23 octobre 2018

Outland – Peter Hyams

J'ai vu hier soir ce film qui était sur ma to-view list depuis un siècle ou deux.
On a donc Sean Connery, viril, avec moustache, et sa belle voix grave viril (ai-je dit qu'il était viril ?), qui est marshall sur une lune de Jupiter où une société exploite une mine de Titane. La femme du marshall n'aime pas cet endroit pourri (elle a raison) et se barre avec leur enfant. Par ailleurs le general manager du coin explique au marshall que la bonne attitude, sur ce joyeux paradis de l'exploitation de l'homme par l'homme, c'est de laisser faire. Enfin, le marshall se rend compte que des mineurs meurent régulièrement après avoir pété les plombs...

Quelques chouettes décors et plans SF

Le film peut, en gros, se découper en deux parties. La première: découverte des lieux, de la vie des prolos de l'espace. Peu de temps après Alien (la même année ?), le cinéma mettait en scène du spatial plutôt low tech, sentant la sueur, la crasse et les hormones. Là dessus, malgré de nombreuses invraisemblances, le soin apporté aux décors et aux dialogues a emporté mon adhésion. Je me suis même demandé si The Expanse (dont j'avais aimé la saison 1 avant de laisser tomber la suite) ne s'était pas inspiré de ce type d'esthétique.
Dans la deuxième partie, l'inspiration western devient écrasante. On comprend que l'histoire est pompée sur le train sifflera trois fois, en moins bien, et on se laisse porter par les scènes d'action plutôt sympas et les personnages tout en trouvant le tout bien prévisible. On comprend alors (western oblige) pourquoi il n'y a aucune radio dans le film alors que par exemple, elle serait bien utile aux deux tueurs. Je m'attendais aussi à voir quelques ouvriers grandes gueules, mais le côté social du film, évoqué dans la première partie, passe à la trappe. 

J'aime bien le personnage de la doctoresse caractérielle
Test de Bechdel ? Test what ? (prononcer d'une voix virile)






22 octobre 2018

Extra – au cirque d'hiver

Une expérience intéressante, cette année : aller voir un spectacle de cirque en début de saison. Bouglione fonctionne un peu comme Knie : une troupe permanente réduite (monsieur loyal, les écuyers, les danseuses, l'orchestre live, ouvreuses et garçons de piste), des artistes internationaux de très haut niveau pour un spectacle qui tient ou ne tient pas ensemble. Celui de cette année était réussi, avec une belle unité et ce côté scintillant et plein de lumière (quels éclairages !) qui fait le charme du cirque d'hiver.
Un petit retour rapide sur les numéros:



Au début, un numéro de cavalerie complètement raté de Joseph Bouglione. Début de saison je disais, chevaux un peu en bazar... Curieusement ça a rendu le moment très touchant, montrant une relation tranquille entre dresseur et animaux. Aussi parce que je considère que se louper et réessayer fait partie du cirque : l'exploit n'est pas véritable s'il n'est pas accompagné de quelques échecs.



Un numéro de clowns acrobatiques, les wolf brothers, plein de bonnes idées mais mal calé (encore le début de saison ?). Je serais curieux de le revoir dans six mois.


Steve et Ryan, des clowns burlesques ambiance film burlesque: plutôt crétin, mais on a ri de bon cœur.



Ty Tojo, un jeune jongleur japonais qui jongle avec sept balles dans son dos (Ooooh !).



Le duo Golden dreams, qui représente tout ce que le cirque peut avoir de plus kitsch : un grand costaux musculeux, une grande costaude musculeuse en string cotte de mailles (si !), les deux avec la peau couverte d'or... dans une mise en scène péplumissime d'un numéro de tissu aérien au ralenti : c'était magnifique ! C'était très incongru et très beau.



Trapèze aérien les Flying Mendoças : belle exécution technique, belles filles et beaux gars, j'ai trouvé toutefois que la machinerie déployée gâchait un peu le rythme du numéro.



Duo Frénésie, au mât chinois : beau numéro d'un point de vue esthétique et technique (et j'adore cette discipline), mais il m'a manqué un petit quelque chose pour être pleinement convaincu.



