28 février 2011

Sur les quais - Elia Kazan

Le pendu et Cecci ont vu Sur les quais, d'Elia Kazan.








Dans ce film, Marlon Brando est jeune et beau et il joue des sourcils. Eva Marie Saint est belle (oh là oui !) et jeune et très convaincue. Les dockers mafieux sont des salauds et ils traînent dans les mêmes bars pourris que les mafieux de Donnie Brasco (sauf que là, ils sont mieux habillés, années 50 obligent).
C'est un film social, plus façon fifties que façon Ken Loach, avec une belle photo et de beaux acteurs, où le travail est une bénédiction et une crucifixion. Why not ?
On a quand même préféré America, America

25 février 2011

Rashomon - Akira Kurosawa

Le pendu et Cecci ont vu : Rashomon, d'Akira Kurosawa








Dans ce film on trouve : une forêt du Moyen âge où l'on peut faire de mauvaises rencontres. Un bandit très présomptueux qui se fait avoir par une colique. Une femme belle, mais perfide (ou peut-être pas, mais enfin si, sans doute). Un combat au sabre héroïque. Un combat au sabre pitoyable. Trois hommes qui discutent en attendant que cesse la pluie. Et une affaire de meurtre en pleine forêt qui trouve toute sa saveur car personne ne semble être d'accord sur ce qui s'est vraiment produit.
Nous n'avons pas tout compris, mais c'était curieux, beau, et intéressant.

24 février 2011

Enfer clos – Claude Ecken

Un livre acheté et lu en numérique sur la plateforme e-belial.
Ce court roman (dur à estimer quand on le lit dans iBooks) nous décrit deux frères et deux soeurs, à la libération, qui s'enferment dans une ferme isolée pour fuir le regard des autres et se protéger du monde. Les soeurs ont couché avec l'allemand, les frères n'ont pas été très nets non plus, ils ont peur, ils ont honte. Mais rapidement des rapports de force malsains vont se mettre en place, le refoulé va resurgir et l'enfermement tourner au cauchemar...
Je trouvais ce pitch assez casse-gueule et, de fait, l'auteur ne s'en sort pas tout à fait. Le roman relève de fait d'une sorte de série B, ou bien Z, avec une accumulation d'horreurs assez complaisante : mutilations, meurtres, viols... J'en ai été rapidement écoeuré, un peu comme quand je regarde un film de Haneke. So what ? Je n'ai plus le goût de telles abominations. Pour y échapper, il aurait fallu que les personnages fussent plus vrais, moins schématiques. On ne croit pas à ces campagnards, à ces fils de paysans riches qui paraissent ne vivre qu'entre eux, qui ne citent jamais aucun nom, jamais aucun lieu extérieur. Une fois enfermés, le monde extérieur semble disparaître de leurs préoccupations. Le personnage de Guillaume a des lectures qui ne l'habitent jamais. Ces gens ont des souvenirs qui ne sont que des monstruosités.
Le livre m'a fait penser à un fait divers relaté par Maître Mo, avocat (âmes sensibles s'abstenir. Sans blague. Ne lisez pas ça si la journée est triste, parce que c'est affreux et que c'est vrai). Même dans ce récit horrible on voit, à travers des personnages frustres et monstrueux, que les protagonistes sont des êtres humains. Le livre de Claude Ecken ne m'a pas convaincu de l'humanité de ses personnages et ils ont donc cessé assez vite de m'intéresser. Dommage, parce que la nouvelle Miroirs mutilés publiée par le même auteur dans Bifrost 58 est saisissante de sensibilité et d'intelligence. J'essaierai donc de lire Le monde, tous droits réservés.



18 février 2011

La Vieille Europe

Quel est le point commun entre ces trois livres ?






Ceux qui me répondant qu'ils étaient tous au programme du Grand Jeu de la Fantasy Française de l'été 2009 sont de vrais amis, mais ce n'est pas là que je veux en venir.


