23 novembre 2012

Le pendule de Foucault – Umberto Eco

Belbo, Diotavelli et Casaubon sont éditeurs, érudits, plus ou moins amis, à Milan, entre les troubles des années 60 et les années de plomb. Un jour arrive un type bizarre avec un document secret d'origine templière... et l'interprétation de ce document. Le type est un guignol, sans doute, ses élucubrations les font rire. Mais Casaubon a fait sa thèse sur les Templiers et voilà que, motivés par quelque étrange impulsion, ces trois-là décident d'interpréter le document et, mieux que tout, de reconstituer le Grand Plan des Templiers. Il y arriveront, et comment ! Et combien ! Bien sûr, tout est blague, tout est fou, tout est faux, mais quand on invente bien, quand les idées tombent en place, dans la vérité s'échappe et glisse, le faux change de nature...
J'avais lu le pendule de Foucault pour faire jouer à Nephilim, il y a presque vingt ans de ça. Je m'étais un peu barbé mais j'avais beaucoup appris, leçon d'occultisme brillante et totale en un tome. Tout y est, Templiers, courants telluriques, kabbale, vaudou, da-vinci-conneries entièrement dévoilées bien avant Dan Brown. Toutes les assonances, tous les mystères, jusqu'aux frontières de la magie, jusqu'au moment où les imbéciles à la voix haut perchée jouant aux initiés ou aux initiateurs s'avèrent, au fond du paradoxe, avoir raison.
Vingt ans plus tard, je peux me permettre de critique le roman. Oui, Eco frime un peu (il peut, il sait tout - ou presque), oui c'est un peu long ici ou là. Mais tout y est, reflet de la forme et du fond, sens de la Tradition, ce à quoi nous aimerions croire, ce à quoi nous ne croyons plus. Le pendule de Foucault n'est pas un thriller ésotérique, c'est juste le livre ésotérique total, qui embrasse tout l'occultisme, qui mêle un feu d'artifice de connaissances à une chronique de la perte des idéologies en Italie, à la naissance des années de plomb, à une histoire d'amour où la vérité du monde se mesure avec les cinq doigts de la main, où tout le mystère du Grand Plan rejoint celui de l'enfant endormi dans le ventre de la femme aimée. Absolument brillant.

21 novembre 2012

Des anges mineurs - Antoine Volodine

Je suis entré dans ce livre à partir de Yama Loka terminus (et aussi de Tadjélé, mais c'est une autre histoire). Les livres se parlent l'un à l'autre, mènent de l'un à l'autre, c'est connu. Il y a des points communs entre ces anges mineurs et les récits de Yirminadingrad. Dans les deux cas, les souvenirs d'un espace soviétique enflammé, détruit, réinventé. Les camps, la révolution. Une construction par bribes, qui dessinent un schéma plus grand, réel et incompréhensible.
Des anges mineurs, 49 narrats, terme bricolé par Volodine pour décrire ces récits courts, aperçus d'une vie, extraits d'autre chose. Des images en sortent, très fortes, et restent. Les grands-mères immortelles dans la toundra, le monde abandonné que le sable recouvre, la révolution, les imprécations de Varvaria Lodenko, les expéditions dans une autre réalité, le temps de quelques respirations, Sophie Gironde, la femme qu'on aime et qu'on ne peut rejoindre ni en vie ni en rêve. Les camps, la fuite des camps, les livres jamais écrits de Fred Zenfl. On trouve dans les anges mineurs les bribes d'une histoire, une révolution défaite à refaire, la quête menée par l'équipage réel d'un voilier inexistant... Le livre est écrit de façon magnifique, poétique, hypnotique, mais je n'ai rien compris, je n'y suis pas entré, j'ai fini par lâcher prise, laisser glisser, abandonner. Un paquets de 49 narrats étranges et obscurs. Un peu trop pour moi. De ce livre toutefois, je glisserai jusqu'aux Slogans, de Maria Soudaieva.

19 novembre 2012

120 journées - Jérôme Noirez

Je suis venu à ce livre, séduit par ce qu'en disait l'auteur sur son blog. A la fois beaucoup et presque rien. L'enfance, des collégiens enfermés dans un lieu étrange, écho du Silling de Sade, lieu des supplices des 120 journées de Sodome... Jours réglés mécaniquement, contraintes, imagerie cruelle. Alors oui, il y a bien un peu de Sade dans le livre. Moins que je ne croyais. C'est, en vérité, tout à fait différent.
Au tout début de 120 journées il y a donc ces huit collégiens. Disparus, enlevés, jetés avec des adultes plus ou moins méchants mais bizarrement intentionnés dans un non-lieu de béton, de canalisations qui fuient, de bruits qui résonnent. Cent vingt journées, pas une de plus, pas une de moins, un chapitre par jour, chronique parfois brève, humoristique, cruelle, précise, du temps passé en détention. Quatre fois trente jours (ça a son importance). Et tous les dix jours, les récits du conteur, dont on suivra plus ou moins la vie en compagnie de sa Ninon, sa crapote, sa fille, qu'il aime. 
Ce n'est pas un roman agréable, même si sa lecture coule facilement. Rien n'est clair, les propos et les buts sont obscurs, des vagues d'ennui le recouvrent parfois. Mais j'ai été un collégien, j'aurais pu faire partie des reclus de Silling. Je me suis reconnu dans leurs hésitations, leurs attentes, leur indifférence, leur mollesse. Encore un peu enfants, un peu autre chose. Dans le roman on rit, on s'effraie, on ressent de vagues malaises, on ne parvient pas à mettre le doigt sur certaines sensations qui sont bien là. J'aurais envie de recopier les premières pages, celles de l'arrivée au collège, qui parlent des perpendiculaires et des parallèles, des trainaillements, du portail, du pont, des maisons de la pisse, des cartables. J'aurais aimé réussir à les écrire moi-même, j'ai voulu pouvoir décrire cela, parce qu'il y a là une forme d'exploit. Mettre des mots sur le confus, l'indicible, le quotidien. Toucher juste. Les grands livres sont ceux qui nous révèlent le monde. 
A travers ses contes et ses demi-cauchemars, par la déformation et l'imaginaire, Jérôme Noirez parvient à toucher ce qui se cache en vérité derrière des mots que l'on croit connaître. Collégiens. Adolescents. Enfants.

