jeunesse, on trouve : une école anglaise stricte, une jeune fille audacieuse, des gitans des mers, un dirigeable, Nicole Kidman dans des robes étonnantes, des ours polaires en armure en 3D (malheureusement), des animaux qui parlent (ouh la la la, bien trop), des méchants ecclésiastiques, des combats où le gentil commence par perdre mais en fait il gagne à la fin, un thruth-o-meter, des Concepts avec des Majuscules.
Cecci a dit : on dirait un monde créé par un organisateur de GN qui voulait faire plaisir à tout le monde. On peut dire que ça ne nous a pas trop intéressés.

06 septembre 2011

Paprika - Satoshi Kon




Revu hier cet excellent film vu il y a cinq ans au cinéma. Aperçu beaucoup de citations manquées lors du premier visionnage (notamment la scène de Bons baisers de Russie). C'est toujours aussi intelligent, toujours aussi bien. Ce que j'avais dit dans mon billet de l'époque reste valable.
La modernité urbaine, la poésie dans les détails, les rêves dont on ne parvient pas à se sortir, les réseaux connectés à la psyché, une légèreté pop, les fantasmes qui nous habitent, la grâce, la joie, la mort. Mon monde.
Relisez aussi l'ancienne chronique d'Olivier Paquet. Cette histoire a quelque chose d'énergique et joyeux. Je pleure la mort de Satoshi Kon.

11 août 2011

L'Affaire de l'esclave Furcy - Mohammed Aïssaoui

Je me suis fait offrir ce livre, lu avec une grande curiosité. Il y est question de Furcy, esclave d'origine Indienne à l'Ile Bourbon (la Réunion) au début du XIXème siècle. L'homme (qui n'a pas de nom de famille, comme tout bon esclave) découvre que son esclavage est indu : sa mère était libre, il est donc né libre. Il intente donc un procès à son propriétaire pour se voir reconnaître officiellement libre. 
Furcy
Mohammed Aïssaoui raconte ce procès, de 1817 à 1843, les pressions des esclavagistes, la volonté opiniâtre d'un homme qui ne veut pas renverser l'esclavage mais juste voir reconnaître ses droits.
Deux choses fascinantes dans ce récit : les extraits de textes d'époque, notamment les petites annonces de ventes d'esclaves ou les documents d'héritage. Liste de meubles, argenterie, esclaves. J'aurais dû le savoir, ça fait mal de le lire... L'autre chose, l'idée la plus importante : il n'y a pas presque d'archives sur Furcy. S'il n'avait pas intenté ce procès, si personne ne s'était penché sur son cas, personne n'aurait jamais rien su de son existence. Il n'y a pas de documents, juste le silence... Le livre contient un très beau passage sur l'importance des papiers pour les personnes illettrées. C'est grâce aux papiers conservés par sa mère que Furcy mènera son combat.
Pour le reste, l'auteur n'est pas historien mais romancier. Comme il l'explique par de fastidieuses digressions, il a voulu combler par la fiction les trous des archives... Mais autant les textes d'époques sont frappants, autant les passages de fiction sont faiblards, écrits sans grande inspiration et surtout sans audace. Comme si le romancier, pour dire la vérité des êtres et des choses, devait coller à ce que nous savons des faits...
En bref, un bon sujet, de bonnes intentions, mais pas un bon livre.

09 août 2011

Rouge gueule de bois - Léo Henry

Je créditais Noir Désir d'un talent unique : savoir rencontrer dans leur musique les époques que je vivais. Un accord avec l'air du temps, avec la peur, l'ironie, la violence des jours.
Rouge gueule de bois (RGdB) m'a fait la même impression. Si notre époque part en vrille, si l'amitié veut dire quelque chose, s'il faut vivre aujourd'hui parce que tout part à la mort, alors ce livre est vrai. RGdB a raconté mes joies et mes inquiétudes, sur un rythme festif qui ne tient qu'à lui. Je n'ai de jouissance ni des voitures ni de la vitesse, mais j'ai foncé avec Brown dans la Ferrari de Roger Vadim sur les routes de l'Ouest américain, celles d'un monde précipité en hurlant vers le néant.

