13 décembre 2006

Paprika

La sortie de ce film en France est assez discrète alors qu'il s'agit d'un évènement d'importance, je tiens donc à lui donner un peu plus de résonnance.
Paprika est un long métrage d'animation, réalisé par Satoshi Kon, dont j'avais déjà vu l'excellent Perfect Blue.

L'histoire est une sorte de thriller : une machine à explorer les rêves des gens (dans des buts de psychothérapie) est volée par un individu mystérieux aux intentions pas très nettes. L'équipe de recherche tente de remettre la main dessus avant que des catastrophes se produisent, aidée en cela par Paprika, charmante jeune fille onirique...

Ce scénario (très bien tenu dans le film, qui, s'il secoue parfois son spectateur, ne le largue jamais), est l'occasion d'une plongée dans un monde de rêves et d'inconscient, souvent très angoissant. Par l'intermédiaire de Paprika et des autres personnages, le film nous fait voyager (littéralement) à travers tous les supports à rêver: films, photos, pubs, Internet... et même les tableaux de Gustave Moreau.
J'ai aimé la vision du rêve et de l'imaginaire dans ce film, qui est tout autant une évasion qu'une névrose. L'imaginaire des personnages est souvent angoissant, régressif, excitant. Le film enchaîne les situations de vertiges, d'illusions, aidé en cela par la technique de l'animation (2D en général) qui permet un glissement invisible du "réel" à l'imagination.


Le film n'est pas vraiment "beau" comme peut l'être un Miyazaki mais il est rapide, léger, entraînant... parfois jusqu'à la peur. Certaines scènes sont parfois rugueuses, bizarres, révélant sans doute des obsessions de l'auteur qu'aucune séance de travail collective n'aura "lissée". Tant mieux !
On ne passe que rarement sur les écrans des histoires aussi intéressantes, alors profitez-en !

Pour en savoir un peu plus, la critique du Monde m'a paru pertinente. Je recommande aussi celle d'Olivier Paquet, plus technique, pour les amateurs d'animation japonaise.
Images du film (c) Rezo films

Rosa - Maurice Pons

Chronique fidèle des événements survenus au siècle dernier dans la Principauté de Wasquelham comprenant des révélations sur l'étrange pouvoir d'une certaine Rosa qui faisait à son insu le bonheur des plus malheureux des hommes

Voici le titre d'un de mes romans préférés. Un critique inspiré a dit que c'était bien là la seule longueur de livre.
Dans Rosa, nous découvrons la principauté de Wasquelham, quelque part entre la France et l'Allemagne, au siècle avant-dernier. Dans ce petit pays tranquille mais méfiant, tout vit au rythme de l'armée, principal employeur et source de fierté de tous les habitants. Qui ne rêve d'y faire carrière? Qui ne souhaite ressembler au beau Colonel-Comte Aurélien de Felspath?
Mais voilà qu'un beau jour, des soldats disparaissent. Comme le pays n'est pas en guerre, c'est qu'ils ont déserté ! Pourquoi ? Pour où ? L'administration militaire se met en marche, et ce n'est pas triste, pour tenter d'éclaircir cet inconcevable mystère.
Et on rencontrera Rosa, la tavernière, ses cheveux bruns, sa peau blanche, et ses formes voluptueuses...

Rosa, le roman - tout comme la tavernière - est une merveille. C'est un conte, avec du suspense. Un roman philosophique plein d'images magnifiques. Une belle histoire, enfin, qui nous a fait longuement rêver.

Sei personaggi in cerca d'autore

Nous avons eu l'occasion de retourner hier au joli théâtre de l'Athénée, avec sa belle façade art-nouveau. Il est situé dans un curieux quartier près de l'Opéra: des rues piétonnes avec seulement des magasins chics qui, sous les réverbères de la nuit d'hiver prend des airs de décor... de théâtre justement.
Je ne connaissais pas la pièce de Pirandello, sinon son titre qui m'avait toujours intrigué. Le pitch en est simple : pendant une répétition, six personnages (aux rôles dramatiques assez tranchés : le Père, la Mère, la jeune fille, le jeune homme, le jeune fils, la petite fille...) apparaissent sur scène réclamant qu'on raconte leur histoire. Et le metteur en scène, un peu malgré lui, se laisse entraîner avec ses acteurs dans une tentative de représentation de ce que ces personnages ont à dire. La pièce était représentée en italien, surtitrée.
Le propos méta-théâtral est évident et me paraît maintenant un peu daté. Ce qui marche, par contre, ce sont les interactions entre les "acteurs" et les "personnages", très habilement illustrées par les costumes, le jeu des acteurs, le jeu scénique. En cela, la mise en scène est très ludique. Les "personnages" ne sont pas pleinement des êtres humains (ils n'ont pas de noms, par ex.), ils sont des idées, du "matériau dramaturgique". Et les acteurs jouant les personnages arrivent à incarner cela, non sans talent ni sans humour.

