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25 août 2014

Une interprétation des Masques de Nyarlathotep – cinquième et dernière partie

Ne pas oublier de se référer aux épisodes précédents pour lire ce qui suit. Attention si vous comptez jouer un jour cette campagne, ce récit comprend nombre de spoilers. 
L'ensemble des billets de blog consacrés à la campagne des masques de Nyarlathotep peut-être retrouvée sous ce libellé : masques.

Voici l’épisode final de ce compte-rendu. La campagne est terminée, nous sommes un peu tristes, ces personnages nous ont accompagnés plus d’un an… Comme toujours en matière de jeu de rôle, il n’en restera que quelques souvenirs, des notes, des impressions. 

Cinq ans ont passé depuis l’épisode précédent. La crise de 1929 frappe les Etats-Unis, puis le monde. En Allemagne, un dingue a petite moustache conquiert le pouvoir. Aux USA, le Klan devient de plus en plus puissant, et il est connu que ses membres influents lisent beaucoup Les fontaines de la connaissance. Les insouciantes années 20 sont mortes, on entre dans une période inquiétante. Dans les colonies, les peuples « primitifs » secouent le joug des Occidentaux jadis tous puissants, la science semble faire des progrès mais vers quelles directions ? Faut-il voir, comme le policier Martin Poole (qui épluche chaque jour les journaux) dans ces évènements effrayants l’influence pernicieuse du gourou de Rusty Mountains, Ali Abu Assif, dit « Nyarlathotep » ? Son influence est plus grande que jamais, Républicains comme Démocrates lui mangent dans la main. Le livre « the new Cross » montre bien la compatibilité entre ce qu’on appelle « la sagesse égyptienne » et le christianisme. Les foules marchent en somnambules au bord de l’abîme, à quoi rêvent-elles ? A quelles folies descendues des étoiles hurlantes ?



Menées par des gestionnaires avisés et compétents (qui n’hésitent pas à couper les branches mortes, jetant des milliers d’hommes au chômage), les entreprises Carlyle traversent la crise plutôt mieux que d’autres, et Erica est plus riche que jamais. Elle a épousé Priam et de lui elle a eu une fille, Isolde. Par ailleurs, elle a repris le dessin, sa main guidée par Virginia Elonn, l’ancienne professeur de dessin (et maîtresse) de Roger. Aidée de Constantin Rhodes, elle comprend de mieux en mieux - en le dessinant et en le peignant - le monde onirique que visitait son frère. Elle nourrit de ses mains les nécrophages fréquentant les caves voûtées du manoir Carlyle et garde un œil sur Deirdre, fille autiste de Virginia et de l’ex-playboy.

Une armée de gardes du corps menée par Joe Corey tient à distance les fous, toujours plus nombreux, qui veulent voir, toucher, dévorer la « sybille aux yeux peints ». Erica Carlyle est le rêve fiévreux d’une Amérique malade, une créature rare, mystérieuse, manipulatrice.

La consultation des notes abandonnées par Sam avant sa disparition (et des livres que publiera ce dernier à la fin des années 20) lui fait comprendre peu à peu que l’indifférence ne suffira pas à tenir celui qu'elle considère maintenant comme l’adversaire à distance. « Joe, je crois que nous sommes en guerre. » Car dans l’inconscient collectif flotte cette idée évidente : il viendra jusqu’à elle et il l’épousera. Et de cela, Mrs Carlyle ne veut pas.

De Sam on aura des nouvelles par un manuscrit publié en 1929 par Prospero Books. Track of the devil, par S. Jackson. Dans le même style que les bouquins d’Elias, Sam raconte sa quête passant par le Kenya et l’Australie… Le livre évoque les tragiques épisodes de la révolte Nandi de 1926 au Kenya. Ce qu’a vu la compagnie de fusiliers écossais envoyée vers la montagne du vent noir ne peut vraiment être raconté. Sam y était, accompagné de Jack Brady et ce dernier y est resté, entraînant M'weru dans la mort. M. Lipsky a ensuite passé du temps en Australie et là il s’est rendu coupable d’un crime, assassinant de ses mains ce cher Aubrey Penhew… Il ne restait alors plus qu’un seul membre vivant de l’expédition Carlyle : Roger lui-même.

Jonas et Rebecca se sont installés sous un faux nom au Canada, dans un trou perdu, loin des résonances de la « grille » que certains nomment Yog-Sothoth. Là, Jonas dirige une petite scierie, puis une entreprise d’exploitation de sables bitumeux… Trois enfants naissent. Années laborieuses et dures pour nos héros. Seul Poole sait où joindre « Christiansen », une des seules personnes avec lui à comprendre la véritable nature de l’espace, du temps, et à comprendre la réalité et la dangerosité de celui en qui les naïfs persistent à voir « un des grands esprits de notre temps ».



