15 décembre 2024

Cthulhu Tenebris

Hier soir, il faisait froid, il faisait sombre, c'était le moment de déballer ma gamme Cthulhu Tenebris que j'avais commandée par foulancement il y a quelques mois. C'était vers la période de Noël, j'ai accroché au concept (lutter contre le mythe au IXème siècle, une période vraiment fascinante), j'ai tout acheté : le jeu, le supplément, la campagne (des profondeurs). J'ai tout reçu, bien plus tard, je n'étais pas dispo, j'ai entassé les jolis bouquins dans un coin et finalement, hier, je les ai regardés.


Je suis bon client pour les cthulhuteries en jeu de rôle. J'en achète plein, en anglais, en français, Kathulhu, les Encagés ou encore Cthulhu Confidential. Je suis le coeur de cible marketing pour les gens qui publient ces trucs : rôliste old school avec un revenu suffisant pour ne pas trop regarder au prix de tous ces bouquins. J'ai achété du Sans Détour à la pelle et je suis assez confiant dans ce que publient les XII singes (même si mon éditeur star, c'est Pelgrane Pres).

Alors, alors, Tenebris ? Lu auprès du feu en buvant un whisky ?

Et bien ce n'est pas terrible.

On a de jolis bouquins, bien faits, bien maquettés, avec des illustrations dark. On a du blabla historique pas trop mal fait, des cartes, etc. Rien de honteux. Mais en quoi est-ce que ça distingue d'un jdr de fantasy ambiance réaliste avec des horreurs indicibles ? Et bien... je ne saurais trop dire.

Je n'ai pas tout lu en détail et je serais heureux d'être contredit, mais j'ai eu l'impression que ces bouquins oubliaient d'être des livres de jeu de rôle s'intéressant au jeu. Voici ce que j'aurais aimé trouver dans le livre de base:

Découvez IXème siècle européen, un monde inconnu. La dissolution du rêve romain dans un monde en transformation

L'univers mental d'un européen du IXème siècle : dieux et démons

Jouer au IXème siècle, composez votre famille carolingienne

J'aurais aimé avoir quelques pages vie quotidienne et époque, à la façon des excellentes pages (et courtes !) écrites pour Te Deum par J.P. Jaworski, qui donnent envie de se plonger dans ce temps et de jouer.

A la place, le bouquin commence par des règles de création de perso sans aucun intérêt, sans aucune intro, aucune déclaration d'intention, aucune idée de ce que l'auteur (qui semble aimer ce qu'il fait vu le nombre de mots de pages de fluff qu'il a produites) veut faire à cette époque. Aucune idée de comment composer un groupe, aucune vision du mythe sous l'angle de l'époque... A aucun moment on ne dépasse le concept tel qu'énoncé dans l'appel à financement.

On dira que je suis peut-être casse-pieds et exigeant (heu, oui, c'est vrai, je le suis), mais j'attends d'un livre de jeu de rôle qu'il me donne envie de jouer.

Cthulhu invictus n'est pas parfait, mais sa série de scénarios donnait de bonnes idées de jeu. Cthulhu confidential contient de nombreuses et pertinentes notes historiques, des idées intéressantes sur le fait de jouer une femme ou un homme noir dans les années 30. Je n'achète pas du jeu de rôle pour recevoir une synthèse historique moyenne sur une époque - j'ai besoin d'une synthèse historique écrite dans l'idée de faire jouer.

Si je veux comprendre des trucs à l'Europe du haut moyen âge, je lirai plutôt Bruno Dumézil.

Allez, je cesse de m'agacer. Je vais essayer de lire la campagne située au Puy en Velay avant de tout vendre à prix cassé sur anibis.ch. 






13 novembre 2024

Les fourberies de Scapin - au TKM

On est plutôt dans une bonne période, côté spectacle vivant.

Quand, il y a deux ans, le TKM a proposé les fourberies de Scapin, on venait d'en voir une très bonne version à la Comédie française, alors on avait passé notre tour. Heureusement, Omar Porras a la très bonne idée de re-jouer les pièces qui ont marché. Son Scapin date en réalité de 2009, repris en 2022 avec Laurent Natrella dans le rôle titre. C'était donc là la reprise en 2024 du spectacle de 2022, tout ça d'une pièce de vieille de 353 ans. Une mise en scène classique d'un classique.

