29 août 2022

Planète d'exil -- Ursula Le Guin


Des visiteurs venus d'un monde sophistiqué survivent sur une planète au niveau technologique paléolithique, en se tenant à distance des Hilfe, des hominidés différents, nés sans doute d'une précédente colonisation. Le monde en question a des années longues de soixante années terriennes, avec de très longs hivers, on se croirait dans le monde games of thrones. Et une jeune femme hilfe, Rolerie, va s'éprendre du jeune chef des colons, Jacob Agat Autreterre.

Ce court roman ne déparerait pas dans une collection jeunesse. Il brasse des thèmes familiers, des images classiques. On aperçoit les origines terriennes dans les noms des colons, et une éthique liée à leur mission d'observation. Les personnages sont entiers, dessinés à gros traits. L'histoire d'amour, de migration et de combat est très simple. C'est un court livre sympathique, loin des chefs d'oeuvre du cycle de Hain que son les Dépossédés, la Main gauche de la nuit ou le Dit d'Akka

Au-delà de cela, le lecteur intéressé par la formation des idées pourra voir dans ce petit livre plus malin qu'il en a l'air plein d'idées qui seront développées plus tard. Les visiteurs ne sont pas des "colons", ils ont une éthique de diffusion de la technologie. Ce ne sont pas encore les visiteurs anthropologues des romans suivants, mais les idées sont là. Les différences culturelles sont traitées avec un peu de maladresse, des personnages secondaires énoncent les idées de l'autrice sans trop de finesse, quand on compare aux autres romans d'ULG.

Un autre point qui m'intéresse : la cohérence. En tant que rôliste de souche tolkiennienne (les vrais savent), j'ai été un obsédé de la cohérence des mondes. Il a fallu les récits de Yirminadingrad pour faire sauter ce besoin de ligoter les récits entre eux. Je pense que le besoin de cohérence, le fait "d'explorer des aspects de l'univers" en en respectant la bible est une stérilisation de l'imagination.

Je pense qu'Ursula s'en foutait. Son cycle de Hain n'est pas un vrai cycle, pas une suite de romans. Chaque roman est cohérent avec lui-même, mais par ex., Planète d'exil ne colle pas vraiment avec le dit d'Akka. Et on s'en moque. Ces romans sont reliés dans un grand-récit rêvé et flou dont la lectrice comblera les manques et les incohérences et que l'autrice n'expliquera jamais.


27 août 2022

Blackwater -- Michael McDowell


Pour être honnête, je me suis fait avoir. J'aime les beaux livres comme certains personnages de la série Blackwater aiment les bijoux, et l'éditeur Monsieur Toussaint Louverture fabrique de beaux livres. Les couvertures, à mi-chemin entre le tatouage et la carte à jouer ((c) Munin, merci), la tenue en main, la mise en page, le plan de la ville au début...

Les copains en parlaient sur Internet, j'ai pris le premier sur une pile dans une librairie, "juste pour voir", et je les ai ensuite dévorés un par un, jusqu'au sixième, n'achetant le tome suivant qu'une fois fini le précédent. Pourtant, je ne suis pas client du feuilleton et je crache volontiers sur ce type d'écriture.

Pour mes lecteurs et lectrices paresseux et ne voulant pas chercher des infos ailleurs, Blackwater est une série de 6 romans, une saga familiale fortement teintée de fantastique qui se déroule dans une ville semi-imaginaire du sud de l'Alabama. La série ressort du genre du Southen Gothic: vieilles maisons coloniales, thé glacé que l'on boit sous les porches, marécages gluants, étés trop chauds, relations familiales un peu bizarres, vieilles dames excentriques, serviteurs noirs... Si vous n'aimez pas ces ingrédients, passez votre chemin.

Tout commence lors de l'inondation de la ville en 1919, quand le jeune fils de la plus riche famille explore les étages supérieurs des bâtiments engloutis et découvre, au premier étage de l'hôtel, une belle jeune femme qui attendait d'être sauvée. Comment Elinor, cette jeune femme, va être accueillie par la famille d'Oscar, le jeune homme, comment ils vont s'aimer et comment tout cela va bouleverser la communauté, voilà le sujet du récit, qui nous emmènera, au fil des volumes, des naissances, des morts, des crimes, etc., jusque vers la fin du 20ème siècle.

J'ai marché à fond. C'est très bien fait, très habile, par un auteur au sommet de son art. C'est de la pure littérature divertissante, pas idiote du tout, souvent drôle, caustique, effrayante... jouant sur plein de registres. Avec des personnages de femmes bien écrits et très forts.

Après la fin du tome III, ça devient moins bon, le niveau de méchanceté baisse, mais j'ai quand même tout lu, tout dévoré, parce que je voulais savoir ce que devenaient mes nouveaux amis Caskey (dont aucun, en vérité, sauf peut-être Oscar, n'était vraiment sympathique, salauds de riches !)