Noël 1931 : un type bizarre arrive dans la petite ville canadienne de Blackpool Waters où se cachent Jonas et sa famille. Il dit se nommer Aaron Blickstein, il ressemble à Sam avec dix ans de trop, il cherche du travail…

Il faudra des mois pour pénétrer à travers cet esprit au bord de la folie. Sam est recherché, Sam est dans les rêves de l’ennemi, pour lui échapper il lui a fallu devenir un autre, ne plus être celui qu’il était. Il s’exprime dans des textes codés produits sur sa machine à écrire. Ses voyages sont terminés, il a besoin d’aide maintenant pour retrouver Roger… Car Sam a compris que Brady était tout à la fois un ennemi et un allié du complot. Roger est la clef, celui par lequel Nyarlathotep est venu, celui par les rêves duquel il peut être présent sur la Terre. Brady l’a caché pour le protéger de tous, des adversaires du culte comme de ses servants trop entreprenants… 

Juin 1932. Au manoir Carlyle se retrouvent six personnes qui ne s’étaient pas rencontrées depuis bien longtemps : Jonas et Rebecca, Sam, Erica, Priam Koenig et Alexandre Gautier, le fameux égyptologues. Sam veut retrouver Roger pour le tuer, les autres pensent que ce n’est pas si simple. On utilise la machine pour projeter Jonas, Sam et Gautier en Egypte il y a 28 siècles… car à cette époque, l’ennemi avait été chassé. Le monde du passé reste obscur, difficile à comprendre, mais l’idée qu’un homme puisse être la clef est confirmée. Et Erica accepte de révéler où se cache son frère. Elle n’a plus peur de lui, cela fait longtemps que sa fortune est protégée d’une éventuelle « résurrection » de l’enfant prodigue.

Nos héros entreprennent alors un voyage dément, trois mois d’un tour du monde par l’Ouest. On se déguisera, on changera de noms et de statut, plusieurs fois, on s’efforcera de n’être pas soi-même. A Hong Kong, on fait sortir d’une clinique un certain Randolph Carter, conscient mais absent, et incapable de se servir de ses mains. Le voyage continue vers l’Ouest : Bombay, Aden… puis l’Egypte, où les réseaux de l’adversaire sont plus puissants que jamais. Là, s’infiltrer jusque dans la pyramide de Dashur en emportant et Carter et la machine, pour se projeter au moment clef… Cet épisode de 1919 où Mweru, Penhew et Huston à l’intérieur de la chambre mortuaire de N ont projeté la conscience de Roger jusqu’à cet état psychique particulier qu’on appelle « le plateau de Leng »… 

Envoyé à cet instant précis, dans le corps de Huston, Jonas saisit les caractéristique de l’onde psychophysique. Utilisant la machine, lui et Priam émettent une onde inverse, rompant le lien qui emprisonne l’esprit en Leng…

Trois mois d’absence… C’est le temps qu’il faut à Nyarlathotep pour traverser les Etats-Unis à pied, du Texas jusqu’à l’Etat de New York, suivi par la foule dont il conditionne peu à peu l’état psychique. Erica Carlyle sait que c’est pour elle qu’il vient. Déjà les journaux oublient qu’elle est déjà mariée et annoncent ses prochaines épousailles, comme si cet événement mondain allait être la clef mystique qui sortirait l’Amérique de la grande crise. Utilisant sa fortune, Erica jette dans les pattes du gourou tous les obstacles qu’elle peut imaginer. Chicaneries juridiques pour empêcher sa foule de traverser des villes ou des états, jusqu’à organiser une réception du grand homme par le Sénat des Etats-Unis… Mais à la mi-septembre, Nyarlathotep se présente devant le manoir Carlyle et ses partisans campent tout autour. On ne lui ouvre pas. Un à un les soutiens de Mrs Carlyle craquent sous la pression psychique. Les télégrammes affluent venus des personnages les plus influents du pays : il faut, pour l’intérêt de tous, qu’elle épouse le Maître…

Et soudain, une nuit, tout cela cesse. La nouvelle court : le Maître est mort, pendant la nuit. Quelque part au cœur de la pyramide de Dashur, Roger Carlyle sort d’un long, très long cauchemar…



Les rêves fous cessent, l’humanité a la gueule de bois, le gourou est ramené à sa juste importance… celle d’un sage, comme un autre. Les journalistes se demandent pourquoi ils ont accordé tant d’importance à Erica Carlyle, une millionnaire comme il y en a d’autres. Jean Cocteau renonce à tourner le film dont elle occuperait la place centrale. Aux USA, Franklin Roosevelt est élu, les temps changent…


Seuls quelques-uns savent et se souviennent. Jonas, Sam, Rebecca, Poole… et certains de leurs ennemis.

