Avoir des enfants me ramène à mon enfance. En BD, j'ai été élevé aux séries Dupuis, à Asterix, à Tintin et à Blake et Mortimer, qui ont, bon gré mal gré forgé mon regard sur la bande dessinée, définissant ce qui sera pour moi les plus classiques des bandes dessinées.
Lire Tintin à deux jeunes personnes de quatre et cinq ans m'a permis de redécouvrir ces albums que je n'avais pas ouverts depuis sans doute vingt ans. Ce sont ces impressions de re-découverte que je veux partager ici. (pour être précis, je n'ai pas commencé par Tintin mais par les Schtroumphs et Johan et Pirlouit, j'y reviendrai sans doute).
L'île noire
Commencé sans y croire pour distraire des enfants épuisés, le récit a marché du tonnerre. De fait, ce n'est qu'une longue course-poursuite, sur 60 pages, sans presque aucun moment pour souffler. Tous les moyens de transport y passent : voiture, train, ferry, avion à hélice, à réaction, barque... Les épisodes s'enchaînent à toute allure : accident, capture, contre-capture, bagarre, incendie, un vrai récit d'action au rythme effréné ponctué de situations burlesques et de gags qui, s'ils paraîtront sans doute datés à l'adulte fonctionnent parfaitement sur des petits qui éclatent de rire. J'ai compris en lisant cet album cette notion (controversée, je crois) de ligne claire. Au premier coup d'oeil, les enfants saisissent tout ce qui est important dans les cases et comprennent parfaitement l'action. Hergé est totalement lisible. Le plus amusant de l'affaire est que le scénario n'a aucune importance Tintin voit des bandits, les bandits se croient découverts, Tintin court après les bandits – sans savoir pourquoi il court – les bandits veulent tuer Tintin. Le très joli passage écossais illustré sur la couverture n'occupe que les dernières pages...
Curieux album, très déséquilibré. Vague mystère au sujet d'une maquette de bateau, histoire indolente de pick-pocket donnant l'occasion aux Dupontd de chercher mille fois leurs portefeuilles, une fusillade curieusement pas dans le ton, un retournement de situation téléphoné (la manière dont le portefeuille Loiseau est retrouvé...). On est en intérieur la plupart du temps, dans des décors nus. On téléphone, on monte et on descend des escaliers, et j'ai du mal à croire à ces riches antiquaires tuant pour un bout de parchemin dont ils ne peuvent être certains de la valeur... Restent pourtant deux morceaux de bravoure : l'enlèvement de Tintin dans les caves de Moulinsart (et les scènes d'action qui s'en suivant, même mélange de bagarre et de burlesque que dans l'île noire) et surtout le récit dans le récit racontant l'affrontement entre le Chevalier de Hadoque et Rackham le rouge, basé sur un procédé narratif brillant (On voit surtout Haddock raconter à Tintin, qui tente de l'empêcher de boire)...
Un point m'a étonné (après visite récente du musée de la marine, à Londres) : comment se fait-il que la Licorne, vaisseau de ligne puissamment armé, fuie devant le brick de Rackham le rouge ? Il aurait suffit de le tenir à distance et de le couler. Et même, lors de l'abordage, les soldats à bord de la Licorne auraient dû repousser sans problème l'abordage des pirates. Ceux-ci n'avaient pas grande motivation pour s'attaquer au vaisseau de ligne : ils sont riches du trésor, pourquoi risquer leur peau ?
Une hypothèse crédible : la licorne navigue en fait avec un équipage réduit, trop peu de canonniers et pas de combattants. Rackham le savait et avait en fait tendu une embuscade à Hadoque : après avoir coulé le galion espagnol, il visait plus haut et voulait un navire plus puissant...
Qu'en pensent mes lecteurs ?
(et enfin, pourquoi Hadoque, pourtant français, écrit-il XX° de longitude W ?)
Le trésor de Rackham le rouge
Là aussi un drôle d'album, mieux rythmé que le précédent. Pas de méchant, aucun bandit, juste un mystère et une exploration, une aventure marine et une chasse au trésor dans les formes. Traversée, navigation, sous-marin, scaphandre, mystère autour de la présence de Tournesol, fausses pistes, Dupondt pompistes, Tournesol toujours plus à l'Ouest, requins. L'histoire a beaucoup de charme et le mystère est bien mené, et dévoilé. Un vrai plaisir, tout est bien qui finit bien.
Et vous, avez-vous relu récemment des BDs d'enfance ?