Quant au propos psychologisant de la pièce (le drame familial et social des "personnages") il est ce qui me paraît le plus vieilli, le plus artificiel, contrairement par exemple à celui exposé dans Filumena Marturano, dont j'ai parlé il y a quelques mois. Mais cette dernière pièce est aussi plus récente.
Notre plus grand plaisir durant cette pièce a bien été en vérité de pouvoir comprendre les acteurs (qui parlaient nettement et clairement) sans quasiment s'aider des sous-titres. Que c'est beau, l'italien...

12 décembre 2006

Maurice Pons

Quelques mots trouvés par hasard sur Internet au sujet de l'oeuvre de Maurice Pons:

Dans le Moulin d'Andé, au domicile de Maurice Pons, près d'Evreux, il y a une étagère. Sur cette étagère, il y a les oeuvres de Maurice. Il les regarde chaque matin et dit - ou pense, s'il n'est pas seul: «J'ai fait mon étagère.» Car ce cossard a bien bossé. Tous ses bouquins sont bons comme des comptes.

L'article est ici.

Pour moi, l'oeuvre de Maurice Pons (Rosa, Les Saisons...) illustre parfaitement une forme de littérature de l'imaginaire française, tout à fait contemporaine et n'ayant rien à voir avec les auteurs anglo-saxons. Et quel style !
Je pourrai faire ici une présentation de quelques uns de ses livres, s'il y a des amateurs...

06 décembre 2006

Le cinéma expressionniste allemand à la cinémathèque

Je jette quelques mots sur l'exposition de la cinémathèque sur le cinéma expressionniste allemand. Elle est superbe !
Nous y sommes allés par un froid dimanche après-midi, alors que le soleil se couchait (l'expo ferme à 20h, le dimanche, un luxe !) et la promenade dans le quartier de Bercy avec le vent froid et la lumière qui baisse est déjà une expérience en soi, on a l'impression de frôler de gros monstres endormis et éteints, le POPB et le ministère des finances...
Le bâtiment (très moderne) de la cinémathèque était déjà toute une promesse, avec ses volumes tordus, ses éclairages bizarres, ses perspectives impossibles et le calme silence qui y régnait. Des employés affables, un espace tranquille, tout le recueillement ouaté d'un dimanche soir fatigué.
Je ne savais trop si j'aimais le cinéma expressionniste avant de me rendre à l'expo. De manière générale, Cecci et moi sommes plutôt amateurs des films des années 20/30, avec leur énergie brutale et le jeu souvent violent des acteurs (Ah, Scarface !). Et j'aime les plans étranges et les visages puissants des personnages de Métropolis ou de M. le maudit...

L'exposition est installée dans un espace très bien aménagée. Des salles thématiques (la nature, les intérieurs, le corps, les escaliers...) nous présentent de nombreuses esquisses, souvent très puissantes et frappantes, souvent angoissantes. Une astucieuse installation d'écrans (dans chaque salle) permet de voir des extraits des films dont il est question, en rapport avec le thème de la salle. On voit aussi, naturellement, de nombreuses affiches, un peu de matériel de tournage, des maquettes d'installations de tournage (Siegfried affrontant ce terrible dragon mécanique, magnifique !), de splendides originaux de plans de décor ou de machineries qui paraissent sortis de quelque Nécronomicon. Et, last but not least, on a même droit à une reconstitution aux 3/5 d'un décor du Cabinet du docteur Caligari...

Les expressionnistes m'ont donné l'impression, très émouvante, d'avoir suivi jusqu'au bout un projet artistique très intense : tout coordonner : jeu, décors, corps, à l'expression d'un sentiment, d'une impression interne. Ne pas chercher à rendre la réalité, mais rendre plutôt les impressions que la réalité produit en nous, impressions vibrantes, tremblantes, esquisses tranchées bordées de noir, pleines de peur, d'angoisse, de grotesque...

En visualisant certains extraits de films, nous n'avons pas pu nous empêcher d'imaginer les incroyables moments de direction d'acteurs auxquels ils doivent avoir donné lieu...
Bref, un moment très fort dans un lieu très agréable.

PS : je ne peux m'empêcher de la comparer à l'exposition Disney, bondée de monde et prétentieuse, au Grands Palais. Le type d'objets exposés était le même (dessins, extraits de films...). Mais, était-ce la qualité des textes? L'exposition de la cinémathèque m'a parue bien plus profonde, quand celle du Grand Palais m'a semblé rester à la surface des choses et se limiter à l'anecdotique (malgré quelques perles, quelques dessins intéressants). Disney ayant été influencé par l'expressionnisme, le rapport à tirer entre les deux espos me paraissait intéressant.