20 août 2008

Jeu de l'oie (auto-publicité)

Une fois n'est pas coutume, ce blog servira à faire un peu de publicité.
Les heures d'insomnie de ces dernières nuit m'auront permis de mettre à jour mon site Jeu de l'oie. Quelques nouveaux contenus et surtout un relifting graphique complet, un flux RSS, etc. J'espère qu'il n'y a pas trop de coquilles...
Bon jeu !


06 août 2008

Les braves gens ne courent pas les rues - Flannery O'Connor


Voici un livre que j'ai lu grâce à Mauvais Genres, la sympathique émission hebdomadaire de François Angelier sur France Culture. L'écrivain Joe R Lansdale y citait Flannery O'Connor comme un de ses écrivains favoris.
Ce recueil de nouvelles, donc, met en scène des personnages du sud des Etats-Unis dans les années 50 : vieilles filles, prédicateurs, nègres, ancien soldat de la guerre de Sécession, enfants, tueurs... Les histoires sont brèves, âpres, souvent cruelles et teintées d'humour noir. L'auteure, une femme étonnante si j'en crois sa biographie, a une écriture brève, dense et acérée, diablement efficace. La nouvelle est un art très difficile, pour toutes les raisons que l'on sait et celles-ci sont des modèles du genre, réussissant chacune à évoquer un contexte social particulier, des personnages très riches, des intrigues prenantes... Je passais mon temps à me demander avec angoisse comment toutes ces affaires allaient mal tourner.
Les textes sont réunis par un ensemble de thèmes communs : présenter des petites gens, des personnages à l'esprit étroit qui ne comprennent pas bien le monde dans lequel ils vivent (alors que le lecteur, qui voit un peu plus loin qu'eux, devine bien tous les ennuis qui vont leur tomber sur la figure), présentés dans leur rapport aux autres et à Dieu (souvent).
Une belle découverte, un très beau recueil, merci à France Culture et à Joe R Lansdale de me l'avoir fait découvrir !

27 juin 2008

Valse avec Bachir

Nous avions observé voici quelques années que les jeunes parents réussissaient à aller au cinéma deux fois par an. Et bien c'est vrai ! Voici donc notre deuxième sortie de l'année...
Valse avec Bachir est un objet étrange et un film magnifique. Le réalisateur a été soldat dans l'armée israélienne lors de la guerre du Liban au début des années 80. Ce film d'animation est une plongée dans sa mémoire, à travers le récit d'une enquête menée par le réalisateur et les interviews d'anciens combattants de sa génération. Et ces interviews, ces conversations deviennent le support d'images hallucinantes, oniriques, surréalistes, magnifiques. C'est connu : le film d'animation demande de penser chaque scène, chaque image, jusque dans ces détails. De rêver la réalité. Ici, il devient un bel outil pour raconter l'inracontable, la beauté et les effrois de la guerre, les sensations des jeunes hommes de 18 ans à qui on a mis un fusil dans les mains. Le procédé est voisin de celui employé dans la BD documentaire (genre le photographe) mais la personnalisation de la narration permet une plongée subjective et émotionnelle beaucoup plus forte que dans le photographe, par exempl, soutenue par des images souvent oniriques et une excellente musique.


Plongée en spirale dans la mémoire, interrogation sur les souvenirs, sur le rapport aux évènements passés, sur l'implication, la culpabilité, Valse avec Bachir enchaîne les scènes fortes, belles, insupportables. Fusées éclairantes sur le décor post-apocalyptique des immeubles de Beyrouth, reflet d'un homme dans l'oeil d'un cheval mourant, traversée d'un verger à la poursuite d'un enfant armé d'un RPG, évacuation des morts vers la "grande lumière". Et la danse de Frenkel, sous les tirs des snipers et les immenses portraits de Bachir Gemayel.


- Pourquoi est-ce qu'on tire tout le temps? On ne devrait pas prier, plutôt?
- prie, et tire.





Photos extraites du site du film.

20 mai 2008

A deux pas du néant - Tim Powers

Los Angeles, 1987. Soleil, palmiers, grosses voitures pas très écolo et téléphones portables rudimentaires. Une vieille femme meurt, et son corps est retrouvé à quelques centaines de kilomètres de chez elle, posé sur une svastika dorée. Comment a-t-elle fait pour arriver là-bas? Et qui sont ces gens, dans cet autocar, qui quadrillent la ville en écoutant les oracles d'une tête embaumée? Et cet agent du Mossad devant qui il ne faut pas prononcer le nom de l'acteur principal de Rio Bravo ? (je sais que vous savez qui c'est, mais taisez-vous !)
Franck Marrity, jeune prof de littérature à l'université, élevant seule sa petite fille de douze ans, se pose les mêmes questions, et apprendre la réponse aura de quoi le secouer un peu. Il y aura des courses poursuites, des pistolets, des gens surgissant de nulle part, des incendies dans les collines provoqués par une utilisation peu orthodoxe des lois de la relativité...
Vous apprendrez quelques informations intéressantes sur la vie d'Albert Einstein, les lois de la physique, les tremblements de terre en californie, la guerre du Kippour et les unités spéciales du Mossad. Vous découvrirez aussi comment une société secrète peut ne pas avoir de fondateur. Et pas mal d'autres détails intéressants... Tout cela sans quitter la Californie, ses banlieues interminables et le soleil qui ne cesse de se refléter sur les pare-brises...