120 journées, quatre mois de trente jours/quatre années de collège, qui avale des enfants aux petites corps et recrache des pré-adultes mal dégrossis. Quatre années de règles absurdes, d'apprentissages incompréhensibles, de leçons de violence et de cruauté. Silling est le collège et Silling est autre chose, un projet pédagogique absurde, parfait. Je voudrais lui mettre pour devise les mots d'Elisandre. Pour bien faire, il faut crever.
120 journées fait partie de ces romans particuliers, qui déforment le monde. En levant les yeux du livre, le décor autour de moi se teintait de ces formes indistinctes peuplant le livre, comme les ombres dans le monde la princesse-limnée. Les brumes sont venues sur la montagne, ce qu'on croit tenir ferme s'évade sous nos doigts. Je laisse le livre là. Mais lui ne me laisse pas.

09 novembre 2012

L'énigme de Givreuse - Rosny aîné

Dès que je vois un Néo dans une brocante, je le prends. J'ai ainsi lu mon lot de littératures inégales. Harry Dickson (yeah), Robert Howard (ça dépend) et d'autres expériences bizarres. Celui-ci est dans la catégorie bizarre.
Le pitch (comme n'aurait pas dit monsieur Rosny, membre de l'académie Goncourt, rappelons-le) : pendant la grande guerre, les infirmiers, sur le champs de bataille, trouvent un blessé... puis un autre blessé, son double parfait. Chacun pesant 37 kg, mais ayant l'apparence d'un homme bien constitué. Et les deux hommes sont convaincus d'être tous deux Pierre de Givreuse. D'ailleurs, ils portent le même livret militaire...
Ce roman, sans nul doute, a une vraie démarche de science-fiction : phénomène étrange, étudié rationnellement, tiré dans toutes ses conséquences : sociales, amoureuses, scientifiques... Le début, avec le médecin et les infirmières, m'a plus convaincu que la suite, entièrement placée dans une bonne société Belle Epoque élégante et compassée. Les femmes sont toutes belles, ardentes, palpitantes... Et le blessé est trop bien élevé pour ne pas s'effacer devant son double.
Le style en est étrange : chargé, élégiaque, très loin du naturalisme. Tout le monde dans ce récit a le coeur noble et élégant. Les nuits sont fuligineuses, l'air chargé de pluie ou de pollen, les lèvres tremblent, la mélancolie assombrit les coeurs...
Une lecture brève, curieuse et datée. Le roman date de 1917, se passe en 1914/1915, l'ombre de la guerre est partout. C'est sans doute l'aspect le plus frappant de ce récit.

[spoiler] j'avoue avoir été un peu déçu que l'un des deux renonce à la fiancée bien-aimée dans le bon respect de la morale. Un amour à trois, un autoérotisme du double m'auraient bien séduit... Mais jamais Rosny ne prend ces chemins. Dommage.[/spoiler]

02 novembre 2012

La tour de Babylone - Ted Chiang


Je suis parti dans l'avion avec ce recueil abondamment vanté dans la presse spécialisée. Je voulais lire de la science-fiction : des récits avec des raisonnements scientifiques et des idées qui font faire wow ! Je n'ai pas été déçu.

La tour de Babylone contient seulement huit nouvelles, pour la plupart assez longues et denses. Toutes se basent sur un postulat (pas toujours visible dès le départ) et en explorent les conséquences jusqu'au bout. Et si les babyloniens s'étaient vraiment lancés dans la constructions de leur fameuse tour (dans leur paradigme, bien sûr...) ? Et s'il existait un traitement capable d’accroître d'un ordre de grandeur au moins l'intelligence humaine ? Et si le code génétique de nos descendants était inclus dans le notre ?
Ted Chiang ne fait pas de grands effets de style, même si Aimer ce que l'on voit... le dernier texte du recueil, est très habilement écrit. C'est l'intelligence, l'ambition et la clarté de ses récits qui séduit et qui émerveille. J'ai particulièrement aimé l'Histoire de ta vie, récit incroyable montrant le lien entre langage, science et perception téléologique de l'univers.
Une science-fiction à la fois classique et moderne, humaniste, stimulante, qui fait à la fois rêver et réfléchir. Comme je le disais plus haut, wow !

PS : du même Ted Chiang, qui est un auteur rare, une nouvelle extraordinaire : Exhalaison dans le numéro 56 de Bifrost. Wow (encore).

11 octobre 2012

Oust ! – au petit théâtre



Boum, dans le noir quelque chose s'écrase sur le sol. La clown verte, car c'est elle qui vient de tomber, se redresse avec sa petite valise au milieu d'une curieuse prison faite de bâtons de mikado géant. Qu'elle tente de mettre un pied dehors et les lumières sonnent l'alerte, elle est coincée. Bientôt, une autre chute, une autre clown, une autre valise...
Avec ses errants en cavale pourvus de leur bagage, méfiants, soupçonneux, maintenant l'autre derrière les barrières de la politesse, le spectacle aborde des sujets pas faciles pour des petits enfants, mais la mise en scène, les maladresses burlesques, les jongleries ratées et les ballets de travers, font tout passer, tout admettre. On a parfois peur, on rit, on s'émerveille jusqu'à la chute, d'une grande douceur.

