16 décembre 2009

A game of thrones, de George R. R. Martin

J'ai joué au fantasy bingo. Oui, bon, j'avoue, j'ai une curiosité mal placée, je voulais savoir comment on fait de la fantasy qui marche, de la fantasy best-seller. J'ai lu a game of thrones (pour l'essentiel) et...
Bob – hopopop, là je t'arrête, tu vas dire des conneries. Je déteste qu'on dise du mal d'un grand auteur.
Moi – Je n'ai encore rien dit.
Bob – Alors tais-toi et écoute. Martin, c'est un tueur. Un grand. Un dieu. 800 pages écrit petit. Une demi-douzaine de PoV Characters : ça veut dire : un récit choral. Plein d'intrigues en parallèle qui avancent super lentement... de quoi tenir sur la longueur ! Un monde complet, avec des royaumes pseudo-anglais, des marchands pseudo-levantins, des hordes pseudo-mongoles (mais rien de réaliste ou de crédible, oh là non, c'est de la fan-ta-zi, coco), des assassinats, du sexe, des intrigues politiques, des contre-intrigues, des contre-contre-intrigues... C'est tellement compliqué qu'il a engagé un assistant pour prendre des notes et surveiller les coups fourrés de ses propres personnages. Et quel créateur ! Quelle invention ! Un quasi moyen-âge complètement calibré, aussi crédible qu'un film arthurien avec Richard Gere (pas comme ton Jaworsky qui inonde ses récits de ses connaissances historiques au point qu'on a l'impression d'assister à un cours...). Du gritty, du sang, du gore, des seigneurs vraiment méchants, du peuple vraiment opprimé. Une religion pas du tout envahissante parce que personne n'y accorde d'importance. Des tournois, des armures, et même des enfants qui meurent (enfin, presque). Il ose tout, Martin.
Moi – Attends, je...
Bob – Ça en impose. Ça attire l'attention. C'est puissant, c'est distrayant, c'est marrant. Tu es fatigué, tu tournes les pages, tu veux en savoir plus. Les héros sont droits et cons, ils se jettent dans les ennuis plus vite les uns que les autres. Tous les autres personnages sont méchants. Et il y a même une mystérieuse menace surnaturelle...
Moi – Moi, je trouvais que l'idée de ce monde où les saisons durent une dizaine d'année est très intéressante...
Bob – Tu vois, c'est un grand, George !
Moi – ... dommage qu'aucun personnage de cet univers ne paraisse s'être interrogé dessus. Et les personnages de la princesse dragon et son frère sont cools...
Bob – C'est le king, Martin !
Moi – mais ce sont bien les seuls...
Bob – Il faut lire Martin. Vous ne savez rien de la fantasy si vous ne l'avez pas lu. Vous ne savez rien de la Big Commercial Fantasy si vous ne l'avez pas lu. Vous ne savez rien de la Big-big-big commercial fantasy si...
(l'auteur, lassé, laisse les commandes de ce post à Bob. Rideau).

P.S : merci à Audrey, qui m'a offert ce livre que je voulais lire depuis longtemps.

02 décembre 2009

Philoctète - Heiner Müller - à Vidy

Voici l'accroche : Philoctète vit à Lemnos, si on peut appeler ça vivre... Abandonné sur l'île par ses compères grecs, Ulysse en tête, avec une blessure au pied purulente et son arc magique. Dix ans passent, la guerre de Troie s'éternise. Pour vaincre, il faut convaincre le vieux Philoctète (et son arc), toujours vivant et puant, de revenir. Ulysse s'y colle, encore lui, accompagné du jeune Néoptolème, fils d'Achille et homme plein de principes. Inutile de dire que le vieux ne va pas être ravi de revoir Ulysse... Ce dernier demande donc au vertueux Néoptolème de ramener Philoctète, par le mensonge, pour que la guerre ne vire pas au désastre...
Reprise par un auteur du XXème siècle d'un mythe antique (et de la pièce de Sophocle, que je ne connais pas), Philoctète commence par une situation impossible (un vertueux contraint de mentir pour sa cause), et enchaîne sur d'autres situations insupportables mettant en scène le trio Ulysse/Néoptolème/Philoctète.


Philoctète, sortant de son trou.

Malgré une mise en scène austèrissime, des costumes moches, et des décors mini-minimaux (tuant presque l'évocation, même pour moi qui aime le simplicité au théâtre), les acteurs, tous trois excellents, portent cette pièce âpre, tendue (et drôle) d'Heiner Müller.
J'ai aussi repensé à Homère, Iliade d'Alessandro Barrico, qui m'avait fait comprendre combien l'Iliade était pleine de situations dramatiques extraordinaires, pouvant elles-mêmes être sources de nombreuses autres histoires... Je me suis aussi demandé pourquoi un salaud, embobineur et menteur comme Ulysse forçait malgré tout mon admiration. Serez-vous aussi séduits par ce curieux bonhomme à tête de hibou ?
Un très bon spectacle, donc, à voir au théâtre de Vidy, à Lausanne, et sans doute ailleurs plus tard, je l'espère.

30 novembre 2009

Bifrost 56 - Ted Chiang, J.M Ligny, Don Lorenjy


Trois nouvelles de science fiction dans le numéro 56 de l'estimable revue Bifrost.
Le porteur d'eau, de Jean-Marc Ligny : une SF post apocalyptique, sur fond de véritable réchauffement climatique, de campagnes françaises asséchées, d'enclaves protégées en Suisse. L'histoire, simple, est un prétexte à visiter le monde de la nouvelle. Si l'univers m'a parlé, le traitement, très littérature populaire, m'a paru un peu léger.
Viande qui pense, de Don Lorenjy : une histoire basée sur une excellente idée, glaçante. Comment faire pour trouver des soldats compétents à envoyer dans ces points chauds du globe ? Partant de l'histoire d'un ancien guide de montagne frappé de plein fouet par la déchéance sociale, le texte vise juste et son écriture, très directe, le rend tout à fait crédible. Seule la fin de m'a pas convaincu, mais je ne ferai pas la fine bouche.
Exhalaison, de Ted Chiang : l'occasion pour moi de découvrir cet auteur. Une nouvelle tout à fait remarquable, qui vaut à elle seule d'acheter le Bifrost. On y parle de questionnement scientifique, de raisonnements logiques, d'auto-dissection... avec humour, légèreté et sensibilité. Le texte m'a fait penser aux questionnements des scientifiques des Lumières et à certaines théories étranges nées dans les premiers âges de la science. Et la fin m'a profondément ému. Waow.

21 novembre 2009

La vieille et la bête – Ilka Schönbein

Une heure quinze de spectacle. Une femme étrange sur une petite scène comme un présentoir. Une autre, musicienne en frac et haut de forme (et petite moustache) qu'on dirait toute droit sortie du cirque bizarre. Sur scène, la femme étrange se contorsionne, anime une ballerine avec ses pieds, a des sourires un peu trop grands, un peu séniles. Elle file des contes, des histoires de princesse et des vieilles dames qui ne veulent pas quitter leur maison. On distribue des pommes, on casse des verres, on jette de la paille par terre (pour l'âne) et tout ça est parfaitement, totalement cohérent.
J'ai eu peur, parfois.

Vive la vie, vive l'amour...
vive la mort.


P.S : le théâtre recommandait "à partir de 9 ans". Pour des enfants pas trop impressionnables, ou alors prévoyez la cellule d'aide psychologique à la sortie... C'est un spectacle pour le moins... rugueux.
P.P.S : les représentations à Vidy sont passées, mais je pense que le spectacle va tourner. Si vous le voyez passer près de chez vous, allez y manger une pomme à notre santé.

Retour sur l'horizon : quinze textes de science-fiction rassemblés par Serge Lehman

Voilà, j'ai enfin fini par lire ce recueil. J'ai profité d'un moment non euclidien (les autres moments étaient déjà occupés), dans mon canapé, pour découvrir le dernier texte, l'Hilbert Hotel de Xavier Mauméjean.
Je ne serais pas très légitime pour faire un commentaire détaillé du recueil, d'autres l'ont déjà fait avant moi. Les textes sont globalement bons, sans fausse note, je les ai tous lus avec plaisir. Certains m'ont toutefois touché plus que d'autres. Je partagerai mes découvertes heureuses.
Ce qui reste du réel, d'Emmanuel Werner/Fabrice Colin, avec son refuge de montagne, la tête de PKD et la guerre en contrebas. Je l'ai lu dans un état de fatigue prononcé, par un voyage en train nocturne et je suis descendu à ma gare en n'étant plus très sûr de l'existence du reste de l'univers.
j'ai ri (jaune, comme toujours) avec le texte de Catherine Dufour, mais ce n'est pas de la SF, c'est la réalité, hein ?
Dans le genre fin du monde qui tache les doigts, j'ai aimé la Lumière Noire de Thomas Day et la Terre de fraye de Jérôme Noirez. Les deux textes ne sont pas sans défauts, mais ils ont une énergie qui m'a séduit.
Et j'ai été particulièrement séduit par le texte borgesien de Léo Henry et par la très poétique errance des personnages de Daylon. Son penché sur le berceau des géants m'a montré que ce jeune homme pouvait exprimer par écrit ce qu'il faisait si bien par la photo (que l'on peut regarder ici, il n'est pas inutile de le rappeler).
J'ai aimé aussi la nouvelle de David Calvo, mais je ne suis pas du tout objectif.

