23 décembre 2013

L'arche part à 8 heures - au petit théâtre

Voici ce que dit ma fille Rosa (bientôt sept ans) du spectacle : on parlait beaucoup de Dieu et c'était une histoire de pingouins : il y avait trois pingouins, mais seuls deux pouvaient monter dans l'Arche. On riait beaucoup, surtout quand ils avaient caché un de leurs copains dans une valise. Des fois, c'était un peu effrayant parce qu'on avait peur qu'ils se fassent voir à trois...
La colombe disait toujours qu'elle avait oublié quelque chose d'important et qu'elle allait s'en souvenir. A la fin elle s'en souvient et c'est très drôle, même si ce n'était pas ce que je croyais.

Sur un sujet très "enfantin", voici un excellent spectacle de théâtre à la fois poétique, existentiel et très très drôle. On y parle de la fin du monde, d'amitié, du mythe de Noé et du Déluge, visités en posant des questions impertinentes à la façon d'une certaine tradition juive. L'histoire (adaptée d'un livre allemand écrit par un auteur dramatique, Ulrich Hub) est excellente, personnages et dialogues sont remarquablement écrits et souvent à hurler de rire. Ajoutez à cela des acteurs parfaits (alors qu'ils portent des costumes de pingouins... et de colombe), une mise en scène inventive, des musiciennes/mécaniciennes célestes sur scène, des automates, des marionnettes, une scénographie magnifique (je ne poste aucune photo de l'Arche, il faut la voir), nous avons vu là, avec les enfants, un de nos meilleurs spectacles de l'année. Une co-production de l'excellent petit théâtre de Lausanne, dont on espère qu'elle va tourner loin et longtemps. 
Je conseille aux parents de prétexter sortir leurs enfants pour aller voir cette merveille.



A partir de sept ans.
Mise en scène de Christian Denisart.







18 décembre 2013

Le marchand de réalités - Simon Sanahujas

Le marchand de réalités est un petit recueil de nouvelles publié en numérique par ActuSF. De Simon Sanahujas, je connaissais le fan de Robert Howard et le voyageur sur la trace des personnages imaginaires
Dans ce bref recueil, j'ai aimé deux textes : l'ère humaine et les tambours de Dark Valley. L'auteur est un connaisseur de Robert Howard et ça se voit, dans sa reprise de tics stylistiques howardiens et de références à la vie de l'homme de Cross Plains. En ce sens, Dark Valley est particulièrement plaisant à lire, même s'il m'a manqué la scène où le héros viril vidait son colt ou bien plantait son bowie-knife dans des choses visqueuses et souterraines...

16 décembre 2013

Journal de nuit - Jack Womack

Lo-Ann Hart, une new-yorkaise de 12 ans reçoit un journal où écrire ses pensées pour son anniversaire, journal qu'elle baptise « Anne ». Elle y parle de son école (privée, pour filles), des soucis permanents d'argent de ses parents, de sa petite soeur Cheryl, dite Boob, et un peu de ce qu'elle perçoit de la situation politique. Et là, justement… l'année des douze ans de Lo-Ann sera celle de tous les changements. Les parents de Lo perdent leur emploi, le Président des Etats-Unis est assassiné…
Ce roman très fort, écrit au début des années 90, raconte l'explosion des Etats-Unis à travers le regard d'une enfant très intelligente forcée de grandir trop vite. L'exercice de style est réussi par la peinture impressionniste qu'il offre d'un monde en déliquescence : émeutes permanentes, fumée montant de Long Island et de Brooklyn, déchéance sociale d'un coupe de ceux qu'on appelait pas encore les bobos, perdant leur bel appartement de la 85ème rue pour être repoussés chez les Noirs, vers Harlem, violence des relations entre les sexes, repli d'une part de la société sur des valeurs hyper-conservatrices, camps de redressement chrétiens pour jeunes délinquants, changement du climat, et j'en passe. Les mois passés avec son journal seront pour Lo-Ann ceux de toutes les transformations et de toutes les terreurs. Le monde décrit est assez proche de celui de la BD Martha Washington goes to war : Amérique en éclatement, armée dans les rues, Présidents des Etats-Unis déconnectés de tout. Une partie des intuitions de l'auteur me semblent justes, notamment celle de l'hyper-sexualisation des relations garçons-filles. Le ton du livre, très fort, capture le lecteur dans son cauchemar au travers d'une collection de moments forts, notamment la déchéance scolaire de l'héroïne, ses relations avec ses copines - aussi frappées qu'elle par la bascule du monde, et son acculturation à la rue…
Le roman est une indéniable réussite, une science-fiction vue à travers l'intime, un des moyens les plus forts pour faire passer un monde et une situation. Une limite toutefois, pour chipoter : je trouve le livre prisonnier de son système. Le journal, unique point de vue, contient par force tous les éléments permettant de saisir l'évolution des sentiments et de la situation sociale de Lo et ses proches - je ne crois pas qu'aucun témoignage soit jamais aussi complet. Le roman aurait gagné à être un peu plus incohérent, a laissé plus de vides, de surprises, d'incongruités, où projeter l'imagination du lecteur. 