Couverture Rouge gueule de bois

OK, de quoi est-il question là-dedans ? Fredric Brown, écrivain fantaisiste et alcoolique, se retrouve à errer sur les routes américaines avec le dit Vadim, celui qui découvrit Big Initials B.B.. Je craignais le roman pour initiés du genre (SF), je ne prenais Vadim pour un cinéaste très mineur, surtout préoccupé de dénuder sagement des jolies filles en surfant sur le scandale. Je n'ai pas revu mes préjugés mais j'ai rencontré deux beaux personnages romanesques, qui doivent sans doute une partie de leur mojo à avoir été inspirés de personnes réelles, et qui portent leur propre impulsion littéraire. Le roman, genre road-movie, enchaîne les scènes de beuverie et de fusillades, dans un onirisme très sixties avec quelques références imbibées de LSD. Ça pourrait être n'importe quoi. Ça pourrait être inconséquent.
Et non.
Le livre tient la route, par la force de l'écriture, par le souci de vérité de cette dernière. Elle swingue, elle tranche, elle jouit et tient ensemble les deux-cent cinquante pages de ce petit roman (le reste du volume étant occupé par un index hilarant, dispensable et essentiel à l'amateur de cocktails - et par quelques notes floues de l'auteur).
Ai-je dit que c'était très bon ? Pas assez clairement ? Alors oui, voilà : rouge gueule de bois est un très bon livre. Léo Henry est très fort.
Je ne sais pas si je vous le laisse lire, finalement. C'est mon livre.

01 août 2011

Le lièvre de Patagonie – Claude Lanzmann

Un peu à cause de Fabrice Colin, je me suis retrouvé à lire le lièvre de Patagonie, livre de souvenirs de Claude Lanzmann.
De lui, je ne connaissais que le nom, associé à Shoah que je n'ai pas vu par ailleurs. Lanzmann a grandi pendant la guerre (celle où on trouvait Hitler, Pétain, De Gaulle et tous ces gens là), a été résistant, a été journaliste et proche de Sartre et de Beauvoir, a beaucoup voyagé, est un Juif athée fin connaisseur d'Israël... A le lire, on a l'impression qu'il a tout vu du siècle où il a vécu, qu'il a été au bon endroit au bon moment, qui a rencontré tout le monde. C'est sans doute vrai et c'est ce qui rend ce livre étrangement passionnant, pour citer le même Fabrice.
Une partie des récits qu'il fait son proprement étonnants : ses récits de guerre, sa visite en Corée du Nord, l'odyssée de sa famille, certains de ses souvenirs de tournage de Shoah, mensonges et manipulations included. Pour le reste, j'ai eu l'impression d'entendre les souvenirs narcissiques d'un sympathique vieux monsieur, qui se complait pas mal dans le name-droping et les anecdotes sans intérêt sinon pour les proches des personnes concernées (je pense à ses récits d'excursion à Zermatt avec Beauvoir. Bon.). Le vieux monsieur raconte bien, certaines histoires sont très bonnes, mais on aura parfois le droit de se sentir agacé. J'imagine même qu'il serait d'accord.
Le quatrième de couv cite un journaliste qui parle d'un "immense écrivain". Peut-être, mais pas grâce à ce livre.  

29 juillet 2011

La romance de Ténébreuse, sur le blog d'Urgonthe


Je signale un très bon post sur le très bon blog d'Urgonthe, synthèse de lecture de l'ensemble de la romance de Ténébreuse de Marion Zimmer Bradley.

J'ai été un grand fan de cette série quand j'avais 17 ans, j'y ai découvert des personnages féministes, des personnages homosexuels, des brutes, des psykers, des écossais... Je crois bien avoir lu tous les livres recensés par Urgonthe et je n'en ai plus qu'un souvenir très flou. Je songe une fois tous les cinq ans à faire jouer des histoires dans cet univers de science-fantasy et je me demande si un background de jeu a déjà été publié (quelqu'un sait ?). Les lecteurs attentifs (très attentifs) auront noté qu'on voit des hommes-chats dans le Royaume Blessé. La lecture de ce post m'a rappelé d'où, à la base, ils venaient.
Je ne me sens pas tenté par une relecture. Mais ce sont de bons souvenirs... Merci Urgonthe !

La machine à explorer l'espace – Christopher Priest


Dans la très intéressante interview qu'il accord à Thomas Day dans Bifrost numéro 41, Christopher Priest dit qu'il lui a fallu plusieurs romans avant de trouver ses thèmes, son écriture, avant de découvrir l'écrivain qu'il est maintenant. Thomas Day propose Futur Intérieur comme premier roman du véritable Priest, lui dit (je crois) qu'il s'agit plutôt de la fontaine pétrifiante.

Ce n'est sans doute pas la machine à explorer l'espace.
Ce dernier est une variation amusante et pré-steampunk (il date de 1970...) sur deux romans de Wells : la machine à explorer le temps et la guerre des mondes. Si l'idée de départ est sympathique, j'attendais de Priest un peu plus qu'un pastiche laborieux de romance scientifique victorienne. Hommage fidèle, le roman colle à Wells jusque dans ses défauts: narration pauvre et personnages inconsistants. De plus, une fois compris que Priest ne dévierait pas de la ligne narrative wellsienne, la fin ne cause aucune surprise. Bref, une lecture amusante mais faiblarde, sans grande matière imaginative.