26 octobre 2009

Small World - Martin Suter

Vous êtes assis sur un fauteuil, une bibliothèque (inconnue) à portée de la main. Envie de lire quelque chose. vous regardez les romans à distance de longueur de bras et vous piochez Small World de Martin Suter.
Pourquoi avoir choisi celui-ci ? Le 4 de couverture était alléchant. Roman publié chez Christian Bourgois, puis Points Seuil, éditeurs de qualité. Roman récent d'un auteur suisse, dont l’histoire se passe en Suisse. Disons que je m’intéresse à ce que disent les écrivains de mon pays de résidence…
L’histoire met en scène une riche famille de la grande bourgeoisie suisse, dirigée d’une main de fer par Elvira Senn, vieille femme ferme, élégante et cruellement pragmatique.
Dans cette famille, Conrad. Frère d’adoption, ami/faire-valoir du fils de la maison. Entretenu toute sa vie par la famille. Personnage inutile et attachant, Conrad, âgé d’une soixantaine d’années, commence à perdre la mémoire… et en même temps que ces pertes de mémoire, resurgissent des souvenirs de sa petite enfance qu’Elvira aimerait ne pas voir ressortir.
Le 4ème de couverture annonce un cas médical, un roman social, un roman policier. Il est assez juste :
cas médical, le roman est un portrait, à travers un personnage intéressant, des effets et des soins liés à la maladie d’Alzheimer. Le roman étant bien documenté, j’y ai appris toutes sortes de choses intéressantes sur le sujet. Le récit de la maladie y est fait sur un ton juste, ni larmoyant, ni voyeur, ni distant.
roman social, on y trouve un portrait de la (bonne) société suisse, depuis les années 30 jusqu’aux années 80. C’est sans doute le point qui m’a le plus intéressé. Le lecteur français y trouvera un monde feutré, taiseux, où l’argent pèse très lourd, où les hommes (et les femmes) sont souvent brutaux et pragmatique.
roman policier, enfin. Les secrets dissimulés se devinent assez bien, et on sent que cet élément a été ajouté par l’auteur pour faire passer les autres aspects de son histoire. Si l’intrigue reste intéressante (dû à un traitement réussi des personnages et à des portraits souvent très justes – l’auteur me semble avoir une vision vraie de la société suisse), sa chute, très scénarisée, n’offre pas grand intérêt. Disons qu’elle ferait un film grand public agréable, mais que l’ambition littéraire en est réduite.
Le titre Small World, que je trouvais d’assez mauvais goût (titre en  anglais = vendeur) s’explique en fait de manière très touchante.
Merci à Livia pour cette lecture !

22 octobre 2009

Jérusalem au poker - Edward Whittemore

Ils te diront tous la même chose, et sans hésiter un seul instant. Nous continuons à vivre dans la vie des autres, et il n'y a aucune fin en vue, c'est sûr.

J--rusalem-au-pokerJe cite Joe O'Sullivan Beare parce que cet Irlandais bavard dit les choses mieux que moi, et je n'ai pas grand chose à ajouter après avoir lu Jérusalem au poker. J'en ai trouvé le début un peu laborieux car reprenant trop de choses du premier volume. Et j'ai profondément aimé le livre dès que Nubar Wallenstein, pathétique fasciste de château hanté, est entré dans la danse. Bombastus Von Paraheim Ho ! Obsessions alchimiques, maladies hyrdrargiques, uniformes noirs, princes afghans décadents, tonnelets de raki à la mûre, réunions maçonniques souterraines, reine du consortium du pétrole, assise sur un tapis volant, posant sa main noire sur les champs pétroliers du moyen-orient (madame sept pour cents).

Avec Joe et Cairo, j'ai passé Noël en buvant du champagne et mangeant des homards, sur les toits de Jérusalem. J'ai écouté un noble japonais sioniste jouer de la musique traditionnelle au monastère Sainte Catherine du Sinaï, accompagné par un violoncelle yiddish venu de Hongrie. J'ai traversé un palazzo vénitien tellement pillé qu'il ne restait plus que la brume pour soutenir l'intérieur de ses façades. Strongbow Plantagenet et Menelik Ziwar, les deux bons génies, Stern, le trafiquant d'armes devenu un des noms de Dieu, et tous les fous, tous les insensés, tous les conteurs, tous ont commencé à devenir des mythes.

Le quatuor de Jérusalem engendre ses propres mythes, c'est un vertige.

Je le dis avec les autres , si vous croyez à la force des livres, lisez-le.

19 octobre 2009

Abraham au collège de France

Je partage ici mon second coup de cœur parmi les podcasts du collège de France : le cours sur la construction d’un ancêtre – la formation du cycle d’Abraham, du professeur Thomas Römer.

logo_college_big Thomas Römer est un orateur brillant, qui parle avec rigueur et humour de la façon dont s’est constitué le cycle d’Abraham dans le livre de la Genèse. Son cours est une très belle initiation à la façon dont on aborde scientifiquement les textes bibliques de nos jours.

Le cycle d’Abraham contient nombre de passages très intéressants et souvent mystérieux :

  • La “vente” de Sarah au pharaon par Abraham en Egypte.
  • La naissance d’Ismaël et du peuple arabe
  • Le cycle de Loth et la destruction de Sodome et Gomorrhe
  • la visite des trois-anges-qui-sont-un à Abraham et Sarah, le rire de Sarah.
  • La naissance et le sacrifice d’Isaac…

Attention, ce cours n’est pas un cours d’exégèse chrétienne ou rabbinique (même si les exégètes, qui lurent et lisent encore ces textes avec une immense attention, sont souvent cités). On cherche surtout à comprendre les textes : qu’est-ce que les auteurs ont voulu dire, comment s’y sont-ils pris, que pouvait signifier tel ou tel passage, pris dans le contexte de l’époque de rédaction ?

Pour cela, le professeur s’appuie sur les textes bibliques eux-mêmes, sur les textes contemporains (assyriens, babyloniens, égyptiens…), sur les découvertes archéologiques…

La thèse de Thomas Römer, concernant Abraham, est que ce personnage – image même du migrant en route vers la terre promise par Dieu – est en fait un personnage autochtone (de Palestine). La tradition orale de ses aventures (en Egypte, avec son frère Loth…) aurait été reprise par des rédacteurs postérieurs à l’Exode pour en faire une anticipation et un récit parallèle à celui de Moïse, illustrant une des tensions présentes dans le judaïsme : en opposition à l’exclusivisme de l’Exode (qui insiste sur ce qui distingue et sépare le peuple juif des autres) on voit là une vision des juifs comme peuple parmi les autres, devant conclure alliance et traités avec eux.

Il s’intéresse au texte dans tous ses détails, étudiant les genres littéraires (par exemple, les récits de naissances annoncées par Yahvé), les récits qui se répètent (on trouve trois fois dans la Genèse le même récit du patriarche – Abraham ou Isaac – vendant sa femme à un roi étranger), aux contradictions sur les âges des personnages, sur les agencements des évènements… Il souligne aussi la poésie, les jeux de mots (en hébreux of course), l’humour des textes vis à vis de leurs personnages.

Une très belle découverte pour moi, et un cours passionnant.

09 octobre 2009

Le graal au collège de France


L'écoute de podcasts est une sorte de drogue, qui a quasi complètement remplacé l'écoute de mon poste de radio. Parmi mes heureuses découvertes, les podcasts du collège de France.

Petit rappel sur le collège de France : il s'agit d'une institution remontant à 1530, où enseignent certains des savants français et étrangers les plus respectables de leurs domaines. Quels domaines ? Un peu tous, en fait : paléontologie, physique, histoire, littérature...
On peut regarder et/ou écouter à peu près tous les cours gratuitement. Et comme ce sont des cours magistraux donnés par des gens qui connaissent un peu leur sujet, c'est un vrai bonheur.