Donc ça se passe dans un bar, ou une cantina, ou je ne sais quoi. C'est un endroit coloré, criard, avec des espèces de triplettes de Belleville au service. Les personnages sont tous laids et exagérés, bougent comme des marionnettes. Argante est un petit vieux avec une grande cravate et des lunettes années 80, Géronte est une femme permanentée et avide, Hyacinthe porte un appareil dentaire, Léandre est un petit crétin épais qui lit entre sur scène avec un magazine de Q, Octave est une jeune imbécile touchant en pantalon moulant rose, et là vous vous dites : festival de mauvais goût et d'outrance, et c'est vrai.

Et Scapin est un grand échalas aux mains incroyables (dont on se dit qu'elles ont été torturées un jour), un renard à la tignasse rousse, à la fois diabolique et humain, qui aide l'amour et va jouer à nous venger des malheurs du monde.

Une des choses les plus fortes que le théâtre fait pour moi, c'est ce créer des univers sur scène. Faire croire à l'existence de mondes différents (regardez mes dernières chroniques sur Immergés ou Racontars arctiques, par ex.). 

Là où la Comédie française nous avais proposé un Scapin by the book (très bon !), Européen, imprégné de l'histoire européenne ; Porras, lui, crée un Scapin métissé, hybride, mêlant des influences culturelles que je sais pas toutes reconnaître (oui, il y a de la télénovella, du catch, de la magie et combien d'autres choses...). Et pourtant on ne perd pas Molière, oh non.

La pièce révèle ici combien elle est géniale. Jouissance d'intrigues et de théâtre. Irréaliste dans son intrigue improbable, mais profonde dans les sentiments qu'elle crée chez le spectateurs, envie de joie, de rire, de mouvement, d'amour et de violence. Un exutoire. 

Les acteurs sont incroyables, l'univers merveilleux, il y a des milliers d'idées. Des genoux qui craquent, des flingues qui tirent, des toilettes qu'on débouche, Octave qui saute par la fenêtre, Sylvestre qui se brûle sur une casserole, le vieux qui crache de la bouffe en parlant, des mouchoirs qui pleurent, des liasses de billets qui passent de mains en mains, les secours qui arrivent parce "l'acteur jouant Scapin a eu un petit souci en coulisses" et Géronte qui shoote dans la valise de l'autre imbécile.

Bref, ce Scapin rend heureux. Merci à toutes et tous les artistes qui l'ont fait vivre.









12 novembre 2024

Racontars arctiques - au festival de marionnettes de Neuchâtel

En ces temps mauvais, je jette ici quelques mots sur des spectacles merveilleux que nous avons vus ces derniers jours.  

Racontars arctiques par le collectif la ruée vers l'or, venu du Canada, est une adaptation en marionnettes d'une BD adaptée d'un recueil de récits de Jorn Riel, écrivain danois, qui mettent en scène des types qui vivent tout seul dans de petites cabanes au Groenland. Une sociabilité de mecs, de chasseurs, de solitaires. On va découvrir un univers bizarre, avec des animaux, des privations, la crasse et des tas de comportements bizarres. 

Ce spectacle est un des trucs les plus étonnants que j'aie vu, aussi bien matériellement qu'artistiquement. Les trois acteurs sur scène mobilisent leurs corps, leurs visages, des petites cabanes, des marionnettes en mousse, des tous petits personnages... pour faire vivre cet univers de récits. On n'est pas là dans le témoignage mais dans le tall tale, les récits exagérés touchants et drôles de types durs dans un monde dur. Et grâce à la musique improvisée sur scène, aux changements d'échelles, aux idées qui fusent en permanence, ce monde aux personnages drôles, touchant et idiots prend vie et nous inclus et on voit et on rit. La troupe a un talent dingue, des idées dingues.

C'est très beau.








31 octobre 2024

Conquest - Nina Allan

Frank Landau est un jeune anglais gentil, attachant et bizarre, obsédé par la musique de Bach, par le code informatique et par des complots bizarres. Autiste, certainement, même si le mot n'est jamais prononcé.