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10 octobre 2012

L'ombre du vent – Carlos Ruiz Zafon

J'ai passé un long moment à la lecture de ce roman et un j'ai laissé passer presque autant de temps avant de le chroniquer, ainsi son souvenir se fond dans une sorte de brume rêveuse qui ne lui sied pas mal. Le héros, Daniel, vit dans la Barcelone franquiste de l'après seconde guerre mondiale. Il est fils de libraire, se rêve sans doute écrivain et met la main sur le dernier exemplaire du roman l'Ombre de vent, de Julian Carax, mystérieux écrivain des années 30. Le roman nous conte une initiation à l'amour, à la littérature et au mystère, avec des intrigues emboitées, des enquêtes, des récits dans le récit, des révélations et des contre-révélations, sur un ton volontairement romanesque, fantastique et mélodramatique, le ton justement des romans de Julian Carax. Livre sur les livres contenant des livres, où toutes les femmes sont belles, tous les amants maudits et toutes les trognes singulières, l'Ombre du vent procure un sentiment de détachement étrange et doux et laisse des souvenirs troubles.

09 octobre 2012

Le Président – à Vidy


Sous le chapiteau de Vidy (mais pourquoi là ? et pas dans la grande salle ?) on découvre le couple présidentiel qui vient d'échapper à un attentat. Lui se fait faire un massage par son masseur préféré qui lui raconte des histoires drôles. Elle, ébranlée, pleure la mort du colonel de la garde (un héros) et de son chien (un carlin). C'est Thomas Bernhard qui les fait parler et puisqu'on est chez TB, le discours va être un fleuve, un déferlement de pensées en tourbillons, de préjugés, de haines (contre les contestataires, les philosophes, les étudiants) mais aussi de mensonges et de nostalgies. Le flot emporte le spectateur, porté par deux acteurs excellents, elle, en figure déjà morte au visage blafard ou aux seins dressés de pin-up et lui tout en rondeur manipulatrice, porté par une mise en scène pleine de belles trouvailles, rideaux, marionnettes et coups de cymbales. Le spectateur encaisse, vacille, s'émerveille de cette plongée dans des psychés déviantes qui pourraient être la sienne propre. Âmes sensibles, s'abstenir.

L'ambition, la haine, toujours.



Photos (c) Loll Willems

19 septembre 2012

Le bal des intouchables – à Vidy

L'année dernière, en avril, nous avions vu un des spectacles les plus marquants de notre vie, sur la route. Antoine Rigot, le fildefériste cassé, a répété avec la troupe des Colporteurs un nouveau spectacle, tout aussi impressionnant.


Un chapiteau rouge de sang séché, des structures en bois austères, des corps jetés sur la piste dans de sacs poubelles. Les mains et les pieds déchirent le plastique, font naître des créatures étranges, les hommes et les femmes émergent peu à peu des formes. Des jeux cruels se déroulent, moqueries, provocations. Un garçon léger et fou se lance à l'assaut du mât chinois, s'y accroche, s'y enroule, paraît flotter dans l'air, se suspendre, et on sait alors qu'on assiste à quelque chose de grand et d'unique.


Le cirque du bal des intouchables est loin des paillettes. Les corps y apparaissent dans leur vérité, les relations évoquées sont violentes, folles. Le spectacle, mené par quatre musiciens posés sur la piste ou perchés dans les airs, emmène les artistes et leurs personnages très haut, très loin. Nous avons eu peur, parfois, nous avons été émerveillés, souvent. Tout est dans le mouvement et la grâce, les photos ne diront pas grand-chose. C'est un grand spectacle, qui nous a noués là, au ventre et ne nous a pas encore lâchés.



 Photos (c) Mario Del Curto, pour le théâtre de Vidy

31 août 2012

Re-lectures : 3 albums de Tintin

Avoir des enfants me ramène à mon enfance. En BD, j'ai été élevé aux séries Dupuis, à Asterix, à Tintin et à Blake et Mortimer, qui ont, bon gré mal gré forgé mon regard sur la bande dessinée, définissant ce qui sera pour moi les plus classiques des bandes dessinées.
Lire Tintin à deux jeunes personnes de quatre et cinq ans m'a permis de redécouvrir ces albums que je n'avais pas ouverts depuis sans doute vingt ans. Ce sont ces impressions de re-découverte que je veux partager ici. (pour être précis, je n'ai pas commencé par Tintin mais par les Schtroumphs et Johan et Pirlouit, j'y reviendrai sans doute).


L'île noire
Commencé sans y croire pour distraire des enfants épuisés, le récit a marché du tonnerre. De fait, ce n'est qu'une longue course-poursuite, sur 60 pages, sans presque aucun moment pour souffler. Tous les moyens de transport y passent : voiture, train, ferry, avion à hélice, à réaction, barque... Les épisodes s'enchaînent à toute allure : accident, capture, contre-capture, bagarre, incendie, un vrai récit d'action au rythme effréné ponctué de situations burlesques et de gags qui, s'ils paraîtront sans doute datés à l'adulte fonctionnent parfaitement sur des petits qui éclatent de rire. J'ai compris en lisant cet album cette notion (controversée, je crois) de ligne claire. Au premier coup d'oeil, les enfants saisissent tout ce qui est important dans les cases et comprennent parfaitement l'action. Hergé est totalement lisible. Le plus amusant de l'affaire est que le scénario n'a aucune importance Tintin voit des bandits, les bandits se croient découverts, Tintin court après les bandits – sans savoir pourquoi il court – les bandits veulent tuer Tintin. Le très joli passage écossais illustré sur la couverture n'occupe que les dernières pages...