Mon premier grand plaisir, je l'ai eu avec le cours sur les quêteurs du graal, de Michel Zink.
Durant ces neuf heures de cours magistral (que j'ai écoutées en faisant la vaisselle, en programmant, ou le matin vers 6h30 en attendant mon bus), on étudie un certain nombre de questions intéressantes, comme :
  • de quoi parlent (vraiment) les romans de graal, que ce soit celui de Chrétien de Troyes, de Wolfram von Eschenbach, ou des différents continuateurs plus ou moins heureux du filon ?
  • Est-ce le graal est : une coupe, une pierre précieuse, un ostensoir, un plat à viandes ?
  • Pourquoi est-ce que les auteurs ont autant de mal à finir les livres qui parlent de la quête du graal ?
  • Pourquoi est-ce que le graal doit être découvert et gardé par des chevaliers ?
  • Saint Bernard de Clairvaux croyait-il vraiment à une forme de chevalerie chrétienne ?
  • Faut-il marcher pour trouver Dieu ?
  • Les moines ont-ils le droit de partir en pélerinage ?
  • Comment se fait-il que la prequels et sequels des romans du graal me fassent autant penser à certains usages contemporains en littérature ?
  • Joseph d'Arimathie était-il un chevalier médiéval ?
  • Que raconte le Perlesvaus, roman médiéval formant une sorte de reprise gore de l'histoire de Perceval ?
  • et plein d'autres choses...
L'orateur, Michel Zink, est un professeur sympathique et un peu roublard, tout à fait agréable à écouter, et son cours est passionnant.

Attention, pour les amateurs d'ésoterisme, de Rennes le château, de complots templiers, etc, le cours ne parle pas du tout de tout ça. Seulement du graal dans la littérature médiévale. Et c'est déjà pas mal. Et même avec une culture très superficielle du sujet, comme la mienne, ça reste tout à fait accessible.

On pourra trouver ces podcasts sur l'iTunes store, ou bien ici:
http://www.college-de-france.fr/default/EN/all/lit_fra/audio_video.jsp

19 septembre 2009

Tartuffe – par les Artpenteurs



"Le scandale du monde est ce qui fait l’offense, Et ce n’est pas pécher que pécher en silence."

Nous étions allé voir voici deux ans la mise en scène de Marcel Bozonnet à la comédie Française de cette classique pièce de Molière. Outre le fait que le spectacle était franchement boiteux, j'en étais ressorti avec l'idée que cette pièce, au fond, n'était pas très bonne et que Molière était bien meilleur dans le bourgeois gentilhomme ou le malade imaginaire.
Les artpenteurs m'ont prouvé, en beauté, que j'avais tort.
Ils montent leur Tartuffe sous (un tout petit) chapiteau, avec quelques tréteaux à portée de main du spectateur, et des acteurs proche à toucher. Pas de décor, une scène nue, un rappeur (Obaké) pour la musique, qui dit aux entractes les lettres de Molière au Roi où Jean-Baptiste P. tente de défendre sa pièce.
Jamais cette histoire ne m'avait parue si angoissante et désespérée. Face au serpent logé dans le sein de la maison (et le Tartuffe n'est rien d'autre), aucune arme ne porte.
Cléante, le beau-frère d'Orgon, est calme et raisonnable. Il raisonne juste et calmement... En vain.
Damis, le fils, joue la carte de la colère et de la violence, en vain.
Elmire, la femme, réussira par ruse et en donnant de sa personne, à déciller les yeux d'Orgon. A quoi bon, puisque la société, en la personne du sergent, reste du côté de l'imposteur...
Seul moyen de s'en sortir, le Ludovicus ex machina... Et la façon dont il est manifesté montre bien comment Chantal Bianchi, la metteuse et scène (et désopilante madame Pernelle) le considère. On ne verra jamais le monstre écrasé sous le talon... Est-il même possible de le vaincre?
Le spectacle met en scène les flots de mots qui s'affrontent. Obstination d'Orgon, colère rusée de Dorine, discours savants de Cléante, fourberies de Tartuffe. Le tréteau, tout en longueur, est un espace de duels, marche, retraites, estocades... On tente de vaincre, de convaincre, et le monstre, souple, souriant, visqueux, s'en sort toujours. Quand on le croit coincé, il s'avilit un peu plus pour s'échapper...
Bien sûr, un espace aussi réduit impose un jeu très physique, dans des costumes criards, tranchés. La faible distance, les visages maquillés qui semblent être des masques, permettent de jouer sur les mimiques à la De Funès, les sourires onctueux, les regards en coin. Le spectateur se sent aspiré, pris à partie. Il ressort de la pièce aussi épuisé que les comédiens.
Et j'ai repensé à l'affaire des caricatures. Le livre de J.Favret-Saada montre quelques beaux tartuffes, de l'espèce la plus dangereuse...

Le spectacle se joue encore (voir sur le site web) – si vous n'êtes pas trop loin de la romandie, profitez-en, cette troupe, engagée et exigeante, mérite d'être connue !

Voir aussi :
Ma chronique de l'excellent Peer Gynt, des mêmes artpenteurs (qu'ils jouent encore, voir sur leur site. Photos ici).

Sire,
Le devoir de la comédie étant de corriger les hommes en les divertissant, j'ai cru que, dans l'emploi ou je me trouve, je n'avais rien de mieux à faire que d'attaquer par des peintures ridicules les vices de mon siècle; et, comme l'hypocrisie, sans doute, en est un des plus en usage, des plus incommodes et des plus dangereux, j'avais eu, Sire, la pensée que je ne rendrais pas un petit service à tous les honnêtes gens de votre royaume, si je faisais une comédie qui décriât les hypocrites, et mît en vue, comme il faut, toutes les grimaces étudiées de ces gens de bien à outrance, toutes les friponneries couvertes de ces faux-monnayeurs en dévotion, qui veulent attraper les hommes avec un zèle contrefait et une charité sophistique.

13 septembre 2009

Le codex du Sinaï – Eward Whittemore

Je crois avoir dit quelque part tout le mal que je pensais des séries pleines de tomes compliqués et de personnages dont il faut se souvenir. Mettons que je fais une exception pour Whittemore. Et d'abord, ce n'est pas de la fantasy.
Dans ce livre, on trouvera :
– un noble anglais du 19ème siècle sourd et fabuleux bretteur fondateur d'une théorie scientifique d'une ampleur égale à celle de Darwin et de Freud (mais malheureusement interdite de publication)
– un authentique faux de la Bible, qui n'est autre que la Bible que nous connaissons.
– un ermite albanais qui parle avec une taupe.
– un arabe immortel (? en tous cas il a vécu de -2200 à 1933, au moins) coiffé d'un vieux casque de croisé.
– un ancien héros irlandais de la lutte contre les black and tans, trente-troisième fils d'un septième fils d'un septième fils des îles d'Aran.
– de purs moments d'absurde, de purs moments de poésie, de purs moment de délire furieux et d'humour et une plongée dans un cauchemar de massacres, de sang et de mort qui m'a laissé blême.
Tout ce que je viens de dire peut laisser penser que ce livre est du grand n'importe quoi. Mais un fil rouge relie toutes ces curieux personnages... Un rêve de Jérusalem et du Moyen-Orient, de ces royaumes et de ces guerres et de ces peuples rêvant à leurs livres sacrés, aux prophètes juifs, aux évangiles, au Coran, aux mille et une nuits. Le tout écrit avec un style aux voix multiples, glissant en quelques pas du bouffon au tragique...
C'est très beau, c'est très bon, c'est merveilleux. On est dans une pure fiction, un pur jeu littéraire, qui donne à voir la vérité du monde.

Je lirai le tome II.

"Défendre Jérusalem, c'est toujours se ranger du côté des perdants"

InStallation - théâtre de Vidy


Son titre est sans doute l'élément le moins intéressant de ce spectacle. Sous un chapiteau noir auquel quelques lustres sont suspendus, quatre artistes, un dresseur et trois musiciens, dans une belle complicité, offrent un spectacle de cirque élégant et poétique. Cecci et moi étions assis très serré, les gradins étaient bondés, comme chez Bartabas. Mais contrairement à ce que nous avions vu chez Zingaro, ici, le spectacle valait le coup.
Reprenant de nombreux éléments du cirque classique (jeux de corde, chevaux dressés, courses clownesques, jonglerie, funambulisme) la troupe rompt la logique des numéros et de la division des rôles : tous, plus ou moins, s'engagent sur la piste, jouent avec les animaux, montent à la corde... Et si on devine que chacun a son point fort, on constate aussi la polyvalence des artistes et leur joie à présenter ensemble leurs numéros. La musique est superbe, elle enveloppe les morceaux, crée le lien, le rythme, le suspense... Au piano, au mélodica, à la guitare électrique, à la harpe à tonnerre... Les sons sont étonnants.
Si elle existait, j'aurais bien acheté la B.O du show...