27 juillet 2011

éléments de campagne - 3 / Par delà les montagnes hallucinées


Ces vacances ont été l'occasion de bien avancer dans nos aventures antarctiques. La cité a été explorée, on croisé quelques anciens et quelques shoggoths... et l'aventure s'est acheminée vers une issue tragique. Comme dans les billets précédents, voici quelques impressions et conseils de jeu.


Attention, plus que jamais ce billet est truffé de spoilers concernant cette campagne. Si vous avez l'intention de la jouer un jour, ne lisez pas plus loin. Ou, comme dit l'Ordinateur (notre ami), "veuillez fermer les yeux en lisant ce passage".

La cité
L'arrivée à la cité est un grand moment. Le décor vide, immense et mystérieux suscite immédiatement des envies d'explorations. L'ambiance a été à l'enthousiasme scientifique, pendant environ deux jours, avant qu'un des membres de l'expédition disparaisse et que les nuages et le vent empêchent le passage du col dans l'autre sens.
Ce point permet de réguler les allées et venues des PJs à travers les montagnes. Mon idée était la suivante : même par vent fort, le passage en avion est possible. Les pilotes casse-cou le tenteront... mais avoueront qu'il y a des risques. Ca permet de faire des scènes avec des PJs ballotés dans le ventre d'un avion, des jets de pilotage stressés, pour finalement dire "on renonce... Pourvu qu'on ait assez de carburant pour les prochaines tentatives..."
Je n'ai pas utilisé le plan de la cité, j'ai plutôt disposé et inventé des lieux comme bon me paraissait en m'inspirant de ceux décrits dans le livre.
Quelques idées:
  • faire se poser plus loin l'avion de Lexington force immédiatement certains membres de l'expédition à tenter de le retrouver...
  • les brumes du soir on contraint les joueurs à se réfugier au camp tous les soirs... Et à trouver des gens volontaires pour passer la nuit dans les avions (pas fous, quand même!)
  • à chaque "traversée" de la cité, un jet de chance. Si échec grave, quelque chose s'effondre, on se retrouve plus bas, on risque de croiser quelque chose qui siffle et qui pue.
  • Rien de plus flippant qu'un coup de feu dans le lointain. Qui a tiré ? Pourquoi ? Sachant  que les radios ne marchent pas dans la cité...

Le saboteur
Là dessus j'ai l'impression que le scénario prenait plutôt les joueurs pour des c***. Il y a eu des sabotages tout le temps pendant le voyage, l'avion de Lexington disparait... Une fois à la cité c'est évident qu'iils deviennent complètement paranos ! (même sans faire jouer leur "sens du scénario...") Le saboteur a donc permis une scène de guet-apens nocturne (ils se sont doutés qu'il arriverait à la brume) très très stressante. L'intérêt c'est que après l'avoir descendu ils ont cru que tout serait plus facile... Alors que les difficultés commençaient.

Les monstres
Ils ont lu le récit de Dyer. Ils savent que les choses sont dans la cité et les Shoggoths en dessous. Ils ne sont pas allés en dessous, pas fous !!! Quant aux choses...
Un des PJs a fait le guet depuis le haut d'une tour. Il a fini par les voir passer dans le ciel et repérer leur planque. Il y a eu une scène fantastique de visite de la pouponnière (grande émotion) en l'absence des monstres.
Puis un enlèvement (un PNJ qui avait eu le tort d'aller faire une balade avec 1 seul copain...) et là, j'ai tourné le dos à une des idées du scénario. 
Un des joueurs a voulu discuter avec les choses, ce qui a marché car l'une de celles ci avait comme idée de convaincre les humains de leur fournir régulièrement des cerveaux en échange en échange de transferts technologiques. Les scènes d'approches ont été géniales, les choses sont des monstres terrifiants. Il y a eu des échanges d'objets posés sur la glace, puis des rencontres et des contacts. J'ai considéré que les choses étaient froides et rationnelles: elles ne sont que quatre. Les "singes chauds" ont des artefacts et une société. Ils peuvent donc nous fournir en échange de meilleurs artefacts.
Le contact a été très très très dérangeant pour le PJ qui a souhaité devenir interprète. Il a appris les techniques de tissage des choses, qui lui ont permis, à force d'échanger des concepts plus que des phrases...
Un des aspects intéressant à développer dans le scénario (présent dans la nouvelle) est l'empathie des humains pour ces êtres développés, qui ont des "enfants", une civilisation, une culture artistique puissante...

