31 mars 2011

Balchimère – le cirque Starlight

Nous sommes allés hier voir le nouveau spectacle du cirque Starlight. Je n'en ai jamais parlé ici, mais ce cirque est une de nos belles découvertes dans la région. Un petit ensemble moderne, sous chapiteau, sans animaux, composant des spectacles toujours unis par une thématique et une poésie particulière, mais sans la prétention bavarde et arty de certaines choses  vues à Paris où on baille d'ennui au nom de la liberté des artistes d'improviser n'importe quoi.




Balchimère est un spectacle de rêve, avec brumes et lumières bleues où évoluent de drôles de créatures de baraques de foire. Une princesse sans jambes, un ange sur roue, un magicien, un dresseur sans fauves, une visiteuse perdue, une femme aux cheveux infinis. Pas d'histoire, mais des scènes, des situations qui donnent une belle profondeur aux prouesses de force et d'adresse qu'on verra accomplir. Les enfants ouvrent de grands yeux, les adultes aussi, parce que ces gens créent un monde, avec sa poésie, ses peurs sourdes, son érotisme. Les moments se répètent en variant d'un détail, les flash éclatent, dehors l'orage couve et bombarde le chapiteau. On en sort en clignant des yeux, et tout a déjà disparu, le chapiteau se replie derrière nous, rien de tout cela n'a jamais existé, et pourtant...



Photos (c) Nicolas de Nève

Le cirque Starlight est en tournée en Suisse romande. Ne le manquez pas !

15 mars 2011

L'usage du monde à Vidy

Le pendu et Cecci ont vu à Vidy une pièce adaptée du livre de Nicolas Bouvier, l'usage du monde.


Avec Dorian Rossel, le texte devient rhapsodie. MARIO DEL CURTO


Ecrit dans les années 50, le livre relate le voyage (en voiture) de plusieurs mois vers l'orient du jeune Nicolas, qui fuit le vide et l'étouffement de la vie dans sa Suisse natale. Voyage aller (qui connaîtra un retour) plein de rencontres dans les Balkans, en Anatolie ou en Perse, jusqu'à l'Afghanistan. Le livre est une méditation rêveuse et poétique sur le voyage, sur la façon dont il fait les hommes. Il parle surtout de la recherche du bonheur, de ces instants uniques qui forment l'échine d'une existence.
La seule chose positive que je puisse dire du spectacle est qu'il m'a donné à entendre le texte, merci pour ça. Six comédiens, pas manchots pourtant, se sont passés la parole comme on se passe la balle, pour relater les rencontres et les voyages de Bouvier. Le décor était composé d'un assemblage bizarre de tables, de caisses, de machins, de tissus. Je n'ai rien compris à la logique de la mise en scène, aux différentes incarnations du narrateur, aux jeux de ceci ou de cela. Malheureusement, ce spectacle était plus agréable à voir en fermant les yeux, pour ne pas gâcher les images de Bouvier par les clowneries bizarres des acteurs. Tout me paraissait mis à distance, maltraité, désossé plutôt qu'évoqué. On se serait volontiers endormi dans son fauteuil.

Une remarque perfide : le succès de ce (mauvais) spectacle s'expliquerait-il à cause de l'aspect helvetico-suisse de son sujet ?

14 mars 2011

L'Empire des sens - Nagisha Oshima

Le pendu et Cecci ont vu : l'Empire des sens, de Nagisha Oshima





Voilà un film que dont j'avais entendu parler depuis bien longtemps, parce que je l'apercevais régulièrement à l'affiche de certains cinémas du quartier latin. Il y est question d'un homme et de sa servante, dans le japon des années 30, pris par une passion violente de l'un pour l'autre. Le film a un rythme étrange, enchaînant scène de sexe sur scène de sexe, lui et elle en kimonos magnifiques dont les couleurs éclatent sur décor de maisons de thé, pendant que les geisha jouent de manière exaspérante de leur petite guitare. Les âmes sensibles seront un peu secouées, les âmes pudibondes un peu ébranlées. C'est un film qui parle de l'amour et de la chair, d'une passion qui réjouit, vrille, tord et détruit. Sur les lèvres de Sada, l'héroïne et amante, flotte un sourire de folie. Sur celles de Kichizo, l'amant, un sourire d'abandon, celui d'un homme qui lâche prise et glisse avec délectation vers la destruction.

13 mars 2011

Noyau d'olive – Erri De Luca

A l'occasion de la quarantaine du désert je relis un très beau et très court livre de méditations biblique.