Il disparaît lors de son premier voyage hors du Royaume-Uni, à Paris.
La Tour est une novella de SF parue dans les années 50, d'un auteur très mineur, mais dont le récit éclaire bizarrement notre présent..
Robin est détective privée, ancienne flique. Elle aime Bach aussi. Elle recherche Frank Landau.
LAvventura est un forum d'ufologue.
Edmund de Groote est à moitié universitaire, à moitié gangster. Il se débrouille bien au piano.

Conquest, de Nina Allan, est un roman étrange, dérangeant et brillant, qui rassemble tous ces faits et ces gens. On y parle du destin de l'humanité, d'amour et surtout de la manière dont nous voyons nos croyances changer sur le monde. Il y a dedans beaucoup de questions et quelques réponses.
Et l'Ecosse, comme toile de fond à tout cela.







Voici sa playlist, pour coller dans votre app de musique favorite et, peut-être, vous donner envie.

  • Variations Goldberg - Bach - Serkin
  • Tracks of my tears - Ronstadt
  • Cygnet Comittee - David Bowie
  • BWV 1004 - Bach - Milstein
  • Variations Goldberg - Bach - Schiff
  • But Who May Abibe - Haendel - Emma Kirby
  • Chaconne - Bach - Menuhin
  • Herz und Mund und Tat und Leben BWV 147- Bach - Koopman
  • Nocturnes et arias - Hans Werner Henze
  • La passacaille de Biber
  • BWV 528
  • In tempus praesens - Goubaidoulina - Mutter

28 octobre 2024

Immergés - par les adonymes, à la Tournelle


Nous sommes dans une station sous-marine établie voici une génération par un groupe de survivants que les autres appellent les Fondateurs. Une petite communauté de survivants y mène une vie monotone et sourdement angoissée. Parce que, oui, on est après. Après quelque chose qui a englouti les villes et chassé les gens de la surface.

Parmi les gens qu'on apercevra à la cantine ou dans les tréfonds de câbles et de tuyaux de la station, on rencontrera Rodrigue, le jeune cuisinier/barman toujours de bonne humeur, Perséphone, sage et d'humeur égale, qui est membre du Conseil dirigeant la petite communauté (et qui nourrit pour les souvenirs du passé une curiosité avide et secrète), Alain, le vieux, celui qui raconte les histoires d'avant, celle des roses, des balançoires, des arbres..., Espoir, la petite fille, toujours énergique et joyeuse, et Marcus, le tech, qui peste et a peur parce qu'il sait dans quel état, vraiment, est la station.



On va les voir vivre, s'aimer et s'affronter, alors que la menace existentielle se fait de plus en plus lourde, dans cette pièce d'une heure, écrite, dessinée et créée par ses jeunes acteurs. L'hisoire est poignante et oppressante et tient son récit serré.


Les lecteurs de ce blog le savent, j'aime le théâtre et j'aime la SF et j'aime aussi le théâtre de SF, une espèce assez rare. Je me rappelle encore très bien M.O.I, avec Sophie Pasquet Racine et Pierric Tenthorey, https://lependu.blogspot.com/2017/05/moi-lechandole.html, ou encore le plus récent Wasted Land, à Vidy, aux images puissantes, mais au dispositif un peu foutraque parce qu'il se moque bien de créer une narration.

Avec Immergés, on a du théâtre d'amateurs, au sens le plus noble. Du théâtre de gens qui aiment le théâtre, qui ont la jeunesse de ne pas tout connaître et donc de n'avoir peur de rien et d'oser tout ce qu'ils et elles veulent (comme la très belle scène d'exploration de la station, ou bien le voyage d'Alain en sous-marin). La pièce est d'une intensité brûlante et violente, certaines scènes m'ont tordu le cœur et fait pleurer. La mise en scène est pleine d'idées, exploitant pleinement l'espace étroit et profond de la Tournelle, pour créer un décor en couches successives. L'affrontement, autour duquel pivote l'histoire, entre Marcus et Rodrigue est déchirant, parce qu'on ne peut s'empêcher d'aimer chacun de ces protagonistes écrasé par des forces plus grandes que toute leur communauté.

Et la pièce, comme toute bonne nouvelle de SF, propose un retournement final et une chute, remarquablement bien amenés, par une belle trouvaille narrative autour d'un walkman du monde d'avant. Le pas de côté et l'élargissement final utilise toutes les ressources de l'image et d'une belle langue inventée pour nous faire reconsidérer et repenser à tout ce que nous avons vu. On termine essoufflé et ému par ce voyage subaquatique.




