Pour la première fois depuis des mois, nous revoici au théâtre, le Montfort, que nous découvrons avec plaisir !
Au fond de la scène, un écran, une projection (encore !) nous montre un enterrement. Puis les personnages entrent en scène, un vieil homme en fauteuil roulant poussé par une grande femme, venu déposer une rose dans une tombe figurée par un carré de lumière... Ca ne va pas être gai.
La famille Flöz est un groupe de quatre clowns allemands travaillant avec des masques. D'étranges figures, des visages à la fois caricaturaux et vrais. Les masques provoquent un sentiment de décalage troublant, d'uncanny valley, qui m'a presque effrayé pendant la première partie du spectacle. Les Flöz nous rappellent que les masques sont étranges et choquent et font peur.
D'autant que les premiers tableaux déroulent un récit pas franchement agréable : un vieil homme, abandonné dans une maison de retraite par l'amour de sa vie, se rappelle des épisodes cruels de sa vie récente (avec les autres pensionnaires, tous des hommes, de son établissement) et d'autres, tout aussi cruels, de son enfance.
Puis le récit se délite, les relations entre les personnages s'épaississent, on part dans l'étrange, l'incongru, jusqu'à un délire jouissif et libérateur. Les dernières scènes, l'ascension finale, sont des merveilles.
J'admire le talent et la technique de ces quatre Flöz. Leur travail me rappelle celui des Artpenteurs, dans leurs pièces masquées (Tartuffe, Peer Gynt, Pinocchio...), ou celui de l'extraordinaire troupe du Piccolo Teatro di Milano pour la commedia dell'arte. Ils restent avant tout des clowns, reconstituant derrière leurs masques les éléments de notre comportement humain, créant des personnages caricaturaux et parfaitement vrais.
Le plus étonnant est de voir ces acteurs incroyablement physiques jouer des impotents : vieillards, enfants, et même un bébé, les connaisseurs (en bébés) apprécieront. Ils incarnent par des petits gestes, des choses minuscules, ce qui fait notre humanité.
Du grand art.