Malgré des éléments plus ou moins réussis (je ne suis pas grand amateur des numéros de diabolo en général, même les leur sont plein d'idées), ce spectacle offre de nombreuses images très poétiques, de danses, de scènes, de moments tendres ou incongrus.
Pour la première fois, du crique moderne nous a convaincus – et nous revenons de loin !

08 septembre 2009

L’enfance attribuée – David Marusek

Marusek

La librairie BD située en haut de la rue du Petit-Chêne, à Lausanne, mettait en vente à prix réduits un vieux stocks de livres de SF de bonne qualité, dont quelques publications du Bélial, petit éditeur tout à fait recommandable. J'en ai profité pour me procurer des titres intéressants.

L'enfance attribuée est un récit court, de science-fiction génétiquement pure, comme dirait Gilles D.. Sam, un artiste à la mode, aime Eleanor, politicienne en devenir, et on leur annonce qu'ils ont droit à un enfant. Mais voilà... On est vers la fin du XXIème siècle, Sam a 147 ans, Eleanor un peu plus. Ils sont tous les deux shootés aux nano-trucs et subissent régulièrement des cures de jouvence. Ils sont aidés par des assistants virtuels dotés d'une personnalité, qui les dépannent dans toutes les occasions de la vie – Henry, pour Sam, et toute une armada pour Eleanor. Ils sont servis par des clones – dont on ne sait pas trop si ce sont des sortes de robots ou un véritable sous-prolétariat. Ils vivent sous dôme. Leur existence sociale se fait aux quatre coins du monde en même temps. Ils craignent toutes sortes de pestes génétiques, mais heureusement les nano-protections de leur peau leur assurent d'éviter la contamination. Et ces deux hédonistes sont tous deux obsédés par leur carrière.

Alors, faire partie des quelques milliers d'élus à qui, chaque année, on autorise un bébé (visiblement, la procréation naturelle est interdite depuis quelque temps), c'est une responsabilité.

L'intrigue est étrange, assez simple, et elle ne mène pas là où on l'attend – l'auteur nous présente la vie de Sam et, par son intermédiaire, celle d'Eleanor, puis la brutale transformation de l'existence de l'artiste, qui n'est pas la naissance de son enfant, mais plutôt sa re-naissance à lui, sa prise de conscience de sa vie imbécile de jouisseur pseudo–immortel.

Malgré un point de vue un peu bizarre, l'auteur arrive à nous faire toucher ce monde étrange et proche. Le livre date de 1995, mais il arrive tout à fait à faire sentir ce que peut être l'extrapolation d'une vie connectée, d'une sociabilité mondiale. Si Facebook existait encore, Eleanor y aurait soixante millions d'amis (sans doute plus, en fait). Quelques pages contiennent des visions saisissantes : Sam observant les réunions de sa femme avec les grands de ce monde où se mêlent dans la même pièce des bureaux de tous les coins de la planète, ou bien son retour à la maison après son accident, ou le récit de son mariage – sur fond bleu, où le nombre d'invités est si grand que le système holographique est obligé de les empiler par cinq ou six au même lieu (et dans la cathédrale, tout le monde est assis au premier rang). Le rôle des assistants est également très bien vu, personnalité d'appoint, confident, chose, esclave, sauvegarde de sa propre existence. L'auteur mêle pour ses personnages vie virtuelle et vie en réseau comme si cela n'était qu'une seule et même chose, et il a raison.

Ce qui fait la qualité d'une bonne science-fiction, à mon goût, c'est de saisir une vérité sous-jacente à notre époque et de la présenter en nous émerveillant/en nous horrifiant (ce qui est le même sentiment). A cette aune, l'enfance attribuée est une grande réussite.

J’en profite pour recommander une librairie online spécialisée dans la SF, qui vend ce livre à vil prix par correspondance et qui est tenue par un homme sympathique.

Allez-voir ici : Librairie Ys

03 septembre 2009

Inglourious Basterds – Quentin Tarentino

basterds

Notre deuxième sortie cinéma de l’année (quelle folie !) a été un succès elle aussi. Inglourious Basterds est un film vraiment cool, un des meilleurs de Tarentino, et des tas de gens vous expliqueront cela mieux que moi. (par exemple, ici).

Ce qui me fascine, dans ce film, c’est sa capacité à raconter une histoire forte, au premier degré – histoire de vengeance et aventures en France occupée de ces fameux Basterds, avec des personnages très bien campés, tout en étant un collage et un jeu permanent de références (jusqu’au générique qui emprunte trois lettrages différents !).

Le film multiplie les registres, suspense, horreur, humour…, joue sur tous les degrés tout en croyant profondément à son récit.

Tarentino aime le cinéma, il aime en voir, il aime en faire, et il nous le fait aimer.

(et la scène d’ouverture du chapitre V prouve encore une fois QT est le roi pour poser des images sur une musique…)

basterds2

Jeu fantasy française - la fin !

Avec un retard de lapin blanc subsonique, je mets enfin ce blog à jour pour proclamer haut et fort le résultat de notre grand concours de l'été. Le suspense aura été assez bref vu que les scores sont affichés depuis un moment, mais je me fais une joie de répéter ici le nom des vainqueurs, qu'il soit auréolé à jamais d'une couronne de gloire, que les anges chantent leur nom en tout temps :

attention, roulements de tambour, trompettes et tout le tralala... Voici que s'avance le premier connaisseur en fantasy française pré 1990 !
Ice Hellion !
A deux pas derrière lui,
Yes 42 !
Et fermant de tout près le trio de tête,
Claire !
Tableau des scores



Bravo à tous les participants qui ont élucidé mes petites énigmes pleines de mauvaise foi.
J'invite les trois gagnants à me contacter en privé (lk2012+jff@gmail.com) pour pouvoir choisir leur prix extrait de ma bibliothèque (et non pas de la liste des livres à deviner)

Voici maintenant un bref commentaire sur les titres proposés à votre sagacité :

Question 1 : Salammbo. J'ai déjà dit ici, ainsi que dans une petite notule consacrée à Mâtho dans les nombreuses vies de Conan (moutons électriques), combien ce roman est proche d'une fantasy à la Guy Gavriel Kay, sous ses atours de roman historique fréquentable.


Question 2 : le roi des Aulnes, de Michel Tournier. Là aussi, sous le réalisme apparent on est en pleine magie, si l'on accepte la vision du monde du héros. Un ogre transmué en Saint Christophe, le fleuve de l'histoire qui se détourne pour l'aider à s'accomplir, une chaumière dans une noire forêt, un château fort entouré d'arbres noirs, et un élan du canada perdu dans la plaine de Poméranie... Le monde du rêve pénètre l'histoire et la transfigure.



Question 3 : Chronique fidèle des événements survenus au siècle dernier dans la Principauté de Wasquelham comprenant des révélations sur l'étrange pouvoir d'une certaine Rosa qui faisait à son insu le bonheur des plus malheureux des hommes. Roman merveilleux dont j'ai déjà dit du bien ici. C'est un bijou, et là aussi la réponse aux énigmes est dans les rêves les plus fous.

Question 4 : Un classique, l'enchanteur, de Barjavel, une très jolie revisitation de la geste arthurienne. C'est drôle et sans doute aussi juste de ton et de propos que certaines pompeuses arthureries pleine de tomes plein de pages (oui, j'aime les livres courts !)




Question 5 : Sept cavaliers quittèrent la ville au crépuscule par la porte de l'Ouest qui n'était plus gardée , de Jean Raspail. Là aussi un bijou étrange, situé je crois dans le même univers imaginaire que certain fameux roman de Julien Gracq (univers auquel on pourrait rattacher les textes de Maurice Pons). Une quête, des chevaliers, des phénomènes étranges et un royaume qui n'existe pas.



Question 6 : retour de Maurice Pons avec son chef d'œuvre, les saisons. Oui, en six questions je mets deux fois le même auteur... Et alors ? Il faut lire Maurice Pons, un homme qui aime écrire des livres courts. Le novelliste, chez lui, est presque aussi bon que le romancier, et ses rééditions au dilettante sont de petits bijoux. Vous cherchez un cadeau littétaire à offrir pour séduire votre belle ? (ou votre beau) ? Offez du Pons !



