Reparlons un peu de Maurice Pons. Je viens de lire le passager de la nuit, court roman (cent pages) à la destinée singulière. Très concerné par la guerre d'Algérie, Maurice Pons a été un des signataires du manifeste des 121. Mais voulant marquer son engagement contre la guerre dans ces travaux d'écriture, il a écrit ce passager de la nuit, en l'"honneur" des porteurs de valises, ces hommes et ces femmes transportant des fonds pour le compte du FLN.
Je savais que ce roman avait été lu alors dans les milieux progressiste, dans les prisons, et même à Moscou, où les soviétiques ont eu l'idée de l'adapter en film (Maurice Pons raconte d'ailleurs dans la préface quelques anecdotes savoureuses à ce sujet...). Le petit format du texte permettait sans doute de le passer facilement en douce...
Passons maintenant du côté de la littérature...
Le Passager... raconte un voyage en voiture, de Paris vers la Suisse, à la fin des années 50. Un jeune homme, de l'âge de l'auteur, embarque un inconnu dans son voyage, pour rendre service à une amie. L'inconnu est élégant, silencieux, et porte un mystérieux sac... Comment ils vont faire connaissance et comment ils vont vivre ensemble cette traversée de la France, c'est ce que nous apprendrons.
Peu de militantisme lourd dans ces pages, peu d'idéologie. Juste deux hommes. Et une voiture. On sent bien que Maurice Pons voulait écrire en l'honneur de certaines personnes, mais sans en faire des saints. L'Algérie est en toile de fond, le narrateur ne juge rien, il est à la fois naïf et ignorant, il ressent ce malaise que beaucoup devaient ressentir alors face aux "évènements"... Et, à vrai dire, la beauté de ce roman n'est pas là, pas dans son sujet prétendu.
Le Passager est un roman sur la voiture, les routes de France et le plaisir de rouler très vite, la nuit, sans la peur des radars ! Même moi qui ne suis pas conducteur, j'ai été charmé par ces phrases qui évoquent si bien la route, le carburateur, le plaisir sensuel de glisser dans la nuit. Là, les pages sont magnifiques, poétiques, et on se laisse emporter par le plaisir de traverser la France endormie, en compagnie d'un inconnu.
10 avril 2007
Trois pépins du fruit des morts - Mélanie Fazi
Ce roman ayant été abondamment commenté sur le net (voir par exemple : ici) je n'entreprendrai pas d'en résumer la trame. Je l'ai lu avec une vraie curiosité, ayant en tête le souvenir des délicates nouvelles de la même auteure dont j'ai parlé dans un billet plus ancien.
On retrouve dans trois pépins... la même écriture délicate, la même attention soutenue aux évolutions du corps, de l'enfance à l'adolescence, de l'adolescence à l'enfantement. Mélanie Fazi insère avec beaucoup de talent ses obsessions mythologiques dans une chronique de l'enfance et des premiers temps de l'adolescence. Toute la crédibilité de ce roman tient dans son écriture, très vraie, très proche des personnages, souvent touchante. Comme dans les nouvelles de Serpentine, on trouve assez peu d'action dans cette histoire, plutôt une situation, qui glisse et évolue. Les personnages pensent, sentent, rêvent, parlent et agissent assez peu, se laissant porter par les évènements. Au lecteur de se laisser porter aussi...
Au chapitre des petits défauts, j'ai trouvé certains détours du récit dans les petits détails de l'enfance un peu superflus, la narration aurait pu être plus condensée et plus forte, la montée de l'angoisse en aurait été plus prenante. Et l'absence de réaction de Maria (mais que fait la police?), le cercle très restreint de ses relations, m'a donné l'impression d'une femme vivant dans une sorte de rêve ouaté, à l'image de sa serre...