Ce livre m'a été conseillé par la librairie Charybde. L'édition Présence du futur dont je dispose est épuisée, mais aux dernières nouvelles Charybde disposait encore de quelques exemplaires en excellent état à un prix modique.

[edit] le livre n'est plus disponible en Charybde, mais on le trouve en Scylla, à l'heure où j'écris.

14 décembre 2013

On a retrouvé l'histoire de France - Jean-Paul Demoule

Voici une expression bien chargée : « l'histoire de France ». Qu'on m'autorise une petite digression personnelle : j'ai grandi avec « l'histoire de France ». Gamin, j'ai adoré lire l'histoire de France en bande dessinée - ah, l'épopée des croisades, Jeanne d'Arc, Clovis sur son bouclier… (sait-on que Milo Manara a collaboré à cette série ?), j'ai aimé les rois maudits, les fortune de France, et tout un tas de romans historiques que j'ai oubliés. Il y a en moi un petit patriote qui aime son pays, ses défaites, ses crimes, ses légendes. Puis j'ai appris, par la lecture des historiens, par celle, directe, des témoignages du passé, combien ce récit est justement un récit, un point de vue, une épopée qui vise à construire une identité, qu'on peut accepter, ou réfuter, ou raconter autrement. La recherche historique moderne passe son temps à écrire, tout autant que l'histoire des faits et des hommes, l'histoire du récit qu'on en fait. Fin de la digression, passons à notre livre.
On a retrouvé l'histoire de France, de Jean-Paul Demoule est un plaidoyer pour l'archéologie, notamment pour l'archéologie préventive, telle que celle menée par l'INRAP, en France, depuis une vingtaine d'années, INRAP dont l'auteur a été le directeur.
Le livre part d'une interrogation intéressante : comment se fait-il que notre plus grand musée d'archéologie, le Louvre, ne contienne aucune pièce archéologique trouvée sur le territoire français ? Quelle relation la France a-t-elle à sa propre archéologie ?
Dans une première partie, l'auteur propose sainement, à partir des trouvailles étonnantes de l'archéologie récente, de revisiter l'histoire de France telle qu'elle a été longtemps (et est peut-être encore) racontée. Qui étaient les « hommes préhistoriques » qui ont habité la France en premier ? Quelle particularité de peuplement pour ce bout de territoire en bout de péninsule ? Qui étaient les hommes des âges « du bronze » et « du fer »? Qui étaient les Gaulois ? Y avait-il tant de différences culturelles entre les Romains et les Gaulois ? (on pourra se rapporter à cette lecture) Peut-on dire de nouvelles choses du moyen-âge ? Et que nous apporte l'archéologie du XXème siècle ? Celle de nos productions industrielles, de nos champs de bataille ? Les archéologues, habiles à inventorier et dater de grandes quantités de résidus et d'objets peuvent-ils nous aider à comprendre nos propres productions ? (le récit de travaux archéologiques effectués sur des poubelles contemporaines par des archéologues américains est tout à fait intéressant). Je vous laisse deviner que les réponses de l'auteur sont loin de ce qu'on croit convenu et acquis…
La seconde partie s'intéresse à la nature et au rôle de l'archéologie. Après avoir expliqué que les constructions du second XXème siècle ont bousillé des milliers de sites archéologiques (en premier lieu parce qu'on ne savait pas les reconnaître - les constructions en pierre ayant été rare, il faut avoir l'oeil pour retrouver les traces de maisons de bois, par exemple) l'auteur montre combien le discours des politiciens et des décideurs méprise ces traces du passé et considère sans sympathie le « temps perdu » par les archéologues à fouiller la terre au lieu de laisser les pelleteuses installer l'autoroute ou la voie du TGV… J'avoue avoir été surpris par le ton de mépris et de mauvaise foi de certains discours de députés retranscris dans ce livre. Autant d'ignorance crasse… et ce, pour quoi ? Ce plaidoyer pro-domo est aussi un cri du coeur et l'appel à la défense d'un métier indispensable à la compréhension de qui et ce que nous sommes.
L'auteur propose alors une autre histoire, telle que proposée par la connaissance de nos traces et de nos objets. Histoire de ce que nous tenons pour évident : nos vêtements (pourquoi sont-ils ajustés et couvrants et non pas légers ou bien amples ?), nos maisons (de quand date la maison individuelle ?), notre paysage, nos repas, nos objets - jusqu'aux voitures et aux ordinateurs. Histoire aussi des relations de pouvoir, des inégalités sociales (qui n'ont pas toujours existé, se sont accrues et réduites de nombreuses fois dans l'histoire), du pouvoir masculin sur les femmes (qui, lui, semble avoir toujours existé), de notre relation à l'au-delà. 
J'arrête là ce déjà long billet. Ce livre est passionnant et pas sans défauts, il est un cri sincère, qui offre son flanc à la discussion à la critique. C'est un plaidoyer pour l'archéologie et les archéologues, qui donne envie de devenir archéologue (même si ça paraît être un métier difficile à exercer), qui explique combien cette activité est moderne et loin d'Indiana Jones. Comme souvent les discours de scientifiques, et voulant mettre en avant ses résultats, il oublie de montrer tout ce qu'on ne sait pas, tout ce qu'on ne comprend pas, tout ce qui n'est qu'hypothèse (en ce sens, le travail effectué par Stephen Baxter dans évolution donnait un bon aperçu de tout ce qu'on ignorait sur notre passé) - « tout ce qu'on ne voit pas et qui est immense ». Sa thèse sur le refoulé de l'histoire nationale est assez discutable, son discours est parfois un peu répétitif, ses interprétations sur la religion un peu lapidaires, loin de la finesse du discours d'un Paul Veyne. Mais ce livre est un cri du coeur, l'expression d'une passion et un regard clair et épuré sur notre histoire. En ces temps (le fait n'a rien de nouveau) de récupération et de simplification des récits historiques, il est d'une lecture très recommandable et recommandée. 

