Ce dimanche, visite de l'exposition au musée d'Orsay sur l'Art russe dans la seconde moitié du XIXème siècle.
Nous avions déjà vu pas mal de peintures russes (prononcer le mot avec toute la fierté nationale possible) au musée russe de Saint Petersbourg. Grâce à l'expo du musée d'Orsay, nous avons pu y comprendre un peu quelque chose. Et c'est très beau.
Il n'y avait pas trop de monde, pas mal de russes (ô surprise!) et quelques citations écrites en VO qui nous ont permis de juger que nous faisions des progrès dans la compréhension de la langue de Tolstoï.
L'expo présente beaucoup de peintures en grand format, très bien éclairées, très frappantes. Des paysages, des scènes légendaires ou de contes de fée, des scènes de la vie quotidienne, peintes par des peintre engagés. J'ai moins aimé la partie arts décoratifs, un peu kitsch, mais pas très importante en taille. Une très belle salle est consacrée à Vroubel, peintre très marqué par le moyen-âge et très moderne à la fois. On voit aussi de nombreuses photos, artistiques ou bien de reportages, ces dernières étant les plus intéressantes (par exemple, les photos rapportées par Tchékov des bagnards de Sakhaline, dans la troisième salle).
L'ensemble des oeuvres exposées paraît baignée dans une lumière très blanche, très pâle, qui fait rêver d'une infinie pureté. Le "retour aux sources" des artistes fait surgir un monde très rustique, froid, dur, où les maisons sont en bois, les meubles sculptés. Dieux étranges au visage rond, femmes-oiseaux, impératices-cygne... Un monde très barbare, en plein XIXème siècle.
Voici quelques tableaux qui m'ont marqué.
Le preux à la croisée des chemins, de Victor Vasnetov. Nous l'avions déjà vu à Saint Petersbourg, ça a été un grand plaisir de le revoir. J'y vois tout un monde, pendant russe de celui des légendes celtiques et arthuriennes. Steppes et marécages pour tout horizon. La stèle dit: celui qui va tout droit, aura faim et froid. Qui prend à droite perdra son cheval. Qui prend à gauche mourra, mais son cheval vivra. Vous allez où?
Au-dessus du repos éternel, de Isaac Levitan. Ce que je disais sur la lumière. L'image ici ne rend rien, naturellement, mais il est superbe.
Le Christ au désert, de Ivan Kramskoï. Le Chist ici est russe, clairement. Regardez ses yeux. Et ce paysage froid, autour de lui... C'est un russe qui médite sur sa condition d'homme et sur le malheur du monde.
L'apothéose de la guerre, de ?? (perdu la référence). Le peinte a voyagé au Turkmenistan, pendant les campagnes que les russes y menaient. Il évoque le souvenir de Tamerlan.
Ils ne l'attendaient pas, d'Ilya Repine. Le retour du déporté politique. Les visages sont fous. Repine gardait cette peinture chez lui et ne l'exposait pas. On le comprend.
Le démon assis, de Vroubel. Reprend un thème qui obsédait le peintre, issu d'un poème de Lermontov. Ce démon n'est pas le diable, il se rapproche de l'esprit tourmenté de l'artiste.
Un sombre Esprit, un exilé
Sur notre terre pécheresse
Planait, quand l'essaim désolé
Des souvenirs soudain se presse
Devant le voyageur ailé.
Il revoit les jours d'allégresse
Où, Chérubin resplendissant,
La comète ardente, en passant,
De sa crinière lumineuse
L'effleurait en le caressant ;
Les temps où, dans la nuit brumeuse
De l'éternelle immensité,
Du désir de savoir hanté,
Avide, il suivait à la trace
Les caravanes de l'espace...
M.Lermontov " Le Démon" (1829)
Je ne fais que citer certaines des pièces qui m'ont le plus marqué. L'exposition montre de nombreux autres tableaux frappants ou intéressants !
Ici, le commentaire (bien fait) de l'expo sur le site du Musée d'Orsay.
21 novembre 2005
15 novembre 2005
King Kong
Après avoir vu sur Internet la bande annonce du film de Peter Jackson, dont l'atmosphère "pulps" m'a séduit, j'ai regardé en DVD le film original, de 1933.
C'est un chef d'oeuvre !
Un pur bonheur d'aventures "Pulps" : une carte au trésor, un mystérieux cargo, un producteur de cinéma sans scrupules, des indigènes sauvages, un marin viril, un cuisinier chinois, des dinosaures... Et la belle ! (Fay Wray) Et la bête ! (Kong)
Concernant l'histoire, que ceux qui pensent la connaître se ravisent. King Kong n'est pas un film de monstres kitsch mais c'est un film d'aventures, d'exotisme, et une belle histoire d'amour tragique. Le scénario, avec son film dans le fillm, en fait une vraie histoire de cinéma.