Le secret de la licorne

Curieux album, très déséquilibré. Vague mystère au sujet d'une maquette de bateau, histoire indolente de pick-pocket donnant l'occasion aux Dupontd de chercher mille fois leurs portefeuilles, une fusillade curieusement pas dans le ton, un retournement de situation téléphoné (la manière dont le portefeuille Loiseau est retrouvé...). On est en intérieur la plupart du temps, dans des décors nus. On téléphone, on monte et on descend des escaliers, et j'ai du mal à croire à ces riches antiquaires tuant pour un bout de parchemin dont ils ne peuvent être certains de la valeur... Restent pourtant deux morceaux de bravoure : l'enlèvement de Tintin dans les caves de Moulinsart (et les scènes d'action qui s'en suivant, même mélange de bagarre et de burlesque que dans l'île noire) et surtout le récit dans le récit racontant l'affrontement entre le Chevalier de Hadoque et Rackham le rouge, basé sur un procédé narratif brillant (On voit surtout Haddock raconter à Tintin, qui tente de l'empêcher de boire)...
Un point m'a étonné (après visite récente du musée de la marine, à Londres) : comment se fait-il que la Licorne, vaisseau de ligne puissamment armé, fuie devant le brick de Rackham le rouge ? Il aurait suffit de le tenir à distance et de le couler. Et même, lors de l'abordage, les soldats à bord de la Licorne auraient dû repousser sans problème l'abordage des pirates. Ceux-ci n'avaient pas grande motivation pour s'attaquer au vaisseau de ligne : ils sont riches du trésor, pourquoi risquer leur peau ?
Une hypothèse crédible : la licorne navigue en fait avec un équipage réduit, trop peu de canonniers et pas de combattants. Rackham le savait et avait en fait tendu une embuscade à Hadoque : après avoir coulé le galion espagnol, il visait plus haut et voulait un navire plus puissant...
Qu'en pensent mes lecteurs ?
(et enfin, pourquoi Hadoque, pourtant français, écrit-il XX° de longitude W ?)


Le trésor de Rackham le rouge
Là aussi un drôle d'album, mieux rythmé que le précédent. Pas de méchant, aucun bandit, juste un mystère et une exploration, une aventure marine et une chasse au trésor dans les formes. Traversée, navigation, sous-marin, scaphandre, mystère autour de la présence de Tournesol, fausses pistes, Dupondt pompistes, Tournesol toujours plus à l'Ouest, requins. L'histoire a beaucoup de charme et le mystère est bien mené, et dévoilé. Un vrai plaisir, tout est bien qui finit bien.

Et vous, avez-vous relu récemment des BDs d'enfance ?


29 août 2012

Le Haut-Lieu et autres espace inhabitables

J'ai abordé ce livre avec un a-priori positif : excellent titre, superbe couverture de Daylon (en lunes d'encre), réputation flatteuse de l'auteur. Le Haut-Lieu est un recueil de nouvelles entre le fantastique et la science-fiction, allant de Jules Verne à Borges en passant par Métropolis. J'ai commencé pourtant par être un peu déçu.
Le Haut-Lieu est aussi le titre du premier texte, une novella très agréable à lire basée sur idée angoissante, la visite d'un grand appartement de l'île Saint-Louis dont les pièces une à une disparaissent. Joli vertige sur la création, mise en abyme des jeux de la mémoire et de l'illusion, les idées sont très séduisantes, ce qui m'a fait regretter des personnages en 2D et une explication psychologisante un peu légère.
J'ai apprécié le gouffre aux chimères, basé sur une très belle idée dont je ne suis pas sûr d'avoir saisi toutes les références. De même pour Superscience, texte qui semble lié à un univers qui m'a échappé mais on je crois déceler le même genre d'influences que dans la Brigade chimérique. Le chasse aux ombres molles est une pochade dispensable. Origami est le premier texte qui m'a pleinement séduit, jouant avec humour sur la modification de la réalité induite par son observation
 Quant à la régulation de Richard Mars... Cette dernière novella est un texte époustouflant, mêlant bribes de chroniques intimes, transformation en Dieu, en rat, histoire cosmique de l'univers, croissance et destructions des civilisations... Un vertige de bout en bout, toujours parfaitement maîtrisé. La grande classe.

09 août 2012

Hunger games - Suzanne Collins

Quelque part aux Etats-Unis, après la catastrophe climatico/économique... Le pays est divisé en douze districts, tous spécialisés, dominés par le Capitole, une sorte d'Eden techno-dictatorial, qui rafle chaque année un adolescent de chaque sexe dans chaque districts pour les faire s'affronter à mort dans une arène naturelle, dans une sorte de croisement entre télé-réalité et spectacles du Colisée.
Katniss est une jeune fille pauvre qui subvient au besoin de sa famille en chassant à l'arc dans les terres sauvages. Avec le fils du boulanger du district (son amoureux transi et secret), elle est choisie pour les "jeux de la faim". Malgré son esprit rebelle, elle est alors prise dans l'engrenage ludo-médiatique et participe au grand combat sous l'oeil avide des caméras...
La première partie du roman évoque la vie dans le district 12, sorte d'enfer minier à la Dickens. Crasse, faim, pauvreté et nobles personnes qui s'en sortent. Dans la seconde partie, Katniss est relookée par un grand couturier et apprend à parler face à une caméra. Elle sympathise avec son designer personnel, apprend à connaître son rugueux mentor, noue une romance "je-fais-semblant-de-t'aimer-pour-les-caméras, mais en fait je tombe un peu amoureuse de toi" avec son camarade de district. Le public l'apprécie et ses juges lui donnent la meilleure note. 
La troisième partie est une énorme scène d'action, bien menée et palpitante, dans un esprit "il ne peut en rester qu'un". Les amis de Katniss sont heureusement éliminés par d'autres concurrents, lui évitant trop de tourments moraux...

