23 juin 2024

Je verrai toujours vos visages - Jeanne Herry

Toujours en suivant la liste de la sélection de films 2023 de l'épatante @philopoulpe, nous avons regardé je verrai toujours vos visages. Ce film de fiction aux faux airs de documentaire raconte l'exercice de la justice restaurative, sur deux axes parallèles : la confrontation de Chloé avec son frère abuseur et la rencontre, en prison, dans un cercle de paroles, entre des victimes de vols avec violence et des auteurs de faits similaires.






Les personnages sont bien campés par de bons acteurs du cinéma français (difficile de les nommer tous, mais il y a trois acteurs de la comédie française, Briane Ba, Suliane Brahim et Denis Podalydès), et Leila Bekthi, Elodie Bouchez, Adèle Exarchopoulos, Jean-Pierre Darroussin, Miou-Miou... et le film est captivant à regarder tant son sujet est intéressant à suivre. La situation mise en scène crée des tensions dramatiques très fortes, les relations humaines sont à fleur de peau, l'apex du film étant la confrontation entre Chloé et son frère. C'est plutôt bien filmé, bien raconté et j'ai marché tout du long.

Toutefois, après la visualisation, j'ai ressenti un arrière-goût pas très agréable. C'est tout d'abord un de ces films avec lesquels il n'est pas possible de n'être pas d'accord : cette initiative de justice restaurative est clairement une bonne idée et si ça se passe à moitié comme on voit que les choses se passent dans le film, c'est certainement très utile.

Mais justement : le film a un côté "pub" pour ce dispositif et, même si je suis sûr qu'il a été écrit en se basant que des rencontres bien documentées, il ne m'a pas paru très vrai. Les professionnels présentés sont presque des saints, on aimerait en savoir un peu plus sur la réalité de ce que le film présente justement comme "un travail". L'intensité des acteurs fait passer pas mal d'éléments des personnages, mais on sent les effets d'une forme de condensation narrative.


J'ai surtout l'impression que l'équipe qui a créé ce film n'a pas su résister au formidable potentiel dramatique que représentaient ces confrontations - et c'est difficile d'y résister, j'ai ressenti une tension puissante au moment où Chloé attend son frère dans la salle vide, avec la médiatrice. Cette utilisation d'histoires réelles, hackées pour nourrir une fiction, m'a gêné à posteriori, me mettant dans une position de voyeur.



17 juin 2024

Nope - Jordan Peele

On a regardé samedi soir en famille Nope, de Jordan Peele, sur conseil de la toujours avisée @philopoulpe.

Rosa a dit : je ne comprends pas pourquoi tu nous as dit que ça faisait peur. Ce n'était pas vraoment de la SF non plus (je ne suis pas d'accord). Cecci a dit que c'était très beau et bien filmé. Marguerite a adoré l'histoire mêlant horreur, SF et comédie sarcastique. Votre serviteur est fan.

Il y a des chevaux très beaux, une scène vraiment flippante avec un chimpanzé, d'excellents personnages tous plus ou moins barrés, particulièrement Em et OJ, mais en fait tous, plein de gags de visuels, des idées très drôles et une méta réflexion sur le cinéma et les cowboys et les films de monstres.

C'est super bien. Maintenant, on regarde quel autre film de Jordan Peele ?






13 juin 2024

Extra Life - à Vidy

Ces derniers temps, nos expériences à Vidy ont souvent été décevantes. On y a vu notre lot de trucs expérimentaux et exaspérants, mais nous restons curieux de découvrir des nouveautés.

Nous avions choisi Extra Life en début de saison, et quand nous sommes arrivés dans la salle nous n’avions aucune idée de ce que nous allions avoir sinon que « ça parle de mémoire et de viol. ». Donc.



Une scène sombre à l’atmosphère épaisse. Deux personnages, un jeune homme et une jeune femme dans une voiture. Conversation décousue, ils reviennent d’une fête. Ils sont dans cet état décalqué de 5h du matin quand on a et bu et dansé et bu et dansé. Ils sont frère et sœur, Klara et Felix. Leur conversation ricoche, à la radio une émission grand public sur enlèvements par les extra terrestres. Puis la scène est parcourue de fumée, de lumières, il y a des présences, des visages, une autre Klara, et ce secret partagé entre eux qui se révèle à leur mémoire et les transforme, leur fait éclater la psyché.

Il ne se passe narrativement pas grand-chose de plus dans ce spectacle, parce qu'il s'agit de l'explosion de la mémoire, d'un instant, à travers des ombres, des fumées, des lasers, des sons, des mouvements aux rythmes bizarres. Musique au synthé planante et énorme de Caterina Barbieri, atmosphère découpée comme avec des lames, mouvements étranges et ralentis, duplications, phrases en boucle, instant qui passe et n'en finit pas...

Le spectacle a pas mal de défaut. Il assène, utilise les mêmes artifices encore et encore, certaines idées sont super et pas tout à fait exploitées (la marionnette - présence géniale, la thématique ET), les trucs faits et refaits... Le langage dansé est assez pauvre et manque de précision dans le détail - même si ça peut suggérer l'éloignement des personnages, c'est un peu décevant. Je me suis un peu ennuyé à la fin. C'est du spectacle plutôt riche, avec de grosses machines et de gros dispositifs pour créer de belles images et belles photos et l'ensemble reste assez intello. 

Mais il est également rare de vivre un moment comme celui-là, un vrai moment de scène. Il se passe quelque chose, on expérimente quelque chose, un éclatement de sensibilités, de perceptions. Un moment terrible et la réalisation de ce moment vécu, la validation par l'autre de ce qui a été vécu et la manière dont ce bouleversement psychique éclate les perceptions et les corps. Les acteurices ont une forte présence sur scène et le déploiement de leurs corps dans ce jeu de lumières, de nappes sonores et de sensations fait exister quelque chose que seul le spectacle vivant peut offrir. Ca électrocute un peu le cerveau, ça pousse ailleurs, et ça ce n'est pas souvent que ça arrive.

(Ha oui, et je me suis rappelé à la fin pourquoi j'avais coché ce spectacle, parce qu'il y avait Adèle Haenel dedans - n'y allez pas seulement pour elle - même si elle très bien, allez-y pour le trip, parce que vous vivrez un vrai grand moment de théâtre)