Et si on pouvait déterminer, par un mélange de tests intellectuels, sociaux et génétiques, votre appartenance à un groupe humain spécifique, une Affinité, au milieu duquel votre capacité à collaborer serait optimale ? Et s'il existait en tout 22 Affinités pour toute l'humanité, plus le groupe de ceux et celles qui n'en ont pas ? Et si au cœur de votre Affinité vous trouviez des amitiés plus fortes, des amours plus faciles, une meilleure communication, un meilleur épanouissement professionnel que dans tous vos autres groupes sociaux ? Comment le monde évoluerait-il, alors ?
Je suis un amateur de l'oeuvre de Wilson, que j'ai chroniquée plusieurs fois sur ce blog. Robert Charles Wilson est un écrivain un peu à part dans le domaine de la science-fiction contemporaine. Il parvient à conjuguer des récits efficaces, réalistes, toujours près de ses personnages, et des spéculations ébouriffantes, qu'il traite généralement avec élégance. Ses livres sont à la fois apparemment humbles (littérairement parlant, à l'exception peut-être du plus particulier Julian), jamais racoleurs ni putassiers, ambitieux dans leur propos et très bien faits, "à l'américaine". Il est quelque chose comme un écrivain de l'âge d'or de la SF (les années 50, en gros) travaillant au XXIème siècle. Wilson, c'est une SF vertigineuse que vous pouvez résumer en quelques mots et faire lire à vos amis qui ont peur d'être perdus dans le futur.
On pourra lui reprocher un certain "système Wilson" : un narrateur contemporain, type généralement moyen, se retrouve spectateur et acteur autour d'un événement planétaire extraordinaire : des monolithes tombant du ciel, la disparition des étoiles, l'engloutissement de l'Europe... (en ce sens, par exemple, Spin et les Chronolithes sont fortement apparentés).
La question quand on ouvre les Affinités est donc : est-ce encore "un autre Wilson" ?
Plutôt non, et c'est tant mieux. Les Affinités est un roman court et nerveux (parfois presque un peu schématique, mais le lecteur appréciera qu'on ne lui fasse pas perdre son temps) qui, à partir du postulat cité dans le premier paragraphe, tire une histoire du futur proche crédible et intéressante. La tendance de Wilson a écrire de bonnes intrigues de soap (comme le dit Nébal) trouve ici, dans ce sujet, une forme d'aboutissement. Tout le roman, à travers les relations du narrateur avec son entourage, se posent à chaque instant les questions : de quoi sont faites nos relations sociales ? Qui sont nos groupes ? Comment fonctionnent nos propres relations ?
La manière même dont les Affinités se développent, entre club de rencontre, start-up prometteuse et conflits politiques et sociaux est tout à fait bien décrite. Comme souvent chez Wilson, les idées sont nombreuses, fines et bien amenées.
J'ai trouvé certains personnages particulièrement réussis et attachants, Rachel Ragland, Geddy le jeune frère autiste du narrateur ou bien les filles de la maison de Toronto.
Le roman se conclut enfin par une réflexion élégante sur notre manière d'envisager l'avenir, nos optimismes et nos pessimismes.
Les Affinités est un beau roman.
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