Jonas part s’établir avec sa famille en Allemagne (son pays d’origine) pour faire des affaires. Rebecca passe son doctorat à Leipzig, enfin. En 1937, ils fuient les Nazis pour s’installer en Suisse, au bord du lac Léman. Derrière l’ingénieur, l’homme d’action n’est jamais loin, qui participera avec Erica Carlyle aux tentatives de rapprochement entre les USA et l’Allemagne (sa patrie d’origine, malgré les Nazis), avant de devenir agent double pour les comptes des Américains. Les enfants grandissent. 

Après quelques mois de chicanes, Roger accepte de signer l’arrangement à l’amiable qui, en échange d’une très forte somme, lui interdit à jamais de prétendre à la fortune industrielle des Carlyle. Il finira par s’installer dans un luxueux appartement à Manhattan, à tenter de retrouver sa gloire passée, entouré de parasites – et d’un secrétaire entièrement dévoué à sa sœur. Pendant les années 40, on l’appellera « le Pharaon », un des nombreux excentriques de la Grosse Pomme. On le surprendra même déambulant en palanquin dans Central Park. Il meurt d’une crise cardiaque vers la fin de la guerre. Les complotistes diront que son corps n’a jamais été examiné que par un médecin tout dévoué à Erica Carlyle… et que l’enterrement a eu lieu bien vite.

Sam publie en 1938 un livre titré Masks of Nyarlathotep, the true story of the Carlyle expedition. Le tirage ne se vend pas, c'est de l'histoire ancienne... Mais la vérité est écrite, Elias Jackson est vengé.

Isolde explore la cave du manoir. Sa mère l’initiera aux responsabilités de la famille Carlyle… Les murs de la cave sont épais, qui étouffent les hurlements de la jeune fille confrontée pour la première fois aux habitants des cimetières…

Un des fils de Jonas trace depuis tout petit d’étranges courbes sur ces dessins. Le père veille sur son fils qui voit la machine dans ses rêves…

Et rien n’est jamais fini. Fin 1945, un jeune Egyptien stylé se présente dans la grande maison de Jonas au bord du lac Léman… Son nom ? Hiram Shakti. Son secrétaire s’appelle Stephen Alziz. Ce qu'ils veulent ? La machine, bien sûr. 

Nous nous sommes arrêtés sur cette image glaçante. Les personnages ont le droit de se reposer, d’être tranquilles, de suivre leur chemin sans nous. 



Cette campagne, bien que bancale à l’origine, nous a réservés de nombreux très bons moments. Le concept de base, l’expédition disparue, ouvre la possibilité de nombreux développements. Et ça a été un vrai plaisir de lire, ailleurs sur Internet, les comptes-rendus sur ce « classique » du jeu de rôle, et de pouvoir y apporter le nôtre. Je serais d’ailleurs ravi d’en discuter plus avant, sur ce blog ou sur les réseaux sociaux. Tout commentaire et toute discussion seront bienvenus !


Réalité burlesque, ou délire silencieux, seuls les dieux peuvent le dire. Une ombre révulsée qui se tordait dans des mains qui ne sont pas des mains, et tourbillonnait au hasard parmi les crépuscules effroyables d'une création pourrissante, les cadavres de mondes morts dont les plaies étaient des villes, les vents sortis des charniers, qui balaient les étoiles blafardes et en assombrissent l'éclat. Au-delà des mondes, les vagues fantômes de choses monstrueuses ; les colonnes entr' aperçues de temples non consacrés, qui reposent sur des rochers sans nom en dessous de l'espace et se dressent jusqu'à des hauteurs vertigineuses au-dessus des sphères de lumière et d'obscurité. Et à travers tout ce révoltant cimetière de l'univers, un battement de tambours assourdi, à rendre fou, et la faible plainte monotone de flûtes impies, venus de lieux obscurs, inconcevables, au-delà du Temps ; la musique détestable sur laquelle dansent lentement, gauchement, absurdement, les dieux ultimes, gigantesques et ténébreux (les gargouilles aveugles, muettes et stupides dont Nyarlathotep est l'âme).
(H.P. Lovecraft, Nyarlathotep)







05 août 2014

Une interprétation des Masques de Nyarlathotep – quatrième partie



Ne pas oublier de se référer aux épisodes précédents pour lire ce qui suit. Attention si vous comptez jouer un jour cette campagne, ce récit comprend nombre de spoilers. 
L'ensemble des billets de blog consacrés à la campagne des masques de Nyarlathotep peut-être retrouvée sous ce libellé : masques.