Cette lecture m'a rappelé pourquoi j'aimais Tim Powers, auteur que j'avais beaucoup lu voici quelques années. Pour ses idées, aussi bien dans les grandes lignes que dans les petits détails. Pour son attention au quotidien, aux mégots de cigarettes, aux bricoles qu'on garde dans sa poche. Pour son sens de la magie. Pour ses personnages, surtout, tous un peu fous, humains, vrais. Ils se trompent souvent, réussissent parfois par hasard, font de la magie quand il n'y a plus d'autre choix, et tout cela reste tellement vrai. J'y crois, je me laisse emmener, j'adore le voyage, merci M. Powers.
Tiens, ça me donne envie de relire le poids de son regard...

PS : ce roman contient sans doute quelques éléments autobiographiques : le héros a exactement le même âge et la même profession que l'auteur et le roman parle de choix de vie, d'élever ou non des enfants, des relations rêvées d'un père et de sa fille...
PPS : merci Gilles pour cette (re)découverte
PPPS : belle couverture de Manchu !

16 mai 2008

Peer Gynt par les arTpenteurs à Yverdon

Nous avons retrouvé à Yverdon le théâtre du petit globe où nous avions vu les Norn : le bâtiment (en bois) a été démonté, a quitté la vallée de Joux pour s'installer au bord du lac, dans un cadre fort joli. Et cette fois ci, point de chant, mais du théâtre !


Peer Gynt (prononcer Père Gunnt) est un classique du théâtre norvégien, de Ibsen, une histoire d'aventures un peu folles, avec bagarres villageoises, histoires invraisemblables, trolls, brouillards, voyages, naufrages... Cette pièce à grand spectacle était assurée par une compagnie de six (juste six!) beaux acteurs, assurant tous les personnages, la musique, le chant, la danse.
La mise en scène est étonnante, pleine de vitalité et d'invention. Les acteurs bougent magnifiquement, passent d'une voix à l'autre, d'un registre à l'autre, font des sauts, des marionnettes, des récitatifs, des plaisanteries, un peu dans la tradition de la comedia del'arte (telle que nous l'avions vue pratiquée par le piccolo teatro de Milan, un des plus beaux spectacles de théâtre que j'aie jamais vu).
Tout cela pour créer des images magnifiques : la danse des trolls, la mère perchée sur son moulin, la tempête sur le navire, l'errance de Peer Gynt dans la lande, sous les étoiles, tentant de fuir le fondeur de boutons.
La pièce, très belle, propose des scènes magiques, pleines de mystères et d'interprétations, humaines, légendaires, divines. Peer Gynt, raté fantastique, voyage, rêve, aime, tue parfois, se trompe tout le temps et reste toujours sympathique. C'est du théâtre. C'est la vie.

Fais un détour, dit le Courbe.

Par devant, par derrière, c'est toujours aussi long
A
u dedans, au dehors, c'est toujours aussi court

PS : les prochaines dates de la tournée mondiale dans le gros de Vaud et en Suisse et à Avignon

24 avril 2008

Epées et mort

Je vais essayer de faire un petit commentaire du cycle, recueil par recueil, nouvelle par nouvelle, autant pour faire marcher ma mémoire que pour l'intérêt, éventuel, du lecteur Leiberophile.
Comme je copie-colle les listes de textes depuis l'excellent site de Bruno Para, le petit bouton vert vous renverra à un résumé des nouvelles et au commentaire de l'ami Bruno.

Et comme je n'ai pas relu le premier recueil, je démarre directement au deuxième, épées et mort.

  • The circle curse / La boucle est bouclée
  • Texte mélancolique, très réussi, où tout est parfaitement résumé. Les héros, Lankhmar, Nehwon, les sorciers Sheelba et Ningauble... L'adaptation de Chaykin et Mignola en est particulièrement belle.

  • The jewels in the forest / Les bijoux dans la forêt
  • pas relu.

  • Thieves' house / La maison des voleurs

  • Une bonne histoire mettant en scène la terrible guilde des voleurs, qui a inspiré tant de rôlistes. On y retrouve toute l'atmosphère de Nehwon, grotesque, macabre, humoristique. (attention, on n'est quand même pas dans la parodie à la Pratchett)

  • The bleak shore / Le rivage désolé

  • Aventure étrange, presque philosophique. A la limite de l'abstrait.