13 décembre 2013

Le syndrome de l'éléphant - Thierry Di Rollo

Laumey et Jocelin sont cambrioleurs. Doués, prudents, précautionneux… Mais voilà qu'ils tombent sur un os, dans cette villa de campagne. Il y avait un gardien. Trois… (quatre ?) coups de feu plus tard et ils ont un cadavre sur les bras. Le corps marquera la fin de leur "amitié", de leur collaboration, et le point de départ pour Laumey d'une étrange dérive…
Le syndrome de l'éléphant est un roman plongé dans le brouillard. Il y a des truands, des cambriolages. Des numéros de portable à retenir par coeur, des cabines téléphoniques en panne, des rendez-vous dans d'anciennes usines et même une drôle d'affaire de vol de secrets industriels. Tout cela sonne un peu bizarrement, pas totalement crédible, pas totalement vrai. Des faits ne collent pas. Les voix des protagonistes elles-mêmes sont étranges, fausses, fantasmatiques. D'autant que des faits inexplicables troublent le récit, pouvoirs de sorcière, voix qui parlent à l'arrière de la tête… Peut-être alors convient-il de ne pas accorder crédit au narrateur et voir plutôt dans tout cela le récit d'une immense solitude, d'un amour manqué, d'une amitié qui s'échappe, qu'on aurait dû saisir quand elle se présentait. Une sorte de portrait psychique, qui se rapprocherait un peu, épure et sécheresse en plus, des histoires de David Lynch ou de Christopher Priest.
Que le désespoir dont il est infusé ne vous fasse pas craindre ce récit très court, resserré sur l'essentiel, chargé de scènes fortes. 