Petit bilan plus personnel, ce concours a, du temps de sa durée, triplé la fréquentation de ce blog ! Il est donc temps que je me repose et que je retrouve mon rythme d'une notule confidentielle par mois...

06 août 2009

Question 6 - jeu fantasy française

Et voici la dernière question. Je laisse le jeu ouvert jusqu'à lundi 17 août, je donnerai les réponses cette semaine là, vous pourrez me faire remarquer que j'ai un peu tiré sur la notion de fantasy (mais elle est élastique, non ?), que j'ai abusé dans mes choix et que mes résumés étaient tendancieux. Vous aurez raison. Nous procéderons aussi cette semaine là à la remise des prix, tous extraits de ma bibliothèque surchargée.
Bravo aux rapides qui ont trouvé la réponse à la question 5!

Présentation
Cette dernière question est, je pense, la plus dure. Ce roman est un mystère, un secret d'initiés que l'on se passe sous le manteau depuis quarante ans. Je ne l'ai lu qu'une fois, en une nuit, le cœur noué par l'angoisse, alors que pour d'autres il s'agit d'un texte extrêmement drôle. J'ai eu la joie et séjourner et de travailler dans la pièce voisine de celle où l'auteur travaille (parfois – il est à la retraite).

Résumé
Un village de montagne, dans une vallée tellement perdue qu'on se demande comment quelqu'un peut connaître son existence. Un climat exécrable, des hivers interminables (vraiment. Combien durent-ils? Quarante semaines ? Quarante mois ?). Quand il ne pleut pas, il neige ou il gèle. Les habitants sont des brutes ivrognes et imbéciles, qui ne se nourrissent que de lentilles et se retrouvent dans la taverne pour boire de l'alcool de lentilles... L'hiver, il fait si froid qu'on se colle des petits animaux contre le ventre pour tenir le coup.
Un pauvre homme arrive, un écrivain au cœur noble et aux grandes ambitions, qui fuit on ne sait quel cauchemar, on ne sait quel totalitarisme et espère trouver ici les conditions propres à la naissance de son œuvre. Il ne possède rien, sinon une rame de beau papier blanc.
Et il a un ongle du gros orteil fendu.
On aura dans ce roman de rêve et de cauchemar le récit de sa confrontation avec le village, avec ses souffrances et ses incompréhensions... Jusqu'au grand voyage du peuple entier vers l'au-delà des montagnes...


Rappelez-vous que les indices généraux s'appliquent à ce roman, comme aux autres. Il n'a pas été publié dans une collection de genre.
En raison d'un départ en vacances, je vais publier les indices sur d'autres pages. Lisez-les dans l'ordre (les indices). Quand vous postez votre réponse, donnez-moi le nombre d'indices que vous avez lus (je vous fais confiance).

Indice 1, ici.

Indice 2, ici.

Indice 3, ici.


Quel est le titre de ce roman ?

Des indices pour les questions 1 à 4 pourront toujours être fournis sur demande à l'adresse:
lk2012+jff@gmail.com (temps de réponse aléatoire)
Scores et règles peuvent être vus/revus ici.

Laissez vos réponses dans les commentaires, pour voir vos points comptabilisés !


Question 5 - jeu fantasy française

Je plaide coupable, un débordement d'activités (c'est l'été) m'a tenu éloigné du JFF. Afin de mener cette petite expérience à sa conclusion, je vais publier aujourd'hui et demain les deux dernières questions.

La question 5, pas évidente, va parler du livre pour lequel j'ai eu envie de faire ce jeu. Un livre un peu curieux, qui aurait pu trouver sa place dans la cartographie du merveilleux d'André-François Ruaud, mais qui a le défaut de ne pas avoir été reconnu pour ce qu'il était, une œuvre de l'ImagInaire, comme dirait la (parfois drôle) Ligue Deu.

Présentation :
Un pays, dans l'est de l'Europe, au dix-neuvième siècle... Un royaume un peu austro-hongrois, un peu ukrainien, un peu on ne sait pas trop. On y trouve un souverain, au titre sonnant bon les vieilles dynasties, des fiers cavaliers, de vieux châteaux forts, une cathédrale...
Le souverain est presque seul dans son palais. Le gens sont partis. Le peuple, les prêtre, les soldats, tout le monde a disparu. Il s'est passé quelque chose, une crise, une panique, une explosion de violence... On ne sait pas vraiment. Resté maître d'un royaume absurde, désert, le souverain envoie en quête sept hommes, sept soldats nobles et fidèles, pour comprendre ce qui s'est passé, retrouver le peuple disparu. Quittant la ville par la porte de l'Ouest, dont les gardes sont partis, ces hommes vont traverser un pays crépusculaire, ravagé, rencontrer des survivants isolés, mettre à l'épreuve l'amitié, l'amour, la pureté. Pour comprendre, peut-être ? Pour ne jamais revenir, sans doute...

Rappelez-vous que les indices généraux s'appliquent à ce roman, comme aux autres. Il n'a pas été publié dans une collection de genre.
En raison d'un départ en vacances, je vais publier les indices sur d'autres pages. Lisez-les dans l'ordre (les indices). Quand vous postez votre réponse, donnez-moi le nombre d'indices que vous avez lus (je vous fais confiance).

Indice 1, ici.

Indice 2, ici.

Indice 3, ici.


Quel est le titre de ce roman ?

Des indices pour les questions 1 à 4 pourront toujours être fournis sur demande à l'adresse:
lk2012+jff@gmail.com (temps de réponse aléatoire)
Scores et règles peuvent être vus/revus ici.

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27 juillet 2009

Question 4 - jeu fantasy française

Et nous voic déjà à la question 4...
Après une question 3 ardue, mais dont trois lecteurs cultivés, habiles et débrouillards ont trouvé la réponse, nous revoici face à une question facile. Ouf. Parce que la 5 et la 6 ne vont pas être marrantes, croyez-moi.
Scores et règles peuvent être vus/revus ici.

Présentation
Ce roman est un véritable classique moderne : le héros est en un jeune sorcier (en tous cas, il a l'air jeune) doté de pouvoirs importants de part sa naissance, pouvoirs mis au service de la bonne cause, de ses amis et de l'amour. On y retrouve aussi d'autres ingrédients qui seraient approuvés par Bob, l'éditeur des stars : une quête interminable, de nombreux chapitres, des aventures, des royaumes fantastiques (un château sous l'eau, notamment, si mes souvenirs ne me trahissent pas). Bob reprochera toutefois au roman de n'être qu'un one shot, alors qu'on avait matière à de nombreux tomes... De plus, l'auteur se permet de sortir de la fantasy bien balisée en plaçant dans son histoire de nombreux anachronismes et détours par le 20ème siècle. Enfin, ce qui rendra Bob méfiant (les questions de droit le préoccuppent), certains prétendraient que ce joli roman n'est qu'un remake...

Quel est le titre de ce roman ?

Des indices pour les questions 1 à 4 pourront être fournis sur demande à l'adresse:
lk2012+jff@gmail.com

Laissez vos réponses dans les commentaires, pour voir vos points comptabilisés !

24 juillet 2009

Le voleur de bicyclette - Vittorio De Sica



Pour changer un peu de la fantasy française pré-90...

Ce troisième film de nos séances ciné-club faisait partie de ces classiques qu'on aimerait bien avoir vus mais qu'on se dit toujours qu'on regardera plus tard : une histoire italienne, néo-réaliste, en noir et blanc, d'un ouvrier au chômage qui s'est fait voler son vélo, on trouve parfois plus motivant, comme sujet... Nous avions entendu parler du film par les allusions nombreuses et très drôles qui y sont faites dans le très beau film d'Ettore Scola, C'eravamo tanto amati, dans lequel le voleur de bicyclette fait partie des références du personnage du professeur communiste cinéphile.



Après visionnage, on comprend pourquoi le film est un classique : une histoire simple, limite une fable, une forme parfaite : beau noir et blanc, acteurs sobres et justes, narration impeccable. Peu d'effets, beaucoup de suggestions, beaucoup de talent. Certes, ce n'est pas très rigolo... Mais le film offre un beau portrait de la ville de Rome en 1948. La quête de l'ouvrier Ricci à la poursuite de son vélo nous fera passer par les marchés aux puces du petit matin (où les voleurs refourguent leurs marchandises), les ateliers municipaux, les banlieues, restaurants, églises, petites rues populaires, stades de foot... On y voir toute la sociabilité de l'époque, les combines, les flics sévères et incompétents, les communistes, les dames de paroisse. Le film a été tourné dans les rues de Rome, avec des acteurs non-professionnels.