Ces trois livres, ressortissant tous de la littérature dire "blanche" (sans doute à cause des couleurs des couvertures, non ?) partagent tous le même univers imaginaire, jamais nommé, que j'ai baptisé la Vieille Europe. Voici ses caractéristiques :
La Veille Europe est l'Europe du XIXème siècle, des nations et des hussards. La société est bien celle que nous connaissons, les villes, la technologie, la sonorité des noms nous sont familières...
La Vieille Europe n'est pas l'Europe que nous connaissons. Les détails géographiques, les noms de lieux, les évènements historiques ne collent pas. On ne saurait pas en tracer la carte, on se demande si les pays habituels s'y trouvent ou pas, à quelle distance les Syrtes sont de l'Italie, où Wasquelham se situe entre la France et l'Allemagne, et si le royaume des Sept Cavaliers a quoi que ce soit à voir avec l'Ukraine ou la Pologne...


Connaissez-vous d'autres oeuvres se situant dans le même univers ?
On pourrait mentionner les Saisons, de Maurice Pons, en attendant les barbares, de J.M. Coetzee, le désert des Tartares, les cités obscures, les soldats de la mer...

16 février 2011

Le roman à facettes, suite





Ce post prend la suite de celui-ci, où je tentais de trouver une terminologie désignant un type de livres qui m'intéresse en ce moment. 
Merci à Daylon et Cédric d'avoir ajouté des titres à ma liste.



  • Vermillion Sands, que je n'ai jamais lu et auquel l'archipel du rêve paraît donner un écho, me semble bien correspondre à ce que je cherche.
  • Drown de Junot Diaz et
  • The Dew Breaker d'Edwige Danticat, que je n'ai pas lus non plus, me semblent entrer dans la liste également.
  • Je rajouterai, même si je l'ai lu depuis longtemps, Ivoire, de Mike Resnick, où une douzaine de nouvelles mettant en scène des personnages variés, sont toutes reliées par les fameuses défenses de l'éléphant Malima Temboz, la montagne qui marche.



Terminologie
Pour rmd, j'aime bien le terme roman-mosaïque, mais la mosaïque comprend de très nombreuses petites pièces, un peu plus que les livres que j'évoque.


Quelle différence avec les fix-ups classiques de la SF ? Fondation, les chroniques martiennes, le cycle d'Elric, les histoires de Conan, le cycle des épées, les seigneurs de l'instrumentalité ? Quelle différence ? Il n'y en a peut-être pas, à vrai dire je crois que je cherche un terme français élégant correspondant à cette notion. Il est clair que certains des recueils classiques que je viens de citer sont une part d'un projet plus vaste (je pense à Fondation, même si dans ce cas, quand on voit la fin du cycle, on peut se dire que le projet a dépassé son auteur). On pourra aussi me faire remarquer que, concernant Elric ou Conan, le projet littéraire d'ensemble n'existe pas vraiment, qu'il ne semble pas y avoir eu l'idée d'un livre, d'un objet littéraire cohérent regroupant les histoires. Qu'on peut sans souci et sans nuire à l'ensemble retirer telle ou telle histoire du lot. Laissons donc ces fix-ups de côté, nous y reviendrons peut-être un jour.


Pour répondre aux commentaires d'Ice Hellion et de Cédric, je dirais que les romans à facettes sont des livres :

  • dont les éléments peuvent se lire indépendamment (contrairement à Cédric, je trouve que c'est bien le cas de Wastburg),
  • qui gagnent à être lus ensemble à la suite (car le tout est supérieur à la somme des parties)
  • et qui perdraient à se voir retirer l'un des éléments qui les composent. 