Dans ces épisodes, nous nous sommes beaucoup éloignés de la trame de la campagne, telle que décrite dans les livrets, pour approcher quelque chose de plus personnel. C’est là un des plaisirs du jeu de rôle. 

Nous étions donc à la fin de l’épisode égyptien. A l’automne 1925, Jonas retrouve Rebecca à New York, chez Ms Carlyle. L’ennemi paraît plus puissant que jamais et continuer la lutte nécessite des ressources intérieures que nos héros ne se sentent pas tous capables de mobiliser. 

Erica Carlyle, toujours phobique de tout ce qui est « égyptien », vit entourée de gardes du corps qui la protègent des fous et des rêveurs, de tous ceux qui voient en elle la fiancée du messager. 

Jonas et Rebecca se fiancent. Plus d’aventures lointaines, ils travaillent maintenant à l’exploration de la connaissance. Jonas, avec l’aide du mathématicien Priam Koenig (un vieil ami très proche d’Erica) entreprend la modélisation de ses éléments de psychophysique, une nouvelle compréhension de la nature des relations de l’espace et du temps. La machine terminée est très proche dans son esprit… comme si la machine, elle-même, guidait à sa propre fabrication. Les fiancés louent un appartement à Arkham et intriguent dans les milieux universitaires pour approcher certains vieux professeurs malades et certains manuscrits de démonologie médiévale… Jonas comprend que certains des concepts qu’il approche par son travail l’ont déjà été par des savants plus anciens et que cette « grille » d’échos traversant l’espace et le temps a été nommée par certains Yog-Sothoth. 


Rebecca pendant ce temps, outre la retranscription des notes de son futur mari, travaille sur les propres souvenirs de son expérience égyptienne par des techniques de régression hypnotiques. Elle en sortira, au bout de plusieurs années, des éléments troublants. 

De Sam Lipsky, resté en Egypte, aucune nouvelle ne parvient avant la fin du printemps 1926. 

Le lieutenant de police Martin Poole, de son côté, développe une sensibilité particulière aux influences de l’autre, celui dont on ne veut pas prononcer le nom. Il identifie son influence dans tous les cercles de la société, des plus populaires aux plus élitistes. Il suffit de savoir lire les journaux… et de voir les échos. 

Dans le secret de leurs travaux Jonas et Priam finissent la machine, objet sphérique d’un ou deux pieds de diamètre, fait de courbes d’or étrangement assemblées, reliée à un système de contrôle électromagnétique sophistiqué. Ce que tous ignorent, c’est que Jonas n’a en fait pas besoin du reflet physique de la machine. La machine existe, présente à son esprit, et cela suffit à la rendre utilisable par lui pour projeter son esprit – ou celui d’un autre, en certains points de l’espace et du temps… 

Sam fait alors parvenir un télégramme mystérieux, laissant entendre qu’il se trouve au Kenya. Jonas ne veut pourtant plus partir, la quête folle de Sam Lipsky pour venger la mémoire de son père (rappelons qu’il est le fils d’Elias Jackson) et lutter contre les monstres n’est pas la sienne. Jack Brady, lui, est prêt à se rendre au Kenya, et il demande une nouvelle fois de l’argent à Ms Carlyle pour un voyage dangereux. Cette fois, il n’en reviendra pas. 

Afin de savoir ce qu’il en est, Jonas utilise la machine pour se rendre au Kenya et retrouver Sam. La colonie britannique est en proie à une rébellion indigène qui la met à feu et à sang, dont l’inspiration proviendrait la région des Nandi, autour d’une certaine montagne du vent noir (là-même où les corps des membres de l’expédition Carlyle ont été retrouvés). Jonas, là-bas, prenant le temps de quelques heures le corps d’un colon allemand, reprend contact avec Sam Lipsky, devenu un homme à tout faire musulman (il s’est converti à l’islam lors de son séjour prolongé en Egypte, pour des raisons sentimentales notamment). Sam a remonté certaines ramifications de l’organisation de Shakti jusqu’au Kenya et il espère abattre là-bas certains éléments du culte. Il est triste d’apprendre que Jonas ne se joindra pas à lui. Sam attend l’arrivée de Brady, de son argent et ses armes, pour accompagner une expédition militaire britannique jusqu’au cœur de la rébellion… 