Malgré le cadre dystopique, Hunger games relève plutôt d'une sorte de conte. Jeune fille pauvre, mentor bienveillant, transformation en princesse, chasse cruelle dans la forêt... Le plus intéressant est bien sûr l'idée de base, qui rappelle un peu la légende les jeunes gens athéniens envoyés en Crête nourrir le minotaure. Cette cruauté, même si elle n'est pas assumée (bien que participante, Katniss reste pure toute du long), est le principal attrait du livre. Pour le reste l'écriture est indigente et simpliste, l'univers n'a pas vraiment de cohérence (autre que celle du conte), les clichés sont partout : adolescente mal dans sa peau qui se découvre jolie, robes de princesse, romance de lycée. Seule originalité : l'attention portée à la nourriture (c.f. le titre). Il est amusant (et cynique) que le livre place en vérité le lecteur dans la position du public des Hunger games, présentés comme une horrible institution...

Ce cynisme est d'ailleurs le point qui m'ennuie le plus dans ce livre. J'aurais peut-être pardonné à un auteur débutant ce festival de clichés et cette écriture bête à pleurer (et encore...). Suzanne Collins est une scénariste et une romancière confirmée, je dois donc en déduire que c'est exprès qu'elle prend ses lecteurs pour des imbéciles. C'est bien triste. Bienvenue chez le Guillaume Musso du post-apo.


06 août 2012

Roland Wagner

Je me retrouve à écrire quelque chose de curieusement similaire à ce qu'écrit Fabrice Colin. Je suis triste, pardonnez ma maladresse.

En 1997, j'étais étudiant, je venais de publier mon premier roman chez Mnémos. 
Dans Casus Belli, un type nommé Roland Wagner donnait des conseils de lecture de SF, les seuls dont je disposais alors. Grâce à eux, j'ai lu quelques auteurs pas trop mauvais : Roger Zelazny, George Alec Effinger, Walter Jon Williams, John Brunner, Jean-Claude Dunyach, Robert Silverberg (j'en oublie sûrement)... Il avait l'air de savoir de quoi il parlait, il m'a aidé à me faire une culture. Parmi ceux que j'oublie, le fabuleux Temps du twist, de Joel Houssin, qui m'a convaincu qu'on pouvait lire (et écrire) de la science-fiction de langue française, et que ça pouvait même avoir de la gueule.
En 98, je découvre plusieurs choses : Roland Wagner est un auteur (ah oui ?), et il a cité mon livre dans sa rubrique de Casus, ma toute première critique !
On s'est rencontrés dans la vraie vie à la fin de l'année, lors du festival Visions du futur organisé près de la mairie du XVIIIème. J'ai découvert un homme sensible, pudique, gentil, doté d'une immense culture des littératures populaires. Il présidait alors le jury du prix Julia Verlanger, que j'ai reçu cette année là. Ca aide à prendre confiance en soi.
Ces années ont été très importantes pour moi. Beaucoup de choix, de décisions, même si tous les enjeux n'étaient pas visibles. Etre soutenu, alors, par des personnes d'une telle qualité, ça a une immense valeur.
Merci Roland.

05 août 2012

Les Chronolithes - Robert Charles Wilson

Voici quelques trucs pour reconnaître un roman de Robert Charles Wilson, si vous en croisez un dont on aurait arraché la couverture :
C'est très facile à lire : style clair, sans effets, un peu lisse, techniques de narrations efficaces sans être épileptiques. Le héros est un type moyen, sympa, un peu mou, genre classe moyenne américaine, père divorcé, problèmes familiaux. Et surtout, c'est là le truc crucial, le pitch est ENORME. Dans les  Chronolithes, un conquérant du futur, Kuin, envoie tous les quelques mois des obélisques de verre dans le passé pour annoncer ses victoires militaires qui auront lieu vingt ans plus tard, déprimant d'avance ses futurs ennemis et créant, en quelque sorte, une prophétie autoréalisatrice...
Sans être aussi fou et inventif que Spin, les Chronolithes est une grande réussite : cohérence du récit, des personnages, de l'intrigue. Suspense insoutenable qui donne envie de tourner les pages, sans abus de techniques de thriller. De plus le roman est assez court (300 pages), et on saura combien j'aime les auteurs qui arrivent à tout dire en peu de mots...
Mais la force de ce roman repose sur autre chose : d'abord, sur une amusante mise en abyme du rôle de l'écrivain qui construit son intrigue à l'envers et qui parcourt à sa façon les chaînes de causalité. Et surtout sur un sentiment assez fort chez moi, l'angoisse de l'avenir, l'impression de l'inéluctabilité de la catastrophe. Le livre vaut autant par son astucieux argument que par la peinture impressionniste et crédible de notre futur, cohérente d'un roman à l'autre de l'auteur.
En bref, une science-fiction très intelligente, facile à lire, par un auteur pas dépourvu d'ambition littéraire. Voilà qui me donne très envie de me tourner vers Blind lake...

