30 septembre 2016

Jean-Yves à qui rien n'arrive - Pierre Gripari

Après les ultra-classiques contes de la rue Broca, après le très surprenant Prince Pipo, nous continuons notre découverte de l'oeuvre de Pierre Gripari.
Jeannot est ami avec Jean-Yves, un jeune homme bizarre (enfant de l'assistance publique, ça le rend étrange aux yeux des bonnes gens) à qui il n'arrive jamais rien, mais qui raconte des histoires bizarres ou extravagantes, puisque s'il ne lui arrive jamais rien à lui, il peut écouter ce que les autres (renards, poissons ou diables) ont à raconter.
Jean-Yves à qui... est un très bon livre, étonnant dans sa forme : c'est un fix-up de contes, liés par un méta-récit, celui d'une fin d'enfance dans une ville de province des années 50. Outre le fait que les histoires, achevées, inachevées, qu'il contient sont souvent très bonnes, le livre a de nombreux niveaux de lecture, l'auteur transparaissant aussi bien dans la figure de l'enfant que dans celle du conteur, et plusieurs histoires (notamment celle de Saint-Satan) posant des questions sur le rôle du créateur.
L'écriture de Gripari est à la fois directe, sobre et très élégante, d'une intelligibilité immédiate pour les enfants, tout en déployant tous les trésors de l'expression. Un bonheur.


28 septembre 2016

La petite maison dans la prairie T2 - Laura Ingalls Wilder

Nous avions beaucoup aimé découvrir les aventures de la famille Ingalls et nous avons donc abordé la suite avec bonheur. Dans ce second volume de l'édition française (quatrième de l'édition américaine, si j'ai bien compris), la famille Ingalls a quitté le territoire indien pour une communauté rurale du Wisconsin. On y voit les parents lutter et travailler pour donner à la famille une maison et un minimum de confort.
Le livre a les mêmes grandes qualités que le tome 1 : attention aux détails, aux sentiments, à la nature. Tout comme le premier tome, il ne s'agit pas d'un livre provocateur : il exalte l'amitié, l'unité familiale, la solidarité des hommes. Il paraît que les souvenirs de Laura Ingalls ont été édulcorés pour ces livres destinés aux enfants, mais qu'on ne se méprenne pas : la petite maison est une œuvre remarquablement éditée (au sens noble du mot) : le récit des mois passés au bord de la rivière Plum par les Ingalls est très bien mené, d'épisode comique en épisode tragiques. Certaines scènes (le blizzard, la pluie de sauterelles) sont réellement terrifiantes et les motifs d'inquiétude ne manquent pas.
Laura grandit, n'est pas une enfant parfaite. On lit en sous-texte les controverses entre les parents, leurs soucis, les risques financiers pris par une famille pas bien riche. Bref, nous aimons tout autant que le premier tome et nous lirons la suite avec plaisir.

27 septembre 2016

Le petit prince noir et les 1213 moutons - Audren

Du même auteur, nous avions lu le Paradis d'en bas, chroniqué hier. Ce petit prince noir et ses 1213 moutons raconte l'histoire d'une jeune fille qui, ne parvenant pas à s'endormir, cesse de compter les moutons pour les suivre et pénétrer dans un espace onirique absurde.
Malgré quelques considérations bien vues sur l'amour à l'âge de douze ans, ce récit onirico-allégorique-nawak ne marche pas et fait dormir, malgré son court format.


26 septembre 2016

Le paradis d'en bas - Audren

Une note courte sur une lecture enfantine : le paradis d'en-bas raconte l'histoire du jeune Léopold dont les parents, suite à un héritage soudain, quittent leur petit appartement à Paris pour une belle maison à Barbizon, charmant village de Seine et Marne. Là, Léopold se fait trois très bons copains qui tous ont des parents qui vient de faire un héritage qui les a amenés à Barbizon. Alors bien sûr, ils vont tenter d'enquêter...
Sur ce postulat fantaisiste, Audren conduit un roman en fait assez réaliste dans ses propos et ses moyens. Le lecteur attentif comprend assez vite de quoi il retourne, mais l'intérêt du récit n'est pas là : il est plutôt dans le regard acéré porté sur la famille, et notamment par les enfants sur les parents. Le point de vue de gamins de dix ans est très bien rendu et les nombreuses observations par les enfants des errements des adultes sont plutôt bien vues. Rosa et Marguerite ne s'y sont pas trompées et ont beaucoup apprécié ce regard.
Je viens de découvrir que l'auteur avait prolongé le récit par un tome 2 et un tome 3. J'en donnerai ici des nouvelles.