Loin d'être le pamphlet communiste univoque que j'imaginais, le film de De Sica offre plusieurs niveaux de lecture, grâce notamment à l'interprétation de Lamberto Maggiorani qui fait de ce chômeur ma lheureux un héros de bronze à l'antique, le protagoniste d'une tragédie morale.
Et je sais pourquoi le petit garçon pleure à la fin.



la scène du concours, dans C'eravamo tanto amati. La question à laquelle doit répondre Nicolà (le barbu) est : "pourquoi le petit garçon pleure-t-il, dans le le voleur de bicyclette?"

23 juillet 2009

Question 3 - jeu fantasy française

J'augmente (un peu) la difficulté...
Bravo à ceux qui ont répondu aux questions 1 et 2. Je rappelle que ces dernières restent ouvertes, même si elles "rapportent" moins maintenant...
Scores et règles peuvent être vus/revus ici.

Résumé :
Quelque part à la frontière est de la France, au XIXème siècle, se trouve un petit pays entièrement régi par la chose militaire, un vrai royaume de soldats de plombs. La population n'aime rien tant que le défilé de ses chers soldats et chaque garçon rêve de faire carrière dans la noble institution.
Le pays vit ainsi, dans une paix vigilante face à ses voisins et potentiels ennemis...
Survient un drame étrange. Des soldats disparaissent, sans laisser aucune trace. Des déserteurs ? Impossible ! Des espions ? Comment le croire ? Mais qui ? Quoi ? Comment ?
L'enquête impliquera des officiers scrupuleux, un poète hugolien et une belle femme brune aux troublants appâts... Et l'explication du mystère défiera toute raison.
En bref, un roman d'une fantasy humoristique, délicate, poétique et élégante.

Quel est le titre de ce roman ?

Des indices pour les questions 1 à 3 pourront être fournis sur demande à l'adresse:
lk2012+jff@gmail.com

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21 juillet 2009

Question 2 - jeu fantasy française

Jeu fantasy française
question 2

la question 2 arrive vite, les suivantes viendront un peu plus tard. Je rappelle que les propositions de réponses doivent être laissées dans les commentaires sous les billets.

Résumé
Ce roman aux multiples niveaux symboliques met en scène un homme malheureux dans son époque (les années 1930), car notre héros n'est rien d'autre que la réincarnation d'une créature mythique très ancienne, dont les goûts en matière de chair fraîche sont mal acceptés dans la province française...
Heureusement, notre héros dispose de la plus étrange des facultés : celle de tordre l'Histoire, afin que les évènements (impactant tout le monde) lui permettent d'accomplir sa propre destinée. Ainsi, le fleuve de fer, de folie et de feu de la deuxième guerre mondiale lui permettra de reprendre sa place... Celle de cet homme à la silhouette immense, montant un grand cheval noir, enveloppée d'un grand manteau, parcourant les plaines brumeuses et les forêts, entrant dans les villages et emmenant sans un mot les petits enfants...

Quel est le titre de ce roman ?

Des indices pour les questions 1 & 2 pourront être fournis sur demande à l'adresse:
lk2012+jff@gmail.com

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20 juillet 2009

Question 1 - Jeu fantasy française

Jeu Fantasy Française (JFF)
Question 1

Et donc, voici la première question de notre jeu, que je qualifierai de "facile".
Voir ici la présentation et les règles du jeu.

Résumé
Dans ce roman au style puissant, un petit voleur et un grand barbare, anciens mercenaires, prennent la tête d'une armée de pillards menaçant une cité puissante et décadente. Ils accomplissent nombre d'exploits, allant jusqu'à dérober lors d'une expédition épique le voile sacré de la déesse protégeant la cité... Le barbare, ultime exploit, séduira la fille de son pire ennemi, une princesse noble, sensuelle et peu vêtue. Mais les civilisés sont retors, et à force de ruses et de batailles (aussi bien racontées que par Robert Howard), ils épuisent l'armée de nos héros, ces derniers étant tout autant confrontés au fracas des armes qu'aux affres de la passion.
Le roman se termine dans une apothéose sanglante et crépusculaire, dans une extraordinaire scène de sacrifices humains.
Pour ajouter à sa séduction, ce roman est un one-shot (mais contient assez de matière pour remplir une trilogie, selon moi...)

Donnez vos réponses dans les commentaires !

Jeu de l'été - fantasy francaise


fantasy...

...française

Afin de se mettre au diapason des média de vacances, ce blog vous propose, dans les jours et les semaines à venir, un petit jeu de l'été.
Il s'agit de deviner, à partir d'un résumé un peu orienté, le titre et l'auteur de grands romans de fantasy française, tous publiés avant la naissance des éditions Mnémos, évènement souvent considéré comme une (re)naissance du genre en France. Le but avoué est naturellement de permettre de découvrir ces romans.
Le jeu comprendra une demi-douzaine de questions, selon mon inspiration...
Utilisez les commentaires pour donner vos réponses. Ces derniers seront modérés a priori et ceux qui contiennent la réponse juste ne seront publiés qu'à la fin du concours. Je pourrai donner des indices, sur demande et si nécessaire.
Le gagnant/la gagnante (désigné par mes soins) recevra un livre en cadeau de ma part. Peut-être même que je publierai sa photo sur le blog, tiens !

Indices généraux:
  • tous les romans utilisés pour le jeu ont été écrits avant 1990.
  • Ils ont été publiés dans des collections de littérature générale
  • Ils ont reçu un bon (voire très bon) accueil critique
  • Certains se sont même très bien vendus (ce qui n'est pas tout à fait normal pour de la fantasy française)
  • Ils pourraient de nos jours être publiés dans la collection Lunes d'Encres (quoi que je ne sois pas sûr que Gilles Dumay les aime tous....) voire même chez Bragelonne pour certains d'entre eux.
  • aucun des romans utilisés pour le jeu n'a été maltraité, ni soumis à des traitements dégradants.
Index des questions (sera mis à jour progressivement)
Etre le premier à donner la réponse juste à une question rapporte 7 points.
Répondre juste dans la première journée après publication donne 5 points.
4 points le jour suivant.
3 points ensuite.
Chaque indice envoyé baisse le score de un point.

Tableau des scores





17 juillet 2009

Metagaming


Pour ceux qui aiment la littérature de l'auteur de Nid de Coucou,
vous trouverez des morceaux de douleur et d'angoisses ici.


Freaks - Tod Browning


Un peu à reculons, incité par Cecci, j'ai projeté la semaine dernière ce classique des années 30. J'avoue que j'appréhendais un peu de regarder ce film très célèbre, tourné avec toutes sortes de monstres de cirque authentiques : nains, siamoises, microcéphales, homme-tronc, femme à barbe... Les déformations et mutilations font partie de mes cauchemars personnels et il y a toujours un cirque de monstre qui rode dans mes bas-fonds les plus ténébreux. Je n'avais pas tellement envie d'y être confronté directement.
L'histoire est très simple : mépris et et trahison : une belle blonde sans scrupule, après avoir tenté d'arnaquer méchamment un nain élégant, finira cernée sous la pluie par une bande de mafieux minuscules armés de couteaux... Non sans être passée par le plus horrible des repas de noces. (horrible pour qui, c'est à voir...)
Le film montre surtout une suite de saynettes de la vie du cirque, différentes situations comiques ou absurdes liées aux difformités de protagonistes - les siamoises épousant toutes deux des hommes différents, l'homme tronc allumant une cigarette...



Malgré tout ce que l'idée de ce film peut avoir d'effrayant et de racoleur, Freaks est un beau moment. L'image est magnifique et les monstres sont filmés avec une grande tendresse. j'ai eu l'impression que le film posait un regard très intéressant sur les corps : corps des freaks, corps des artistes de cirque, hercule, clown, acrobate... Même le corps des "normaux" m'a paru soudain étrange et singulier, attirant et repoussant, donnant un sentiment très fort de fraternité entre tous ces humains, tous bizarres à leur façon.
Freaks nous offre à voir le monde en vérité, beau et bizarre. Ce n'est pas rien.

