Nous sommes dans une station sous-marine établie voici une génération par un groupe de survivants que les autres appellent les Fondateurs. Une petite communauté de survivants y mène une vie monotone et sourdement angoissée. Parce que, oui, on est après. Après quelque chose qui a englouti les villes et chassé les gens de la surface.
Parmi les gens qu'on apercevra à la cantine ou dans les tréfonds de câbles et de tuyaux de la station, on rencontrera Rodrigue, le jeune cuisinier/barman toujours de bonne humeur, Perséphone, sage et d'humeur égale, qui est membre du Conseil dirigeant la petite communauté (et qui nourrit pour les souvenirs du passé une curiosité avide et secrète), Alain, le vieux, celui qui raconte les histoires d'avant, celle des roses, des balançoires, des arbres..., Espoir, la petite fille, toujours énergique et joyeuse, et Marcus, le tech, qui peste et a peur parce qu'il sait dans quel état, vraiment, est la station.
On va les voir vivre, s'aimer et s'affronter, alors que la menace existentielle se fait de plus en plus lourde, dans cette pièce d'une heure, écrite, dessinée et créée par ses jeunes acteurs. L'hisoire est poignante et oppressante et tient son récit serré.
Les lecteurs de ce blog le savent, j'aime le théâtre et j'aime la SF et j'aime aussi le théâtre de SF, une espèce assez rare. Je me rappelle encore très bien M.O.I, avec Sophie Pasquet Racine et Pierric Tenthorey, https://lependu.blogspot.com/2017/05/moi-lechandole.html, ou encore le plus récent Wasted Land, à Vidy, aux images puissantes, mais au dispositif un peu foutraque parce qu'il se moque bien de créer une narration.
Avec Immergés, on a du théâtre d'amateurs, au sens le plus noble. Du théâtre de gens qui aiment le théâtre, qui ont la jeunesse de ne pas tout connaître et donc de n'avoir peur de rien et d'oser tout ce qu'ils et elles veulent (comme la très belle scène d'exploration de la station, ou bien le voyage d'Alain en sous-marin). La pièce est d'une intensité brûlante et violente, certaines scènes m'ont tordu le cœur et fait pleurer. La mise en scène est pleine d'idées, exploitant pleinement l'espace étroit et profond de la Tournelle, pour créer un décor en couches successives. L'affrontement, autour duquel pivote l'histoire, entre Marcus et Rodrigue est déchirant, parce qu'on ne peut s'empêcher d'aimer chacun de ces protagonistes écrasé par des forces plus grandes que toute leur communauté.
Et la pièce, comme toute bonne nouvelle de SF, propose un retournement final et une chute, remarquablement bien amenés, par une belle trouvaille narrative autour d'un walkman du monde d'avant. Le pas de côté et l'élargissement final utilise toutes les ressources de l'image et d'une belle langue inventée pour nous faire reconsidérer et repenser à tout ce que nous avons vu. On termine essoufflé et ému par ce voyage subaquatique.
Une dernière chose : cette pièce n'est pas l'oeuvre d'un ou d'une seule, mais une création collective, à partir d'un ensemble d'improvisations de la troupe, cristallisées en un récit commun, sous la supervision jamais envahissante d'Olivier Mäusli. C'est une histoire sans héros ni héroïnes, une histoire de groupes et de communautés, de destin commun, née d'une énergie collective. Le procédé et le propos se répondent, c'est logique et c'est beau.
Note de conflit d'intérêt : j'ai chroniqué ici une pièce où joue Marguerite. On ne peut bien sûr pas être indifférent à une oeuvre à laquelle participe une de nos enfants. Mais, au-delà de l'émotion personnelle, je crois profondément à l'inérêt et à la beauté de ce travail que je me suis efforcé de traiter avec honnêteté.
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