On retrouve dans trois pépins... la même écriture délicate, la même attention soutenue aux évolutions du corps, de l'enfance à l'adolescence, de l'adolescence à l'enfantement. Mélanie Fazi insère avec beaucoup de talent ses obsessions mythologiques dans une chronique de l'enfance et des premiers temps de l'adolescence. Toute la crédibilité de ce roman tient dans son écriture, très vraie, très proche des personnages, souvent touchante. Comme dans les nouvelles de Serpentine, on trouve assez peu d'action dans cette histoire, plutôt une situation, qui glisse et évolue. Les personnages pensent, sentent, rêvent, parlent et agissent assez peu, se laissant porter par les évènements. Au lecteur de se laisser porter aussi...
Au chapitre des petits défauts, j'ai trouvé certains détours du récit dans les petits détails de l'enfance un peu superflus, la narration aurait pu être plus condensée et plus forte, la montée de l'angoisse en aurait été plus prenante. Et l'absence de réaction de Maria (mais que fait la police?), le cercle très restreint de ses relations, m'a donné l'impression d'une femme vivant dans une sorte de rêve ouaté, à l'image de sa serre...
03 avril 2007
Electre, à la colline
Esprit critique a aimé la mise en scène de Electre au théâtre de la colline.
Moi pas.
Non que la pièce soit sans intérêt, loin de là. Cette histoire de vengeance à la cour des Atrides, cette mère écrasante, cette fille traitée comme un chien (littéralement)... Cette famille enfermée, bouclée dans ses pensées, sans ses folies... Ca avait tout pour me plaire.
Non que les acteurs manquent de présence. Clytemnestre fait une reine saisissante, la jeune femme qui joue Electre a de la voix et de la présence... autant du moins que le lui permet la mise en scène. (Oreste est assez bof, par contre. Un mou. Mal habillé.)
Non d'ailleurs que le décor soit inintéressant, avec cette pluie de sang, ces chaises vides, la terre sous la scène, ces lumières qui créent des ombres terribles...
Mais la mise en scène arrive à gâcher toutes ces qualités. Pourquoi ce hiératisme, ces personnages qui
se disent "lâche-moi, ne me touche pas !", quand ils sont à vingt
mètres l'un de l'autre? Et ces poses ridicules, les bras levés comme des sémaphores de Chappe... Et surtout, cette horrible diction : les phrases coupées n'importe quand, avec des pauses
solennelles au petit bonheur la chance. Tenez, comme si on
écrivait une critique de théâtre en mettant de sauts
de ligne n'importe où.
Je veux bien que le but soit de composer des images fortes, mais que d'efforts, que de peines, pour trois images intéressantes pour 1h40 dans le noir. Le spectacle est figé, toute vie arrachée aux personnages, toute envie d'en savoir plus à leur sujet arrachée au spectateur.
Tant pis pour eux.
Moi pas.
Non que la pièce soit sans intérêt, loin de là. Cette histoire de vengeance à la cour des Atrides, cette mère écrasante, cette fille traitée comme un chien (littéralement)... Cette famille enfermée, bouclée dans ses pensées, sans ses folies... Ca avait tout pour me plaire.
Non que les acteurs manquent de présence. Clytemnestre fait une reine saisissante, la jeune femme qui joue Electre a de la voix et de la présence... autant du moins que le lui permet la mise en scène. (Oreste est assez bof, par contre. Un mou. Mal habillé.)
Non d'ailleurs que le décor soit inintéressant, avec cette pluie de sang, ces chaises vides, la terre sous la scène, ces lumières qui créent des ombres terribles...
Mais la mise en scène arrive à gâcher toutes ces qualités. Pourquoi ce hiératisme, ces personnages qui
se disent "lâche-moi, ne me touche pas !", quand ils sont à vingt
mètres l'un de l'autre? Et ces poses ridicules, les bras levés comme des sémaphores de Chappe... Et surtout, cette horrible diction : les phrases coupées n'importe quand, avec des pauses
solennelles au petit bonheur la chance. Tenez, comme si on
écrivait une critique de théâtre en mettant de sauts
de ligne n'importe où.
Je veux bien que le but soit de composer des images fortes, mais que d'efforts, que de peines, pour trois images intéressantes pour 1h40 dans le noir. Le spectacle est figé, toute vie arrachée aux personnages, toute envie d'en savoir plus à leur sujet arrachée au spectateur.
Tant pis pour eux.
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