Pour Jonas, c’en est trop. Le combat est trop lourd, l’ennemi est partout. De son séjour chez Shakti, Jonas a compris la véritable nature de l’adversaire. Là où certains (comme Elias Jackson et Sam Lipsky, à leur façon) y voient une manifestation du diable, de Lucifer, Jonas perçoit un être immense, multidimensionnel, qui a par hasard ou malchance, glissé une extrémité de sa présence dans notre monde. Son influence inhumaine pèse sur les psychés, les déforme, les impacte partout sur la Terre. Jonas et Rebecca sont trop seuls pour les influencer, leur combat est vain. La rédaction de ses éléments de psychophysique, volontairement cryptiques (comprendre : perte de 1D3 SAN pour qui parvient à le lire), ne peut être qu’une participation infime à ce combat. Jonas espère contre toute raison que d’autres, un jour, le rejoindront. Lui seul (ou avec Sam) ne peuvent rien espérer. 


Durant ce printemps 1926, ce récit est secoué par plusieurs bouleversements. Par surprise, sans attendre aucune nouvelle de Sam ni de personne, sans prévenir quiconque (apparemment), Jonas et Rebecca disparaissent des Etats-Unis. Ils ne sont pas encore mariés, Rebecca est enceinte, mais personne ne le sait. 

Par ailleurs, songeant à perpétuation de sa fortune et à rassurer ses actionnaires, Erica Carlyle décide de se marier. La Sainte Voyante des Contrées du Rêve, la Sybille aux yeux peints de Sonja Ericksen (la poétesse new-yorkaise, et sa maîtresse d'alors), la fiancée du messager se choisit un mari. Ce ne sera aucune de ses fréquentations habituelles de la jet-set de la côte Est, mais plutôt un homme en qui elle a confiance, vieil ami d’études et compagnon de randonnées en montagne, ce bon vieux Priam Koenig. Qui n’est pas le moins surpris de cette décision. 

Jonas avait recommandé à Priam de démonter la machine. Priam n’en fait rien et se contente de la boucler dans le coffre du manoir Carlyle. 

Une dernière chose… Juste avant de quitter les Etats-Unis pour ce qui sera son dernier voyage, Jack Brady a confié à Erica Carlyle un secret. Randolph Carter… clinique du docteur Greene… Hong-Kong. 

Qu’est devenu Sam Lipsky ? Comment va réagir l’adversaire ? A quoi rêve le fou aux mains vides enfermé dans la clinique du docteur Greene, en Chine ? 

La suite au prochain épisode !

17 février 2014

Une interprétation des Masques de Nyarlathotep – troisième partie



Ne pas oublier de se référer aux épisodes précédents pour lire ce qui suit. Attention si vous comptez jouer un jour cette campagne, ce récit comprend nombre de spoilers.

Si on se réfère au découpage classique de la campagne, nous voici donc en novembre 1925, à la fin du "chapitre égyptien". Voici en quelques mots (et de nombreuses heures de jeu) comment s'est déroulé ce dernier...

A la recherche de sa petite amie, Ms Rebecca Donner, Christiansen débarque à port Saïd à la fin du printemps 1925. Elle devait l'y retrouver, mais n'apparaît pas au rendez-vous. Ses bagages sont là, son journal et une étrange statuette représentant « l'homme à trois jambes » (mais pourquoi n'a-t-il pas de tête ?). Suivi comme une ombre par Sam Lipsky débarqué de New-York, il enquête chez les frappadingues de la Egyptian Ankh Society (les purs, les vrais, les versions anglaises et américaines de la société ne sont que des imitateurs). Ceux là relèvent plus du proto new age que des cultes à sacrifice, Jonas se dit qu'il n'est pas sur la bonne piste. Il cherche là où ça crie et où ça saigne... Il remonte la piste de l'emploi du temps de Rebecca, se pose des questions sur les fouilles entreprises par Alexandre Gautier à la maison verte, un site de la XXIIème dynastie où aurait résidé une favorite/reine nommée… Nitocris.

Rebecca est retrouvée à l'hôpital, plongée dans une inquiétante catatonie, même si d'après le médecin qui la suit, une forme de drogue serait à l'origine de cet état. Cette maladie du sommeil frapperait des dizaines et des dizaines de personnes… Le but de Jonas devient alors de comprendre la cause de cet état pour pouvoir guérir Rebecca avant de l'emmener à New York où elle sera plus en sécurité.

