03 juin 2025

La prisonnière espagnole - David Mamet

 

Voir des films et se souvenir d'avoir vu des films.

Il y a eu une période de ma vie où j'allais beaucoup, beaucoup au cinéma. A la fin des années 90, Je n'avais pas d'enfants, un peu d'argent, du temps et j'habitais près de Paris. Je lisais même Studio magazine et j'adorais voir de belles photos d'acteurs et d'actrices en papier glacé (même si je n'en ai jamais mis sur les murs).  Ma culture filmique a, en grande partie, été faite à cette époque. Tout comme mon goût en matière de musique s'est forgé et figé vers mes 16-17 ans, mon, goût en matière de ciné s'est formé vers ce temps-là.

Et donc, j'avais vu, à sa sortie, la prisonnière espagnole, ça devait être début 1998, et je me rappelais avoir beaucoup aimé. Puis presque oublié. Je m'en suis rappelé quelques fois depuis, "tu sais, ce film, avec une histoire d'arnaque très tordue... comment ça s'appelait ?" Je suis sûr que vous avez dans votre mémoire des films comme ça, dont vous vous rappelez la bonne impression qu'ils vous avaient faite. Et j'ai eu vaguement envie de le revoir, par moments, sans parvenir à le retrouver.

Jusqu'à une conversation, l'an dernier, avec l'ami Léo, qui me parle d'un film cool, qu'il avait envie de revoir... Et donc, pour le plaisir d'entretenir la conversation, j'ai mis la main sur le film et j'ai passé une soirée devant. Et c'était chouette.

Donc : oui, c'est une histoire d'arnaque tordue, à double, voire triple fond. Quand on y réfléchit, le scénario ne marche pas vraiment, mais ce n'est pas important, c'est une intrigue bicyclette : tant qu'elle avance, elle tient debout. C'est presque abstrait (l'enjeu de l'histoire, le fameux "process", n'est jamais explicité, on s'en fout). 

Ce dont je ne me souvenais pas, ou que je n'avais pas compris à l'époque :

Le héros est très ambigu moralement. C'est même carrément un con. A plusieurs moments il fait des gestes très bêtes, motivé par l'envie de reconnaissance sociale/de sexe/d'argent. On sait qu'il se fait avoir, alors, oui, on a un peu peur pour lui, mais on a aussi envie qu'il se fasse prendre pour lui apprendre un peu la vie.

Le film se passe à une époque un peu floue, entre les années 60 et les années 90. Tous les décors on un aspect... décor, ce qui, quand on pense à l'histoire, est un effet vraiment cool. J'ai eu un vrai bonheur à regarder les différents décors dans lesquels l'histoire se déroule.

Je me rends compte de combien cette histoire ne pourrait pas fonctionner de nos jours : google démonterait l'arnaque en 3 secondes.

Les acteurs et actrices sont formidables. Steve Martin en riche escroc séduisant, notamment. Mais surtout Rebecca Pidgeon, qui joue "the new girl". Son personnage de secrétaire sans cesse entre le respect, la moquerie et le rentre-dedans est super bien écrit, et filmé avec amour (OK, OK, elle est mariée avec le réal). En terme d'implausibilité, comment ça se fait que ce jeune homme beau gosse et solitaire ne craque pas immédiatement pour elle ? 

Et enfin, je me rappelais une scéne précise du film, liée à un transfert d'argent depuis un ordintateur, vers un compte en Suisse, et je suis sûr de l'avoir vue... et elle n'était pas du tout dans le film. Donc il y a derrière ce film un autre film similaire, encore plus mystérieux, dont je ne me souviens presque plus.

Ou alors ma mémoire est pleine de sables mouvants et de fantômes. Ce qui ne me déplaît pas.









02 juin 2025

Starship Troopers -- Paul Verhoeven

Ce week-end de l'ascension, j'ai profité d'un planning assez calme pour revoir des films.

Do you want to know more ?

Celui-là, je tenais à le montrer à Marguerite, parce qu'il m'avait appris, à sa sortie, quelque chose d'important sur la manière de raconter des histoires. On peut, en assumant complètement le ton, raconter une histoire de jeunes héros audacieux et d'humains en lutte contre des insectes géants, en y croyant. Il suffit de voir l'effort mis dans les chouettes maquettes de vaisseaux, le travail fait sur les monstres, le désir de donner des indices sympas de world-building (par exemple, l'égalité des genres et des races dans ce sympathique monde futur.) Et, tout en même temps, construire un récit qui interpelle les spectateur·ices de manière grinçante, en disant : qu'est-ce que tu regardes en réalité ? Tu as vu comment tu te fais avoir par la grosse musique de Basil Poledouris et les trémolos héroïques ? Tu aimes les nazis ?

Et vu d'aujourd'hui, cette soap romance en mode guerre galactique est encore tout à fait pertinente, comme dénonciation rigolote et caustique de la propagande, des angles morts des récits. C'est un peu similaire au Rêve de fer de Spinrad, en plus digeste (ça ne dure que deux heures). Je ne sais pas si c'est vraiment bien de faire ce type de récit, s'il n'y a pas un peu de méchanceté gratuite et un côté sale gosse avec de gros jouets dans les intentions du réalisateur, mais un des buts d'une œuvre d'art doit être d'offrir une autre manière de regarder le monde.

Sans Starship Troopers, on n'aurait peut-être pas fait CLEER. Et la société bien intentionnée et totalitaire de Transfert, dans notre histoire du futur, doit un peu quelque chose à ce film.