03 août 2012

Le prophète et le Vizir - Yves et Ada Rémy

Très curieux et joli livre publié par les éditions Dystopia. Tout comme le remarquable recueil de Lisa Tuttle, celui-ci est un travail de passionnés qui auront voulu rendre disponible, sous une forme élégante, un nouveau texte d'Yves et Ada Rémy. J'ai déjà parlé sur ce blog de la forte impression que m'avaient faite leurs soldats de la mer, recueil-collage remarquable sur thème d'aventures et de contes militaires du XIXème siècle.
Ici, dans un esprit voisin, on a droit à deux récits mettant en scène des personnages historiques du monde arabe médiéval. Le premier récit commence comme un conte, avec tous les accessoires des mille et une nuits, ornements, arabesques, noms chantournés et rebondissements étranges. On y fera connaissance avec un ancien pécheur de perles doté par un procédé plutôt original du don de prescience, qui, faisant le tour de la méditerranée, aura des visions curieuses du futur de son univers. Le récit est très joliment écrit, traversant plusieurs genres comme si sa genèse avait eu plusieurs périodes : on passe du conte merveilleux au récit de voyage puis on glisse vers une sorte de fantastique moral comme une nouvelle de Dino Buzzati.
Dans le second récit, on verra une lutte acérée sur fond de désert et de soleil ardent entre un Vizir cruel et le destin qui veut lui ravir ses enfants, les deux récits étant liés par une prophétie.
On trouve dans ce petit livre un joli plaisir d'écriture, appuyé par une langue élégante et classique. Si le cadre est très différent des Soldats de la mer, les deux livres se rejoignent par un certain esprit du fantastique, qui se rapproche plus du XIXème siècle que de l'évolution contemporaine des genres.
Pour glisser sur une appréciation plus subjective et mal définie, je dirais toutefois qu'il y a dans l'écriture des Rémy quelque chose qui ne parvient pas totalement à me convaincre. Leur travail est de très bon niveau, mais ne parvient pas à me hisser jusqu'au vertige. Peut-être manque-t-il encore quelques étapes de distillation. Je ne sais pas.
Rien qui doive toutefois détourner de ce petit livre le lecteur amateur et curieux.

29 juin 2012

Treize mauvais quarts d'heure - Albert Sanchez Pinol

Du même auteur, j'avais lu la peau froide, que j'avais trouvé pas mal. J'en retirais l'impression que l'auteur avait un vrai sens de l'écriture et du rythme et un problème avec le fantastique qui, chez lui, ne pouvait servir que métaphore, sans avoir d'existence en lui-même. (Chez Lovecraft - mon héros - le fantastique/SF est aussi une métaphore. Mais pas que.)
Ces treize mauvais quarts d'heure (excellent titre, d'ailleurs) sont treize récits courts, un peu cruels. Hommes de la lune tombés dans les champs d'oliviers et forcés d'y travailler avec les paysans, zèbre poursuivi se souvenant des leçons de sa maman, armoire avalant ceux qui s'y cachent, riche romain s'inventant des ancêtres illustres, nef des fous, congrès socialiste en contact avec les martiens...
L'écriture est toujours concise, plaisante. Au mieux, on lorgne vers Marcel Aymé ou Dino Buzzati. Au pire, certains textes ne sont que des pochades, pas vraiment drôles. Le tout premier, très séduisant au premier abord (l'histoire des hommes de la Lune) m'a gonflé quand j'ai vu la métaphore transparente qu'induisant l'élément fantastique.
Bref, un recueil léger, un peu méchant, un peu sage. Il sent une bonne odeur de vieux papier, on dirait qu'il date des années 50, mais le copyright indique 2010.

28 juin 2012

Sainte dans l'incendie - à Vidy


Monologue poétique, coque-à-l'ânisant, flux verbal plein de créations et de surprises tendant de dire quelque chose de la bergère/cavalière/sacreuse de roi de Domrémy, Jeanne la bonne Lorraine. Le tout dit par une actrice impressionnante, à la voix très étrange et à la robe vraiment moche. Un très beau travail, tout en maîtrise, même si nous n'avons pas totalement adhéré, notre réserve ayant sans doute à voir avec quelque chose de la vérité de Jeanne.

27 juin 2012

Vii le roi terre - à Vidy


Suite de mes chroniques "pour mémoire"

Deux voyageurs arrivent dans une campagne étrange en Ukraine. Rituels, chants, danses, sorcières, ils vivent une expérience bizarre et le spectateur aussi. Le décor est superbe, la musique puissante, certaines scènes vraiment très fortes, créent une expérience immersive comme en proposent souvent les spectacles montés à Vidy, qu'ils soient réussis (Orphée) ou ratés (Le soldat). Dommage que les personnages soient aussi faiblement écrits, les dialogues en ukrainiens non sous-titré aussi longs et aussi pénibles. Vos serviteurs se sont tellement ennuyés qu'ils sont plutôt allés boire un verre au bord du lac que de voir le deuxième acte.
C'est ça le risque, avec un théâtre si joliment installé...


26 juin 2012

Séance - à Vidy


Un petit programme de rattrapage pour chroniquer nos dernières sorties à Vidy (même si celles-ci commencent à dater)


Séance est une pièce de Michel Viala, auteur G'nevois.
Schmitt est venu à la réunion de sa société de contemporains (sociétés de gens nés la même année, ayant partagé la même scolarité obligatoire dans les mêmes écoles, une institution typiquement suisse), dans l'arrière salle du café, comme chaque année. Mais cette année, il est tout seul, car les autres sont tous morts...
Humour grinçant, plutôt tendre, très helvétique (dur à comprendre à mon avis pour qui ne vit pas en Suisse depuis un moment), un bel acteur et des situations amusantes. Du théâtre sans grandes ambitions, mais touchant et réussi. Et Maurice Aufair est un très bel acteur, qui a dans cette pièce l'âge du rôle...