Labyrinthe - Jim Henson

Nous avons inauguré hier soir les séances ciné-club LK2@Home en projetant Labyrinthe, de Jim Henson.
Je n'avais jamais vu ce film, sorti en 1986, mais je savais qu'il s'agissait d'un des rares classiques du cinéma de fantasy anté Seigneur des Anneaux (après, ça les mondes imaginaires se sont répandus comme la peste sur le petit écran...).
L'histoire : une jeune fille, lasse de garder son petit frère tous les week-ends, en vient à souhaiter que les gobelins (curieusement traduits par « lutins ») en viennent à emmener le bébé. Malheureusement, le roi des gobelins l'entend et répond à son souhait. Comme c'est une baby sitter avec un peu de conscience professionnelle, elle entend le récupérer et part dans le monde des gobelins, devant traverser le labyrinthe qui mène jusqu'au château avant que le roi ne transforme le bout de chou en gobelin à son tour...



Le film a beaucoup vieilli, les musiques au synthé, les chansons, la coiffure de David Bowie (= le roi) sont assez éprouvants pour le bon goût. Mais les effets spéciaux « à l'ancienne », les marionnettes de Jim Henson, les images de Brian Froud, les décors peints, les ambiances sont très jolies. Le film a quelques beaux moments poétiques, notamment la chute de Sarah dans le puits des mains ou des centaines de mains lui parlent en formant des visages....
Derrière un propos pas dissimulé (le film est une métaphore du passage à l'âge adulte – ça nous a fait penser à l'ami Alex), le scénario n'est pas idiot. Les personnages, notamment, sont tous ambivalents. Jareth, bien évidemment, à la fois hostile, attirant et généreux. Hoggle, couard, solitaire et amical. Juno, le très beau monstre,malgré ses protestations de sympathie a quand même quelque chose de flippant, etc, etc. Il n'y a ni méchant, ni gentil et la grande question que Sarah affronte est celle de la confiance : elle apprend à aimer ses compagnons même s'ils la déçoivent et la trahissent. De ce point de vue là, toutes les créatures sont réussies : elles ont chacune leur personnalité et leur charme (et c'est un homme totalement insensible à toutes les fééries qui vous dit cela...)
J'imagine toutefois que ce film a d'autant plus de charme qu'on l'a vu étant jeune. Après, la suspension of disbelief a plus de mal à passer.


PS : Les jeunes parents que nous sommes auront constaté que Sarah est une baby sitter qui s'énerve un peu vite, que le bout de chou a l'air plus heureux chez les gobs qu'à la maison et que pas une fois en treize heures de quête, Jareth (qui en a la garde) ne change ses langes. C'est la fantasy qui veut ça...

06 juillet 2009

Mucha au musée Fabre


Le musée Fabre (dont nous n'avons toujours pas eu le temps de voir les collections permanente) offre une belle exposition un peu à la façon des expos du Louvre sur le célèbre peintre/dessinateur tchèque Alphonse Mucha.

Tout le monde connaît Mucha. Son trait est presque un cliché de la Belle Epoque, de ces publicités charmantes pour des champagnes, des voyages ou des biscuits.


L'homme est sympathique et consensuel. Son travail est joli. Beauté du trait (qui préfigure la ligne claire, en BD), douceur et émotion des couleurs, élégance des modèles. Chez Mucha, les femmes sont toujours belles (et curieusement, même quand elles sont nues, jamais érotiques). Nous avons pu observer combien il avait influencé le dessin des Cités Obscures, ou la peinture d'Alex Alice...

L'exposition nous a permis de voir un peu au delà de l'image de l'artiste très consensuel (et que j'aime beaucoup), grâce à deux points intéressant.
En premier, sa rencontre avec Sarah Bernhardt qui l'amène à certaines de ses oeuvres les plus étonnantes, les extraordinaires affiches de théâtre mettant en scène "la Divine". Mucha y a trouvé un sujet où s'exprime tout son génie, et Sarah Bernhardt un merveilleux publicitaire.




Deuxième point : l'épopée slave. Vers les années 1910, Mucha, très célèbre, se remet en questions et avec l'aide d'un mécène, se lance dans une grande oeuvre monumentale : vingt tableaux géants (600 x 800 pour les plus grands !) à la gloire du peuple slave. Le talent de Mucha est à son aopgée, la technique est parfaite, les couleurs sont magnifiques... et l'oeuvre est ratée. Mucha s'est retrouvé écrasé par son sujet, qu'il traite avec un infini sérieux, lui qui est si doué pour la légèreté. L'exposition montre à la fois un des tableaux les plus réussis (le Mont Athos, avec de belles lumières mystiques) et un énorme pudding pompeux, le finale de la série, l'apothéose des slaves.


Les deux tableaux de l'épopée slave vus à Montpellier. Image (c) lemonde.fr

Nous avons trouvé très touchant de voir cet "échec", où l'artiste se révèle beaucoup, avec son talent et ses faiblesses. Ces grandes images pleine de souffle national, déjà dépassées pourtant au moment de leur finition, montrent l'ancrage de l'artiste dans la Belle Epoque, illustrant que le talent tient aussi à la rencontre d'un homme et d'un moment.

22 juin 2009

Notre dame aux écailles - Mélanie Fazi

Voici un petit livre, douze nouvelles courtes, douze histoires de musique, de rites, de mort. Mélanie Fazi a une écriture délicate, très fine, apte à donner au lecteur une vision du monde un peu décalée, celle des paumés et paumées qui peuplent et vivent ses textes. C'est agréable de lire un auteur chez qui chaque phrase, chaque mot à se place, qui ne cherche pas à dire ce que chacun sait mais à faire surgir du monde ce que nous n'en voyons pas.
Parmi ces textes, pour donner envie au lecteur de ce blog, je dirai qu'on trouve une visite bien malsaine de Venise, une chanson rock qui tourne en boucle, un train de nuit transportant ceux qui veulent fuir la vie sans aller jusqu'à la mort, des vacances en Espagne dont on ne revient pas, des statues dans un jardin gothique, une curieuse poupée vaudou, une villa où les habitants se fondent dans les murs, une fin de grossesse difficile dans le vieux Sud des Etats-Unis, une femme qui tente d'arracher son homme à la mer et qui vit d'étranges surprises.
Malgré les différents thèmes abordé, le recueil a sa cohérence, les textes sont les chansons d'un disque que Mélanie fredonne sans doute à l'orée du sommeil. Ce ne sont pas des histoires d'horreur, cherchant l'épate et le choc. Si on y trouve du fantastique, c'est parce que les déviances de la réalité sont sans doute le seul moyen d'aborder certains sentiments. Les héroïnes de ces textes sont des créatures mal sorties de l'enfance, qui traînent leurs blessures et leur incapacité d'y faire fasse. Beaucoup de ces personnages sont lâches, préférant pleurer et fuir que d'affronter leurs monstres – mais les monstres les rattrapent le plus souvent (le train de nuit, la danse au bord du fleuve). Parfois, comme dans la vie, le choc aide à faire face, à réapprendre à faire face au monde ( fantômes d'épingles, le train de nuit, encore). Les images fantastiques sont des clefs permettant de remonter à sa propre nature (cinq soirs du lion, en forme de dragon, notre dame aux écailles), à comprendre celui/celle que l'on est vraiment.
Je parle de « textes » en évoquant les nouvelles de ce recueil : comme dans Serpentine, plusieurs d'entre eux ne sont pas des histoires à proprement parler, mais des introspections, des méditations sur la situation étrange d'un personnage. Des instants suspendus plutôt que des chemins parcourus. Les personnages de Mélanie Fazi sont saisis le plus souvent à un tournant de leur vie, à un moment où l'ont peut penser, méditer, rêver, se perdre avant de mourir – le train de nuit de la nouvelle homonyme en est une belle image (la nouvelle le noeud cajun est aussi la fuite d'un personnage dans un instant suspendu, de leur d'affronter une vérité refusée).
Ce sont pourtant les nouvelles offrant une narration (une histoire) qui sont pour moi les meilleures. La danse au bord du fleuve, noces d'écume, les fantômes d'épingles, la cité travestie. J'aime moins son hommage à la nouvelle Orléans (Mardis Gras), dont le style cadre mal avec le propos. Mais c'est bien là ma seule réserve.
Parmi les nombreux talents de l'auteure, j'ajouterai qu'elle sait parler de musique, donner à entendre chansons et mélodies dans ses textes. Ceux qui suivent son blog ne seront pas surpris, la musique et la passion pour la musique y occupent une grande place. Elle nous donne à entendre, dans le silence des textes, les chansons rock ou les danses espagnoles, sans citer de paroles et dans battre des mains. Parce que, tout autant qu'à la musique, elle s'intéresse à ce que la musique nous fait, à la façon dont une chanson peut nous travailler, nous obséder, nous soutenir dans nos déprimes – ou nous y enfoncer.
Douze nouvelles, douze ambiances, douze parfums, dans un petit livre beau comme un coffret. Ne vous en privez pas !

