31 décembre 2018

Bouclage 2018 - films

Films vus mais qui n'ont pas mérité une notice

Le réveil de la force –  J.J. Abrams
Malgré quelques belles images et bons personnages (j'ai bien aimé les vieux Solo et Léia ainsi que la tenancière de rade galactique à grosses lunettes), j'ai trouvé l'ensemble assez pénible. Bien en dessous de Rogue One.

Les aventuriers de l'arche perdue – Steven Spielberg
Revu dans la foulée de la dernière croisade. Les enfants ont adoré, les parents ont eu du plaisir aussi. Etonnant comme le personnage de Marion, plutôt bien écrit et badass au début, devient une nénette en détresse dans la deuxième partie.

L'école buissonière – Nicolas Vanier
Rosa a beaucoup aimé cette histoire d'initiation dans les beaux paysages de Sologne. Comédie dramatique avec subvention du département du Loiret. Vanier film bien les animaux et ça se termine bien.

Le papillon – Philippe Muyl
Noté pour mémoire: un vieil homme et une gamine dans de beaux paysages naturels, voilà tout ce qu'il y a de bon dans le film. Pour le reste, un son naturaliste "film français", une photo assez moche, réalisation plan-plan façon téléfilm et surtout un récit très mal écrit. Scénario mince, dialogues un peu faux, rien qui sorte trop des clous.


30 décembre 2018

Le tour de la bouée – Andrea Camilleri

Dans la suite de notre retour à Camilleri, le tour de la bouée est une enquête du commissaire Montalbano mettant en scène notre commissaire vieillissant confronté à une histoire sordide de débarquement de migrants dans sa Sicile natale. Le livre date de bien avant la grande crise de 2015 (on hésite à l'appeler ainsi, ça pourrait faire croire qu'elle est terminée – il n'en est bien sûr rien) et tout est déjà en place, notamment la situation tragique de l'Italie, un des pays européens que les autres laissent seuls pour se débrouiller face à ces tragédies. Malgré ce fond tragique et plusieurs passages poignants, le roman parvient à être drôle et contient son lot de bonnes scènes.
Je note deux choses intéressantes. Déjà, le sens du rythme de Camilleri: une vingtaine de chapitres d'une dizaine de pages chacun et zou, c'est fini, sans ennui ni temps mort, mais pas sans profondeur. Deuxièmement, le roman s'ouvre par la décision de Montalbano de démissionner suite aux évènements du G8 à Gênes (mais si, souvenez-vous, mes lecteurs. Aucun de vous n'est trop jeune pour avoir oublié ça). Le personnage se fait cri du coeur de l'auteur.

Le coup du cavalier – Andrea Camilleri

Je n'avais pas lu Camilleri depuis plusieurs années (12, si j'en crois ce blog, qui devient un support pour ma mémoire défaillante). Pour ceux qui ne connaissent pas: Andrea Camilleri est un ancien metteur en scène de théâtre et de télévision, venu vers ses cinquante ans à la littérature, essentiellement policière, presque toujours centrée sur la petite ville sicilienne (imaginaire, enfin presque) de Vigàta. Son œuvre suit principalement deux axes: les enquêtes du commissaire Montalbano, contemporaines, avec des meurtres bizarres, des plats siciliens typiques et une vision politique plutôt à gauche. L'autre axe sont des romans sociaux ironiques, plus littéraires, situés dans la Sicile de la fin du XIXème siècle.
Là où Camilleri est bien plus qu'un auteur de polars, ou un auteur régional, c'est par son travail sur la langue, mélange d'italien et de sicilien de sa région natale, travail étonnamment rendu par un jeu sur le français par son traducteur fétiche, Serge Quadruppani. Une langue riche et drôle et un peu absurde, qui ne ressemble à nulle autre, et qui donne toute la force de son travail.
Le coup du cavalier est de la veine roman XIXème: un fonctionnaire zélé, né en Sicile mais grandi à Gênes, est nommé pour inspecter les moulins de la région de Vigàta. Ses deux prédécesseurs ont eu quelques malheurs (accident de pèche en mer et chute de cheval. Oh zut). On sera plus du côté de la comédie de mœurs (très acide) que du thriller: on rit beaucoup, dans le coup du cavalier, et c'est très cruel.
Les romans de Camilleri sont courts et rythmés et celui-ci, plus que les autres, repose quasiment entièrement sur la langue: mélange du sicilien local, bien sûr, de l'italien, langue de l'administration et du pouvoir, et du génois d'enfance dans lequel pense le héros. La langue est la source de ses ennuis, elle sera la clef de la libération. C'est excellent, étonnant, délicieux.
 