25 juin 2012

La corde, Alfred Hitchcock

Le pendu et Cecci ont (re)vu la corde, de ce bon vieux Hitch.


Deux jeunes yuppies étranglent un de leurs copains et le planquent dans le coffre avant de recevoir leurs autres amis pour une soirée, exposant pour amuser la galerie quelques théories philosophiques bancales sur la légitimité du meurtre, à condition qu'il soit commis par des êtres supérieurs.
Acteurs impeccable, réalisation relevant de la frime totale (des plans géniaux, avec un nombre très réduit de raccords), dialogues exceptionnels... Oui, c'est un peu du théâtre filmé. Mais c'est totalement brillant et stressant. Un grand moment.



Et en plus, c'est avec James Stewart (un des acteurs les plus classe du monde)

22 juin 2012

Printemps tardif - Ozu

Le pendu et Cecci, continuant leur cycle de cinéma japonais, ont regardé Printemps tardif, de Yasujiro Ozu.


Dans ce film, la fille d'un universitaire, plutôt gaie et dégourdie, préfère rester à s'occuper de son père que se marier. Elle se fait draguer par l'assistant du professeur, soutenir par ses copines et pousser par la famille à convoler.


Action lente, détails de la vie quotidienne, attention aux expressions délicates de la très belle Setsuko Hara. Contemplation sereine, élégance formelle, nous avons vu tout cela mais il faut admettre qu'on s'est ennuyés. Peut-être ne sommes nous pas Japonais ?

21 juin 2012

De sang froid - Truman Capote

Kansas, novembre 1959. Dans une petite ville tranquille de la Bible Belt, Herb Clutter, un fermier entreprenant, aimé de tous, est massacré avec son épouse, sa femme, sa fille, son fils, dans sa propre maison, par des inconnus. La population est bouleversée, la police met tous les moyens pour retrouver le ou les tueurs, d'autant que le mobile est incompréhensible (rien, ou presque, n'a été volé) et que les meurtres ont été commis de sang froid, les victimes étaient attachées quand on les a exécutées.
A partir de ce fait-divers réel et atroce, Truman Capote entreprend un étrange roman. Il met en scène la vie de la famille Clutter durant ses derniers jours, il décrit Garden City et sa population, il raconte la trajectoire des tueurs (qui seront arrêtés quelques mois après). J'avais au début l'impression de lire un de ces bouquins qui fleurissent maintenant pour chaque fait-divers détonnant, une plongée voyeuriste dans le monstrueux, dans l'atroce. Attention aux petits détails, enquête-vérité, émotion facile.

Puis je me suis posé une question. Truman Capote était journaliste, mais aussi écrivain (et pas des plus mauvais...). Donc menteur, manipulateur, metteur en scène. Un premier mensonge, énorme : dans tout ce récit, si fascinant soit-il, quelqu'un manque. On a gommé un personnage de premier plan : l'auteur lui-même, avec ses questions, son décalage de New-Yorkais plongé dans le Kansas rural, avec sa manière de parler différente, sa compréhension forcément imparfaite... Quel crédit alors accorder à ce récit, qui est devenu pourtant ce que les gens retiendront de l'affaire Clutter ?
De sang froid est un roman, pas un reportage. Une oeuvre construite, fabriquée, écrite, cherchant la vérité, notamment la vérité des hommes. Un récit très fort, de bons personnages, fascinants, des situations étranges, des coïncidences bizarres. Un aperçu de la vie américaine en 1960 de l'âge d'or et de son envers, les paumés sur les routes, les motels miteux de Vegas, les virées au Mexique, les déviances sexuelles... Le tout très bien écrit. Pas un reportage, un très bon roman.


16 juin 2012

Le narcisse noir

Sur l'impulsion de M. Alex A. et du Dr. Orlof, grâces leurs soient rendues, le pendu et Cecci ont regardé un film de Michael Powell, datant de 1947, intitulé le Narcisse noir.


Indes britanniques, du temps des colonies. Un groupe de nonnes s'établit dans un ancien palais, dans une haute vallée, pour y apporter les bienfaits de la civilisation aux sauvages : médecine, foi, instruction. Les choses vont tourner bizarrement : le général indigène, son fils fat et couvert de pierres précieuses, le résident britannique local blasé, la vieille folle, les femmes et les enfants du crus, tous ont leur propre idée sur la manière de tirer profit de la présence des soeurs. La petite communauté, dirigée par une soeur inexpérimentée et nantie d'une malade au regard étrange va souffrir de nombreuses crises...



C'est du hollywoodien de l'âge d'or solide et classique (et en fait réalisé en Angleterre - on prendra donc le terme hollywoodien comme une appréciation stylistique). Beau technicolor, belle réalisation en studio, acteurs doués, très belles femmes (malgré les cornettes), scénario bien écrit, sans happy end obligatoire. En fait, c'est bien.







15 juin 2012

Le trésor de la Sierra Madre - les Artpenteurs

Les Artpenteurs pratiquent un théâtre populaire, inventif, exigeant, drôle, surprenant. Leur dernier pari était un peu dingue : faire entrer sous leur chapiteau intimiste le roman de B Traven, adapté au cinéma par John Huston. Du western, des chercheurs d'or, des attaques de bandits la nuit, une bagarre de saloon, la fièvre et la folie de l'or, sous le regard distant des Indiens.
Tout ça tient, sans dérision, avec l'humour et la tragédie, grâce à une rafale d'idées de mise en scène, de narration, de clefs d'imagination déclenchées par de tous petits objets, des sons, un pas de danse, une chanson.
On en ressort plein d'étoiles. Allez-y ! Ils jouent encore demain et après demain, gratuitement, à Lausanne. Le programme et tout le reste, ici : http://www.lesartpenteurs.ch/site/




13 juin 2012

Le Mahabharata de Peter Brook

Le pendu et Cecci ont vu le Mahabharata, film de 3 heures adapté de la série télé de 6 heures adaptée de la pièce de théâtre de 9 heures adaptée des 250 000 vers de cette classique épopée indienne.



