25 novembre 2013

Blue Jay Way - Fabrice Colin

Please don't be long, please don't you be very long...

Pour apprécier ce livre, il faut être un peu comme le narrateur : un étranger (un Français ?) regardant les Etats-Unis et leur mythologie avec fascination. New-York, 9-11, et surtout Los Angeles, palmiers, piscines, poussières venues du déserts, reflets dans les vitres, caméras, tueurs, illusions et troubles psychiques...
Le narrateur est un type paumé, son père est mort dans le crash du Pentagone, la vérité officielle ne lui convient pas, il voit la réalité perdre sa substance, ne croit plus en grand chose, sinon en la littérature, notamment les romans de Carolyn Gerritsen. Il finit par sympathiser avec la romancière, qui lui demande comme une faveur d'aller veiller sur son fils, là-bas, à L.A., dans la luxueuse villa Blue Jay Way. Et tout commence vraiment là-bas, dans cet espace étrange, fortuné, où se donnent fêtes et débauches en compagnie de certaines têtes les plus fameuses de Hollywood. Dans cette villa cloisonnée par des murs de verre vont naître des relations bancales avec Larry, le producteur psychopathe, Ashley sa trop belle épouse, la bande des Spartans, ou bien les domestiques, parfois aussi prétentieux que les maîtres. Alors le roman donne son meilleur, dans une lente dérive douloureuse, pleine de mensonges, traîtrises, absences, disparitions. Les gens ne sont pas ce qu'ils semblent, les cadavres sont retrouvés dans le désert, il y a peut-être des caméras dissimulées partout. Fabrice Colin a de nombreuses références, j'en ai loupé la plupart, mais pas celles au cinéma de David Lynch. On pourrait entendre dans le roman une bande son malsaine d'Angelo Badalamenti pour accompagner les nuits sans sommeil du narrateur, buvant une bière Tutankhamun au bord de la piscine.
Je suis moins convaincu par le côté thriller, la narration du tueur en alternance (cette afféterie, dit un des personnages, pas du dupe du récit lui-même), par la recherche de la vérité, la fourniture d'explications qui n'expliquent pas grand-chose. Il y a dans le livre un jeu sur la réalité et la fiction, une tentative de dire quelque chose de Los Angeles, du monde post 11 septembre, des vies scriptées comme des scénarios...  Là je dois avouer que je n'ai rien compris, que j'ai eu l'impression de formules creuses me glissant entre les doigts comme des couleuvres.
Ces réserves n'altèrent en rien le plaisir hypnotique que peut procurer ce roman. J'aurais voulu que durent toujours ces instants suspendus au bord de la piscine de Blue Jay Way.

PS : roman lu en numérique, c'est dire combien j'ai accroché pour avoir pu lire dans ce format que je n'affectionne pas. Le fichier epub fourni par Sonatine est faiblard... Pas de chapitrage, par exemple. 




16 novembre 2013

Hadès Palace - Francis Berthelot

Une bien curieuse lecture, achetée sur un coup de tête sur la boutique numérique du Bélial.
Un mime-contorsioniste parisien à la langue bien pendue, Max, se fait embaucher au Hadès-Palace, hôtel, casino, music-hall, centre de spectacles, quelque part dans le sud de la France, où l'on attend des artistes, nombreux et excellents, d'offrir aux spectateurs le beau, le vrai, l'extrême. Maxime va y présenter un numéro en duo avec Sendra, fine harpiste... 
Mais le Hadès palace est un lieu étrange, dirigé par une équipe de types terrifiants, parcouru par des miliciens en tenue grise, où les artistes obtenant des notations insuffisantes du public sont envoyés dans un deuxième cercle où l'on tente de les pousser aux extrêmes de leur art.
J'ai bien aimé le personnage de Maxime, sa répartie, son sentimentalisme. Le roman tient une langue cohérente avec son décor, paillettes en surface, désespoir en sous-sol, le tout sur un ton mélodramatique et outré assez séduisant. On s'aime, on pleure, on se perd avec des déchirements, on subit de viles et horribles trahisons, on descend aux enfers dans Hadès Palace, et tout ça est plutôt intéressant.
Toutefois, j'ai trouvé le propos beaucoup trop clair, la métaphore tout à fait évidente et donc l'ensemble de l'histoire totalement prévisible. On est ici en plein fantasme, sans souci de réalisme, dans un espace qui est l'incarnation d'un discours, d'une idée qui, au fond, ne m'intéresse pas beaucoup. Tant pis. Je redonnerai une chance aux textes de Francis Berthelot en lisant un autre volume du rêve du démiurge, il paraît qu'il y en a de plus "réalistes".

15 novembre 2013

Le boucher de la Saint Martin – Vincent Delay

Voici un curieux petit objet éditorial, imprimé à l'ancienne près de la cathédrale à Lausanne, tiré à 150 exemplaires, distribué localement ou sur souscription. La couverture reprend les codes des polars des années 50, en noir et jaune. Il s'agit du quatrième tome des enquêtes de Toby Sterling, imprimeur-typographe et détective amateur, un fantaisie légère prenant ici pour décor le pittoresque canton du Jura et une société de restauration de chemins de fer anciens. On y trouve dialogues piquants, histoire intemporelle, quelque part entre les années 50 et notre époque, meurtres à l'ancienne sur les codes du whodunnit, nombreux clins d'oeil aux particularismes locaux, alcools, expressions ou jeux politiques, arrangés par un auteur connaisseur du pays et président de la société romande des études holmésiennes.
On est là loin de l'édition industrielle, plutôt dans un artisanat de qualité et un amour des choses bien faites, depuis le texte jusqu'à la fabrication de l'objet lui-même, s'adressant à un public de connaisseurs. Du joli travail.

Aux Editions-Limitées, http://www.ateliertypo.ch/romans.php.

14 novembre 2013

J'irai cracher sur vos tombes – Boris Vian


Je serai bien en peine de présenter l'auteur, trompettiste, chansonnier, poète, ingénieur centralien et membre du collège de 'Pataphysique.
En 1947, il publie un roman faussement traduit de l'américain et qui n'aurait sans doute jamais été publié là-bas, j'irai cracher sur vos tombes.
On y trouve Lee Anderson, nègre blanc, librairie installé dans une petite ville cliché des Etats-Unis, venu là assouvir une vengeance.
Voitures, guitare, chansons, alcool, jeunes gens désoeuvrés, alcool, jeunes filles aux seins fermes et à la morale si souple qu'elle pourrait être contorsionniste, alcool encore. C'est un petit roman à l'écriture à la fois sèche et nonchalante. Ca se lit comme ça, facilement, comme on boit une bière fraiche. Puis on écarquille les yeux, tant sous le swing de l'écriture se développe un univers glissant de l'érotisme joyeux jusque dans la dépravation, puis, enfin, jusqu'à l'horreur, à m'en faire ressentir un vrai malaise.
Etonnant.
Lu sur conseil de l'éminent Satrape Léo H.