27 septembre 2015

Knie - 2015

C'est un des indices qui disent que l'automne est proche, le cirque Knie revient vers la Suisse romande (autres indices : le retour des courges et des vacherins Mont d'Or). Pour rappel, Knie c'est le grand cirque de Suisse, pro, bien réglé, quasiment la sortie familiale obligée. La grande question chaque année c'est toujours de savoir s'ils parviendront à dépasser le côté show bien huilé pour trouver de l'émotion et de l'âme. 2015 est pour ça une année moyenne (contrairement à 2013, par exemple). Le numéro de jonglage était réussi, mais très mécanique. Le numéro de portés et de main à main techniquement impeccable, mais d'assez mauvais goût quant aux tenues des artistes (je suis pourtant assez tolérant à la paillette et aux déshabillés). Le clown était Rob Torres, que nous avions déjà vu il y a quelque temps et qui a refait des numéros (très chouettes) que nous connaissions déjà.
Il y a eu une curieuse démonstration de dressage en réponse aux accusations des associations de défense des animaux.
Restent trois moments magnifiques, qui justifient à eux seuls le prix des places. D'abord, un numéro de barre russe, cette sorte de poutre élastique portée à l'épaule par deux costauds, de laquelle une ravissante demoiselle aux longues jambes s'envole et tourbillonne (Trio Stoian). Puis un numéro de chevaux extraordinaire, qui commence avec douze chevaux noirs et blancs formant un carrousel autour de Maycol Errani, auquel se rajoutent bientôt d'autres chevaux jusqu'à remplir toute la piste, le numéro se finissant sur une image merveilleuse, de la grande classe et le rappel de ce fait que j'aime bien : ces grandes familles de cirque sont surtout des familles d'écuyers.
Enfin, la troupe Sokolov (en clôture) monte un numéro de bascule (avec échasses !) dans un esprit XVIIIème siècle punk, façon Amadeus survolté. Très, très, très fort et incroyablement bien mis en scène.

(à noter cette année une affiche magnifique)





Photos presse Knie.

 

26 septembre 2015

Des kilomètres de linceuls (Nestor Burma) — Léo Malet

Se référer à mon billet précédent sur les rats de Montsouris pour lire des considérations générales, toujours valables ici, sur les enquêtes de m’sieur Nestor.

Une belle femme éplorée, ancien amour de notre héros, juive déportée (et gravement blessée) pendant la guerre, vient demander de l’aide d’une voix rauque à Nestor Burma. Commence alors une longue enquête éprouvante et affreuse dans le IIème arrondissement, entre la famille de drapiers juifs farcis de haines recuites, des prostituées, de dangereux bandits en cavale et des maîtres chanteurs. L’intrigue est un vrai jus de chique, Nestor Burma est ballotté entre intuitions fulgurantes et gros coups sur le sommet du crâne et les cadavres s’accumulent. Il fait de son mieux, encaisse, essaie d’aider ceux qui en ont besoin et tombe trop souvent sur un corps refroidi, quand ce n'est pas ce dernier qui lui tombe littéralement dessus.

Le roman est rythmé, dense, amer comme un café très serré pris un petit matin blême à un comptoir de la rue Saint Denis. Une très grande réussite de la série et un petit chef d’oeuvre du roman noir à la française.

24 septembre 2015

La nuit de Saint Germain des prés (Nestor Burma) — Léo Malet

Oui, je sais c'est la couverture d'une édition italienne.Et alors ?
Se référer à mon billet précédent sur les rats de Montsouris pour lire des considérations générales, toujours valables ici, sur les enquêtes de m’sieur Nestor.

Ce roman-ci, situé dans le VIème arrondissement, commence par un long tunnel de bavardages entre le détective, un de ses copains barman et un écrivain à la fois fat et spirituel dans un « snack » de Saint Germain des Prés. Heureusement, les choses s’accélèrent une fois découvert le cadavre d’un jazzman noir dans une chambre d’hôtel. Suit alors une enquête réussie, entre poètes ratés, bandits à la recherche de bijoux et pervers amateur des Chasses du Comte Zaroff. Nestor Burma pose un regard dédaigneux et moqueur sur la manière de s’amuser des jeunes de St Germain, il est trop vieux pour ça, sans doute et n’est pas tellement fan de jazz. L’intrigue tourne autour de la cour rassemblée autour du fameux écrivain, Germain Saint Germain, vendeur de best-seller carbonisé par son succès. Le portrait de ces prétentieux et de ces paumés est réussi, sans méta texte ni moquerie particulière envers les auteurs du 6ème. Une bonne enquête, un bon cru, avec son lot de marioles... et de cadavres.