La plongée dans le passé
Le passage dans le "cinéma" a été un très grand moment. D'abord parce que 4 personnes sur les six présentes ce jour se sont retrouvées catapultées dans le passé, laissant les autres gérer les corps (avec le froid qu'il fait, des gens en catatonie ne sont pas évidents à superviser...). J'ai fait jouer l'aspect "extérieur" d'abord dans dire ce qui arrivait aux inconscients.
Les inconscients se sont retrouvés chacun à un moment différent (ça m'a permis de traumatiser les Allemands). Un PJ a plongé dans le scénario décrit mais avec toute liberté de jouer son hominidé et c'était très bien. Il a vu une chose noire (ce qui lui servira plus tard, face aux graines) et ensuite une chose du passé l'a repéré et a essayé de communiquer aussi. On jouera j'espère ce moment, un an plus tard, où la chose va réussir à échanger son corps avec celui du PJ. Ca permettra de faire jouer dans l'Abîme du temps après les Montagnes Hallucinées...

La tour et le sacrifice
J'aime beaucoup l'idée finale du scénario, mais pas tellement sa mise en oeuvre. J'ai enlevé la scène de poursuite en avion et l'enlèvement de Starckweather. Après avoir fouillé l'antre et observé les allées et venues des choses, les PJs ont compris assez vite que leurs deux disparus n'étaient pas là. Ils ont localisé la tour grâce à l'angle mort de la cité (de nombreux batiments ont un angle aveugle, tourné vers la tour) et en observant les phénomènes météorologiques. Il y a eu une expédition en avion dans le cyclone, une incroyable exploration de la tour, le mécanisme cristallin qui, par ses seules vibrations, a fait perdre l'esprit à quelques personnages, des PJs qui comprenaient peu à peu le fonctionnement du système. Puis la découverte des têtes encastrées dans le mécanisme. Là, l'horreur était à son comble, pas besoin de les pousser pour qu'ils arrachent les têtes... et cassent le mécanisme.
Toutefois, voici quelques points sur lesquels je me suis fortement distancié du scénario d'origine :
- le dieu noir. Présenter la force retenue sous la cité comme un "Dieu" m'a ennuyé parce qu'on tournait l'histoire vers une forme de fantasy alors qu'elle relève carrément de la SF. Je suis resté extrêmement flou sur cette force (qu'est-ce que les PJs peuvent comprendre d'un truc aussi énorme et aussi ancien ?). La comparaison venue à l'esprit des mes PJs a été que le système était comme une centrale nucléaire sous pression... Forme d'énergie, divinité destructrice, autre chose... Qu'importe, en fait, si on comprend que c'est très dangereux.
- quand le mécanisme se détériore, j'ai envoyé les tremblements de terre, mais... je n'ai pas fait de final hollywoodien du type "trouver une solution dans l'heure sinon le monde explose". L'esprit n'y était pas. Après tout, ce mécanisme a traversé bon an mal an quelques millions d'années, ce ne sont pas quelques pauvres explorateurs qui vont le foutre en l'air dans l'instant... La menace s'est accentuée, mais il allait falloir trouver une solution dans les mois à venir, pas tout de suite. Ils ont commencé par fuir, comme des dingues, puis par comprendre qu'il allait falloir envoyer quelqu'un. C'est là que les négociations ont vraiment commencé avec les choses. D'abord un des scientifiques s'est sacrifié après un atroce jeu psychologique (où dans un groupe de trois, on sait qu'un doit rester...), un autre a été condamné à rester pour causer avec les choses. Et le reste des scientifiques a accepté le marché : envoyer des hommes régulièrement (eux-mêmes, en fait), en échange de connaissances spéciales, pour la sauvegarde des Etats-Unis et de l'Allemagne. Quand les choses ont commencé à tourner comme ça, j'ai vu naître les prémices d'une campagne Delta Green...


Je raconterai la toute fin (les graines noires) et mes conclusions générales sur la campagne dans un dernier billet. Tout retour sur ce compte-rendu sera bien évidemment apprécié.


17 juin 2011

[copinage] Ithaque : moins vite, plus loin

Ithaque est un journal saisonnier, ça veut dire qu'il paraîtra toutes les saisons
Ithaque est un journal à l'ancienne, ça veut dire en papier
Ithaque est un joli travail graphique
Ithaque contient des gros articles intéressants, des dessins, des BDs et de la mise en page un peu bizarre
Ithaque contient des hashtags et des morceaux de twitter
Ithaque paraît en Suisse mais n'est pas du tout un journal local. D'ailleurs il est écrit de français
Ithaque est en papier épais, il ne déparera pas sur votre table design, il survivra longtemps dans votre pile à lire, il vous permettra de faire des avions de papiers durables
Ithaque contient, mais c'est anecdotique, une nouvelle de fiction que vous avez pu entendre ici (mais le texte en a été révisé).


Vous pouvez le feuilleter, lire le sommaire, le commander ici.



14 juin 2011

éléments de campagne - 2 / Par delà les montagnes hallucinées

Pour faire suite à ce billet, quelques idées de campagne sur les montagnes hallucinées.



