Pour apprécier ce livre, il faut être un peu comme le narrateur : un étranger (un Français ?) regardant les Etats-Unis et leur mythologie avec fascination. New-York, 9-11, et surtout Los Angeles, palmiers, piscines, poussières venues du déserts, reflets dans les vitres, caméras, tueurs, illusions et troubles psychiques...
Le narrateur est un type paumé, son père est mort dans le crash du Pentagone, la vérité officielle ne lui convient pas, il voit la réalité perdre sa substance, ne croit plus en grand chose, sinon en la littérature, notamment les romans de Carolyn Gerritsen. Il finit par sympathiser avec la romancière, qui lui demande comme une faveur d'aller veiller sur son fils, là-bas, à L.A., dans la luxueuse villa Blue Jay Way. Et tout commence vraiment là-bas, dans cet espace étrange, fortuné, où se donnent fêtes et débauches en compagnie de certaines têtes les plus fameuses de Hollywood. Dans cette villa cloisonnée par des murs de verre vont naître des relations bancales avec Larry, le producteur psychopathe, Ashley sa trop belle épouse, la bande des Spartans, ou bien les domestiques, parfois aussi prétentieux que les maîtres. Alors le roman donne son meilleur, dans une lente dérive douloureuse, pleine de mensonges, traîtrises, absences, disparitions. Les gens ne sont pas ce qu'ils semblent, les cadavres sont retrouvés dans le désert, il y a peut-être des caméras dissimulées partout. Fabrice Colin a de nombreuses références, j'en ai loupé la plupart, mais pas celles au cinéma de David Lynch. On pourrait entendre dans le roman une bande son malsaine d'Angelo Badalamenti pour accompagner les nuits sans sommeil du narrateur, buvant une bière Tutankhamun au bord de la piscine.
Je suis moins convaincu par le côté thriller, la narration du tueur en alternance (cette afféterie, dit un des personnages, pas du dupe du récit lui-même), par la recherche de la vérité, la fourniture d'explications qui n'expliquent pas grand-chose. Il y a dans le livre un jeu sur la réalité et la fiction, une tentative de dire quelque chose de Los Angeles, du monde post 11 septembre, des vies scriptées comme des scénarios... Là je dois avouer que je n'ai rien compris, que j'ai eu l'impression de formules creuses me glissant entre les doigts comme des couleuvres.
Ces réserves n'altèrent en rien le plaisir hypnotique que peut procurer ce roman. J'aurais voulu que durent toujours ces instants suspendus au bord de la piscine de Blue Jay Way.
PS : roman lu en numérique, c'est dire combien j'ai accroché pour avoir pu lire dans ce format que je n'affectionne pas. Le fichier epub fourni par Sonatine est faiblard... Pas de chapitrage, par exemple.