13 décembre 2022

Cold Island


Cold Island
est une série islandaise mettant en scène des enquêtes de police dans le pays des geysers. Elle a occupé nos soirées ces six derniers mois.

Les scénarios, de qualité, ont été écrits pour l'essentiel par Yrsa Sigurdadottir d'après ses propres romans, sauf pour la dernière saison, au ton très différent.

Le héros des trois première saisons est un vieux flic proche de la retraite, Erik Sigurdsson, ancien responsable de la sécurité du gouvernement, retourné à la police judiciaire pour ses dernières années de carrière. Son ancrage dans le pays et son goût pour les vieux bateaux en bois font partie du charme des récits.

L'héroïne des derniers récits est une jeune inspectrice chaotique et énergique, moins typique (elle est d'origine sud américaine du côté de sa maman).





Saison 1 : Les crocs du dragon
Une enquête du commissaire Erik Sigurdsson, sur fond de manipulations immobilières et de jeunes filles tombées dans la prostitution. L'enquête met en scène, comme à chaque fois, le manque de moyens complet de la police islandaise (peu de crimes = peu de policiers) ; Sigurdsson mène cette affaire accompagné des deux stagiaires de l'équipe, un grand sportif et une jeune inspectrice criminologue énergique, Lina, qui prendra plus d'importance dans la suite.

Saison 2 : ADN
Seconde enquête du commissaire Sigurdsson : récit haletant de meurtres et de vengeance médicale. Le dernier épisode, confrontant Sigurdsson et l'assassin, est d'une grande puissance.

Saison 3 : Les sept chevaux
De loin la saison la plus ambitieuse de la série, avec une capsule temporelle, un meurtre ancien, un juge disparu en mer et un envoûtant et mystérieux chef de famille d'une ville de pécheurs. Sigurdsson parviendra-t-il à résoudre l'affaire avant sa mise à la retraite ? Le récit a l'audace de quitter le cadre classique de l'enquête pour s'étendre sur plusieurs mois, voire plusieurs années, et se termine par un finale haletant.

spin-off : Beautiful beings 
Sous prétexte de présenter une enquête de jeunesse de Sirgurdsson, ce film raconte avec une beauté élégiaque le quotidien amer, et parfois magique, d'une bande de garçon des années 90.

La série n'était supposée durer que sur trois saisons, d'autant que le personnage principal finit par quitter le métier. Mais, devant le succès de ces récits mettant en scène ce fascinant pays, la production a relancé de nouvelles saisons, avec une nouvelle héroïne, plus jeune et plus chaotique, Lina Bjarnsdottir, collaboratrice de Sigurdsson dans les premières histoires.
Les nouveaux épisodes se teintent de fantastique et s'intéressent aussi aux relations sentimentales et sexuelles de l'héroïne, plus amusante que le tranquille Sigurdsson.

Saison 4 : la bouche de l'enfer
Un étudiant meurt étranglé, peut-être un accident lié à ses pratiques déviantes ? Le scénario, très habile, mêle vieux manuscrits médiévaux, société secrète étudiante et une mystérieuse famille allemande. On y découvre l'aspect magique de l'île des glaces... On notera la présence d'un acteur français dans le rôle du petit ami de Lina (la production de la série est majoritairement française)

Saison 5 : harcèlements
Le scénario se teinte de social pour cette seconde enquête de Lina Bjarnsdottir autour de la disparition d'une lycéenne. Le sujet des violences adolescentes est abordé avec tact.

Saison 6 : Cages
La saison finale prend une série de virages que les fans apprécieront, ou pas. Le côté fantastique est assumé, on quitte l'île glacée pour la France (production française !), pour une histoire alambiquée autour de disparition d'adolescents enfermés dans des cages et torturés. Le nouveau scénariste est français et si son histoire est palpitante, on se permettra de la trouver moins réaliste et moins ancrée socialement que les scénarios bien ficelés d'Yrsa Sigurdadottir. De même, les nouveaux acteurs sont majoritairement français, rejoints par quelques brillants seconds rôles anglais pour un récit situé dans les environs de Bordeaux.
Trois fois plus longues que les saisons précédentes, cette saison finale n'est pas avare de scènes spectaculaires : prises d'otage, poursuites, scènes d'assaut presque militaires sur fond de fantastique cosmique. Une sortie de True detective à la française. 
De manière étonnante, la transposition de l'énergique Lina Bjarnsdottir dans les paysages du bordelais fonctionne plutôt bien. Vue à travers les yeux de ses collègues gendarmes, enquêteurs, l'Islandaise devient une sorte d'elfe, ou de fée, ou de troll, bouleversant tout sur son passage.