Dans ce spectacle étrange, on trouvera peu de décors, de nombreux (et très bons acteurs, globalement pas du tout indiens), des personnages aux noms pires que dans une saga de fantasy en 28 tomes (on me souffle qu'ils seraient indiens. Admettons) et des histoires et des situations excellentes. La mise en scène, théâtrale, a de très bons moments, notamment les rites magiques, la scène du jeu, la mort de Bishma sur son lit de flèches... C'est très intense, très épique, les femmes sont très belles et le passage d'entretien entre Krishna et Arjuna est un moment de suspension extraordinaire (là aussi, on me dit qu'un petit traité spirituel de bonne tenue en aurait été tiré). Accessoirement, la musique est très bien.


Bref, un excellent film, dans un registre très singulier.

12 juin 2012

Drive - Nicolas Winding Refn

Le pendu et Cecci avaient vu Valhalla Rising, le film bizarro-hype de ces dix dernières années (ou bien des suivantes?), aux dialogues presque vides et aux images plananes. Ils s'étaient dits qu'il fallait boire avant, et pas qu'un peu, pour en profiter pleinement.



Du même réalisateur, voici Drive.
Le héros parle à peine plus que celui de VR. Il est blond, beau, creux. Il conduit, très bien.
La scène d'exposition est totalement bluffante : L.A, la nuit, un casse, une poursuite tranquille en voiture. Ensuite, l'histoire est plutôt mal menée, un peu sentimentale, un peu noire. La réalisation, quant à elle, est brillante, plastique, visuelle, hyper esthétisante. Le héros sans nom, pure façade, devient une étrange créature du cinéma. Mais Cecci a dit qu'elle n'en avait pas grand-chose à faire des histoires de voitures.
Le Dr Orlof parle de ce film bien mieux que moi.




08 mai 2012

Aniki, mon frère - Takeshi Kitano

Encore du cinéma japonais, contemporain maintenant.
Aniki est un yakuza à l'ancienne, un tueur. Forcé de fuir le Japon pour échapper aux tueurs à ses trousses, il se retrouve à Los Angeles où vit son frère Ken, petit dealer minable. Là, pour aider Ken, il va lancer plus ou moins malgré lui une guerre de gangs.



Ca pourrait être le scénario d'un truc minable avec Chuck Norris. Mais il y a la présence de Kitano, ses drôles de regards et ses silences. Le choc culturel Japon/USA, présenté du point de vue japonais. Des tueries atroce sur une musique délicate de Joe Hisashi (l'équivalent dans le film des pétales de fleurs de cerisier, peu présents à Los Angeles ?). Une success story foireuse, des voitures qui explosent, des têtes coupées. Et, au milieu de tout le sang versé, une certaine idée de la fraternité. Nous en avons retiré une impression très douce.


07 mai 2012

Chien enragé – Akira kurosawa

Retour à la maison et suite de notre cycle cinéma japonais pour les nuls.


De Kurosawa on avait vu le superbe Barberousse. Chien enragé a été tourné quinze ans auparavant, avec le même Mifune.
Murakami est un jeune inspecteur de police. Il se fait pick-pocketer son pistolet, dans le bus... De peur de se faire virer, il va partir à la recherche du voleur, dans une quête absurde, au coeur de l'été, ce qui lui donnera l'occasion de parcourir toute la société japonaise. Chômeurs, bars louches, quartiers bourgeois, arrières-cours de dancings, maisons de thé, matches de baseball... 




On est loin de la perfection formelle de Barberousse, mais ça n'empêche pas le film d'être excellent. Portrait du japon de 1949, personnages excellents, attention aux détails, aux petites gens, suspense, poursuites à pied et en bus, interrogations sur la ligne fine qui sépare le policier du chien du titre... Montée de tension comme on attend l'orage qui a chaque instant menace d'exploser. Mise en scène énergique et rythmée, toujours intelligente. Bref, un film excellent.




La malchance forme ou écrase, cela dépend

05 mai 2012

Elena, de Andrei Zviaguintsev

Le pendu et Cecci ont fait mentir les statistiques et sont retournés au cinéma.
Il y a quelques années, on avait vu le retour. Film très dur, très russe, d'une incroyable beauté plastique. Le réalisateur a récidivé avec Elena.


Elena, c'est un ange, une figure de la vierge Marie. Une babouchka avec un foulard autour de la tête, travailleuse et courageuse.
Elle a épousé sur le tard un type dur plein de pognon. Avec sa petite retraite d'infirmière, elle vient en aide à son fils, un prolo branleur qui vit dans une de ces cités affreuses de la lointaine lointaine banlieue de Moscou, près de la centrale nucléaire. Le fils a une femme un peu sérieuse, et deux enfants dont le grand doit entrer à l'université, sous peine de partir à l'armée. Mais pour l'université, il faut un gros paquet de fric que le type dur que Elena a épousé sur le tard refuse de donner, parce que ce crétin n'est pas son fils.
Là, ce sont les rails posés au début du film. Puis l'histoire va en sortir... Sans éclats, sans grands effets, sans sang versé (à peine). Tout ira bien, pour la plupart des personnages mais pas pour le spectateur qui assistera à la rupture horrible et douloureuse d'un beau paquet de barrières morales. J'en suis ressorti glacé.