22 mars 2022

Melmoth furieux -- Sabrina Calvo


Sabrina est une amie. C'est difficile de faire ici une chronique de ce livre très intime, qui mêle SF années 80, commune de Paris, expériences politiques contemporaines, couture, transsexualités (et bien plus) et autobiographie.

Melmoth est un livre profondément sincère qui évoque Belleville, Eurodisney, les luttes politiques dans une langue qui est celle de l'ici et maintenant. 


Le livre est une pure création de son autrice, à la fois cohérente dans son arc principal (la marche sur Eurodisney est-elle un rêve ou une réalité ?) et pleine de digressions sur la matière, les vêtements, les looks, nos apparences. L'enfance y est une matière plastique, magique, infinie, incompréhensible. Le salut jaillit des toutes petites choses.

Avec le temps qui passe, Sabrina ne s'affadit pas, elle ne renonce à rien, elle brûle toujours plus, avec la même foi, la même sincérité. Sa présence dans le monde m'inspire.




Ha oui, et dans ce livre, il y a un canard à trois pattes, aussi.


18 mars 2022

Giselle... -- au théâtre Benno Besson

Nous sommes allés voir Giselle... au théâtre Benno Besson. C'est spectacle original de François Gremaud, un auteur romand, et qui a tourné en France (ô consécration, pour les Suisses vivant dans l'ombre du grand voisin culturel). Sur scène, quatre musiciens talentueux (flute, violon, harpe et saxophone) et, au devant, une danseuse-actrice conférencière, Samantha Van Wissen.


 

Le sujet ? Giselle (sans les trois petits points), le ballet classique créé en 1841 sur un livret de Théophile Gautier. Le spectacle Giselle... est une conférence dansée sur le ballet Giselle (vous suivez ?)

La talentueuse Samantha Van Wissen va donc nous parler de la naissance du ballet classique, faire des digressions sur le romantisme, puis évoquer en détail le déroulé du ballet, ses décors, ses personnages, quelques interprètes fameux et fameuses. Par moment, elle danse, nous faisant ressentir, percevoir ce que peut être l'exécution de ce ballet.

Disclosure : j'ai déjà vu Giselle sur scène d'un grand opéra européen, il y a vingt ans. Je m'étais prodigieusement ennuyé, surtout parce que je ne connaissais rien au ballet classique. J'ai plutôt envie de le revoir maintenant, et c'est le point positif que je retire de ce spectacle.

Pour le reste, comme m'a soufflé Cecci à l'oreille au bout de cinq minutes, "ça va parler pendant deux heures", et c'est ce qui s'est passé. Pendant deux heures nous n'avons eu que des mots, des mots et encore des mots, pour paraphraser une autre œuvre. Ce spectacle est une gentille imposture, une œuvre d'art qui ne fait que vampiriser une autre œuvre d'art pour construire son petit discours. Oui, les musiciens jouaient très bien (mais pas assez souvent, et une partition un peu moyenne, mais bon), oui j'ai attrapé quelques infos intéressantes (le rôle de la pantomime ou les passages coupés de l’œuvre) et oui Samantha VW a une très belle présence scénique. Mais pour le reste, c'est de la culture bourgeoise, uniquement référentielle. Une création dont la beauté repose uniquement sur celle d'une autre création qu'on renvoie en miroir. Théophile G. et ses copains amateurs de fines jeunes femmes en robes sylphides (bof, les mecs, on a compris que vous étiez un peu glauques) devraient intenter des procès en plagiat à l'auteur de ces trois petits points.

PS: quant au twist final, abyme, jeu avec le texte, scène sur la scène, il ne marche pas. 

14 mars 2022

Coeurs Vaillants - John Grümph

J'ai ouvert ce blog il y a quelques années de ça (18 ans, en fait), à l'époque de la mode des flux RSS, alors que ni twitwi, ni fb n'existait que le changement climatique était juste un sujet très inquiétant. Et c'est peu de temps après que j'ai commencé à lire le blog hu-mu qui parlait de Steven Ericson, de Unknown Armies et de Shadowrun.