Une nouvelle fois, les lignes qui suivent contiennent des spoilers. Comme on dit à Paranoïa : "veuillez fermer les yeux en lisant ce passage".

Nous sommes donc arrivés en Antarctique, avons installé le camp de base, découvert le camp de Lake et passé les montagnes...

La partie découverte du camp de Lake, avec les lieux à fouiller et la révélation des horreurs fonctionne très bien. Un effet constaté parmi mes PJs : le déni de réalité. Ils comprennent que les affreux machins sont à l'origine de la mort des scientifiques, mais ils ne veulent pas l'admettre, ils refusent de le considérer comme un fait puissant peser sur leurs actions ultérieures. Ils le comprennent mais ne l'acceptent pas.
Quelques-uns des visiteurs du camp, toutefois, demanderont à être rapatriés au camp de base. J'ai décrit l'atterrissage sur la piste du camp de Lake comme difficile et j'ai fait jeter des dés aux pilotes à chaque fois: chaque arrivée des avions avec le ravitaillement était donc une fête et un suspense...


Les PNJs
Une des grosses difficultés de cette campagne, encore accentuée par la manière dont je la joue, est de donner vie aux PNJs.
Voici ceux que j'utilise le plus :
  • Starkweather, bien sûr. Hâbleur, brouillon, mais très énergique et charismatique. C'est lui qui fait bouger les choses quand il faut qu'elles bougent.
  • Nils Sorensen : guide polaire norvégien sinistre et pessimiste. Le préféré de Moore.
  • Sam Winslow : j'ai en déjà parlé. Un vrai Sherlock Holmes, prétentieux, qui ne peut pas s'empêcher de l'ouvrir...
  • Charles Myers : jeune archéologue complètement fou de théories sur le continent Mu et les civilisations lémuriennes. Autant dire que dans la cité, il s'éclate. Comme il a une bonne condition physique, il est devenu le scientifique le plus proche de Moore.
  • Douglas Halperin : le pilote le plus calme, le plus froid et le plus compétent.
  • Charlene Whitstone : une femme avec du cran, spécialiste de la flore, qui se retrouve, dans la suite de Lake, a devoir tronçonner des créatures... heu... bizarres.

Plus quelques-uns de ma création :
  • James P. Garfield : paléontologue, un assez vieux monsieur et un des collègues proches de Moore (je vous rappelle que Moore a viré une partie des PNJs officiels pour recruter des gens en qui il avait confiance). Garfield est un homme délicat et sensible, très heureux d'avoir trouvé les fossiles au camp de Lake et ne voulant jamais entendre parler des "machins".
  • Meteor Drake : le pilote casse-cou et talentueux, un vrai héros à l'américaine, le pendant hollywoodien de Baumann.

Les concurrents
J'ai un peu de mal avec le personnage de Lexington. Pour moi, elle est folle, elle voyage dans un rêve, à la poursuite d'image vues dans le livre de Pym avant qu'il soit volé. Elle cherche à rejoindre son père, à sa façon, et c'est cette obsession irrationnelle qui la pousse vers la destruction.
Les Allemands m'ennuyaient aussi pas mal, mais j'ai trouvé un biais pour les interpréter. Pour répondre aux remarques de Ricky, j'ai pensé qu'ils disposaient du texte Dyer mais que celui-ci était codé à l'intention de Moore... Donc illisible. Franz Uhr est un excellent cryptographe, il a trouvé avec acharnement un moyen de casser partiellement le code. Il devine que ça parle de sang, et d'une "cité", mais il ne connaît pas les détails. Les Allemands remettent donc le manuscrit à Moore pour plusieurs raisons:
  • pour pouvoir accéder au camp de Lake (Moore le leur interdisait fermement ! il a même ordonné qu'on mette des futs sur la piste)
  • par éthique (Uhr et Meyer ne sont pas des salauds, ça les ennuie d'avoir en leurs mains un document volé)
  • pour savoir ce qu'il contient...
J'ai joué Meyer comme un type intelligent, cordial et rigide. Wallace (le photographe, qui est juif) est persuadé que c'est un affreux nazi, ce qui n'est pas vrai. Mais au final, il est assez antipathique.
Uhr, lui est un vieux bonhomme un peu fou, drôle, plein d'auto-dérision. Meyer doit le retenir de "faire des bêtises" (comme raconter tout ce qu'il savent du livre de Pym à Moore...)

Le personnage de Uhr m'a permis de trouver le thème profond de cette campagne, qui est une histoire sur le rêve. Le pôle, blanc, comme une surface vierge sur laquelle chacune des équipes, chaque personnage projette un rêve insensé qui le décolle peu à peu de la réalité. Pour Uhr, trouver les Tsalali, les "Traumenschen". Pour Lexington, son père. Pour Starckweather, la gloire, etc. Malheureusement pour eux tous, la cité va les faire plonger encore plus loin dans le rêve...