23 septembre 2016

Fantômette contre le géant - Georges Chaulet

(ce billet est destiné particulièrement au jeune André-F* R*, qui se reconnaîtra).
Nous continuons donc à lire des Fantômette, Rosa et Marguerite poussent des cris de joie quand dans une brocante elles découvrent un volume qu'elles ne connaissaient pas.
Fantômette contre le géant est un des premiers livres de la série. Il n'est pas très bon, mais il est intéressant en ce qu'on voit l'auteur chercher son ton, son angle d'approche. Peut-être discutait-il avec l'éditeur de tout ça ?
L'intrigue, en deux mots : Colette est nouvelle à l'école, ses parents s'installent dans une vieille ferme qu'ils retapent pour en faire un centre de loisirs. Mais un géant apparaît durant la nuit, qui pousse des cris effrayants. Et, sur la dernière page d'un missel trouvé dans le grenier, un curieux quatrain parle d'un trésor...
L'histoire est assez poussive, l'auteur allonge volontiers la sauce par des scènes sans intérêt (qu'il saura plus tard, dans des livres ultérieurs, transformer en scène de comique absurde). Ce Fantômette est bien plus "policier" que les suivants : il a une intrigue, correctement construite et à peu près crédible. Le coupable n'est révéla qu'à la fin et certains éléments du petit mystère sont amusants.
Les détails qui m'ont amusé, par rapport à la suite de la série : l'amie des héroïnes a des parents normaux (des parents !). Ficelle est plus fantaisiste que complètement à l'ouest. Un des personnages (l'ouvrier italien) a presque une forme de crédibilité sociologique. Et Framboisy est encore campagnard : depuis la périphérie, on entend sonner le clocher de l'église, la nature est toute proche...
Quant au style, il n'a pas trouvé le rythme et la vivacité qui feront le charme de la suite.
Heureusement, la modernité est en marche : à la fin de l'histoire, le centre de loisir est construit (merveille !) et la vieille chapelle, monument historique, est rasée !

21 septembre 2016

les 24 heures de lecture de Romainmôtier

Il y avait sans doute mieux à faire ce jour-là. Mais à la place nous avons passé la journée à lire. Ca a commencé dans les fauteuils du salon de notre petite foire aux livres locale, dans la grande salle du village. 

Voici Hélendrude. On peut préférer l’appeler Elyndruda, ce qui sonne mieux, peut-être, à nos oreilles, et choisir en toute impunité de maquiller ses traits, de la décrire comme ceci ou comme cela, et reconstituer autour d’elle un monde bâti de matériaux imaginaires, ombres de pierres, ombres d’eaux et de carpes énormes, ombre de l’ombre des arbres centenaires... (Hildegarde, de Léo Henry)

et cela pendant une heure de merveilleux rhénan, à haute voix, comme tout ce qui a suivi. Puis l'heure suivante, nous avons lu des pièces autobiographiques, bien plus locales. Puis l'heure d'après, dans une vieille grange de ferme, un extrait de manuel de jeu de rôle, des textes de slam et une nouvelle extraite de Tadjélé. Et comme ça, à chaque heure son lieu et sa lecture. Toujours dans la grange, les aventures du faux Juif Iohann Moritz, puis à a galerie d'art du village le jour du chien, puis le labyrinthe, et la science du concret selon Levi-Strauss. Après le repas, nous sommes allés dans la chapelle au-dessus de l'abbatiale écouter les naturalistes à l’affût, puis préparer une mise en scène de théâtre dans la salle du conseil de la municipalité. Il était minuit. La grande traversée des heures noires commençait, avec Proust, Boulgakov puis Michel Butor et Sato Haruo, entendu à l'intérieur de la vieille tour de l'horloge. Dans la boulangerie, on a lu Rimbaud et les aphorismes de Vinceannet Girod. Dans la salle des chevaliers du prieuré, un essai sur l'histoire de la douleur et un conte théâtral sur la folie du pouvoir. Le soleil se levait, et on n'en avait pas fini. Accompagnés de la musique du Setar, nous avons lu le sommaire de la règle de Saint-Benoît, des quatrains mystiques de Djalâl ad-Dîn Rûmî, et des extraits de l'apocalypse de Saint-Jean, installés autour d'une grande table de la maison de la dîme. Il n'y avait plus que deux auditeurs encore debout à neuf heures pour écouter Murakami, gloire leur soit rendue ! Heureusement, des renforts sont arrivés pour entendre Jules Vernes, Annie Ernaux puis Zoé Valdès sous les toits du miroir aux fées.