Techniques de collage
Comment assembler les textes afin de faire apparaître le projet du livre ?
Quelques exemples :
dans les Soldats de la mer, les nouvelles sont liées par des petits éléments intertextuels décrivant l'histoire de la Fédération. Ces éléments aident à construire la progression du livre, jusqu'aux nouvelles finales qui en explicitent le projet.
Dans Wastburg, on a un cadre très étroit (la garde de Wastburg). Les nouvelles sont proposées dans l'ordre chronologique et une histoire plus vaste apparaît dans les recoins des histoires individuelles. C'est là d'ailleurs la grande qualité et l'habileté du livre.
Dans l'archipel du rêve et Yama Loka, le projet littéraire apparaît dans les échos et les contradictions entre les textes. Car si tous ces textes parlent du même univers, ils ne tiennent pas vraiment entre eux. Certains noms, lieux, personnages se retrouvent d'un texte à l'autre, on a plus ou moins une progression, mais celle-ci est déstabilisante et renvoie à nos perceptions, aux contradictions propres de la réalité.
Quant à Ivoire, le lien (très artificiel) est fait à l'aide d'une méta-histoire mettant en scène un journaliste/chercheur interrogeant des archives et découvrant les histoires contées dans le recueil.


Si le collage comporte des éléments intertextuels, ceux-ci ne peuvent bien sûr pas être lus indépendamment.


Pourquoi écrire des livres si compliqués ?
Le processus créatif menant à un projet de ce type me paraît assez évident : on écrit un récit assez court, une nouvelle qui en appelle immédiatement d'autres. Puis un deuxième, un troisième récit dont on ressent qu'ils sont liés au premier. Puis on a envie de faire un livre avec tout ça. Alors il faut rechercher (si on ne l'avait pas déjà) le but et le projet du livre, puis décider de la manière dont les textes seront assemblés, le processus de collage, les contraintes qui présideront à l'écriture des textes suivants. C'est un jeu amusant et excitant, qui permet d'essayer d'assembler dans un même livre le meilleur des textes courts (densité, possibilités expérimentales) et l'immersion que permet le roman.
Les défauts de ce genre de littérature seraient que, contrairement à des romans classiques, l'immersion du lecteur est brisée par les changements de point de vue, de décor, d'histoire. Les personnages sont plus difficiles à approfondir, les intrigues sont moins sophistiquées, etc... Vous en voyez d'autres ?
Tous commentaires bienvenus. Stay on the line !

Tancrède - Ugo Bellagamba

Détail de la couvertureMalgré une belle couverture, un auteur très intéressant et un sujet passionnant, Tancrède n'a pas réussi à me séduire. J'aime pourtant les histoires de croisades, un sujet qui me touche depuis l'Histoire de France en bandes dessinées, un des livres fondateurs de mon enfance. Aventure épique, horreur de la guerre, rencontre extraordinaire de peuples et de cultures... J'aime les histoires de croisades, même quand elles sont suédoises (Arn, chevalier du temple) ou qu'il s'agit d'un des nombreux films ratés de Ridley Scott (mais quand même Go, and tell Saladdin that Jerusalem is coming, quand même...)
Revenons à Tancrède. Je ne mets en doute ni la sincérité de l'auteur, ni son sérieux, ni l'intelligence qu'il a de son sujet. Sa documentation paraît impeccable, son effort est indéniable pour inscrire le livre dans l'histoire du genre, dans son histoire personnelle, et dans l'Histoire. C'est un livre profondément sincère.
Je lui vois deux défauts. Le premier n'est pas rédhibitoire : la vision de la religion qu'il propose m'a l'air très extérieure. Son personnage principal est supposé avoir la foi chevillée au corps, vivre pour Dieu et pour le Salut... Je n'en ai pas été convaincu, je n'ai pas eu le sentiment de quelque chose de vécu. Pour ne donner qu'un exemple, le moment de la méditation au Mont des Oliviers m'a paru sonner faux.
Le second défaut est plus grave, il tient à la langue même du récit. Le masque d'historien, l'artifice du texte retrouvé ne marche pas du tout. Le roman historique (puisque Tancrède en est un) permet parfois des trouvailles linguistiques intéressantes (je pense par exemple aux très jolis Fortune de France, de Robert Merle). A défaut, on peut se contenter d'une langue neutre, un peu distante. Mais on a ici un récit à la première personne bourré de concepts et d'expressions anachroniques. J'esperais qu'un élément du récit pourrait venir justifier ce point mais je n'ai rien vu venir. Dommage. Ca m'a quand même redonné envie de faire jouer à Miles Christi, tout cela. Dieu le veut !