17 décembre 2018

Lire Hildegarde – Coda

Il neige encore sur Sponheim

Quelques mots encore sur ce livre, avant de le ranger dans la bibliothèque.

Hildegarde n'est pas un roman historique, dans le sens où il ne cherche pas à inscrire une intrigue romanesque dans un cadre minutieusement reconstitué. Le cadre est lâche et large, il traverse les siècles et les niveaux de réalité de la même façon que les nouvelles sur Yirminadingrad travaillent leur objet. Léo Henry nous livre un pur roman d'imaginaire et d'imagination, une fantasy en neuf tomes, avec ses noms imprononçables, sa géographie mystérieuse, ses quêtes magiques ou intérieures. Les sources d'inspiration des romans d'imaginaire fantastique vont souvent chercher dans les racines de notre culture: mythologie nordiques, germaniques ou bien grecques. Hildegarde plonge dans l'imaginaire chrétien: martyrologies, croisades, récits de chevalerie, rêves d'un monde ordonné par le ciel et la magie (voir le merveilleux lapidaire, au milieu du livre). Cette lecture était une relecture, qui m'a permis de comprendre un des fils qui relie ces neuf livres faussement disparates : la viridité (ce mot d'Hildegarde elle-même) : cette force de vie qui fait jaillir du sol les végétaux, battre le cœur des animaux et jette les hommes sur les routes de la guerre ou de la sainteté. Hildegarde est un livre imprégné de vie.
Apocalypse finale (au sens de la révélation, bien sûr) : Léo Henry est un ami. Aurais-je lu le livre de cette manière si je ne l'avais pas connu ? Bien sûr que non. Un gros bouquin vert médiévalisant sur une sainte appréciée des amateurs de new age m'aurait sans doute un peu rebuté. J'aurais eu tort. Mais peut-être, dans ce monde uchronique où nous ne nous serions pas rencontrés, aurais-je été intrigué par le fait qu'un auteur dans la lignée de Borges ou de Volodine se lance, à la Volte, dans un livre "historique" sur le moyen âge. Alors, dans cet autre monde, j'aurais ouvert le livre, aurais froncé les sourcils en découvrant la légende de Sainte Ursule et j'aurais été pris.

K
APH
D


 Ce billet est le dernier d'une série consacrée au roman Hildegarde, de Léo Henry.

10 décembre 2018

Lire Hildegarde – Livre IX – Apocalypse

Un livre de visions, nous emmenant d'un bout à l'autre des temps, ne peut se terminer autrement que dans une Apocalypse. Mais il n'oublie pas le sens réel de ce mot : une apocalypse est une révélation, une série de visions d'horreur, de beauté, de peur, qui nous disent la vérité du monde. Non le monde à venir mais notre monde de maintenant, lu dans un sens poétique, fantaisiste, horrifique. Ce qui se passe quand on lève le voile de la réalité et que tout nous apparaît à travers d'étranges figures que nos yeux contemporains ont du mal à lire. A la façon du lecteur fasciné de l'Appel de Cthulhu, nous lisons une apocalypse ornée d'enluminures par-dessus l'épaule d'un savant des temps, les visions s'animent devant nos yeux comme elles deviennent vivantes pour lui. Puis au milieu de cette lecture une autre voix se mêle qui nous accompagne jusqu'à la fin du livre.