Les effets spéciaux sont essentiellements faits avec des marionettes, animées en image par image, qui donnent des images parfois un peu sombres, parfois un peu saccadées... mais très poétiques. Les monstres en général, et Kong en particulier ont été conçus, puis animés avec un véritable amour. La gestuelle de Kong est pleine de ces petits détails touchants qui font les grands animateurs. Alors oui, les effets spéciaux sont datés, mais ils ne sont pas "cheap".
Parmi les acteurs, j'ai adoré le personnage cynique et enthousiaste du producteur/réalisateur (Carl Denham, joué par Robert Armstrong) et bien sûr Fay Wray est magnifique : évaporée, sensuelle, fragile, troublante. Elle dégage un charme érotique auquel personne (dans le film, bien sûr) ne reste indifférent.
La King Kong Homepage contient, dans la FAQ ou ailleurs, de nombreuses informations fascinantes.
Saviez-vous, par exemple, que la RKO avait commencé à produire un film d'aventures nommé "Creation", où des sous-mariniers affrontaient des dinosaures sur une île sauvage ? Le projet, trop onéreux, a été abandonné et King Kong a été tourné en réutilisant les maquettes et éléments qui avaient déjà été construits.
La scène où Kong jette les marins dans le gouffre en agitant le tronc, suivie de celle du combat contre le T-Rex, ont été tournées pour convaincre les dirigeants de la RKO de faire le film. Ils ont été séduits.
Le film est ressorti sur les écrans plusieurs fois après 1933, souvent assombri (pour paraître moins gore) et censuré. Kong ne piétine plus les marins, il ne jette plus dans le vide la pauvre femme arrachée à son sommeil dans l'hôtel, il n'effeuille plus Fay Wray... La version du 60ème anniversaire (dispo en DVD) a heureusement restauré ces scènes, qui, pour moi, montrent que le cinéma des années 30 n'avait rien à envier au cinéma plus contemporain pour ce qui est de la violence et de l'érotisme.
La plus belle histoire liée à Kong (à mon humble avis) est celle du destin du "Great Wall", le grand mur barrant l'île sur lequel s'agitent les indigènes. Il avait bien sûr été bâti pour le tournage (comment, en quels matériaux?, je l'ignore...) et donc a souvent été réutilisé pour d'autres films, après avoir été un peu aménagé, bien sûr.
Il a connu une fin violente en 1938, après avoir été transformé en "mur" de maisons sudistes : Victor Fleming l'a fait brûler (avec d'autres) pour reconsituer le grand incendie d'Atlanta dans "Autant en emporte le vent". Un mythe en rejoint un autre...
02 novembre 2005
Longtemps, j'ai cherché la pierre noire...
Longtemps, j'ai cherché la pierre noire qui purifie l'âme de la mort. Quand je dis longtemps, je pense à un puits sans fond, à un tunnel creusé avec mes doigts, avec mes dents, dans l'espoir têtu d'apercevoir, ne serait-ce qu'une minute, une longue et éternelle minute, un rayon de lumière, une étincelle qui s'imprimerait au fond de mon oeil, que mes entrailles garderaient, protégeraient comme un secret. Elle serait là, habiterait ma poitrine et nourrirait l'infini de mes nuits, là, dans cette tombe, au fond de la terre humide, sentant l'homme vidé de son humanité à coups de pelle, lui arrachant la peau, lui retirant le regard, la voix, la raison.
Je serai bref parce que je ne me sens pas capable de parler de ce livre. Le Maroc, un coup d'état manqué, des prisonniers. Une immense souffrance, des hommes avilis, les oiseaux comme seuls visiteurs, et sinon, les scorpions, la mort. La force des mots, la joie des histoires qui font vivre, une quête folle de la lumière tout au coeur des ténèbres, dans une nuit qui ne cesse jamais.
Le livre s'appelle Cette aveuglante absence de lumière.
Tahar Ben Jelloun l'a écrit.
Je serai bref parce que je ne me sens pas capable de parler de ce livre. Le Maroc, un coup d'état manqué, des prisonniers. Une immense souffrance, des hommes avilis, les oiseaux comme seuls visiteurs, et sinon, les scorpions, la mort. La force des mots, la joie des histoires qui font vivre, une quête folle de la lumière tout au coeur des ténèbres, dans une nuit qui ne cesse jamais.
Le livre s'appelle Cette aveuglante absence de lumière.
Tahar Ben Jelloun l'a écrit.
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