Une dernière chose : cette pièce n'est pas l'oeuvre d'un ou d'une seule, mais une création collective, à partir d'un ensemble d'improvisations de la troupe, cristallisées en un récit commun, sous la supervision jamais envahissante d'Olivier Mäusli. C'est une histoire sans héros ni héroïnes, une histoire de groupes et de communautés, de destin commun, née d'une énergie collective. Le procédé et le propos se répondent, c'est logique et c'est beau.




Note de conflit d'intérêt : j'ai chroniqué ici une pièce où joue Marguerite. On ne peut bien sûr pas être indifférent à une oeuvre à laquelle participe une de nos enfants. Mais, au-delà de l'émotion personnelle, je crois profondément à l'inérêt et à la beauté de ce travail que je me suis efforcé de traiter avec honnêteté.

24 octobre 2024

Le malade imaginaire - à la comédie française



Je pense régulièrement que Molière est sur-côté, notamment à côté de Shakespeare.
Puis, des fois, on voit un truc comme ce malade imaginaire, et en fait, non. Molière, quand même.

Donc Argan est malade, au début il est assis sur une drôle de chaise d'hôpital XVIIème qui est aussi son chiotte, il compte son fric, il en a, celui qu'il va donner à ses pharmaciens fournisseurs, et c'est marrant. 

Après il va ignorer le soupirant de sa fille (Cléante), tenter de refiler la gamine à Thomas Diafoirus qui est un débile profond mais tout à fait bien membré et capable d'engendrer des fils (c'est le texte qui le dit), se faire manipuler par sa seconde épouse qui lui donne du "mon fils", équivalent 17ème de "mon gros bébé", se faire faire la leçon par son frère, hurler en méta contre Molière et ses comédiens et lui souhaiter la mort et à la fin, se faire ordonner médecin dans un grand nonsense de danses et de litanies en latin de cuisine, énorme WTF en ballet d'arlequins pour former l'image finale.

Ce qui est beau, dans cette mise en scène de Claude Stratz (vieille de 20 ans, et fun fact, le Claude fut suisse et bossa comme assistant en psycho à Piaget avant de se lancer dans le théâtre, fin de parenthèse), ce qui est beau, donc, c'est qu'on entre dans l'esprit de cet homme. Ca devrait être un con, on devrait le détester, ce sale bourgeois trop bouché, mais en fait on entre dans sa folie et ce, qui est le plus terrible, on la comprend. Parce que la mort rode, tout le temps, dans cette grande maison vide que la scène dessine. Il y a des courants d'air, des rideaux qui se soulèvent, les chiens aboient dans le lointain. Et oui, les jeunes Cléante et Angélique sont bien mignons, et Toinette se démène, et ceux-là vont vivre et s'amuser encore, mais dès qu'il se taise le silence et le froid envahissent tout et moi, dans le silence entre les mots, entre les cris et entre deux passages sur le trône, je comprends l'inquiétude d'Argan.
Il a peur. Il a peur de la mort.
Et c'est pour ça qu'on rit et que la pièce est bien et que Molière, quand même, oui.




Ha oui, en voyant la première scène je me suis rendu compte qu'en fait... on l'avait déjà vue. Il y a plus de vingt ans, lors des premières fois de cette belle mise en scène, avec d'autres acteurs (ou bien les mêmes pour certaisn rôles), avant que ce blog n'existe.











 

23 octobre 2024

Faust, de Gounod -- à l'opéra Bastille

C'est l'histoire du docteur Faust qui en appelle au diable. Il ne le fait pas pour la connaissance, pas pour l'immortablité, mais surtout pour pouvoir séduire des jeunettes (le livret est français, coïncidence ? Je ne sais pas). Le diable propose un deal, lui fait signer un truc concernant son "âme" et le rajeunit. Puis il aide l'ex-vieux à séduire une jeune femme, Marguerite, qui se refuse. Alors il force un peu. Siebel l'étudiant  gentil drague Marguerite et lui offre des fleurs, Faust monte en gamme et offre des bijoux et elle les met, fascinée, et elle rit de se voir si belle en ce miroir. (oui, c'est cet air-là, #TeamCastafiore). OK, elle tombe amoureuse, elle couche avec lui. Et maintenant elle est enceinte.