Au Caire, il trouve des alliés : Nigel Wassif, le journaliste mondain, Hoda Shaaryia, une grande bourgeoise féministe égyptienne, amie de Rebecca, puis bientôt le professeur Mansour, égyptologue, spécialiste des rites funéraires. Laissant tomber la société de l'Ankh, il se tourne vers l'artisan qui a fabriqué pour eux certains de leurs éléments de culte, le joaillier juif Aaron Iffaz, disparu de son domicile depuis deux ans, mais encore vivant, puisqu'il envoie de l'argent à sa famille.


Que fabrique Iffaz dans son atelier/fonderie du quartier des tombes de califes, pour le compte d'Omar Shakti, grand propriétaire terrien ? Espionnant le chantier de la maison verte, Jonas y découvre d'étranges statuettes d'or produites par Iffaz, assemblées à des systèmes électriques qui lui rappellent la « machine » de Houston. Et si Shakti tentait d'établir un lien avec le passé, s'appuyant sur les centaines d'esprits plongés en catatonie ?

Jonas vole la moitié des statuettes (la quantité transportable dans une valise…), retire Rebecca de l'hôpital et, réfugié dans la maison du docteur Mansour entreprend la fabrication de sa propre machine, imitée de celle de Huston. Dans un grand moment de folie, entouré de phénomènes électromagnétiques inquiétants (des monstres ?), il se propulse au VIIIème siècle avant JC, découvre les rituels de vie de et mort effectués sur Nitocris et arrache l'incarnation locale de Rebecca à la fascination de la reine maudite.

Malheureusement, cette longue opération a attiré l'attention de Shakti et de ses tueurs. Rebecca est confiée à Mansour, qui l'emmènera au loin, pendant que Jonas fixe l'attention des poursuivants. Finalement capturé par Shakti, il accepte de se mettre à son service et de construire une nouvelle machine, plus puissante, plus précise, grâce à laquelle l'esprit pourra se projeter loin dans l'espace et le temps. Une nouvelle fois, il se retrouve au service des fous, d'autant que Shakti lui fait entendre les mots du langage aklo qui lui propulsent l'esprit jusqu'à cet état psychique que l'on nomme « Leng ». Et Christiansen, en bon ingénieur, se laisse fasciner par les perspectives ouvertes par la création de la machine… Quant à Sam Lipsky, poursuivi par les sbires de Shakti, il se fait oublier dans l'arrière pays égyptien, sans argent, sans alliés autre que son nouvel amour, la « grande sœur » de Ma'mud, le gamin des rues assassiné par les séides de Shakti.

Dans l'arrière plan, une vedette de second plan du Caire, Ms Roasch, devient une soudaine célébrité, fascinant la bonne société…

Cet été-là, Erica Carlyle visite la France, manque de se faire assassiner par un fou (qui voit en elle une Lillith maléfique - à raison ?) lors d'un séjour à Biarritz, renoue avec sa peur de la mer et rencontre Rebecca Donner sur le paquebot qui la ramène aux US. La rencontre ne se passe pas très bien. Rebecca est poursuivie par des créatures cynocéphales – dans la vision d'Erica – auxquelles elle échappe de justesse avec l'aide de Ms Carlyle, qui verra quand même une de ses domestiques se faire tuer.

Cet épisode désastreux pousse Ms Carlyle à se réfugier dans son immense maison/manoir, entourée de gardes du corps, sa forteresse. Marquée par les regards qu'elle attire et par les comportements de dingue se cristallisant autour de sa personne, elle ne retourne plus à Manhattan et garde Ms Donner auprès d'elle comme femme de chambre.

Prévenu par un télégramme de Jonas, Jack Brady (qui s'était installé auprès de Ms Carlyle pour la protéger, et aussi auprès de la putain chinoise qui avait été mise enceinte par… quelque chose sur l'île du dragon gris) monte une expédition pour aller chercher Christiansen, « sinon il va devenir dingue ». Il puise dans ses relations pour rassembler une douzaine de porte-flingues, se fait financer par Ms Carlyle, qui accepte à contrecœur.

Les relations entre Shakti et Christiansen se dégradent, entre menace et utilisations abusives d'aklo par Shakti. Mourant (mort ?) Jonas passe de longs jours à dériver dans des terres étranges qu'il pense produites par son propre esprit, et où rodent les serviteurs de Nyarlathotep comme les fidèles dans anciennes alliances conclues par la famille Carlyle. Là, dans un état second, il a une perception de ce qu'est Nyarlathotep. Il est la langue de sang. Un masque se lève, et avec lui la compréhension que Shakti, Ho, Huston, Penew, tous ne sont que des exécutants, les marionnettes de quelque chose d'autre, quelque chose de plus dangereux encore...