  • The howling tower / La tour qui hurle

  • Partiellement relu, mais j'avais l'adaptation BD très présente à l'esprit...

  • The sunken land / Le pays qui coule
    Fabuleuse aventure onirico-marine, mettant en scène un royaume englouti, une galère silencieuse dans la nuit... Attention aux bijoux trouvés dans le ventre des poissons !

  • Seven black priests / Sept prêtres noirs

  • Encore une curieuse aventure aux limites du rêve, avec ses sept prêtres comme les personnages d'une comptine, le Souricier frigorifié et une ambiance de feu et de glace. Les apparitions des prêtres, un à un, donnent un bon rythme à ce texte.

  • Dark vengeance / Claws from the night / Claws in the night / Des serres dans la nuit

  • Superbe aventure lankhmarienne, toute l'ambiance croulante de la vieille cité s'y retrouve.

  • The price of pain-ease / Le prix de l'oubli

  • Une nouvelle fable, excellente. On notera que toutes les aventures opposant Fafhrd et le Souricier à la Mort jouent sur la dualité entre les deux personnages. Le côté double de ces héros (l'un ne va pas sans l'autre, et pourtant ils forment bien deux personnages distincts) est exploité dans pas mal de textes de Leiber. Ici, leur progression en miroir est tout à fait bien menée.

  • Bazaar of the bizarre / Le bazar du bizarre

  • Une des plus connues des histoires de la série. Pleine de bonnes idées, mais je trouve le discours ironique sur ces démons capitalistes un peu évident et facile. Restent des images fascinantes (le mur de mercure, la fille dans la cage...) qui valent la lecture.

    Un retour à Lankhmar...

    A cause d'un projet de partie de jeu de rôle, et par plaisir aussi, j'ai relu presque tout le cycle des épées, de Fritz Leiber, mettant en scène les inoubliables Fafhrd et le Souricier gris.
    Faut-il relire ce qu'on a aimé adolescent? Les déceptions peuvent être cruelles... Mais ça na pas été le cas avec cette relecture-là, qui m'a procuré une nouvelle fois le même plaisir. Certes, toutes les histoires ne sont pas bonnes. Certes, le style est parfois inégal... Mais le plaisir est là. Plaisir d'une sword & sorcery a visage humain, avec des héros pleins de faiblesses. Plaisir de retrouver un monde onirique, tranquille et brumeux, Nehwon, un de ces endroits où j'aimerais aller faire un tour à l'occasion.
    Je convie les lecteurs ne connaissant pas ces histoires à aller se renseigner ici ou ici.
    Cette relecture, après plusieurs années, m'a permis de me rendre compte d'un certain nombre de détails qui m'avaient échappés les toutes premières fois :
    - les meilleures aventures de F & lSG n'ont souvent aucune logique rationnelle (Quand le roi de la mer est au loin, le quai des étoiles, etc.) mais plutôt une logique onirique. Amis lankhmariens d'adoption, essayez de raconter vos histoires favorites à quelqu'un qui ne les a pas lues, et vous verrez sa tête... Cette logique onirique fonctionne d'ailleurs très bien !
    - Je suis prêt à parier que Fritz Leiber faisait de la voile et de l'escalade. Plusieurs textes (notamment La mer est leur maîtresse) semblent être des vacances imaginaires, l'occasion pour l'auteur d'emmener ses héros et lui-même en voyage. On notera les navires gréés en sloop, par exemples, pas très en phase avec l'univers post-antique de Lankhmar (mais les lampadaires et la police dans les rues sont d'autres échos de modernité dans cette cité étrange)
    - il est très touchant, notamment dans les derniers textes, de se rendre compte que les héros ont vieilli avec l'auteur. J'aime le fait qu'après les avoir fait bourlinguer autour de Lankhmar dans le monde entier, il leur trouve une maison pour leur retraite, l'Ile de Givre. Il leur faut un peu de temps pour s'y adapter, mais eux-mêmes et nous aussi finissons par prendre goût à cet endroit simple et bizarre (une image de l'Islande?)
    Cette relecture a été pour moi un nouveau plaisir, un nouvel émerveillement. Je me suis dit une nouvelle fois que si je voulais écrire de l'heroic fantasy (de nouveau) j'essaierais de faire des textes dans ce genre, textes courts, mélangeant rêve, aventures, épées et jolies femmes, voyages désabusés de héros très humains.
    Merci M. Leiber.

    PS : j'ai relu aussi les excellentes adaptations Chaykin/Mignola. Un peu comme Tardi l'a fait avec Nestor Burma, Mignola a donné à nos héros leurs visages.