Bon, bien sûr, cette série n'existe pas et l'image d'illustration a été générée par DALL-E. Merci à Cecci d'avoir adapté en scénarios les romans (réels) d'Yrsa Sigurdadottir. Les rôlistes reconnaîtront d'où venait la dernière saison. Et comme je l'avais découvert il y a quelques années, jouer des histoires policières, c'est formidable.
Encore des histoires dont on se souviendra.

07 décembre 2022

Festival de marionnettes de Neuchâtel

Un tout petit billet pour rappeler deux spectacles que nous avons vus au festival de marionnettes de Neuchâtel.

Le premier : Sans arrêt, par Pierre Meunier et Marguerite Bordat.

Le rapport avec les marionnettes est un peu lointain. Disons que c'est un spectacle autour d'un objet : une tête, celle de Pierre Meunier, sculptée par Marguerite Bordat. Un homme âgé et beau parleur, qui fait des bons mots. Une femme, qui sculpte sa tête et cherche la vérité de l'autre. Ca pourrait être narcissique et bavard et pas du tout.

Je pense que chaque représentation est différente, suivant l'état de la tête. Que les dialogues sont improvisés. Et c'est complètement fascinant : je n'avais jamais vu ça. Une sculptrice à l'oeuvre, la tête et le modèle en même temps, la matière, plastique sous les mains... Ce spectacle ne ressemble à rien de connu. Nous avons beaucoup aimé.

La vidéo ci-dessous en donne une vague idée:



Le second : Babylon, du stuffed puppet theater.
Un groupe de réfugiés, sur une plage, voulant passer en Europe. Dieu, Jésus, le diable, l'ange Uriel et un mouton nommé Pimky. Et un chien.

L'histoire est d'un total mauvais goût (si si), le décor est moche, l'animateur est visible sur scène, avec son pantalon de treillis et ses lunettes noires. Et il a un talent dément pour faire vivre les créatures, au point que je me suis dit plusieurs fois : "tiens, c'est drôle, ses lèvres bougent quand les personnages parlent !" 
Un spectacle dérangeant qui m'a beaucoup plu aussi.

06 décembre 2022

Les passagers du vent -- François Bourgeon

Petite rétrospective les passagers du vent de François Bourgeon. Un classique de la bédé franco belge des années 80, époque "Vécu". Pour ceux qui n'auraient jamais lu cette série, les cinq premiers tomes sont des histoires de mer à la fin du 18ème siècle, de bateaux et de traite négrière, avec au centre une jeune femme intrépide, Isa, qui a quelques caractéristiques héroïques (elle tire super bien au fusil et n'a peur de rien, ou presque) et qui pour le reste se prend la société de l'époque dans la gueule.

J'aime croire aux univers des histoires que je lis, et c'est pour ça que j'aime la plupart des histoires de François Bourgeon. Il y a mille détails qui font vrai, le dessin est très précis, les lieux et les situations sont crédibles. De l'aventure ! Du grand voyage ! J'aime beaucoup.

Des années 80 et de la bédé "pour adultes" de l'époque, les albums gardent un traitement assez direct de la sexualité et un plaisir à dessiner de belles jeunes femmes surprises dans leur intimité. Une amie, il y a longtemps, surnommait Bourgeon "le roi du T-shirt mouillé" et ce n'est pas faux. Ca ne gâche pas l'histoire ni l'immersion, ni le fait que l'héroïne est un vrai personnage actif, mais je ne sais pas comment on relit cela dans les sensibilités actuelles.