Chloé Gardiol aux cerveaux aériens, encore une très belle discipline et un beau numéro, sobre et réussi.



Régina Bouglione dans un numéro de colombes : ce n'est pas ma tasse de thé, mais les beaux oiseaux blancs rendaient bien dans la lumière et il y avait de belles images. Les enfants ont adoré l'intervention du petit chien touffu tout blanc.



Andrey Romanovsky, dans un numéro de contorsions ambiance tuyau de poêle : magnifique, dans les images et l'ambiance belle époque. 



Liviu Tudor offre un numéro d'assiettes en équilibre avec petit chien débile que j'ai adoré, mêlant le suspense des objets suspendus à l'imprévu de l'interaction avec la bestiole. Incroyable.



En conclusion, à la grande joie de Rosa et Marguerite, un numéro d'éléphants, animé par... les éléphants de Knie ! (puisqu'ils ne peuvent plus se produire en Suisse)
Je trouve toujours ces numéros très étranges, qui ajoutent au côté artificiel et lamé or du cirque la grosse peau, les poils et les formes grotesques des pachydermes. Le numéro cette fois m'a frappé par une image, celle de la bête arrêtée en position de marche suspendue au-dessus des trois jolies filles allongées sur le sol.

Une très bonne année chez Bouglione, nous étions émus en quittant la salle. Si vous voulez du scintillant et de l'épatant, allez-y !

Merci au cirque Bouglione pour la sélection de photos illustrant cet article.

19 octobre 2018

Lucrèce Borgia – à la comédie française

Nous vivons dans une époque où les gens accomplissent tant d’actions horribles qu’on ne parle plus de celle-là, mais certes il n’y eut jamais événement plus sinistre et plus mystérieux.

Nous sommes retournés à la Comédie Française pour la première fois depuis longtemps (si on en croit ce blog en 2010, et ce ne fut pas une réussite). Retour pour un spectacle de patrimoine, Lucrèce Borgia, de Victor H., mis en scène par Denis Podalydès.

Alors, oui, c'est dark.
L'intrigue en quelques mots : Italie, renaissance, noms italiens à gogo, papes corrompus, spadassins, assassins, politiques vils, poisons. Lucrèce Borgia est une femme criminelle, très très mauvaise, qui avec son âme damnée Gubetta a fait emprisonner, étrangler et surtout empoisonner tout un paquet d'ennemis de sa famille. Mais, de ses amours incestueuses, elle a eu un fils qui ignore tout d'elle, vaillant capitaine de soldats au coeur pur sur lequel elle veille en secret, un amour immense et pur dans un océan de noirceur. 


Ah ! C’est qu’une bonne action est bien plus difficile à faire qu’une mauvaise. -hélas ! Pauvre Gubetta que je suis ! à présent que vous vous imaginez de devenir miséricordieuse, qu’est-ce que je vais devenir, moi ?
Cecci et moi avons beaucoup aimé, même si pour des raisons un peu différentes.
Cecci a aimé les acteurs, très bien posés, intenses, dans tous les domaines. Elsa Lepoivre tenait le rôle très difficile de Lucrèce avec talent, entre pathétique, cruauté et humour. Thierry Hancisse (un de nos acteurs préférés) faisait un très beau Gubetta, méchant et drôle. Gaël Kamilindi était très beau en Gennaro, jeune premier valeureux et noble, là aussi un rôle difficile à tenir sans ridicule. Enfin, Eric Ruf jouait un Don Alphonso magnifique de rouerie et de sentiment. Les rôles secondaires, solides, tenaient tous la route. Les acteurs ajoutaient leur finesse et leurs sentiments aux rôles tranchés à la serpe écrits par le grand Vic.
Cecci a aussi aimé la mise en scène, très lisible, bien rythmée (deux heures vingt sans entracte), avec de très belles images: la gondole au petit matin avec les filles et les hommes en vrac tout autour, Lucrèce avançant sur des planches d'aqua alta, le palais Borgia avec ses lettres énormes et l'horrible et malsaine danse finale de Gubetta avec les amis de Gennaro, tous empoisonnés, jusqu'à l'image finale morbide avec les corps abandonnés contre les poteaux. Waow !