21 juin 2009

L'icône - Gary Van Haas




Un ami proche (appelons-le Mitch), écrivain, a eu l'occasion de discuter littérature avec Bob, le fameux éditeur. Pour être exact, Bob entendait donner à Mitch des conseils bien sentis concernant la rédaction de romans à succès. Quand Mitch arrive dans le bureau de Bob, il voit un livre posé bien en vue.
« L'Icône » (The Ikon), roman de Gary Van Haas, publié aux éditions First, collection Thriller. Apparemment, Bob veut s'en servir comme exempla pour sa discussion.
Je leur laisse la parole.

– Bon, mon petit Mitch, il y a dans ces 359 pages toutes les leçons dont tu as besoin pour sortir de ton ornière littéraire, tes bouquins de fantasy expérimentaux avec des fleurs que personne ne lit.
– Je n'écris pas de...
– Sssht. Première leçon, le petit Gary sait planter un héros. Un baraqué, beau gosse, quarante ans bien conservés, la classe. Californien. Artiste. Musclé. Avec des cheveux longs « signes de son passé rebelle ». Il peut être joué par Brad Pitt avec des cheveux longs. Ou Russel Crowe avec des cheveux longs.
– Heu... Le 4 de couv dit que c'est Pierce Brosnan, qui va le jouer.
– OK. Pierce Brosnan avec des cheveux longs. Ensuite, on raffine le héros avec des petites touches super cool. Il se bat à l'épée... Ça fournit une belle scène d'ouverture et une baston finale. Ensuite, il est peintre.
– Mais c'est super dur d'avoir un héros peintre. Je connais rien à la peinture, moi.
– On s'en fout, Gary non plus n'y connait rien. Tu asperges de noms de peintres connus, Goya, Titien, tout ça. Et quand le héros peint pour un moment clef de l'intrigue, tu fais comme lui. Dix lignes, pas plus. Il plonge son pinceau dans la couleur, et tout et tout, et à la fin « il se sentait comme s'il avait fait l'amour à la plus belle des femmes. Son oeuvre était parfaite ».
– Mais c'est n'imp...
– Ssht. Enfin, accroche toi, notre héros est un ancien prêtre.
– Ah, cool. On le voit prier ? On parle de sa foi ?
– Oh la non, faut pas s'embêter avec ça. Ancien prêtre, ça servira dans l'intrigue, pour dire que la religion est mauvaise et qu'il s'est fait violer par un curé pédophile quand il était petit.
– Tu blagues, là...
– Oui. Non. On s'en fout. Ça fait classe. J'imagine que Pierce Brosnan mettra une soutane. Bref, ce mec, il est romantique, les gonzesses aiment les curés défroqués. Parlons de l'histoire, maintenant. Une intrigue de la mort. Elle tourne autour d'une icône, d'un parchemin essénien, d'antiquités maléfiques... Il y a un gros mystère sur la nature même de la religion, tu vois...
– Jésus couchait avec Marie Madeleine?
– Ah, tiens, je croyais que tu ne l'avais pas lu ? Mais non je blague. Enfin non, disons qu'il y a plusieurs gros mystères, tu vois...
– Du genre, le Christ n'est pas mort sur la croix ? Les manuscrits gnostiques, tous ces trucs là ?
– Écoute, si tu l'as lu, on peut s'arrêter là. Disons qu'il y a de bons gros mystère des familles, voilà. Autre point important, le décor. De l'exotisme attirant. L'histoire va se dérouler en Grèce, à Mykonos.
– Moi, je voyage rarement. C'est dur d'écrire des romans qui se passent à l'étranger...
– Fais comme Gary. Il a tout pigé. Tu passes une semaine là-bas. Tu ne décris que des endroits pour touristes : les bars à touristes, le port à touristes, les boutiques à touristes, les villas qu'on voit par les grilles, les yachts qu'on voit de loin, les églises pour touristes. Quand tu veux faire culturel, tu recopies deux paragraphes de ton guide. Ou alors, Wikipedia. Les Grecs, tu les gardes pour les seconds rôles, tu en parles, mais seulement avec des clichés : soit des sortes de Turcs bien suants, bavards, menteurs et sympathiques. Soit de beaux jeunes pédés avec des noms en -os. Plus une mama qui fait bien la cuisine. N'oublie pas de ponctuer les répliques de mots grecs, tu les trouveras dans le guide de conversation du lonely planet. A la fin, le lecteur aura l'impression de savoir parler grec. « Entaxi ? »
– Mais c'est complètement déb...
– Shhht. N'oublie pas le placement de marques. Gucci, Mercedes, Armani... Nomme les boutiques, les fringues. Les boîtes finiront par payer, pour ça. Et, attends un peu, il faut des méchants. Là, il a eu une idée incroyable...
– ... un ancien nazi ?
– Tu l'as lu ! Je le savais. Merde.
– Mais non.
– Dur de te croire. En plus, tu rajoutes des meurtres avec du sang, deux scènes de sexe (un peu explicites. Il faut parler du clitoris et des nichons de la fille, ce genre de choses), des agents secrets du Mossad, du Vatican, un bossu qui ressemble au gentil Quasimodo...
– Quasimodo n'est pas gentil. Sauf chez Disney.
– T'es sûr ? Gary dit le contraire. Bon, je crois que j'oublie rien... Si, des scènes de bateau, de la plongée, des antiquités, des visions de templiers en grande robe (elles servent juste à faire joli, pas la peine de faire de la psychologie) et une grosse baston finale avec trois retournements, quatre révélations, tout le monde qui meurt et tout qui explose. Happy End. Voilà. Ça, c'est un livre. Puissant. Fort. Vendable. Écris-moi ça, je te signe, j'en place 200 000, je déforeste la forêt des Landes pour faire de toi le nouveau Dan Brown.
– Le héros embrasse la nana dans la scène finale, au moins ?
– Euh, je crois, je ne sais plus. Dans le film, il le fera, c'est sûr... Elle sera jouée par Catherine Zeta Jones. Au boulot, mon petit ! Bottes-toi le cul !

16 juin 2009

Notes sur Le glamour

J'ai fini avant-hier la lecture du Glamour. C'est un roman exceptionnel, un des tous meilleurs de son auteur, j'en recommande ardemment la lecture. On y trouve de nombreuses scènes étonnantes, dont une étrange séance d'hypnose où l'hypnotiseur croit lui-même être hypnotisé, le récit d'un voyage dans une France de cartes postales, une escapade en amoureux paranoïaque et cauchemardesque dans le nord de l'Angleterre, une visite en voyeurs dans une maison populaire de Londres et une des scènes de sexe les plus insoutables que j'aie jamais lues.

Quelques réflexions (attention, risque de spoilers. J'ai pris pour l'instant de grandes précautions pour ne pas parler du fond du roman, ni de son sujet. Là, j'arrête)

Les six parties (d'inégale longueur) du roman, changeant chacune de point de vue (plus ou moins) paraissent chacune saper la vision du monde émise par les autres. La réalité, chez Priest, paraît avoir une nature hautement quantique, elle existe, mais dépend du point de vue de l'observateur...
Rien que de réussir à faire sentir cette idée (très choquante et très vraie, selon moi), le Glamour est grand roman.

Un autre point intéressant, naturellement, est l'exploration du thème de l'invisibilité. Qu'elle soit sociale ("Harry", Susan jeune font partie de ces gens qu'on ne remarque pas), hypnotique (l'hypothèse d'Alexandra), amnésique (la vision de Richard) ou psychique...
La chute, très étrange, du roman, montre Priest tentant de créer un lien entre invisibilité et fiction. Un invisible, un "glam", n'existe que parce qu'ont dit de lui (c'est le cas de Niall, tout au lond du roman). Etre invisible, c'est glisser dans la fiction...
Puis les dernières paroles de Niall semblent renverser la donne, ce sont les visibles qui deviennent fictionnels, le personnage fictionnel devenant auteur à son tour - et là, on rejoint les vertiges de la fontaine pétrifiante.
Quant à la fameuse carte postale (dommage que tu ne soies pas là, X) elle sonne comme une amère plaisanterie, un tour de force du diable/de Niall/de l'auteur pour secouer encore un peu plus notre sens des causalités.
Et vous, lecteurs du Glamour, qu'en pensez-vous?