Après, par souci de complétude, j'ai emprunté à la bibliothèque les deux tomes de "la suite", la petite fille Bois Caïman, qui raconte en flashback la fin de la vie d'Isa. J'avais oublié que je les avais déjà lus. J'avais oublié que j'en avais dit que le dessin était top, la doc, super, et l'histoire absente. Et bien je suis toujours d'accord avec le moi de 2010. C'est beau à regarder, on y croit, il y a toujours de belles femmes pas toujours très habillées (mais moins), et la meilleure partie de l'histoire aurait pu être racontée en dix planches par le Bourgeon des années 80, au lieu de 120 planches comme celui des années 2000.


Et, par souci de complétude complète, parce que je vais au bout des choses, j'ai lu Le sang des cerises (oh, ce titre...), qui se relie par un jeu d'hérédité à Isa des années 1780 et met en scène, à Paris en 1900, des souvenirs de la commune. Le dessin est toujours bien, les femmes toujours belles, la documentation écrase tout, le name dropping de personnages historiques est insupportable et l'envie d'avoir son étiquette "je suis de gauche, je parle de la Commune, mais sans en parler, mais en en parlant" est vraiment embarrassante. Ah oui, et il s'y passe encore moins de trucs que dans la petite fille...


Tiens, un jour, je publierai ici un billet sur la SF du même Bourgeon (spoiler: j'aime beaucoup aussi)



16 novembre 2022

Mémoire de fille -- Annie Ernaux


Comme il y a des lives d'Annie Ernaux en vue dans les librairies, Cecci en a pris un, Mémoire de fille. Comme souvent (toujours ?) chez Ernaux, le sujet en est l'exploration systématique d'un souvenir/d'une série de souvenirs, accompagné d'une réflexion sur l'écriture de la mémoire.


Donc: été 58, la jeune Annie Duchesne, 17 ans, élevée en école catho et très bonne élève, devient animatrice de colonie de vacances. Dès le premier soir et la première fête des moniteurs, elle se fait serrer par le chef moniteur qui l'emmène dans sa chambre et a une relation sexuelle avec elle (la première de la jeune fille). 
Mémoire de fille est le livre par lequel, 40 ans après, une femme tente de retrouver la jeune fille de dix-sept ans qu'elle fut, explorant cette première rencontre sexuelle et ses conséquences durant les années qui suivent. Ca pourrait être voyeur et narcissique, très littérature française, et ça ne l'est pas du tout. Ce n'est pas tire-larmes, ça ne cherche pas à attirer la sympathie de la lectrice, ce n'est pas le récit d'un trauma exceptionnel. 

Le livre est court, lu en deux heures. Il m'a coupé le souffle. Littérairement, ce qu'y fait Annie Ernaux est exceptionnel. A partir d'un évènement, de corps qui se rencontrent et des conséquences sociales, personnelles, de cette rencontre, elle extrait un peu de l'essence de l'expérience féminine, de l'expérience humaine.


14 novembre 2022

Boudoir - Stephen Cohen, à Vidy

Un.e artiste à la figure étrange, avec un intrigant maquillage et une tenue super queer, pose et bouge lentement dans des décors insolite. Vous pouvez vous faire une idée en regardant la bande-annonce du show, ici :


On est allé le voir suite à un article très flatteur du Temps.




Comment ça se passe ?
Vous arrivez à Vidy, le beau théâtre au bord du lac. Vous devez laisser vos vestes et sacs dans le vestiaire car vous allez pénétrer dans un "lieu d'art, plein d'objets fragiles". Vous vous installez ensuite dans une salle de projection ou vous regardez quatre courts-métrages montrant la créature dans un atelier de taxidermiste (deux fois), au holocaust memorial et Johannesburg et au camp du Struthof. Puis vous pénétrez enfin dans le boudoir, la pièce pleine d'objets d'art fragiles (girafe empaillée, kitscheries religieuses, livres qui s'enflamment tous seuls) où l'artiste déambule dans des lumières étranges et un air pénétré.

Il ne se passe rien de plus que dans la bande-annonce. 
C'est narcissique on ne voit que luel, iel est le centre de tous les regards. C'est plein d' holocaust-porn. C'est parfois esthétique, tout le temps ennuyeux.
Au-dessus de l'entrée du boudoir, un panneau indique "réservé aux Blancs" (panneau venu de l'Afrique du sud originelle de Cohen). Il est assez juste, il n'y a que des Blancs dans la pièce.