Les relations entre équipes ne se sont pas du tout développées comme indiqué dans le scénario. Starkweather et Moore ont aidé Lexington du bout des doigts et ne se sont pas alliés avec elle, ils se méfient d'elle et la considèrent comme une folle. Ils ont refusé aux Allemands l'accès au camp de Lake, etc. Les trois expéditions ont toutefois fait alliance, sous la direction de Starkweather, avant de passer vers la cité...

Au sujet des Anciens :
J'ai considéré que les PJs n'avaient pas de connaissance occultes en Mythe. Moore est membre de la société des professeurs de Miskatonic mais il a toujours considéré ces élucubrations sur le nécronomi-truc avec méfiance. Il refuse donc l'appellation "Anciens" de Lake. Les choses ont donc été baptisées : 
"les spécimen de Lake", ou "les machins" (par le reste de l'équipe), et plus tard "les Maîtres" (un PJ sensible, dans la cité, s'est rendu compte qu'ils étaient quand même drôlement puissants).
Leur nom scientifique temporaire est "Atticus Antenatus" (en hommage à Lake). Ils ne sont pas photographiables facilement, leur matière particulière troublant les rayons lumineux et voilant partiellement les pellicules. Je reviendrai dans un post ultérieur sur mes idées pour les jouer...

Plus tard, je reviendrai sur la cité, les tempêtes électro-magnétiques, les Anciens, etc.


7 wonders, Cargo noir...

Ce billet est d'un type un peu inhabituel sur ce blog, mais je ne fais qu'imiter Martin Vidberg ou bien Effelle, qui publient parfois ce genre de choses.

Ce week-end de Pentecôte, nous sommes partis en famille à un week-end organisé par l'association Fête Vaud Jeux. Le concept du week-end était simple : plusieurs dizaines de personnes rassemblées dans un grand chalet genre colonie de vacances, des repas en commun et des centaines de jeux de plateau à disposition des petits et des grands. Merci aux organisateurs, le concept est excellent !


Cecci et moi avons pu ainsi essayer en compagnie des petites k une série de jeux pour moins de cinq ans, du Verger à Docteur Hérisson, en passant par Hop hop hop, ce dernier m'ayant particulièrement séduit. Mais nous avons pu aussi essayer quelques jeux pour grands...

Cargo noir
Cargo noir est un joli jeu avec du très beau matériel, sur un thème amusant : des familles maffieuses se font concurrence pour acheter et revendre les marchandises de contrebande disponibles dans les ports. Les dessins sont amusants, le matériel est évocateur et les mécanismes de jeu entraînent une action rapide et agressive, tout rafler, tout revendre et s'acheter une grande villa sur la côte ! Les règles ont leurs subtilités mais elles sont remarquablement bien expliquées. (chez Days of wonder). J'ai appris sur le blog de l'excellent Bruno Faidutti qu'il s'agissait à l'origine d'un jeu de commerce entre grecs et phéniciens, et que c'est l'éditeur qui a relooké l'ensemble en jeu de contrebande frénétique. Il a bien fait, les mécanismes collent tout à fait avec le thème du jeu.


7 wonders
Dans ce jeu de cartes, on construit une civilisation (à la façon du jeu vidéo éponyme) en accumulant des ressources, en créant des bâtiments, des armées, etc. Les règles du jeu sont si complexes que nous avons failli renoncer à l'essayer, malgré la bonne volonté de notre guide... Mais une fois le jeu lancé il s'avère très amusant, simple à jouer et plein de subtilités. Des plus, les parties sont courtes et intenses. Une vraie réussite ! La matériel est léché, assez impersonnel mais clair et facile à manipuler.  

Rattlesnake 
Les deux jeux précédents étaient des jeux aux stratégies un peu subtiles. Rattlesnake, lui, est un "petit jeu" aux règles toutes bêtes mais très drôle : les joueurs (2, 3 ou 4) ont en main des "oeufs" de serpent en métal. Le plateau représente des serpents de couleurs différentes, emmêlés. Chaque joueur à son tour jette un dé aux faces colorées : il doit poser un "oeuf" sur un serpent de la couleur tirée. Jusque là, simple, non ? Sauf que... les "oeufs" sont des aimants très puissants, qui bougent et se collent l'un à l'autre au moindre geste maladroit, voire au moindre souffle. Et si deux oeufs s'agglutinent pendant votre tour de jeu, vous les ramassez et les reprenez en main. Et c'est parti pour des gestes infiniment lents, à regarder trembler les oeufs déjà posés comme vous tentez de poser votre quatrième oeuf sur ce damné serpent rouge...