10 décembre 2013

Le diable est au piano - Léo Henry

Léo Henry écrit.
Des histoires mettant en scène personnages historiques (Edgar Poe, Blaise Cendrars, Antoine et Saint-Exupéry) et personnages réels (Pessoa, Corto Maltese, le petit prince, Indiana Jones, James Bond). Des contes fantastiques, des chroniques contemporaines, une histoires d'âme vendue au diable du titre, un souvenir de navigation au Brésil, un tombeau pour un copain enfui, et trois/quatre pièces bizarro surréalistes recrachant les impressions de déglingue, de crasse, de guerre civile et d'exodes de Yirminadingrad.
Ne pas s'attendre à de la bibine facile. Les cocktails sont chargés et compliqués, vous aurez vos grands moments de joie et ceux de panique et de déroute où vous ne comprendrez rien du tout. Vous louperez des allusions, des références, ce n'est pas grave, parce que les alcools sont toujours de bonne qualité, parce que la prose de Léo Henry est dense et belle.
Ce recueil est un parcours, un portrait en impressions. Il contient de vieux textes (hum…) et d'autres écrits exprès pour (yes !). Mon goût et mon intérêt tous personnels pour le travail de l'auteur m'empêchent d'être vraiment objectif. Je le trouve doué dans l'exercice de style, mais je l'admire dans son travail sur les souvenirs personnels, les moments où la fiction folle et libre magnifie l'expérience du monde.

08 décembre 2013

Une interprétation des Masques de Nyarlathotep – deuxième partie

Ne pas oublier de se référer aux épisodes précédents pour lire ce qui suit. Attention si vous comptez jouer un jour cette campagne, ce récit comprend quantité de spoilers.


Printemps 1925, Jonas Christiansen et Sam Lipsky débarquent dans la ville de Shanghai au bord de l'explosion sociale. Les ouvriers se mettent en grève, soutenus par le parti communiste, le KMT (et les triades) ou la secte ultranationaliste de la Grosse Femme (le Pang Nuren, en mandarin).

Nos héros prennent bien soin de ne pas débarquer ensemble, Sam est chargé de suivre Jonas de loin et par là même tente de prouver qu'il est aussi doué que son père pour se glisser dans des sociétés inconnues.

Jonas remonte la piste de Brady, par la caserne américaine (où Brady a servi à l'époque en tant que marine), par son ancienne petite amie prostituée (dont il a trouvé l'éventail dans les affaires de Brady chez les Carlyle)… De passage au Cercle Sportif Français, coup de chance, il reconnaît sur une photo de partie de pèche en mer un homme au visage familier… le docteur Huston ! qui se fait appeler ici le docteur Wood et dirige une clinique où il accueille la belle société pour des cures fan-tas-tiques. Quant à Sam, passant des jours et des jours sur le port, il repère le Black Lady, le yacht photographié par son père…

Avec l'aide de M. Li Weng Chen, interprète et guide cultivé, et homme plus audacieux qu'on pourrait croire, Jonas tente une audacieuse filature maritime nocturne du yacht jusqu'à une étrange île rocheuse, Grey Dragon Island.

Jonas finit par se faire repérer par les hommes de Chu Min entourant Brady. Dans une maison inconnue, on l'amène face à un Brady lourd et ténébreux, façon colonel Kurtz dans Apocalypse Now. Il sait déjà que l'histoire de Brady n'a pas été facile… Sa femme chinoise et sa fille ont été enlevées par la secte de la Grosse Femme, et depuis Brady mène contre le groupe de M. Ho une guerre secrète et souterraine.

On aura droit à une dangereuse expédition d'infiltration sur l'île où Jonas découvrira le laboratoire où se fabrique la panacée, mystérieux médicament utilisé par le docteur Wood dans sa clinique de luxe, où Jonas a envoyé sa maîtresse, la belle Alexandra Wong, en reconnaissance. Après cet épisode dangereux, Jonas et Sam disparaissent de la circulation, devenant des mendiants sur le port. C'est sous cette forme que Jonas assistera à l'embarquement d'une étrange marchandise sur le Black Lady… des sacs, contenant des êtres humains vivants.

Jonas est alors retrouvé par Thomas Fludd, détective « maritime » employé habituellement par la Carlyle Shipping Company et envoyé à Shanghai par la riche héritière. Associés, Fludd et Jonas cambriolent la clinique du docteur Wood, y découvrent une étrange machine solénoïdale et volent journaux et notes remplies de hiéroglyphes appartenant à des civilisations inconnues. Nos héros comprennent que ce coup là est le coup de trop, que les amis de Wood/Huston vont se mettre à leur poursuite. Fludd préfère compter sur le plan prévu et sa cache dans une planque jamais visitée auparavant... Ça ne l'empêchera pas d'être capturé quelques jours plus tard. Jonas chasse Sam et le force à s'embarquer pour New York avec tous les papiers volés chez Huston. Quant à lui-même… s'il veut comprendre ce qui se passe, il faut passer de l'autre côté. Bien habillé, rasé de près, il se présente chez Huston et lui offre de collaborer.