De Luca dit de lui qu'il n'est pas croyant (incapable de prier comme de pardonner) mais chaque matin il lit la bible dans le texte original, avec un regard extérieur, de passeur, de chercheur d'empreintes. Chaque matin, quelques vers, médités et gardés en bouche comme un noyau d'olive. De Luca est un homme de gauche (voire même de la gauche de la gauche), un écrivain engagé, sec et bref, austère, et ses lectures lui ressemblent. Elles me bouleversent car elles parviennent à faire toucher la force et le choc des textes bibliques. Il est écrivain, il connaît le sens des mots. Or l'hébreu est une langue pauvre et concrète, une langue de bergers et de nomades, et c'est par elle qu'est racontée la création du monde et la révélation de Dieu, ce qui rend, quand on retourne aux racines, la relation à Dieu extrêmement concrète, réelle, au ras du sol et du corps. De Luca nous laisse voir, dans le vocabulaire biblique, pourquoi la femme est devant et contre l'homme (et non pas derrière), en quoi le meurtre d'Abel est un crime passionnel, et le rapport entre ce nom d'Abel et le "vanité des vanités" de Qohelet/l'Ecclésiaste. Il fait goûter la saveur du Bereshit, le mot qui ouvre le bible, avant lequel rien n'existe, il rappelle comment l'histoire de Tamar la Cananéenne nous rappelle que le messie est un métis, un sang mêlé, et que la loi est faite pour servir l'homme, en quoi Babel est un don de Dieu aux hommes qui leur rappelle qu'il n'y a pas de centre.
Ses pages sur le Christ (qu'il appelle l'intrus) sont magnifiques, lues en écho des misères de notre temps. 

11 mars 2011

Le septième sceau - Ingmar Bergman

Le pendu et Cecci ont vu : Le septième sceau d'Ingmar Bergman





Ce film est un memento mori. L'ombre de la mort plane sur ses personnages : un chevalier, son écuyer, un acteur, sa femme et leur fils, un forgeron idiot, une femme toujours silencieuse... Ils voyagent dans la campagne médiévale alors que la peste rode. Ils jouent de la musique, boivent, spéculent, s'amusent, puis passe une procession de flagellants chantant le Dies Irae et le Lacrimosa et tous de s'agenouiller et de se signer car on ne sait pas ou et quand la peste va frapper... L'écuyer joue son cynique, le chevalier croit qu'il ne croit pas et essaie de tenir la faucheuse à distance en jouant aux échecs avec elle, mais elle triche... C'est un film magnifique, drôle et effrayant à la fois, peuplé d'être humains inquiets et amusants, de femmes à la beauté lumineuse à vous transpercer le coeur, de moments de peur et de grâce. La vie humaine y apparaît telle qu'en elle-même, fragile, inquiète et infiniment plaisante.
Ne soyez pas intimidés par son aura de classique et de film suédois, c'est une oeuvre belle, vraie, évidente.

09 mars 2011

The Abyss - James Cameron

Le pendu et Cecci ont vu : The Abyss, de James Cameron





Dans ce film, on trouve : des prospecteurs durs à cuire, une station sous-marine ultra-moderne, un sous-marin nucléaire couché au bord d'une fosse, des militaires très nerveux à la gâchette facile, une femme de caractère (mais féminine quand même), Ed Harris en costaud, des effets spéciaux lumineux bien marqués par le goût des années 80, un message bien lourdingue sur le mariage.
On a trouvé les ficelles narratives tellement grosses et tellement lourdes que ça a gâché le bon souvenir que j'avais du film, vu il y a plus de dix ans. Bon.

08 mars 2011

Othello - Orson Welles

Le pendu & Cecci ont vu : Othello, d'Orson Welles








Dans ce film, on trouve : Orson Welles, énorme. Une narration vive et trop compliquée. Des plans d'introduction à la plastique folle. Des décors bizarres. Une fidélité peut-être trop forte à Shakespeare. C'est beau mais un peu ennuyeux.

05 mars 2011

La nuit du chasseur - Charles Laughton

Le pendu et Cecci ont vu : la nuit du chasseur, de Charles Laughton








Dans ce film, on trouve : les années 50 dans le Sud profond, des enfants en fuite, des rêveries au bord de l'eau, une poursuite sans répit, un poivrot inefficace, un pasteur si aimable, si sympathique, si meurtrier... On apprend l'histoire de la main droite et de la main gauche et du bien contre le mal. On voit que Robert Mitchum est un gendre parfait. On append qu'il faut toujours garder le méchant sous ses yeux, sinon, pfffuit, ils disparaît.
Un très grand film et un thriller palpitant.