13 juin 2011

Tristan Lhomme - écrire pour le jeu de rôle

Encore une fois, grâce aux corbeaux de-chez-Smith-d'en-face, j'ai découvert ce très curieux entretien, qui a causé chez moi une étrange bouffée de nostalgie.
En 1988, j'avais treize ans et j'ai découvert un magazine qui parlait de ma grande passion du moment : ce magazine, c'était Casus. Je le lisais de bout en bout, des articles wargame jusqu'à l'ours. J'y ai découvert mes jeux préférés, une bonne partie de mes lectures favorites et même certaines de mes inspirations musicales. Je l'ai lu jusqu'à sa disparition. J'ai parfois lu la V2 des années 2000, par nostalgie. J'y ai même publié des bricoles.
Et dans ce magazine que j'ai tant aimé, j'avais repéré la signature d'un type intelligent, qui écrivait de bons articles et des scénarios encore meilleurs. Ce type, c'était Tristan Lhomme, un personnage un peu mythique, dont j'ai fait jouer une bonne partie des histoires, et qui a écrit plusieurs de mes suppléments de JdR préférés : Selenim, les Vend'hyss, les Ashragor... Dans l'entretien-fleuve lié plus haut, on apprend des choses sur sa vie, son enfance, sa carrière à Casus et hors de Casus, sa façon d'écrire des scénarios... Je me suis toujours demandé pourquoi il n'était pas devenu romancier. L'entretien vous l'expliquera. Et puis j'ai fini par croiser Tristan, sur un GN, bien sûr, et j'ai découvert qu'il s'agissait d'un être humain attachant et normal.


Faire cet entretien (qui fait suite à celui, très intéressant, avec Didier Guiserix), évoquer les années Casus, est un curieux travail de mémoire. Je ne sais pas quoi en penser, je me méfie de la nostalgie, des souvenirs qui frappent au coeur. Souvenirs d'un monde effacé et transformé par l'arrivée d'Internet...
Je crois toujours que le jeu de rôle sur table est une activité originale et puissante et de tous mes loisirs celui qui a le plus profondément changé ma vie. Certaines personnes savent écrire pour le jeu de rôle : écrire des suppléments, des scénarios, rassembler des informations et des idées pour donner aux autres envie de jouer (je ferai peut-être un jour un post sur mes jeux et suppléments préférés, pour vous donner une idée). Et si une personne, plus que toute autre dispose de ce talent, car c'en est un, c'est bien Tristan. Ca m'a fait de la peine de savoir qu'il ne jouait plus. Tiens, pour la peine, je vais retourner aux montagnes hallucinées

10 juin 2011

La planète bazar - Annie Leonard

Je n'ai pas tellement l'habitude de ce genre de livres, un essai grand public et militant, et je n'ai pas vu la vidéo qui est à l'origine du bouquin, la fameuse story of stuff. Je ne me sens donc pas totalement à l'aise pour en rendre compte. Essayons tout de même :


Le propos du livre d'Annie Leonard est assez simple : montrer à travers l'histoire de quelques produits communs (un livre, un T-shirt en coton, la puce d'un ordinateur), de l'extraction des ressources jusqu'au moment où ils seront jetés, comment ces "simples" produits font intervenir une quantité immense d'intervenants, des échanges, des voyages, l'usage de nombreux produits toxiques, etc. Le tout afin de faire sentir la complexité du monde économique, du système de production, et de donner une idée des ressources réellement consommées.
Le discours n'est bien sûr pas neutre : cette description est assortie de nombreux commentaires détaillant les produits chimiques utilisés pour blanchir le papier, faire tomber les feuilles des arbustes à coton ou bien garantir un espace propre pour la production des puces, en insistant sur les paysages dévastés, les ressources gâchées, etc. Le livre souligne que, derrière un T-shirt à 10$ ou un ordinateur à 500$ se cachent des coûts invisibles et non comptabilisés : destructions environnementales et/ou sociales...
Dans sa description du "parcours" de ces objets, le livre souligne des voies alternatives, moins destructrices et moins violentes et indique pourquoi nous devrions complètement renoncer à certains produits, en particulier les canettes en aluminium et les objets en PVC.
Le propos, découpé en sections : extraction des ressources, production, diffusion, consommation, est souvent intéressant et assez déprimant, me donnant l'impression que les problèmes liés à la surconsommation sont si complexes qu'ils en paraissent insolubles. Annie Leonard n'idéalise pas les petits gestes quotidiens et le vote par le porte-monnaie (si ce truc est une saleté, je ne l'achète pas), bien consciente que toute solution ne peut être que globale et politique. L'action personnelle et quotidienne ayant toutefois les vertus de permettre de prendre conscience et de s'interroger...
Malheureusement, ce discours plutôt pertinent et intelligent est servi par une écriture horripilante, qui me prend à témoin ("combien de fois n'avez-vous pas...", "pensez-vous que..."), qui saupoudre le texte d'anecdotes personnelles ("quand j'ai visité la décharge de..." ou bien "lors de mon voyage à Bhopal...") et tente trop souvent le chantage à l'émotion. Et je suis ainsi fait que cet horrible mauvais goût textuel a tendance à décrédibiliser le discours de l'auteur, fût-il tout à fait convainquant par ailleurs.
Je fais donc un appel à vous, ma poignée de lecteurs : connaissez-vous des livres du même type, mieux écrits et bien sûr imprimés sur du papier recyclé ?
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livre lu dans le cadre de la collaboration avec Babelio.