Au moment où Shakti serre la vis pour obtenir plus vite sa machine, Brady attaque. Le combat est une victoire à la Pyrrhus. Jonas est arraché aux griffes de l'Egyptien, mais la moitié des hommes de Brady y restent, et la mort de Shakti n'est pas attestée. Les autres hommes de l'équipe, peu convaincus par la santé mentale de Brady (tout à fait discutable, en effet) l'abandonnent. Le bateau affrété par la Carlyle Shipping Co (un discret cargo de contrebande) fait naufrage quelques jours après avoir quitté le Caire. Les pouvoirs de Shakti y sont-ils pour quelque chose ?

Christiansen et Brady, recueillis par un navire de guerre italien, entreprennent un prudent retour vers New York… Erica Carlyle, princesse malade au cœur de sa forteresse, les attend.



08 décembre 2013

Une interprétation des Masques de Nyarlathotep – deuxième partie

Ne pas oublier de se référer aux épisodes précédents pour lire ce qui suit. Attention si vous comptez jouer un jour cette campagne, ce récit comprend quantité de spoilers.


Printemps 1925, Jonas Christiansen et Sam Lipsky débarquent dans la ville de Shanghai au bord de l'explosion sociale. Les ouvriers se mettent en grève, soutenus par le parti communiste, le KMT (et les triades) ou la secte ultranationaliste de la Grosse Femme (le Pang Nuren, en mandarin).

Nos héros prennent bien soin de ne pas débarquer ensemble, Sam est chargé de suivre Jonas de loin et par là même tente de prouver qu'il est aussi doué que son père pour se glisser dans des sociétés inconnues.

Jonas remonte la piste de Brady, par la caserne américaine (où Brady a servi à l'époque en tant que marine), par son ancienne petite amie prostituée (dont il a trouvé l'éventail dans les affaires de Brady chez les Carlyle)… De passage au Cercle Sportif Français, coup de chance, il reconnaît sur une photo de partie de pèche en mer un homme au visage familier… le docteur Huston ! qui se fait appeler ici le docteur Wood et dirige une clinique où il accueille la belle société pour des cures fan-tas-tiques. Quant à Sam, passant des jours et des jours sur le port, il repère le Black Lady, le yacht photographié par son père…

Avec l'aide de M. Li Weng Chen, interprète et guide cultivé, et homme plus audacieux qu'on pourrait croire, Jonas tente une audacieuse filature maritime nocturne du yacht jusqu'à une étrange île rocheuse, Grey Dragon Island.

Jonas finit par se faire repérer par les hommes de Chu Min entourant Brady. Dans une maison inconnue, on l'amène face à un Brady lourd et ténébreux, façon colonel Kurtz dans Apocalypse Now. Il sait déjà que l'histoire de Brady n'a pas été facile… Sa femme chinoise et sa fille ont été enlevées par la secte de la Grosse Femme, et depuis Brady mène contre le groupe de M. Ho une guerre secrète et souterraine.

On aura droit à une dangereuse expédition d'infiltration sur l'île où Jonas découvrira le laboratoire où se fabrique la panacée, mystérieux médicament utilisé par le docteur Wood dans sa clinique de luxe, où Jonas a envoyé sa maîtresse, la belle Alexandra Wong, en reconnaissance. Après cet épisode dangereux, Jonas et Sam disparaissent de la circulation, devenant des mendiants sur le port. C'est sous cette forme que Jonas assistera à l'embarquement d'une étrange marchandise sur le Black Lady… des sacs, contenant des êtres humains vivants.

Jonas est alors retrouvé par Thomas Fludd, détective « maritime » employé habituellement par la Carlyle Shipping Company et envoyé à Shanghai par la riche héritière. Associés, Fludd et Jonas cambriolent la clinique du docteur Wood, y découvrent une étrange machine solénoïdale et volent journaux et notes remplies de hiéroglyphes appartenant à des civilisations inconnues. Nos héros comprennent que ce coup là est le coup de trop, que les amis de Wood/Huston vont se mettre à leur poursuite. Fludd préfère compter sur le plan prévu et sa cache dans une planque jamais visitée auparavant... Ça ne l'empêchera pas d'être capturé quelques jours plus tard. Jonas chasse Sam et le force à s'embarquer pour New York avec tous les papiers volés chez Huston. Quant à lui-même… s'il veut comprendre ce qui se passe, il faut passer de l'autre côté. Bien habillé, rasé de près, il se présente chez Huston et lui offre de collaborer.