Valentin, son frère à elle, revient de la guerre et la trouve "déshonorée" (coucher avec un mec, être enceinte = être déshonorée, c'est la vibe de l'époque, mais la mise en scène défend l'idée que chez certaines classes populaires portant des casquettes, c'est toujours le cas). Il défie le doc en duel, Méphistophélès triche, Valentin meurt, Marguerite a le seum. Faust se rend à un sabbat la nuit de Walpurgis avec Mephis. Là, il a une vision de Marguerite qui tue son nouveau-né. La jeune mère infanticide est collée en prison. Mephis emmène Faust dans la prison et propose de les faire sortir, lui et Marguerite. Elle refuse, elle est condamnée, elle est sauvée par l'intervention des anges du Seigneur qui chassent le diable.

Ca parle de sexe, c'est bourgeois 19ème avec du catholicisme dégoulinant dedans et du pathos autour de la pauvre fille-mère. Mon bon cœur me dit que Charles Gounod trippait sur toutes ces choses là : le romantisme, le diable, la foi, les pauvres jeunes femmes abandonnées par des sales types, et c'est bien son droit.

Dans la mise en scène de Tobias Kratzer qu'on a vue à Bastille, Faust est d'abord un vieux beau qui se tape des escort girls dans son appart chic du 6ème, Mephis a une petite cape noire, les jeunes font des raves tout en chantant des rondes paysannes, Marguerite est une jeune arabe qui vit en HLM que le vieux beau rajeuni séduit avec les bijoux (elle rit de se voir si belle dans le miroir de la salle de bain). 

L'acte 4 commence chez le gynéco, se poursuit dans le métro où elle rencontre le diable (ma scène favorite), Valentin est un jeune genre macho qui cogne sa sœur et qui meurt d'un coup de couteau sur les marches de l'immeuble. La fin, je n'ai pas trop compris. J'ai l'impression que, en fait, Siebel est une meuf queer et que, comme toute bonne lesbienne, elle meurt à la fin. #DeadLesbianSyndrome

Les chanteurs sont super, j'ai particulièrement aimé Amina Edris en Marguerite (qui joue aussi bien qu'elle chante) et Florian Sempey en Valentin, mention spéciale à Marina Viotti en Siebel ("les mezzos, c'est souvent les potes de l'héroïne", dixit Rosa), les chœurs très bons, l'orchestre qui exécute cette partition et ce compositeur avec énergie. Il y a des tonnes de pognon dans la mise en scène, quelques trucs très réussis avec des jeux de vidéos projetées sur écran semi transparent.

Maintenant, et même si j'aime le chant lyrique (enfin, surtout chez Mozart, et quelques autres) et si j'aime le théâtre, je me demande quand même un peu à quoi bon ce genre de productions avec des décors aussi fous, des billets aussi chers, et un petit groupe d'artistes qui font cet exploit dingue de pousser les notes dans cette salle immense et que ce soit beau (chapeau à eux, ce sont des athlètes de haut niveau qui font l'exploit à chaque fois).
J'aime la musique, j'aime le théâtre, j'aime les acteurs, et j'ai même plutôt aimé voir la flute enchantée en mode Tintin (encore lui) à l'opéra de Lausanne l'an dernier, mais ce genre de superproduction scène+orchestre+son mettant en scène une drame fantastico-bourgeois dégoulinant du 19ème siècle et qui termine sous des tonnerres d'applaudissements des 2700 spectateurs de la grande salle me laisse tiède. Pas froid, non, tiède.









22 octobre 2024

La tempête - au TKM

Donc un vieux roi dépossédé, mais magicien niveau 27, devient le maître d'une île perdue. Il en tue la sorcière locale, soumet son monstre de fils (Caliban), y fait grandir sa fille en grâce et en beauté et là, comme le destin fait bien les choses, une tempête bricolée par lui (d'où le titre) y jette ses vieux ennemis et une brochette de truands pour faire bonne mesure. Aidé par Ariel, l'esprit des airs, il va les faire tourner en bourrique, se dire qu'il va tirer vengeance d'eux et en fait non, il leur pardonne.

Je ne sais pas si je comprends cette pièce. Je pense que l'adaptation d'Omar Porras en coupe beaucoup, ce qui n'aide pas.