09 juin 2011

éléments de campagne / Par delà les montagnes hallucinées

Comme indiqué dans ce billet, j'ai donc commencé à faire jouer Par delà les montagnes hallucinées, dans la très belle édition de Sans Détour.
Comme je l'avais pressenti, la campagne nécessite un peu de boulot. Le premier d'entre eux, très agréable, a consisté à lire un peu de documentation, listée ici, à laquelle il faudra que j'ajoute les aventures d'Arthur Gordon Pym, d'Edgar Poe (qui aide à comprendre certaines idées clef de la campagne).


Voici ensuite quelques idées en vrac (attention, ne les lisez pas si vous n'avez pas l'intention de faire jouer la campagne !!!) : 
- j'ai comme PJs le professeur Moore et un jeune et talentueux photographe, recruté par Starkweather, qui espère ainsi battre la notoriété de Byrd en produisant de meilleures photos que lui, avec l'exemple de Hurley en tête...
- faire jouer Moore est très intéressant, parce que ça permet de mettre "en jeu" certaines décisions de la campagne : que faire de Douglas ? Quelles relations avec Lexington ? Quelles relations avec Dyer ? Qui s'occupe de l'inventaire ? Quelles tâches confier à qui ?
- j'ai demandé à Moore de recruter l'équipe scientifique. J'ai doublé le nombre de postulants dans chaque discipline et j'ai fait passer les entretiens. Environ 60% des PNJs officiels ont été acceptés. Il y avait bien sûr dans le lot quelques fumistes et nuisibles... Moore a exigé que Mrs Charlene Whitstone prenne une assistante, qu'elle a dû recruter in extremis (et voici Mrs Margret O'Toole, étudiante en biologie et championne d'athlétisme, Moore ayant insisté sur la condition physique).
- Une scène drôle : le test de sport pour les scientifiques, sur un stade universitaire.
- Une scène palpitante : le test des Boeing 247 par les pilotes enthousiastes !
- Il y a eu une vraie ségrégation sociale qui s'est faite naturellement entre l'upper class de l'expédition (l'équipe scientifique, en gros) et ses exécutants. Ca m'a paru réaliste.
- Sam Winslow m'est apparu comme étant une espèce de Sherlock Holmes insupportable de suffisance et de talent, dont les idées sont parfois excellentes et parfois foireuses.
- Il n'y a eu aucune enquête, ni sur Douglas, ni sur Roerich : les PJs ont laissé la police faire son boulot.
- Il y a eu un flic embarqué à NYC pour aider à chasser les éventuels saboteurs, qui est resté dans l'expédition par enthousiasme, en prétendant à sa direction qu'il pouvait y avoir d'autres saboteurs...
- Le livre de Byrd (Pôle Sud) m'a donné trois petites idées : des clandestins embarqués à Melbourne (l'un d'entre eux, un très jeune homme, deviendra fou dans la cité, s'il y arrive), le débarquement sur la barrière de Ross, sa fatigue et ses dangers, l'avion qui se tord un ski au décollage...
- je me suis dit que la localisation du camp de Lake fournie par Dyer devait être fausse... Les PJs ont dû faire des déductions savantes pour le retrouver (en plus de quelques excellents jets de dés). 
- la visite au baleinier naufragé, le Wallaroo, marche très bien pour jouer une marche sur la glace et une moment de froid et de désolation. Très efficace pourvu que vous ayez des joueurs sensibles.
- je n'aime pas tellement le rôle de "méchants" et des Allemands, un peu trop pulp (or j'ai un style de jeu assez réaliste), ni la présence du dirigeable au-dessus de l'antarctique. Mais je ne sais pas encore comment les utiliser...
- Etant, comme je l'ai dit, un MJ pourvu d'une vie de famille, j'ai essayé de mener tout cela avec du rythme : pas de listes d'inventaires, plus de rencontres, de dialogues, de sentiments... Je pense la jouer 3x plus vite que ce qui est prévu. Mais quand on regarde bien, la campagne est écrite de manière hyper dirigiste alors qu'on peut assouplir de nombreuses choses.


Voilà, j'en posterai un peu plus quand nous aurons atteint les montagnes en elles-mêmes...