Huston est enchanté : cet Européen entreprenant lui sera utile dans ses plans industriels. Voici donc notre héros devenu un intime  d'un playboy intelligent et hédoniste qui partage avec lui quelques-uns de ses secrets : la loge Ka, réunissant l'élite des Francs-Maçons de Shanghai, que Huston manipule évidemment, et la machine installée dans la cave de la clinique permettant de projeter son esprit dans le passé. Mais aussi son usine sur l'île du Dragon Gris, où Huston produit la mystérieuse panacée offrant guérisons et jeunesse.

Un soir Jonas, embarque sur le Black Lady en compagnie du terrifiant M. Ho et de sa famille pour assister à une cérémonie sur l'île. Ce qu'il vivra là-bas le marquera à jamais. La musique… les cris… le sang…

Jonas travaille efficacement pour Huston pendant plusieurs mois ; ses talents d'ingénieur lui permettent même d'élaborer un contenant permettant de conserver plus longtemps la panacée. Il s'intéresse, mais pas trop, au mystérieux serviteur nageant dans la piscine de boue où circulent les tuyaux permettant de fabriquer la drogue miraculeuse. Il sauve même Fludd, retrouvé vivant au fond d'un trou puant, les jambes coupées.



Après une longue préparation, Brady, Chu-Min et les siens, aidés de Jonas dans la place, dirigent un assaut furieux contre l'île un soir de « cérémonie ». L'affaire est violente, pris au milieu du feu Jonas abat Huston d'une balle dans la nuque (pas facile de tuer quelqu'un qui vous a offert ses cigares et son whisky), Ho est tué et la plupart de ses lieutenants avec lui, les corps sont jetés dans le puits où se réfugie le serviteur…

A peine le temps de souffler pour Jonas. Depuis Le Caire où elle participe à des fouilles sur les pharaons de la XXIIème dynastie en compagnie d'Alexandre Gautier (le brillant égyptologue de l'exposition Carlyle), Rebecca, la girlfriend de Jonas, annonce que les choses tournent mal et qu'elle rentre aux Etats-Unis. Elle promet de lui envoyer un télégramme quand elle sera à Port-Saïd. Mais rien ne vient.

Pendant ce temps de l'autre côté de l'Atlantique, Erica Carlyle rêve et agit. En compagnie de son beau serviteur grec dont elle a vu le visage gravé dans le flanc d'une montagne du pays des songes, elle fait de curieux voyages dans des coins reculés des Etats-Unis ou dans les archives de sa grande maison pour rassembler la plus étrange des collections, quand elle ne reçoit pas dans sa cave les hommes-chiens des cimetières prétendant que leurs familles sont liées depuis longtemps (est-elle la seule à voir ces créatures ? Elle s'en moque). L'arrivée des envoyés de M. Christiansen la trouble, elle les écoute parfois, semble comprendre ce dont il est question puis s'en désintéresser. M. Li, envoyé aux Etats-Unis, l'aide à acquérir une peinture chinoise du XIXème siècle représentant l'île du Dragon Gris accompagné d'un poème évoquant la cité sous-marine dont l'île n'est que le sommet émergé. Sam l'enchante et l'agace, de même que ce M. Fludd, mutilé à son service… Elle refuse plusieurs propositions de mariage, gagne de l'argent et se soucie que sa meilleure amie, Ms Post, soit devenue si engagée dans la American Ankh Society après la mort tragique de son fiancé. Sans en référer à personne, Ms Carlyle met un peu de distance entre elles. Mais bientôt un invité réellement inattendu débarquera à New York, en la personne de Jack Brady lui même…

A suivre...

Le lecteur constatera que nous nous sommes pas mal écartés des chemins indiqués dans le scénario. Moins de sorcelleries, pas de fusée, Huston transposé à Shanghai (ça me paraissait plus naturel comme ça). Pour le reste il y a toujours des cultes, des bandits et des messages venus des quatre coins du monde. Nous nous sommes rendu compte, à l'usage, que raconter ce genre d'histoire avec un minimum de réalisme donnait un résultat vraiment noir et sanglant. Au stade actuel, Jonas (actuellement au Caire) ne s'est pas encore remis de ce qui s'est passé à Shanghai. Sam, lui, conserve un véritable enthousiasme, mais il a échappé au pire. Quant à Ms Carlyle, elle a surmonté sa phobie des océans et est partie passer des vacances en France en compagnie d'un mathématicien galant et d'une poétesse lesbienne.

PS : une intéressante inspiration, le film Shanghai Triad de Zhang Yimou.