22 septembre 2015

Les rats de Montsouris (Nestor Burma) — Léo Malet

Je me suis lancé dans un cycle de relectures des histoires Nestor Burma. M’sieur Nestor, avec sa pipe à tête de taureau, ses vannes d’ancien anar revenu de tout et sa culture à géométrie variable a toujours été un de mes héros préférés, parce qu’il est à la fois cynique et romantique, sensible et dur à cuire, qu’il se prend des coups sur la tête et des mauvaises nouvelles mais qu’il continue à aller de l’avant.
Je relis ces romans tous les dix ans environ, il faut croire que le moment était revenu.

Relire, c’est redécouvrir. Le charme des histoires de Nestor Burma repose sur deux choses importantes: la France et surtout la ville de Paris des années 40 à 60, évoquées par quelqu’un qui y était et qui l’aimait. Et le style. Léo Malet, le chroniqueur du détective, écrit bien, mariant avec élégance imparfaites du subjonctif, jeux de mots tordus et morceaux d'argot. Les romans sont parfois écrits un peu vite, mais ont souvent des dialogues bien balancés et des morceaux de bravoure, scènes d’ambiance ou moments oniriques (où l’on se rappelle les vieilles accointances de Léo Malet avec les surréalistes)

En relisant, je me rends aussi compte de la vision sociale véhiculée par ces récits. Nestor Burma voit de tout: des paumés, des étudiants, des bourgeois, des bandits et des flics (et des cadavres, sa spécialité), la coupe sociale est transverse. M’sieur Nestor est aussi un gros macho, plus très objectif quand une jolie minette bien balancée se présente à son burlingue, même s’il est toujours courtois et correct avec les dames, qui sont fréquemment ses clientes, et qui le paient plus rarement.
Par ailleurs, dans mes lectures précédentes je n’avais jamais été attentif à la présence des Arabes ou des Juifs. Mais la guerre d’Algérie est bien présente, en sourdine dans les récits des années 50/60… Sur la fin de sa vie, l’auteur semble avoir viré vieux réac xénophobe. Burma l’est peut-être devenu en vieillissant, quand il a vu le monde qu’il avait connu lui échapper. Dans les années 50 des récits, les Arabes semblent surtout vus comme des étrangers, ni aimables, ni détestables, plus souvent accusés que coupables.

Voilà pour la partie générale. Je ne m’étendrai pas trop sur le roman les Rats de Montsouris, enquête dans le 14ème arrondissement, lu pour voir si nous retrouvions nos repères dans cet endroit où nous avons vécu. Le 14ème d’alors est bien plus popu et cradingue que maintenant, s’étalant entre les bourgeois de Montsouris et les rades pourris derrière Montparnasse. Le roman est une enquête autour du meurtre d’un truand et d’une série de cambriolages, et comprend quelques jolies scènes. Le premier chapitre, pur scène de film noir avec types crasseux jouant au billard sous une ampoule miteuse, est un très beau morceau. Suivi d’une errance cauchemardesque dans la nuit d’août étouffante. Les clins d’oeil surréalistes et le personnage de l’ancien avocat général marié à la fille trop jeune d’un homme qu’il a expédié à la guillotine sont aussi très réussis. Bref, une bonne enquête et un bon cru dans la série des Nouveaux mystères de Paris.

Et on appréciera toujours chez Leo Malet le soin mis à boucler de bonnes intrigues, solides et carrées, que l’amateur de mystères policiers aura plaisir à découvrir.




21 septembre 2015

Europa report - Sebastián Cordero

J'ai vu ce chouette film sur recommandation de GD avec la note suivante: "tu verras, ils parlent du lac Vostok" (de fait).



On a là le récit de la toute première expédition humaine vers Europa, grosse lune glacée de Jupiter, abritant sous sa couche de glace un océan liquide. 