Masques grotesques et insultes. Quels visages sont les plus vrais ?

Le plus beau duo de la pièce, les deux cruels qui s'affrontent et se déchirent.

L'innocent (ici, à droite) paie le prix des machinations des monstres
En plus de tout ça, Le pendu a aimé la pièce, son esthétique noire et sanglante traversée d'humour, de traits d'esprit, de recul sur son propre propos. Hugo fait du Shakespeare à la tronçonneuse, gore, sexuel et réellement drôle même dans les moments les plus tragiques. Le travail de la troupe, en inscrivant cela dans une esthétique un peu gritty-fantasy (je trouve qu'il n'y a pas si loin d'eux à Games of thrones), rendait bien hommage au texte et à ce récit foutraque, bancal et romantique, auquel ne survivent que les pires méchants.

à la bonne heure, voilà parler. Vos fantaisies de miséricorde vous ont quittée, dieu soit loué ! Je suis bien plus à mon aise avec votre altesse quand elle est naturelle comme la voilà. Je m’y retrouve au moins. Voyez-vous, ma dame, un lac, c’est le contraire d’une île ; une tour, c’est le contraire d’un puits ; un aqueduc, c’est le contraire d’un pont ; et moi, j’ai l’honneur d’être le contraire d’un personnage vertueux. 


J'ai été ému enfin par ce personnage de femme qui se débat entre l'amour dévorant, la culpabilité, la cruauté. Qui se fait cracher à la figure, battre, humilier et qui se défend toutes griffes et lames dehors. Hurlements, murmures et suppliques. Elsa Lepoivre a donné chair et humanité au monstre écrit par Hugo.


J'avais dit que c'était dark. Et super classe.




11 octobre 2018

Retour vers le futur I, II et III – Robert Zemeckis

Ca a occupé trois de nos soirées films du dimanche soir avec Rosa et Marguerite, et ce fut bien. Je vois là un phénomène étrange : les films que je parviens le plus facilement à partager avec elles sont surtout des trucs des années 80, début des années 90. On pourrait croire que je partage mon enfance, mais en fait je n'ai découvert ces films que bien plus tard. Est-ce que l'époque savait bien produire des divertissements "familiaux" ?



Et donc Marty MacFly, les années 50/80/2016/1885, les mêmes tronches d'une époque à l'autre, les mêmes vannes, les références croisées, le hoverboard, "personne ne me traite de mauviette", "là où nous allons, il n'y a pas besoin de route", etc. En fait, c'est bien chouette.

Les trois films tournent autour de sentiments assez doux : l'attachement à une petite ville, l'amitié évidente d'un ado et d'un vieil homme. Je n'avais jamais vu le III : plusieurs scènes m'ont touché et je trouve la fin quasi steampunk très kitsch et pourtant dans le ton.

Bref, your kids are going to love it.






09 octobre 2018

Le Grand Dieu Pan - Arthur Machen

Cette lecture fait suite aux Trois imposteurs : tout comme dans certains récits de ce roman remarquable, le Grand Dieu Pan rassemble une collection de témoignages, des sentiments sur la vie moderne et cet étonnant syncrétisme propre à Machen rassemblant une forme de récit d’horreur, un fond de légendes galloises et de mythologie. 
Machen a l’art d’évoquer sans imposer, de construire une habile suggestion dans laquelle le lecteur projettera ses craintes et ses désirs. Le Grand Dieu Pan rassemble récits, échos, témoignages d’aimables gentlemen confrontés à un autre étrange, incarné dans la figure d’une jeune femme mystérieuse qu’on ne verra jamais en face. Une œuvre fantastique remarquable et moderne, qui dégage encore de nos jours tout son pouvoir de fascination. 

Une note, que j’aurais pu faire aussi dans le billet sur les trois imposteurs : Machen a un talent tout particulier pour évoquer la ville moderne.  Ses descriptions des rues et des banlieues londonniennes sont une des matières les plus étonnantes de ses récits. 