Ce n'était pas tellement le propos prévu de ce billet, mais je suis heureux de voir que hu-mu est toujours là. Avec le temps j'ai fini par sympathiser avec ses tenanciers (oui, c'est une bande de mecs, à moins que j'ai loupé quelque chose ?). Depuis des enfants sont nés, des livres ont été écrits et sont parus et Cédric a regardé 172 564 heures de séries TV. Aux deux tenanciers d'origine se sont ajoutés d'autres personnes venant écrire autour des mêmes sujets (littérature de genre, séries TV et jdr) des articles que j'ai toujours autant de plaisir à lire. Le plus drôle c'est que, même si je considère les auteurs comme des copains, je n'ai rencontré en vrai que Tristan (deux ou trois fois en GN, bien avant qu'il ne chronique des vieux Néo et des suppléments de l'AdC sur hu-mu) et Benoit, pour un déjeuner à Genève. Les auteurs de hu-mu font partie de cette catégorie de gens née à la toute fin du 20ème siècle, "les copains d'Internet".



Je suis un rôliste né dans les années 70, j'aime jouer à l'appel de Cthulhu et je n'aime pas les systèmes de règles. Pourtant, quand le blog a parlé de Coeurs Vaillants, j'ai eu envie de jeter un coup d'oeil, pour faire jouer ma fille ado. Pendant le confinement, on avait tenté une sorte de D&D, mais ça n'avait pas marché. J'avais quand même envie de revenir dans une heroic fantasy légère.

J'avais déjà essayé un jeu de LG (les douze lotus) dont j'avais trouvé la proposition intéressante, mais que je n'ai pas réussi à faire jouer. 

CV, c'est un jeu de rôle Old School Revival : ça vous donne le feeling de Donjons et Dragons, avec des règles plus modernes. Jeter des D20 pour toucher, et des dés de dégâts. Avoir des PJs avec des points de vie et des niveaux et des xp. Vivre des aventures audacieuses, mais devoir compter ses sorts et essayer d'améliorer sa classe d'armure...

Les règles sont remarquablement concises et bien écrites, avec une logique interne très bienvenue. C'est équilibré, c'est intelligent et à l'usage (j'en atteste), ça marche ! (j'ai juste remis les caracs sur 20 et calculé la valeur de "jet de carac" à côté, mais ça ne change pas grand chose à l'esprit). Ca tient en quelques dizaines de pages très claires, et tout est là.

LG a publié deux compagnons (pas indispensables), un recueil de scénarios bien fichus et une campagne vraiment sympathique, ogres de gel. L'ensemble forme une gamme concise (oui !), pas chère (oui !), bien écrite (et oui !), bien dessinée.

J'ai fait jouer trois scénarios depuis l'achat et ça a marché comme sur des roulettes. Je me suis même éclaté à faire jouer le dungeon crawling de "là où vont les chiens" en festival, dimanche dernier, en vivant un moment épique où la moitié des PJs a été laissée pour morte dans le donjon pendant que les autres s'enfuyaient après avoir réveillé des guerriers squelettes à 4DV. 


Alors oui, le jeu vidéo permet un peu de vivres ce genre de choses: expéditions souterraines et accumulations de xp. Mais le faire autour de la table, dessiner la carte au fur et à mesure, pouvoir faire des erreurs en explorant le donjon, courir dans le noir et fuir les monstres autour d'une table, ça a un charme fou.




Le dernier duel - Ridley Scott

Je pensais que Ridley Scott était un type fini. Certes, il a réalisé un de mes films préférés de tous les temps (Blade Runner), et plusieurs autres très bons films (Alien, les Duellistes, et même Kingdom of Heaven, dont je garde un bon souvenir), mais je n'espérais plus rien de lui depuis longtemps, et j'avais donc décidé de passer outre ce Dernier duel. En plus, il y a Matt Damon au casting, type que je trouve généralement insipide. Et ça commence par "based on a true story".

Et en fait, c'est très très bien. J'ai passé deux heures trente dans un moyen-âge magnifiquement reconstitué, qui m'a fait rêver très fort. Un monde proche du nôtre, mais différent. Aux mentalités étranges, dans lesquelles on se reconnaît en partie, mais en partie seulement. Tenez, ça m'a donné envie de faire jouer à cette époque !

Le scénario (dont je n'ai pas envie de parler) est très malin, moderne, c'est en effet basé sur une histoire vraie (et le récit en respecte plutôt bien les éléments connus), les personnages sont formidables, l'image est belle, j'adore les costumes. Et les acteurs principaux sont excellents, Ben Affleck en grand seigneur cynique, Adam Driver en parvenu intelligent, Matt Damen en vieux guerrier loyal et pas très futé et Jodie Comer en épouse tentant de faire sa place dans ce monde. Bref, j'ai adoré.

Merci à Alice, du podcast une invention sans avenir, pour le conseil !