De la terre toute entière surgissent les os intacts de chaque humain mort depuis le commencement des temps. Même dispersés, même enfouis depuis des millénaires, ils se trouvent et s'agencent, pour former les squelettes sur lesquelles reviennent des chairs vives. Tous les hommes et toutes les femmes ayant vécu sur cette terre, les gueux et les rois, les criminels, les saints, les enfants mort-nés, les chevaliers, les savants, les prophètes, les monstres ressuscitent dans l'intégrité de leur corps, quel que soit le nombre des années écoulées depuis leur décès. Et c'est merveille de voir leur nombre et leur variété, assemblés là, par le hasard de leur dispersion ou par affinité, les familles, les lignées entières remontant jusqu'aux temps adamiques. Selon le jugement des péchés prononcé à l'heure de leur mort, tous ces corps sont marqués : les bons brillent d'une lumière interne, illuminés par un éclair d'or, les mauvais sont ternis, noircis d'une ombre qui les suit où qu'ils soient. Il ne s'écoule pas de temps. Nul n'a le loisir de parler à quiconque. Seule existe la sensation d'une foule immense à laquelle chacun participe, dans laquelle chacun se perd. Le Fils de l'Homme paraît au beau milieu des cieux avec son chœur d'anges et son trône de flammes. C'est l'agonie du temps et c'est insoutenable. 


Ce billet fait partie d'une série consacrée au roman Hildegarde, de Léo Henry.

08 décembre 2018

Lire Hildegarde – Livre VIII – Mayence

A Mayence, le bon empereur Barberousse convoque une fête et tu t'y retrouves. Toi, lecteur. Toi, l'auteur ? On dresse des tentes, on sert à boire, les conteurs se retrouvent, boivent plus que les autres et se racontent des histoires qui ne finissent jamais. Tu profites bien du séjour pour apprendre ce qu'il advint de la juive de Worms ou du terrible Renaud Dassel (et du siège de Milan), ou d'Arnaud de Brescia ou du Kaiser à Canossa et de Mathilde de Toscane.
Ce livre est le plus heureux de tous, il nous emmène dans de bons moments. On boit un tonnelet de bière, installés sur un balcon en vue des toits de tuile vernie de la ville. On écoute les femmes caustiques et moqueuses qui nous rappellent déjà leurs contemporaines effacées par des hommes moins intelligents qu'elles. On se retrouve même dans le palais impérial, suite à l'effondrement d'une tribune, à écouter le plus étonnant de tous les conteurs.
Les histoires sont une monnaie et une joie. Elles ne sont jamais finies. L'archipoète a bien compris qu'il faut les continuer toujours. Et toi aussi, tu comprendras avant de partir, que la fin n'a pas beaucoup d'importance.
Après les troubles, les visions, les saints, les conquêtes et les morts, Mayence est un moment heureux.

Mainz, 1565 (je n'ai pas de photo antérieure)

Ce billet fait partie d'une série consacrée au roman Hildegarde, de Léo Henry.

04 décembre 2018

Lire Hildegarde – Livre VII – Le légendaire

Comme le dit le quatrième de couverture, la vie de Hildegarde commence avec la prise de Jérusalem et se termine lors de la rédaction du premier roman. Ce livre VII nous emmène dans la fiction de l'époque, récréant non pas un seul récit, mais un ensemble de récits entrelacés, une triple saga d'aventures, celle de Parzifal, de Dietrich von Bern et de Siegfried. On cavale, on se bat à coups d'épées magiques, on tue bandits et géants, on se comporte conformément aux vertus chrétiennes, on se massacre, dans un passé médiéval mythique, entre empire romain, Attila et sa horde, rois burgondes, princes italiens. Des paysages fictionnels immenses se déploient, les éléments du récit paraissent des clés données vers d'autres récits qui pourraient se construire à l'infini si la conteur est bon.
Le conteur, nous y voici, fait justement partie du récit, et c'est une conteuse, une vieille femme ironique et racornie. Qu'est-ce que Hildegarde aurait pensé d'elle ? Est-elle un écho de la sainte de Bingen ? Que savait cette dernière des histoires que se racontaient ses contemporains ? La conteuse nous interpelle avec un regard venu de notre temps. Elle nous dit les aventures, un peu moqueuse, souvent cruelle envers ces enfants mal grandis qui s'éclatent la gueule à coup d'épées magiques et portent des casques qui les aveuglent. Elle nous rappelle le destin des femmes, veuves de leurs victimes, trophées de leurs combats, enjeux finaux de leurs quêtes.

Dietrich et Hildebrand occupés à une de leurs activités favorites : éclater un dragon.

Parzival, tout en finesse

Siegfried, pas en très bonne posture.
Ce billet fait partie d'une série consacrée au roman Hildegarde, de Léo Henry.