"Merci, ai-je répété". J'ai remarqué que ce mot avait été le dernier prononcé en quittant mon pays, et le premier que je disais en arrivant dans un pays qui ne m'était pas totalement inconnu car je l'avais déjà parcouru de façon littéraire. (...)
David a pris place à côté du chauffeur. Hannah Irene s'est assise derrière, entre ses deux mamans.
L'auto a traversé la nuit vers un autre rêve plus palpable. Un voyage enfin dans la bonne direction. (La nuit à rebours, Zoé Valdès)


Il pleuvait et il faisait froid ce dimanche du jeûne fédéral à deux heures de l'après-midi, mais nous avions terminé notre tour d'horloge. 
Merci à tous ceux qui sont venus participer à notre course de relais immobile : hôtes et hôtesses, lectrices et lecteurs, auditrices et auditeurs, pour la journée, pour la nuit, ou simplement pour une heure. C'était bien.
L'année prochaine, on recommencera.





13 septembre 2016

R.G. -- Pierre Dragon & Frederik Peeters

Je continue donc mon marathon Peeters, avec quelque chose de tout à fait différent. R.G. est une adaptation et une scénarisation par Peeters de récits que lui a fait Pierre Dragon, policiers aux renseignements généraux, du temps où cette très française institution existait encore.


Dans les deux volumes que j'ai lus (y en a-t-il d'autres ?), on suit deux enquêtes de Pierre Dragon et de ses collègues, qui, dans le premier, enquêtent sur des trafics internationaux (sweaters, limousines, chauffeurs), et dans le second sur la traite d'êtres humains.


Une fois de plus, le dessin de Peeters est remarquable, collant en finesse aux personnages, aux ambiances. On étouffe dans la camionnette de surveillance, on se cogne dans les petits bureaux, on visite toutes sortes de milieux, échanges de vêtements fabriqués dans des sweat shops dans des banlieues anonymes, fêtes au Crillon, poursuite sur les toits de Paris. Le tout dans une ambiance classique et pas désagréable de polar à la française. Les auteurs prétendent que presque tout est vrai, sinon les détails, et on veut bien les croire. Certaines anecdotes sont vraiment drôles ou tragiques, c'est selon.
Ce que ça dit de notre monde, de sa criminalité compliquée, des liens qui s'étendent très vite au-delà des frontières, tout ça est à la fois fascinant et effrayant, et cohérent avec ce qu'a pu me raconter un ami qui gravite dans un milieu similaire.
Je le redis, même si je n'ai pas tellement aimé ses histoires de SF, Frederik Peeters a un talent étonnant à rendre les échanges humains, regards, attitudes, sourires en coin, menaces... Tout sonne juste.
Bref, une bonne lecture, que je recommande (chaque volume se tenant assez bien tout seul, narrativement parlant).

Avec un peu de recul, on sent Peeters très intéressé par les personnages d'hommes. Trentenaire looser dans Lupus, quarantenaire divorcé dans Aâma, et balaise super-viril-mais-sensible dans R.G. (divorcé aussi). Le traitement dans R.G. des ambiances de vestiaire, amitiés sincères mais pudiques, blagues un peu lourdes entre mecs et envies de bagarre me semble juste, même si, je l'avoue, c'est un cadre où je ne me sens personnellement pas très à l'aise.
Dans ses récits, les femmes me semblent être des personnages externes, un peu extra-terrestres et bizarres, qui vont sur leurs propres orbes et dont les rencontres avec l'Homme sont souvent explosives.