Cecci s'est indignée de voir le spectateur enfermé sur un petit circuit balisé, comme en sortie scolaire ou bien dans une attraction Disney.  Elle a détesté ce solipsisme esthétisant, l'instrumentalisation aussi ego- qu’anthropo-centrée du vivant naturel, réduit à des éléments de parure. Et surtout, absence totale d’émotion face à cet artifice qui ne raconte rien d’autre que ce qu’on déteste, la construction de la figure de l’artiste comme esthète solitaire…

Seul moment touchant, sur une heure de show : le moment où le film laisse voir la main noire du taxidermiste en train de bosser.

C'est l'archétype de la programmation actuelle de Vidy : prétentieux et creux. Ou alors nous ne sommes vraiment pas les gens visés par ce genre de performance.
La meilleure idée du spectacle ? Les billets à prix choisi vendus en ligne.




06 novembre 2022

Les océanographes - à la grange de Dorigny




La grange de Dorigny est le théâtre de l'université de Lausanne. Un beau lieu, avec une salle très agréable, où nous avons déjà vu deux spectacles plutôt intéressants, mais pas chroniqués ici. Ce troisième spectacle s'appelle Les océanographes. Dans un décor de piles de papier, évoquant tout aussi bien les fonds marins que le bureau d'une universitaire, le spectacle met en scène tout d'abord Anita Conti, première femme océanographe, présentée comme un personnage plein de verve et d'esprit, un peu cabotin, observatrice très fine du travail des hommes en mer. Elle a voyagé plusieurs mois à bord d'un terre-neuva, le Bois rose, munie d'une caméra 16mm couleurs, et elle a rapporté des pages et des images d'observations fascinantes, poissons, tripes de poissons et marins.
"Le capitaine est debout 18 heures par jour. Il regarde les hommes. Un homme qui n'est pas regardé est perdu. Pire, il est mort." (citation de mémoire)
Suivent des projections d'images incroyables tournées par Conti.
La seconde partie du spectacle restitue les propose de deux autres scientifiques, plus modernes, toutes deux aussi utilisant des images venues du fond des océans.

Si, théâtralement, le spectacle était un peu figé, malgré un décor magnifique, il permet une grande plongée dans ce sujet des fonds marins, et, de manière plus générale, dans ce que c'est que le travail scientifique, comment on le fait, comment il nous prend et nous obsède, femmes comme hommes. En cela, et par ses explications sur le rôle de l'image dans le travail scientifique, Océanographes est une pièce tout à fait passionnante.

Petite note intéressante : ce spectacle, mettant en scène des femmes scientifiques, a une équipe créative (presque ?) entièrement féminine.

28 octobre 2022

La vie de Galilée - à la comédie française

Les lectreurs.rices de ces billets l'auront compris, ici, on aime bien le théâtre et en particulier la comédie française. L'auteur de ces lignes a un principe : quand on va voir du spectacle vivant, on aimera environ une fois sur deux. Nous sommes allés deux soirs de suite au théâtre, la première fois pour voir Gabriel, et c'était bien. La deuxième fois pour voir La vie de Galilée, de Berthold Brecht. Et bien c'était l'autre fois sur deux.

La vie de Galilée, notre première pièce de Brecht au théâtre, parle donc, spoiler alert, de la vie de Galilée, présenté comme un type plein d'idées, aimant la science, les mathématiques, sa famille, manger et dormir. Le sujet est quand même assez intéressant.

La mise en scène d'Eric Ruf, le boss de la Comédie, est pleine de pognon. 23 acteurs sur scène, décors énormes et compliqués, costumes de Christian Lacroix.

Nous avons tenu 1h30 et sommes partis à l'entracte. C'était pompeux, didactique, ennuyeux, pesant, sans intérêt.  Plein de blablabla et de trucs ridicules et embarrassants pour les acteurs et actrices sur scène.

Il y a un paquet d'années, on avait vu le Tartuffe, mis en scène par l'administratrice de l'époque de la CF. C'était plein de décors et d'acteurs et c'était nul. Il doit y avoir une malédiction liée aux mises en scène du chef...



La critique est toutefois flatteuse. Moi, j'ai l'impression d'avoir vu une pièce pour bourgeois. Pas mon truc.