Le théâtre Malandro nous livre un spectacle plein de magie. Ariel est une magnifique créature androgyne, Caliban un mix entre Gollum et un esclave exploité par un colonial, Prospero est un Gandalf sylvestre (un Radagast ?), Miranda est très belle et Ferdinand touchant et un peu neuneu.

Sur scène, on a une tempête (évidemment), des brumes, des illusions, des éclairs, des fées, des créatures esprits silencieuses qui nous contemplent en silence... C'est très-beau et très-merveilleux, voyez-le si vous n'avez jamais vu ça.

Après, narrativement, je ne me suis pas senti impliqué. A en croire ce que j'ai vu, le vieux Will ne fait que du méta en permanence et il n'y a pas d'intrigue, on s'en fout. Prospéro est tout le temps en contrôle, on ne voit que des gens qui s'agitent pour rien et le metteur en scène démiurge créature qui, finalement et malgré tous les traits dont il les a chargés, décide d'aimer ses créatures. C'est déjà pas mal.













17 juillet 2024

La grande fenêtre - Raymond Chandler

Un quatrième roman de Chandler/Marlowe et un très bon cru, avec une intrigue tordue autour d'une employeuse vraiment très déplaisante à la recherche d'une pièce d'or disparue. Ca part vite dans tous les sens, avec une galerie de minables et de lâches, pour certains très touchants. Le livre parle surtout de relations de pouvoir et permet à Marlowe de se montrer assez classe.

Jusque maintenant, ma découverte de ces romans (il n'y en a que sept en tout) est vraiment plaisante. Ils sont écrits avec style et une certaine poésie. Les histoires ne sont pas parfaites, il y a des clichés sexistes (et ici, antisémites), mais il y a aussi des atmosphères puissantes et curieusement émouvantes.


J'eus une drôle d'impression en voyant disparaître la maison. Un peu comme si, ayant écrit un poème, un très beau poème, je venais tout à coup de le perdre avec la certitude que je serais incapable de m'en souvenir un jour.


 

16 juillet 2024

Adieu ma jolie - Raymond Chandler

Un autre Chandler, un autre Marlowe.

Dans celui-ci, Marlowe se retrouve à rechercher Velma, l'ancienne copine d'un remarquable bandit tout juste sorti de prison. Il va y avoir des cadavres, il va se prendre des coups sur la tête, on va entendre parler d'un mystérieux collier de jade... Le récit est intéressant, mais prend des détours filandreux (le passage chez le médium, par ex., ou bien celui dans la clinique), exprès pour faire souffrir notre pauvre détective.

Il a aussi son lot de bonnes scènes, en commençant par celle d'ouverture, celle sur le bateau casino... et son lot de bons personnages : Mrs Grayle, Laird Brunette, Linday Marriott, Mrs Florian... et l'incroyable Moose Malloy, le braqueur.

Petite note marrante, je ne comprenais pas trop comment l'adapter en jdr, puis j'ai vu la super adaptation de 1975, film noir classieux avec Robert Mitchum en Marlowe âgé. Le scénario du film simplifie et rend plus fort celui du livre - à vrai dire, je le préfère. L'histoire est plus dynamique et plus compréhensible. 

Reste que c'est une histoire très bien, celle de Malloy recherchant Velma, une tragédie dès les premières lignes, avec Marlowe dans la ligne de tir.

D'expérience, il s'adapte très bien jdr. Le moment où les PJs comprennent les clefs de l'intrigue valent leur pesant de cacahouètes.


15 juillet 2024

La dame du lac - Raymond Chandler


Je vais faire ici quelques brèves chroniques des romans de Raymond Chandler impliquant Philip Marlowe.

Petit rappel : Chandler/Marlowe c'est l'archétype du "noir", imité partout, rarement égalé. Marlowe est stylé, sarcastique, a des punchlines qui tuent et enquête sur de sombres histoires, élégamment complexes.

Après le Grand Sommeil, voici la dame du lac (The lady in the lake, en VO) que j'ai lu deux fois dans les deux traductions différentes. La nouvelle traduction vaut le coup, à part le titre, perso je trouve que "la dame dans le lac", c'est un peu marrant, mais ça ne rend pas très bien.