Le grand plaisir de ce film est qu'il traite de façon réaliste un voyage spatial. Le profil des personnages est crédible, leurs réactions compréhensibles et les machines sont lourdes, compliquées et tombent en panne au mauvais moment, comme dans la vraie vie. Le résultat est tout à fait crédible et crée un suspense technique qui marche très bien.
L'autre bon parti pris du film est qu'il s'agit d'un "lost footage movie", les images provenant de l'enregistrement par les caméras du bord. Le réalisateur en tire quelques effets formels réussis, qui ajoutent à la véracité du propos. Bref, une bonne surprise !

Europa report a fait vibrer mon petit cœur d'exporateur spatial. Si le décollage d'une fusée vous émeut plus que la photo d'un bébé chat, ce film pourrait vous plaire.




03 septembre 2015

La lune est blanche - Emmanuel et François Lepage

La lune est blanche est un gros album mêlant bande dessinée et photo, documentaire et autobiographique relatant le reportage des frères Lepage, l'un dessinateur, l'autre photographe, entre la Terre Adélie et la base de Concordia, située au dôme C, en Antarctique. 
La progression dramatique de l'album (puisqu'il y en a une) est construite sur la manière dont les deux frères vivent ensemble leur rêve de voyage, dont ils font face aux reports, retards, délais, à la manière dont le court été austral bouscule tout. Même s'il est plus facile de rejoindre le continent blanc maintenant qu'au début du XXème siècle, le traversée n'est quand même pas une mince affaire et les renoncements sont nombreux. L'aspect chronique personnelle et intime des frustrations ne me convainc pas beaucoup (comme il ne me convainc pas en général dans ce genre de livre mêlant reportage et chronique, comme le Photographe de Guibert ou les albums de Guy Delisle, par exemple).
Ceci dit, le livre est magnifique.
Mêlant peintures et photos, remarquablement entrelacées, éléments historiques et récit contemporain, interviews, peintures de trognes et considérations techniques sur les véhicules du raid ou la station Concordia, il s'agit là d'un magnifique reportage sur ce que c'est que l'Antarctique maintenant, avec les rêves qui y sont associés (Shackleton, Charcot, Paul Emile Victor...). Le dessin et la peinture permettent de lier ces dimensions

, imaginaires et réelles, comme elles se lient en chacun de nous. On part en voyage avec les deux frères, on capte du coin de l’œil les nuances de la glace, on s'endort, épuisé, au volant des tracteurs avançant sur la neige molle de l'inlandsis et on embrasse des inconnus en arrivant là-bas, tout en bas du monde, à Concordia.




02 septembre 2015

L'île au trésor - Stevenson

La carte de l'île au trésor,
dessinée par R.L. Stevenson .
Une auberge en Angleterre au bord d'une crique isolée. La lande, le vent, les embruns. Un vieux flibustier débarque, qui règle ses consommations en pièces d'or venues de loin. Bientôt il s'installe à demeure, ne paie plus et terrifie tous et toutes. Le jeune Jim Hawkins, fils de l'infortuné aubergiste,  se demande ce que le terrible vieux marin transporte dans son coffre toujours fermé...
Il ne sait pas encore (mais le lecteur et les lectrices, eux, le savent), que tout cela le conduira au delà des mers, à bord l'Hispaniola, jusqu'à une île déserte. Alors on verra bien si les armateurs ont bien fait d'embarquer, comme cuisinier pour le navire, le fameux marin à une jambe, Long John Silver, dit Barbecue...

Je viens de finir de lire ce livre à Rosa et à Marguerite. Elles ont été terrifiées, elles ont vu voler les coutelas, tirer les mousquets. Elles ont été passionnées, ont soupesé chaque choix de Jim, et les actions des protagonistes, le capitaine Smolett, le docteur Livesey, Silver lui-même, réfléchissant à ce qu'elles auraient fait, à leur place. Elles ont vu l'île, ses marais, ses brumes, ses collines, son fortin. Elles ont été perdues en mer et sur la terre. Et sursauté quand dans le fortin endormi, le perroquet se met à hurler "Pièces de huit ! Pièces de huit !"

C'est au moins la quatrième fois que je le lis, et c'est encore mieux à chaque fois. Une fabuleuse histoire de pirates, un fabuleux livre pour les enfants, un art de la narration incroyable. L'aventure, les amis, l'aventure !

Pièces de huit !

L'Hispaniola, par Geoff Hunt