Huston est enchanté : cet Européen entreprenant lui sera utile dans ses plans industriels. Voici donc notre héros devenu un intime  d'un playboy intelligent et hédoniste qui partage avec lui quelques-uns de ses secrets : la loge Ka, réunissant l'élite des Francs-Maçons de Shanghai, que Huston manipule évidemment, et la machine installée dans la cave de la clinique permettant de projeter son esprit dans le passé. Mais aussi son usine sur l'île du Dragon Gris, où Huston produit la mystérieuse panacée offrant guérisons et jeunesse.

Un soir Jonas, embarque sur le Black Lady en compagnie du terrifiant M. Ho et de sa famille pour assister à une cérémonie sur l'île. Ce qu'il vivra là-bas le marquera à jamais. La musique… les cris… le sang…

Jonas travaille efficacement pour Huston pendant plusieurs mois ; ses talents d'ingénieur lui permettent même d'élaborer un contenant permettant de conserver plus longtemps la panacée. Il s'intéresse, mais pas trop, au mystérieux serviteur nageant dans la piscine de boue où circulent les tuyaux permettant de fabriquer la drogue miraculeuse. Il sauve même Fludd, retrouvé vivant au fond d'un trou puant, les jambes coupées.



Après une longue préparation, Brady, Chu-Min et les siens, aidés de Jonas dans la place, dirigent un assaut furieux contre l'île un soir de « cérémonie ». L'affaire est violente, pris au milieu du feu Jonas abat Huston d'une balle dans la nuque (pas facile de tuer quelqu'un qui vous a offert ses cigares et son whisky), Ho est tué et la plupart de ses lieutenants avec lui, les corps sont jetés dans le puits où se réfugie le serviteur…

A peine le temps de souffler pour Jonas. Depuis Le Caire où elle participe à des fouilles sur les pharaons de la XXIIème dynastie en compagnie d'Alexandre Gautier (le brillant égyptologue de l'exposition Carlyle), Rebecca, la girlfriend de Jonas, annonce que les choses tournent mal et qu'elle rentre aux Etats-Unis. Elle promet de lui envoyer un télégramme quand elle sera à Port-Saïd. Mais rien ne vient.

Pendant ce temps de l'autre côté de l'Atlantique, Erica Carlyle rêve et agit. En compagnie de son beau serviteur grec dont elle a vu le visage gravé dans le flanc d'une montagne du pays des songes, elle fait de curieux voyages dans des coins reculés des Etats-Unis ou dans les archives de sa grande maison pour rassembler la plus étrange des collections, quand elle ne reçoit pas dans sa cave les hommes-chiens des cimetières prétendant que leurs familles sont liées depuis longtemps (est-elle la seule à voir ces créatures ? Elle s'en moque). L'arrivée des envoyés de M. Christiansen la trouble, elle les écoute parfois, semble comprendre ce dont il est question puis s'en désintéresser. M. Li, envoyé aux Etats-Unis, l'aide à acquérir une peinture chinoise du XIXème siècle représentant l'île du Dragon Gris accompagné d'un poème évoquant la cité sous-marine dont l'île n'est que le sommet émergé. Sam l'enchante et l'agace, de même que ce M. Fludd, mutilé à son service… Elle refuse plusieurs propositions de mariage, gagne de l'argent et se soucie que sa meilleure amie, Ms Post, soit devenue si engagée dans la American Ankh Society après la mort tragique de son fiancé. Sans en référer à personne, Ms Carlyle met un peu de distance entre elles. Mais bientôt un invité réellement inattendu débarquera à New York, en la personne de Jack Brady lui même…

A suivre...

Le lecteur constatera que nous nous sommes pas mal écartés des chemins indiqués dans le scénario. Moins de sorcelleries, pas de fusée, Huston transposé à Shanghai (ça me paraissait plus naturel comme ça). Pour le reste il y a toujours des cultes, des bandits et des messages venus des quatre coins du monde. Nous nous sommes rendu compte, à l'usage, que raconter ce genre d'histoire avec un minimum de réalisme donnait un résultat vraiment noir et sanglant. Au stade actuel, Jonas (actuellement au Caire) ne s'est pas encore remis de ce qui s'est passé à Shanghai. Sam, lui, conserve un véritable enthousiasme, mais il a échappé au pire. Quant à Ms Carlyle, elle a surmonté sa phobie des océans et est partie passer des vacances en France en compagnie d'un mathématicien galant et d'une poétesse lesbienne.

PS : une intéressante inspiration, le film Shanghai Triad de Zhang Yimou.