Je vais oser une révélation douloureuse : je n'ai jamais vu un seul épisode de la fameuse série TV multi-rediffusée. Bien sûr, je connaissais son existence, mais je n'ai strictement aucune image en tête, aucune musique de générique, aucun souvenir d'enfance associé à ce titre.
Passons maintenant au livre, très joliment édité par Flammarion.
Les Ingalls sont une famille de pionniers, dans les années 1870. Ils quittent les forêts du Wisconsin dans un chariot bâché pour se rendre dans la haute prairie du Kansas, dans le territoire indien. Au fil de chapitres courts, écrits à la troisième personne, Laura Ingalls raconte avec un point de vue d'enfant et un regard rétrospectif d'adulte l'installation de cette famille dans sa petite maison non loin de la rivière Verdigris. La petite maison est avant tout une chronique familiale, celle d'une expérience résolument étrange pour nous : cinq personnes isolées (deux adultes, deux enfants et un bébé) se reconstruisent une vie à la force de leurs mains. Certes, les Ingalls sont parfaits : les petites filles sont très bien élevées, les parents n'élèvent jamais la voix. Mais, même si leur existence n'a rien d'aventureux (ils ne rêvent que de s'installer et de cultiver la terre), la moindre rencontre, le moindre incident prend de grandes proportions et le le livre ne manque pas de moments palpitants, voire épiques (le puits, le défilé des Indiens, les cow-boys et leurs immenses troupeaux...). Même les relations si policées entre les membres de la famille peuvent s'expliquer par la nécessité de la survie. Quand la nature est si dure tout autour, on ne peut pas perdre de temps à chouiner ou à se disputer.
La narration en est très simple, très douce : un chapitre, un épisode, un problème, une résolution. J'avoue avoir été un peu barbé par les (relativement rares) moments où l'auteure décrit la façon dont l'habile Charles Ingalls fabrique un toit, une cheminée, un fauteuil à bascule ("un hipster super bricoleur", (c) Cédric F. qui se reconnaîtra). Je craignais aussi le discours bondieusard et moralisateur justifiant la colonisation des grandes plaines.
Pour ce point, j'avais totalement tort. Tous les passages avec les Indiens sont très bons, très justes, entre la peur de la mère, les voisins qui affirment qu'un bon Indien est un Indien mort, et l'attitude ouverte et pacifique du père. Le récit ne cache pas les ambiguïtés de leur position: "nous nous installons ici parce que je gouvernement finira par envoyer les soldats pour pousser les Indiens plus à l'ouest..."
Certes, on n'est pas chez Dorothy Johnson, mais le récit sonne vrai, est plein de moments touchants et intenses, qui parlent tout autant aux enfants qu'aux adultes. Quant à la fin de ce tome 1... elle m'a complètement surpris, et bouleversé.
Enfin, et ce n'est pas rien, le livre me semble véhiculer un discours très parlant sur notre relation aux choses et aux autres, gentiment décroissant et écolo. Aucune surprise qu'un roman aussi riche soit devenu un classique, il le mérite.
Oui mais http://teleobs.nouvelobs.com/actualites/20150203.OBS1542/la-petite-maison-dans-la-prairie.html
RépondreSupprimer(Ce qui n'enleve rien)
Pioneer girl est sans doute très intéressant, mais ça montre aussi la qualité du boulot éditorial (dans le bon sens du terme !) fait autour du livre de Laura Ingalls. Sous le récit familial chaleureux, la misère n'est pas loin et le regard posé sur les Indiens très juste.
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