Comment Jésus est devenu Dieu – Frédéric Lenoir

Ce livre retrace la lente évolution, pendant les cinq premiers siècles de notre ère, de la conception que les chrétiens se sont faite du Christ, pour autant qu'on puisse la connaître.
Mais pour vous, qui suis-je ? Demande Jésus aux apôtres dans l'évangile de Matthieu. Et lui-même se garde bien de jamais fournir une réponse précise à cette question.
Ce mystère sur sa nature est le coeur de la foi chrétienne. Pour vous, qui suis-je ? Le livre de Frédéric Lenoir essaie de présenter les réponses que les hommes (savants) ont donné à cette question, depuis les apôtres et les contemporains, en passant les évangélisateurs, les premiers évêques, les premiers conciles, les empereurs... De l'homme étrange et contradictoire présenté par les évangiles jusqu'à la conception trinitaire de Dieu et aux discussions sur la nature simple ou double du Christ des conciles de Nicée, d'Ephèse, de Chalcédoine...
La première partie reprend les sources les plus anciennes (Josèphe, bien sûr, puis Paul et les évangiles synoptiques). La seconde partie, la plus intéressante à mon goût, montre de nombreux visages du Christ et du christianisme, durant les deux/trois premiers siècles, alors que la nouvelle religion s'installe sous une foule de visage dans l'empire romain. La troisième partie évoque le jeu des conciles, l'implication des empereurs, la marche forcée vers l'orthodoxie.
Ce livre n'est pas un essai savant, plutôt un ouvrage de vulgarisation théologique et historique. Si on accepte de lire des pages au style facile, le projet paraîtra tout à fait réussi. Le récit est clair, vivant et parvient à faire saisir des idées relativement fines. Les amateurs du jeu Credo, les amis de Des Esseintes, et ceux qui aiment les domaines de connaissance exotiques pourront être séduits par l'exposition des variations du christianisme des premiers siècles : docétisme, adoptianisme, monarchianisme, nazaréens, elkazaïtes... Le chapitre sur les gnostiques n'est pas mauvais non plus.
Le livre ne révolutionnera pas votre relation (ou non-relation) au Christ, mais il a le mérite de bien exposer un certain nombre d'idées et de notions complexes, sur l'incarnation, l'Esprit Saint, la relation entre christianisme et judaïsme, la nature spécifique du christianisme (religion de la personne et pas du livre), sur la formation des textes et du canon. Il montre combien toutes ces discussions sont une tentative intéressante de rendre compte d'un mystère irréductible à travers les outils de la raison. 
On comprendra notamment la nature théologique de certaines églises d'orient dont on entend parler dans le cadre de l'actualité (coptes, chaldéens, etc.), églises certes minoritaires mais issues des schismes des tous premiers siècles. L'histoire des conciles est à la fois fascinante et désolante, montrant encore combien les affaires religieuses peuvent être instrumentées pour des questions politiques, et j'en suis venu à me dire que la vraie question intéressante pour moi était la façon dont les petites gens vivaient leur relation à Dieu pendant que les évêques réunis se jetaient des invectives... Enfin, les rebondissements inattendus de l'Histoire qu'on découvre donneront aux amateurs de bonnes idées d'uchronies (j'ai notamment été très intéressé par le rôle de l'évêque Wulfila, à l'origine de l'arianisme – idée suivie à sa façon par Mary Gentle dans le livre de Cendres).
Je laisse le mot de la fin à un ancien persécuté du IIIème siècle, agacé par les querelles entre ariens et orthodoxes.
Il n'y a qu'un Dieu qui a créé le ciel et la terre et toutes les choses visibles, qui a tout fait par la force de son Verbe, et tout affermi par la sainteté de son esprit. Ce Verbe que nous appelons le Fils de Dieu ayant eu pitié de l'égarement des hommes, et de l'ignorance où ils vivaient comme des bêtes, a bien voulu naître d'une femme, vivre parmi les hommes et mourir pour leur salut. Il viendra un jour pour juger ce que chacun aura fait durant cette vie. Voilà ce que nous croyons, tout simplement.

04 mars 2011

America, America - Elia Kazan

Le pendu et Cecci ont vu : America, America, de Elia Kazan








Dans ce film on trouve : un jeune grec ombrageux et pas très futé (mais obstiné) qui veut partir aux Etats-Unis. Une drôle d'image de la Turquie des années 1900. Des voleurs, des idéalistes, des politiciens, des marchands de tapis, des terroristes, une femme qui s'ennuie, une autre qu'on trouve trop laide. Une vraie mère qui tient à son fils. Un père qui se compromet pour protéger sa famille et sa situation. Une grand-mère effrayante. Le rêve de vie d'un gros Stambouliote entouré de femmes. Et une des plus belles thématiques sur le sourire jamais vue dans un film (curieux : le seul Grec que j'ai connu souriait de la même façon que ce brave Stavros). Une voix off sincère et touchante. Un très grand moment de cinéma, un grand rêve d'ailleurs.





02 mars 2011

Agora - Alejandro Amenabar

Le pendu et Cecci ont vu : Agora, de Alejandro Amenabar











Dans ce film, on trouve : l’Égypte au IVème siècle après J.C. (jamais vu, très joli !), des temples, des frises polychromes, des galères, le phare d'Alexandrie... Un bonheur ! On se serait cru dans un péplum d'Alex Alice (et c'est un compliment). On trouve aussi : une jolie femme prof d'Université qui réfléchit ostensiblement en fronçant ses gracieux sourcils. Des chrétiens talibans. Des païens un peu barbants. Une histoire légère comme un fer à repasser. On est contents de la visite, le paysage était très joli, mais on a bâillé souvent.