Marlowe est engagé par Kingsley, patron d'une maison respectable pour enquêter sur la disparition de sa femme, volage et capricieuse. Il se retrouve à enquêter dans une station de montagnes, où il fait la connaissance de l'homme à tout faire de Kingsley, et de l'excellent sheriff Patton, super personnage. Et là, dans le lac, il trouve... Vous saurez bien quoi en lisant le livre.

C'est une histoire cool, avec de bons personnages, une intrigue très tordue, mais qui marche, des rebondissements et Marlowe bien désabusé qui tombe plus souvent qu'à son tour sur des cadavres. Et une nouvelle fois, il est question de contrôler la sexualité des femmes.

De manière amusante, j'ai une petite théorie perso sur la solution du mystère, je ne suis pas d'accord avec celle proposée par le détective qui est quand même assez misogyne, pauvres petits bonshommes torturés par des méchantes femelles... Il y a une autre explication qui marche bien, il faudrait que je ponde un essai dessus.

J'ai réussi à transposer cette histoire pour Cthulhu Confidential, en la déplaçant de L.A. à N.Y.C. (un peu d'adaptation, mais ce n'est pas dur). C'est un très bon roman, très savoureux, qui fera une bonne enquête tordue pour un PJ privé et son amie journaliste.




10 juillet 2024

Animale - Emma Benestan

NIFFF, enfin, dernier film vu cette année.

Animale, d'Emma Benestan, se passe en Camargue, dans une manade fictive où une jeune femme, Nejma, est super motivée pour devenir raseteur (tiens, comment on le féminise, celui-là ?) et participer aux courses de taureaux dans les arènes.

Les manades, les petits taureaux noirs et les petits chevaux blancs, les arènes, les jeux gardians et les courses de taureaux ça me fait penser à nos vacances d'été. Cet univers est filmé ici façon western, avec de beaux paysages camarguais et des plans épiques de chevaux et de taureaux. Les premières minutes du film, magnifiques, m'ont tiré des larmes. Taureaux, chevaux et humains sont très bien filmés.

L'histoire tire dans un sens très intéressant - la relation de la jeune femme et de l'animal. Relation rêvée, fantastique, et tout cet aspect mythique du récit me plaît beaucoup. J'ai pensé à Dédale, au taureau de Crète et à Pasiphaé...

Malheureusement, il y a aussi un aspect allégorie, le fait de tirer le parallèle entre la relation humain/animal et la relation homme/femme (je n'en dis pas plus). L'histoire se tient, mais cette réduction est narrativement un peu décevante car elle réduit les interprétations possibles de ce qui se joue, même si cela crée de belles images.

La fin, très belle, m'a fait penser à une mise en image camarguaise de la chanson de la Blanche biche.

Malgré la (relative) déception de certains aspects du scénario, le film offre de superbes ambiances et images. La lune, les cornes, les arènes... et les taureaux, superbes.






09 juillet 2024

Love lies bleeding - Rose Glass

NIFFF encore.  Outre des films fantastiques et asiatiques, ce festival a une sélection Third Kind où ils proposent d'autres trucs. Comme par exemple un film de flingues et de lesbiennes, comme Love Lies Bleeding.

Alors, OK, oui, ce film n'est pas du tout indispensable. C'est encore une histoire violente située dans une petite ville américaine des années 80. Mais c'est super marrant. Il y a Lou, qui bosse à la salle de muscu et qui reste ici prétendument pour veiller sur sa soeur mariée à un connard. Et il y a Jack (Jacqueline) qui est en fuite, SDF et qui s'arrête ici le temps de préparer le concours de bodybuilding de Vegas. Elle a un très beau sourire et elle est très très balaise, on dirait un peu le personnage de la barbare sortie de son village des collines cimmériennes.

Et il y a le papa de Lou, qui est très méchant et très dangereux et qui dirige un club de tir. Et la maman disparue de Lou, et JJ qui est très con. Secouez, comme dans une partie de fiasco, et secouez, il va y avoir des morts.

Au cinéma, j'aime voir des trucs épatants. Ici, une salle de sport, des corps de culturistes, Ed Harris avec des cheveux longs (sort of) et Lou qui essaie d'arrêter de fumée en écoutant une cassette de coach. J'ai beaucoup, beaucoup ri. Le film a une super image, très construite, du rythme, de l'action. Alors, oui, ça ne sert pas à grand-chose, mais on s'amuse.