06 octobre 2018

Vernon Subutex – Virginie Despentes

Vernon est un ancien disquaire, un métier aussi étrange aux yeux contemporains que, disons, porteur d’eau ? Un jour, Vernon, au chômage depuis un paquet d'années, perd son RSA, puis son appartement, puis tout. Il se retrouve à la rue, relié au monde par son compte Facebook, et part squatter chez ses anciens copains. A travers la dérive de Vernon et le point de vue de son ancienne bande de potes, tous plus ou moins issu du milieu du rock dans les années 80, on va parcourir tout un pan de la société française en croisant notamment Emilie, ancienne bassiste devenue cadre moyenne trop seule, Xavier, scénariste raté, Patrice, postier et mari violent, Laurent, SdF, Laurent, l’autre, producteur de cinéma malade, Sylvie, grande bourgeoise divorcée, Olga, SdF aussi, Loïc, petit faf, et encore et encore.
Puis avec l'histoire des mystérieuses cassettes laissées derrière lui par Alex Bleach, ancienne star du rock dont la mort inaugure le roman, et forme en réalité la cause des ennuis de Vernon, va se mettre en place une drôle d’intrigue qui nous occupera le long des trois tomes de ce projet ambitieux.

De manière intéressante, chacun des tomes du roman a sa personnalité spécifique, ce qui me fait dire qu’ils ont été écrit avec une relative indépendance les uns des autres. 
 
Le premier est, littérairement parlant, le plus remarquable. Description d’une entrée en galère, portraits puissants et percutants des personnages. Virginie Despentes fait partie de ces écrivains qui aiment les gens sur qui ils écrivent: on s’attache à tous ces losers, ces bizarres, ces gens plus ou moins désagréables, plutôt plus que moins. Elle a un sens de la formule puissant, sait adopter des points de vue décalés. On a là un portrait de la France contemporaine en coupe, comme une version détaillée de la belle chanson de Bigflo et Oli, avec ses paradoxes, ses mauvaises tentations, ces maladies mentales et sociales modernes qui nous font rire pour que nous n’ayons pas à en pleurer. 
 

Le deuxième tome voit l’intrigue se développer réellement. Les ondes bizarres de Bleach, le talent de DJ d’un Vernon transformé, le rêve utopiste. C’est narrativement plus laborieux, même si Virginie Despentes est douée pour produire des punchlines. Le petit théâtre des personnages du T1 ronronne. J’ai l’impression que Despentes est plus douée pour poser ses personnages que pour les faire interagir. 
Le thème abordé et développé, assez SF en réalité, m’a fait penser à un autre auteur français d’origine populaire, amateur de rock et d’utopies en foutoir : Roland Wagner. Les roman de Despentes m’a paru alors devenir une sorte de préquelle sous forme de roman noir de l’univers des derniers jours de mai, dans lequel Vernon aurait eu toute sa place.

Le troisième volume est le moins réussi et le plus touchant. L’intrigue de Descentes est percutée de plein fouet par les attentats de Charlie et du Bataclan, qui bouleversent ses personnages tout comme ils semblent avoir bouleversé leur auteure dont je ne suis pas sûr qu’elle avait penser les inclure. Le désarroi traverse le livre, qui renoue avec les explosions de violence et de cruauté des premiers romans de VD. Tout part dans tous les sens, l’intrigue file et rebondit, entre traits justes (la dispute entre les amis et le départ de Vernon), discours prononcés aux nuits debout, cris de protestations, jusqu’à un finale en explosion encore plus branque que le reste.

J’ai bien aimé l’ensemble. C’est parfois très impressionnant (quel sens du portrait !), ce sera daté très vite, le portrait d’un temps, d’un instant. C’est parfois mal fichu au possible, la matière romanesque penche de traviole, l’auteure ne la tient pas très bien en place et semble nous dire: « puis merde, je m’en fous » et inviter le lecteur à aller boire un coup avec les personnages (métaphoriquement). C’est un livre, une trilogie, honnête et sincère, pleine d'observations sociales bien écrites, de souvenirs des années 80, de rêves et d'envie de musique. Plutôt pas mal.